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1. La communication en classe et la voix de l’enseignant de langue étrangère

1.2 La perception du contexte didactique et les intentions de communication

1.2.5 L’intention de faire comprendre le message cognitif

L’objectif de faire comprendre le message qui se rapporte à la langue cible (qu’il soit une information sur la syntaxe, sur le style, sur le vocabulaire, sur la grammaire etc.) est un objectif qui est officiellement reconnu. Mais parvenir à réaliser cet objectif dépend de la nature de la communication en cours, de la nature du message, sa difficulté, le niveau des apprenants, l’humeur de l’enseignant etc. Parvenir à réaliser la compréhension par contre ne peut être prouvé à l’instant même. L’usage que peut avoir chaque enseignant de sa voix en vue de réaliser cet objectif diffère d’un enseignant à un autre. Mais ce qui semble universellement connu c’est le fait d’insister sur la partie voulue de l’énoncé car on croit qu’avec l’insistance l’interlocuteur perçoit mieux le message et il le retient plus facilement.

Théoriquement parlant, l’insistance peut se faire au moyen de « l’accent ». I. Fonagy estime que l’accent est un « élément indispensable à la communication d’idées conscientes, d’un outil verbal de haute valeur » (ibid: 109). L’accent se déplace suivant les émotions éprouvées, c’est un « accent dynamique » comme l’appelle Fonagy aussi accent d’intensité, c’est une « mise en valeur, une mise en relief d’une syllabe ». (ibid. : 107). « L’accent d’insistance », selon M. Rossi (1980) est affectif ou émotionnel, intellectuel ou distinctif, donc il joue un rôle dans la hiérarchisation subjective de l’information. Lors de l’activité de l’hiérarchisation des proéminences, un choix s’opère sur l’axe syntagmatique pour mettre en relief, au moyen de l’accent, l’unité la plus importante de l’énoncé. Nous pouvons parler ainsi des fonctions hiérarchique et informationnelle de l’accentuation.

L’accentuation du français présente la tendance au déplacement d’accent. Il dépend de la place de la syllabe dans le mot, de la place du mot dans l’énoncé, mais aussi, il dépend de facteurs phonétiques (structure phonétique de la syllabe dans le mot), de facteurs syntaxiques (catégories grammaticale et fonction syntaxique du mot), mais également de facteurs informationnels (sémantiques), individuels, émotionnels et contextuels (situationnels).

Nous travaillons surtout sur les derniers facteurs qui sont dépendant pleinement de la situation de communication.

Outre que l’accent, la « palatalisation » est aussi un outil qui pourra servir l’adulte à montrer son affection envers un enfant :

L’adulte qui palatalise évoque cette période précoce du développement du langage. Il se met à la place de l’enfant, pour solliciter les mêmes soins, la même affection qu’on porte au petit, pour marquer une innocence d’enfant – c’est le cas de la palatalisation dans une conversation tendre entre adultes - ou bien - en parlant à un enfant- il s’identifie à lui d’une façon démonstrative […] pour souligner par là sa conformité, sa sympathie […] (ibid. : 79)

L’enseignant aussi palatalise parfois ses voyelles quand il parle en langue étrangère avec ses apprenants même s’ils sont des adultes, c’est peut être une manière effectuée dans l’intention consciente de leur faire « accepter » la langue en réduisant son « étrangeté » au moyen de « la palatalisation » des voyelles. Puisqu’il s’agit d’une langue étrangère, il est préférable que la perception soit réussie au niveau affectif, de sorte que les apprenants ressentent le plaisir à l’écouter. Bien que difficile, l’enseignant pourra parfois, étant conscient de l’effet de sa voix, agir sur son timbre vocalique, pour que sa parole soit plus ou moins mélodieuse en langue étrangère.

Son style vocal dépend donc (en partie) de son intention au moment où il parle en classe, à travers son style vocal. Il peut choisir parfois les arrêts, la hauteur et l’intensité avec lesquelles il prend la parole pour passer un message affectif (attirer l’attention, motiver, apprécier, ou au contraire, menacer, faire peur, gronder etc.), ou un message cognitif (mettre en relief un mot à fonction linguistique, syntaxique, sémantique, stylistique etc.), ou bien, pour bien mener sa démarche interactionnelle - telle qu’il a lui-même estimé avec ses apprenants - et plus encore afin de donner une bonne « image » de lui-même ou « projeter » le caractère et « l’ethos »qu’il souhaite communiquer à ses apprenants.

Cependant, l’étude de la voix du point de vue physiologique nous amène à poser les questions suivantes: dans quelle mesure une voix essentiellement définie comme «faible» ou

« enfantine » de l’enseignant pourrait ne pas répondre à son « intention consciente » de maîtriser le déroulement de l’interaction verbale en classe ou de «dominer la classe », ou bien, au contraire, une voix, essentiellement conçue « forte », «puissante» ou «aigre», pourrait faire obstacle à son « désir d’être aimé » ?

Dans quelle mesure « l’ethos »108 perçu à travers sa voix correspondra à un « ethos » qu’il désire réellement montrer à ses apprenants ?

Une prise de conscience de ses potentialités ou de ses lacunes vocales s’avère ainsi fondamentale pour que l’enseignant réussisse à « traduire » ses « intentions conscientes » en des actes effectifs.

