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d’enseignement

1.1.1 Un projet de recherche continue portant sur l’analyse de l’intonation en didactique

Nous avons choisi d’orienter la deuxième partie du travail de la thèse sur le même objet de recherche que celui que nous avions pris pour cible en DEA. Celui-ci était centré sur le rôle de la voix en général dans l’enseignement des langues étrangères compte tenue de la voix chantée. Dans la thèse, nous avons pris uniquement comme sujet essentiel la voix parlée de l’enseignant et nous avons opté pour une analyse approfondie de son intonation en situation.

Après l’amélioration du son, uniquement un cours enregistré était convenable pour être analysé de manière à prélever des valeurs pertinentes de fréquence et d’intensité et de durée.

C’est l’enregistrement effectué en DEA., il a été donc choisi et repris pour être mieux exploité en doctorat avec une analyse détaillée et pertinente.

Ceci ne pose pas de problème car il suffit d’analyser des séquences d’un seul cours pour étudier l’effet de la prosodie sur le déroulement de l’interaction verbale en classe. Mais ceci ne permet pas de faire des comparaisons pour trouver des points communs entre les comportements vocaux des enseignants cibles, nous souhaitons élargir ce travail dans des recherches ultérieures.

Ce travail – encore peu développé en didactique des langues – intègre les connaissances phonétiques dans la recherche en didactique en demandant à l’intonation d’avoir sa place dans le processus d’enseignement/apprentissage de la langue.

A caractère individuel, la voix, comme nous l’avons déjà montré dans la partie théorique, a aussi des bases contextuelles, elle est affectée par la situation où elle se produit et par toute une histoire de comportement vocal gardé en mémoire ou dans l’inconscient.

En classe, l’écoute joue un rôle essentiel dans l’appropriation de la langue étrangère.

Sinon comment parler en langue étrangère si l’on ne connaît pas comment la prononcer et quelle tonalité adopter? L’écoute de la langue étrangère en classe de langue – si la langue est produite uniquement par l’enseignant en absence des bandes sonores, des chansons ou d’autres outils sonores – elle s’avère conditionnée par la manière dont l’enseignant la produit vocalement pour que l’apprenant la reproduise à son tour.

1.1.2 Un intérêt personnel pour la question de la vocalité

. Nos connaissances dans le domaine musical111, ainsi que notre perception (auditive) de la langue étrangère dans notre parcours académique ont joué un rôle important dans le choix de travailler sur le comportement vocal de l’enseignant en considérant la prosodie de sa parole en classe.

Nous avions nous-même subi l’expérience d’assister (en tant qu’apprenante) à des cours de français où nous étions sensibles à la monotonie de la parole d’un enseignant provoquant l’ennui, à la motivation et à la tendresse de la voix d’un autre « encourageant » la parole, et à l’horreur de la voix d’un troisième provoquant le sentiment de frayeur.

Le choix d’étudier l’intonation de l’enseignant de FLE avait donc comme origine notre expérience personnelle, à partir de laquelle nous avons fondé nos hypothèses sur ce sujet.

Notre réflexion s’est portée ensuite sur l’impact de la perception d’une voix parlée en langue étrangère en classe de langue sur l’apprentissage de la langue par comparaison avec la perception d’une voix s’exprimant en langue maternelle. Dans ce cas, nous avons réalisé que même si la voix de l’enseignant parlant en la langue maternelle des apprenants) est monotone, ou effrayante etc., l’apprenant ne va jamais détester sa langue maternelle, car elle est parlée non seulement dans l’espace de la classe mais dans son contexte plus large (la famille, la société etc.).

C’est pour cette raison que nous avons eu l’idée que l’enseignant qui ne se rend pas compte que sa voix pourra réduire la distance entre l’écouteur (l’apprenant) et la langue – alors que certains enseignants le font sans en avoir conscience – il ratera une importante étape dans l’apprentissage de la langue la préparation de l’apprenant à l’acceptation de la langue en l’amenant à se familiariser avec elle à travers sa manière motivante de parler.

111 Nous avons suivi des cours de piano et de solfège au conservatoire national du Liban.

1.2 L’observation comme méthode de recueil de « l’agir vocal professoral » en situation

L’observation112 est la méthode que nous avons choisie pour décrire les actions en situation, notamment les comportements vocaux dans les interactions verbales. Le recueil des données selon cette méthode diffère des deux autres méthodes, par le fait que les informations recueillies ne sont pas données par l’acteur (c'est-à-dire l’enseignant), mais par nous (l’observateur). C’est un « acte de communication à sens unique » (J.-M. Ketele & X. Rogiers 1996 : 27), où il s’agit d’abord d’observer les comportements des enseignants puis de les interpréter.

1.2.1 Recueillir des comportements « réels » en didactique des langues

Les informations recueillies se situent dans le présent de l’action (l’action en situation), par opposition aux deux autres méthodes (entretien, questionnaire) qui permettent le recueil des informations sur les actions antérieures dans le temps (période scolaire, période du choix du métier, le début du métier, pratiques déjà réalisées etc.).

Donc, le but ici n’est pas de chercher des représentations ou des attitudes ou des opinions, mais de décrire un comportement particulier en situation, le comportement vocal de l’enseignant, et plus particulièrement l’usage qu’un enseignant se fait de ses capacités vocales et prosodiques en classe. Nous touchons là à la « pragmatique » des comportements et non aux comportements racontés.

