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Quelques rares cas de surendettement

Dynamiques de la circulation des richesses

DE L’ORGANISATION SOCIALE

V. LA MULTIPLICATION DES OFFRES DE CREDIT : QUELLES REPERCUSSIONS ?

3. Quelques rares cas de surendettement

Bien que la situation dans l’État Chin ne soit en aucun cas comparable, tant s’en faut, avec d’autres pays d’Asie du Sud-Est mettant en concurrence un grand nombre d’ONG, les familles

Chin ne sont pas tout à fait exemptes du risque de surendettement que génère l’éventail de l’offre. Parmi les 88 familles de notre échantillon actuellement membres d’un VCS, 45 d’entre elles se trouvaient dans un village où le Pnud avait mis en place le projet SRG. Sur ces 45 fa- milles, 38 étaient membres du SRG et 32 avaient un crédit en cours de remboursement. Cette proportion est très forte et pourrait être considérée comme inquiétante. Les montants en jeu restent néanmoins relativement faibles comparés aux revenus familiaux. De plus, les crédits SRG sont résolument tournés vers la consommation du foyer.

Avec l’apparition de ces nouveaux schémas de crédits, le risque existe forcément de voir des familles non accoutumées aux mécanismes de crédits, ou ayant vu leurs projets échouer, confrontées à des situations difficiles et obligées de décapitaliser afin de rembourser un crédit. Mais les enquêtes menées sur le terrain nous permettent d’être formels : nous n’avons ren- contré aucune personne mise en difficulté excessive à cause du crédit devant entraîner une forme de décapitalisation. Le “Normal Loan” et ses intérêts sur un an correspondent à un peu moins du huitième du revenu médian calculé dans les familles rencontrées (55 000 MKK contre 432 500 MKK). On est ainsi loin des limites prudentielles en vigueur dans les institu- tions de crédit (le remboursement du crédit ne doit pas représenter plus du tiers du revenu habi- tuel du bénéficiaire sur la période de remboursement).

Famille avec trois emprunts simultanés

Le cas de cette femme de Hniarlawn n’est pas isolé. Elle et son mari se sont mariés en 1960 ; ils ont eu 7 enfants, dont trois sont décédés de maladie (typhus et malaria), et l’une des trois filles encore en vie est atteinte de malaria. La famille a trois empla- cements de brûlis d’une superficie d’environ 1,5 acre10s chacun et le cycle de rota- tion de l’un à l’autre est de 5 ans. Ils possèdent également depuis 1995 une parcelle de 1,4 acres de terrasses, mais elle est éloignée du village et ne bénéficie pas de source d’eau. Bon an mal an, le produit des récoltes ne satisfait pas à l’autosuffisance alimentaire de la maisonnée au-delà de six mois. Encore adolescent, le seul des trois fils encore en vie aide aux travaux des champs ; il participe avec son père à des tra- vaux saisonniers tels que la réparation des routes, le sarclage des rizières et prévoit de partir sous peu seul chercher un emploi de bûcheron au Mizoram. La fille aînée se prépare à passer l’examen final du 10e standard et la cadette en est au 4e standard. À l’instar de son mari et de son fils aîné, notre informatrice participe à différents tra- vaux domestiques habituels (cuisine, pilage etc.), prend soin des porcelets et travaille dans les champs ; l’une de ses activités est le commerce à pieds entre Hniarlawn et Hakha en compagnie de deux de ses belles-sœurs et d’amies. Le trajet est fait une fois par mois en période de récoltes, une fois par semaine le reste du temps. Le panier à bandeau frontal est chargé à l’aller de bananes, de pommes de terre, de quelques oranges et de légumes de saison ; elles reviennent de la ville avec des produits trans- formés : riz, sel et huile principalement.

Étant donné la variabilité d’une année sur l’autre des travaux saisonniers et journa- liers, il est très difficile d’évaluer en pourcentage la part respective de chaque activité dans le budget familial, de même qu’il est souvent impossible de préciser l’usage exact fait du ou des emprunts. Notre informatrice a engagé pour la 11ème fois un emprunt sous son nom, dont dix fois consécutives.

Du fait des frais médicaux engagés pour soigner sa fille, laquelle décéda malgré tout, elle eut l’an passé du retard dans le paiement des intérêts et elle remboursa le capital avec deux jours de retard. En conséquence de quoi elle fut momentanément contrainte d’interrompre l’emprunt en 2004 ; après avoir régularisé ses comptes en faisant appel à la solidarité familiale, elle put dès 2005 réintégrer le circuit IMF et re- joindre un nouveau groupe de garants.

Ce onzième emprunt est aussi le plus élevé de tous ceux qu’elle fit jusqu’alors. D’un montant de 34 000 MKK, il fut consacré, dans cet ordre d’énumération, aux achats de fournitures scolaires ainsi qu’aux frais d’inscription et à la participation des frais de voyage de son fils en partance pour le Mizoram. Elle compte acheter deux porcelets d’un montant de 20 000 MKK par tête, une fois son fils revenu. De manière générale, elle utilise le profit issu de la vente des porcs pour acheter du riz blanchi en suffisance pour six mois, payer l’école et acheter des vêtements.

Malgré les difficultés croissantes dues pour l’essentiel à des problèmes de santé qui causèrent la mort de trois des sept enfants et frappèrent le père et l’une des filles, la maîtresse de maison n’a rien perdu de son dynamisme et de l’espoir qu’elle met dans les projets liés à l’emprunt IMF. Cependant, cet emprunt de 34 000 MKK cette année n’est pas le seul. Il est complété par un emprunt d’un montant de 16 000 MKK au

Myanmar Agriculture Bank et d’un autre emprunt d’un montant de 40 000 MKK au-

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près de le Pnud/SRG pour la quatrième année consécutive. Elle est consciente d’être trop endettée étant donné les aléas de l’élevage de porcs et la variabilité de la pro- duction agricole, mais elle doit faire face à des dépenses incompressibles : 3 sacs de riz tous les deux mois (3 x 11 000 MKK), 1 bouteille d’huile d’olive tous les mois (1 000 MKK), du sel (200 MKK), le tout en se passant de viande.

Dynamiques agraires

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