Etre conscient de l’effet que sa voix facilitera peut être sa tâche d’enseigner s’il fera bon « usage » de sa voix, mais ceci n’évitera pas les apparences mêmes réduites de ses attitudes et émotions qu’il ne souhaite pas montrer ou communiquer à ses apprenants et qui peuvent apparaître à travers son style vocal en classe, de manière involontaire, apparences qui seront plus présentes en cas d’ignorance de ses potentialités et de ses lacunes vocales.

« Projeter » sa voix n’est pas nécessairement un acte préparé d’avance puisque, comme nous l’avons déjà précisé, l’individu varie l’amplitude de l’émission de sa voix par acquisition de normes vocales socialement connues. Mais dans la mesure où elle est attachée au type du métier effectué, la voix ne devra pas non plus être un acte « non réfléchi ».

Ce qui reste à connaître c’est dans quelle mesure l’enseignant est conscient de sa capacité de projection vocale selon sa position en classe, car d’une part, il se peut que le type de public d’apprenants (enfants, adolescents, adultes – ou - petit nombre/grand nombre) ne demande pas toujours le même effort physique de projection vocale, et d’autre part, sa voix peut parfois révéler des émotions et des attitudes qu’il ne désire pas montrer à ses apprenants.

Pour ce fait, il faudra regarder comment et dans quelle mesure l’attitude et l’affectivité de l’enseignant de FLE seront impliquées dans sa voix et quels impacts elles auront sur sa position à l’intérieur de la classe.

Pour protéger sa voix, l’enseignant aura besoin d’une connaissance préalable concernant l’usage de la voix « d’expression projetée » adressée à un public placée à une certaine distance.

108 « L’ethos » est utilisé dans le sens du mot « èthos » avec un accent grave sur le « e ». c’est un mot grec qui signifie « le caractère, l’état d’âme, la disposition psychique ».Pour l’art rhétorique, l’èthos correspond à l'image que le locuteur donne de lui-même à travers son discours. Il s’agit essentiellement pour lui d’établir sa crédibilité par la mise en scène de qualités morales comme la bienveillance et la magnanimité. Par extension, tout acte (discursif ou non) qui contribue à rendre manifeste un tempérament ou des traits de caractère participe de l’èthos.

L’èthos représente le style que doit prendre l’orateur pour capter l’attention et gagner la confiance de l’auditoire, pour se rendre crédible et sympathique. http://membres.lycos.fr/alis/epl.htm

« http://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%88thos ».

Cependant, cela ne veut pas dire que l’enseignant tient compte en même temps de la protection de la qualité physique de sa voix :

Du point de vue physiologique, nous pouvons dire qu’une voix physiologiquement

« claire, hausse, imposante » et « bien projetée » de l’enseignant – qu’elle soit innée ou travaillée par expérience – pourra le satisfaire et lui garantir la maîtrise de la classe et par suite

« imposer » le respect et attirer l’écoute des apprenants. Au contraire, si sa voix est physiologiquement « cassée, fatiguée, basse de nature, ou stigmatisée109 » elle influe de manière négative sur sa position et son statut d’enseignant, car sa voix ne sera pas une voix bien « entendue » ou encore « attendue » par ses apprenants, et dans ce cas, les traits physiologiques de sa voix feront obstacle à sa tâche d’enseigner la langue étrangère et de maîtriser la classe. A l’intérieur de la classe, si l’intention d’attirer l’attention des apprenants est permanente et déclarée par les enseignants cibles, beaucoup d’autres intentions durables et non stables peuvent apparaître dans le comportement vocal de l’enseignant à chaque phrase verbalisée. Pour ce fait, nous avons consacré une partie du mémoire à l’analyse des intentions projetées par la voix de l’enseignant en situation110, où les intentions « brèves » en relation avec la tâche pratiquée par l’enseignant (lire, expliquer) et avec ses buts didactiques spécifiques (comme faire entendre, faire comprendre, faire parler etc.) sont traitées de manière détaillée à partir de l’analyse du comportement vocal de l’enseignant. Tandis que la conception de B. Lahire consiste à donner beaucoup plus d’importance à la variabilité des contextes qu’un individu fréquente dans la détermination de ses actions:

Les acteurs sont ce que leurs multiples expériences sociales font d’eux ; ils sont appelés à avoir des comportements, des attitudes variées selon les contextes dans lesquels ils sont amenés à évoluer […] Les acteurs ont traversé dans le passé et traversent en permanence de multiples contextes sociaux (univers, institution, groupes, situations…); ils sont les fruits (et les porteurs) de toutes les expériences (pas toujours compatibles, pas toujours cumulables, et parfois hautement contradictoires) qu’ils ont vécues dans de multiples contextes. (2001 :343)

A ce stade de la recherche nous pouvons conclure que la manière de parler de attendus et les traits effectifs. On aura par exemple une voix « efféminée », ou « une grosse voix d’homme ».

110 L’analyse du comportement vocal en situation fera l’objet de la 7ème partie du présent mémoire. Elle prend en compte les variations intonatives de l’enseignant selon ses intentions de communication et regarde les effets de ces variations sur la forme que prendra l’interaction verbale avec les apprenants (le contenu de leurs réponses, le nombre de leurs tours de paroles etc.).

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