Cette stratégie de recueil des données « verbaux puis vocaux » vise à orienter la recherche plus vers le domaine de la didactique. Il s’agit là de passer de l’étude des pratiques didactiques reçues et/ou appliquées dans les trajectoires (les différentes positions dans les temps et les espaces en considérant les raisons d’agir et l’agir) - par le biais des discours relatés - vers l’étude des pratiques didactiques en situation puisque le comportement vocal est à notre avis un facteur jouant un rôle essentiel dans l’enseignement des langues et des langues étrangères en particulier.

Reste à signaler que l’observation, comme méthode adoptée est appliquée sur un cours donné par un enseignant (l’enseignant N), car l’objet ici n’est pas de généraliser un

112 L’observation est conçue comme un « processus incluant l’attention volontaire et l’intelligence, orienté par un objectif terminal ou organisateur et dirigé sur un objet pour en recueillir des « informations », (J.-M. Ketele & X.

Rogiers (1996 : 20). Dans la présente recherche l’objectif (en gros) est de recueillir des informations concernant le comportement vocal d’un enseignant de FLE en situation d’enseignement.

comportement particulier en situation d’enseignement, mais de considérer la place que joue un comportement vocal ou prosodique quelconque sur la suite de l’interaction verbale entre l’enseignant et ses apprenants, et sur le processus d’apprentissage d’une langue étrangère.

Ainsi, la recherche actuelle veut s’ouvrir sur des questions qui toucheront la didactique

« en profondeur » et ce en considérant « l’agir professoral » sur un autre niveau : le niveau de la prosodie de la parole, alors que les recherches effectuées jusqu’à présent dans le domaine des interactions verbales en classe considéraient ces dernières sur le niveau de « la parole » en tant que telle, tout en passant rapidement sur la question de vocalité, ou du comportement prosodique de l’enseignant dans sa parole en classe.

1.2.2 « Lire » le comportement vocal en situation

L’observation et l’enregistrement de cours de classe avaient pour objectif – comme nous l’avons souligné au départ – de décrire et de découvrir ce en quoi la prosodie de l’enseignant en classe de langue étrangère semble particulière et le rôle qu’elle peut jouer dans le processus d’enseignement/apprentissage de la langue étrangère.

« L’observation de classes – par enregistrement, filmage puis transcription - permet l’appréhension de l’interaction in situ ». 113

La deuxième orientation de la présente recherche a mis en valeur la relation étroite qui lie le comportement vocal d’un individu à la fois à son extérieur et à son intérieur, c'est-à-dire le comportement vocal change en fonction du contexte et il contribue en même temps à la construction de ce contexte. Rappelons que J.-J Gumperz (1982) a introduit le terme

« contextualisation » pour désigner la construction du contexte par les partenaires de la communication grâce à une interprétation coordonnée de la situation.

Les travaux de J.-J Gumperz développent entre autres l’idée que les participants ne se contentent pas de réagir à un contexte qui s’imposerait à eux de l’extérieur, qui existerait indépendamment et antérieurement à l’interaction, laquelle se déroulerait « dans ce cadre ».

Les participants à l’interaction construisent dans l’interaction le contexte de cette interaction à travers des « indices de contextualisation ». La tâche des interactants est d’exécuter des actions verbales et en même temps de les rendre interprétables en construisant un contexte dans lequel elles s’insèrent.

113 http://www.interactions-didactiques.org/colloque.html. Ce site se réfère au colloque intitulé Interactions didactiques et agir professoral organisé par notre groupe de recherche dirigé par F. Cicurel. Ce colloque a eu lieu le 11 juin 2008 à Paris.

L’observation de la prosodie de la parole de l’enseignant en classe permettra de voir dans quelle mesure la prosodie de l’enseignant contribue à révéler ce qu’il dit verbalement et dans quelle mesure la voix révèle les sentiments et les attitudes de l’enseignant parlant et quelles sont ses intentions de communication dans chaque tour de parole.

Si le récit de vie fait partie de la méthode adoptée pour recueillir des représentations et des attitudes dans la trajectoire des enseignants cibles, l’observation d’un cours de classe est le second type de méthode adoptée pour recueillir des indications sur le comportement vocal en situation. Nous pouvons dire qu’ici c’est la pragmatique de « l’action vocale »114 qui est le centre d’intérêt, c'est-à-dire l’usage de la voix en situation.

P. Bange (1992 : 210) définit la pragmatique à partir de la définition introduite par Morris selon qui la pragmatique est « un aspect de la théorie des signes (avec la syntaxe et la sémantique) ; dans une perspective fonctionnelle, son aspect le plus englobant qui prend en compte l’énoncé en contexte ».

Nous focalisons notre travail ici sur l’usage de la voix en situation d’enseignement et nous montrerons dans l’analyse dans quelle mesure les indices vocaux notamment ceux qui sont de nature intonative révèleront le lieu où se passe l’action verbale (la classe) et en même temps dans quelle mesure ils nous renseignent sur les positions occupées par les interactants (l’enseignant d’un côté et ses apprenants d’un autre côté), et comment les échanges sont organisés du point de vue vocal.

114 Nous reviendrons sur cette question dans le chapitre suivant; en nous demandant si la voix peut être considérée comme une action et quels sont les critères qui lui confèreront cet aspect.

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