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2. Quelle action vocale en situation d’enseignement ?

2.2 Entre l’interaction « vocale » et l’agir vocal : rôle de l’enseignant

2.2.1 L’agir vocal professoral comme une action « conjointe mais asymétrique »

Si les intentions de communication déterminent les actions de l’enseignant, nous nous demandons si l’apprenant n’exerce pas lui aussi une action sur l’enseignant à travers sa réponse. C'est-à-dire par exemple, si la réponse de l’apprenant s’approche de celle qu’il souhaite avoir, l’enseignant ne va pas agir vocalement (intonation appréciative) dans le but d’orienter l’apprenant dans le même sens de la réponse, de la même manière qu’il le fait si la réponse est fausse.

Cette importance accordée à « l’action vocale » en classe de langue ouvre une perspective d’analyse de l’interaction dans les deux directions : de l’enseignant vers l’apprenant et vice versa, mais sans pour le moment prendre en compte si l’action est symétrique ou « asymétrique » selon l’école de Palo Alto:

- Action vocale et réponse vocale - Action vocale et réponse verbale - Action vocale et réponse attitudinale

Donc pour qu’il y ait une « action en retour », il faut que celui qui perçoit l’action vocale l’interprète en tant que tel, c'est-à-dire en tant qu’action qui demande de lui d’intervenir et de répondre ou simplement de réagir. Mais aussi il doit coopérer car c’est sa coopération qui le mène à réagir et à construire la structure de l’interaction.

Mais y a-t-il de vraie réciprocité d’actions dans l’interaction en classe de langue ? Ou bien il y a une action sous forme d’agir influent sur les écouteurs (les apprenants) dont la parole ne se réalise que par un agir particulier exercé par l’enseignant?

F. Cicurel (2005) décrit ce qu’elle appelle les grands traits de l’agir professoral parmi lesquelles nous insistons sur l’« action conjointe mais asymétrique ».

D’un côté, l’action professorale fait partie de la catégorie « action conjointe » car elle ne peut être dissociée de celle des apprenants. Il s’agit d’un acte de communication qui, à ce titre, requiert au moins deux partenaires qui se reconnaissent comme tels. Il est indispensable qu’une certaine coordination se fasse, mais il est aussi manifeste que, d’un autre côté, l’action du professeur reste singulière face à celle des élèves dont l’agir ne peut être rapporté à celui du professeur. (ibidem.).

Le comportement vocal de l’enseignant sera une « action consciente » dans la mesure où il est projeté vers un but précis (faire parler les apprenants, les faire taire, les encourager, les gronder, apprécier leurs réponses etc.), donc dans la mesure où il anticipe la réaction verbale de ses apprenants. Quant à l’apprenant, son comportement vocal (notamment le volume et l’énergie de la voix) ainsi que son comportement verbal (répondre, intervenir etc.) dépend de sa conscience de l’intention de communication de son enseignant et dans ce cas soit il coopère avec lui soit il se contente de l’écouter.

Nous pouvons dire aussi qu’au fur et à mesure que les situations d’interactions en classe se répètent de manière quotidienne : par exemple, la situation dans laquelle l’apprenant connaît la réponse, la situation où l’apprenant tarde à répondre et ne coopère pas rapidement, la situation où l’apprenant répond de manière fausse, etc., les comportements vocaux deviennent un « habitus » car ils se manifestent quotidiennement et nous pensons que chacune des situation répétées est la plupart des cas accompagnée d’un comportement vocal connu par l’autre partenaire qui à son tour construit ses suppositions d’interprétations et ses hypothèses sur l’attitude et l’intention et le sens voulu de l’autre.

2.2.2 Entre une voix d’enseignant et une voix d’apprenant : quels rapports ? Le savoir partagé entre l’enseignant et ses apprenants en classe se situe au niveau social et au niveau communicationnel (le savoir linguistique par contre n’est pas partagé, puisqu’il s’agit de langue étrangère, l’enseignant est censé avoir beaucoup plus de savoirs linguistiques que l’apprenant). Tout d’abord, chacun des deux partenaires sait pourquoi il se trouve à cet endroit, et chacun a constitué auparavant une représentation sur le savoir cognitif de l’autre notamment en matière linguistique : l’enseignant sait que l’apprenant a un savoir inférieur au sien, et qu’il attend à ce qu’il lui communique ce savoir, et l’apprenant sait que l’enseignant est plus compétent que lui en matière linguistique, et il s’attend à ce que son enseignant lui pose des questions, lui communique le savoir linguistique.

En fonction de ces représentations antécédentes à l’interaction en situation, l’apprenant adopte éventuellement le volume d’une voix respectable, moins forte et moins confiante que celle de son enseignant. Ce sont des perspectives socialement acquises par « habitus ».

Nous pouvons dire aussi que le contexte de la classe contribue à constituer une manière particulière d’émission vocale et que nous avons affaire à deux types d’émission de voix : la

« voix d’enseignant » d’une part et « la voix d’apprenant » de l’autre part. La différence se

situe éventuellement au niveau du volume de la voix (plus élevé chez l’enseignant que chez l’apprenant) et de l’énergie de projection vocale.

Ainsi dans ce cas là on est loin de parler d’une vraie réciprocité d’action vocale en classe de langue étrangère, mais aussi dans tout contexte didactique bien que pendant l’interaction en cours, la motivation réciproque pourra modifier le ton, et le volume. Par exemple, l’enseignant pourra encourager les apprenants à répondre au moyen de sa voix qui reflète son appréciation et son intention d’obtenir beaucoup plus de réponses. Encouragé, l’apprenant est éventuellement motivé à répondre, car il est intérieurement assuré qu’il ne risque rien (par exemple d’être réprimandé) et le volume de sa voix augmente en situation d’interaction, sans nécessairement que sa voix dépasse en intensité celle de son enseignant en classe.

La manière d’agir ou de réagir à une « action » vocale dépend donc aussi de la manière dont on perçoit la position de l’autre qui parle (l’enseignant ou l’apprenant) dans le contexte actuel de l’action, notamment en situation d’interaction.

En classe, le comportement vocal de l’enseignant permet à son tour de dévoiler son attitude et ses intentions qui une fois comprises par les apprenants décide de leur manière d’interagir verbalement et vocalement.

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