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1. Les méthodes adoptées pour le recueil des représentations

1.1 Les discours sur la perception et sur la pratique de l’enseignement de la langue

Se basant d’abord sur les théories sociales (J.-M. Seca 2001) et psychosociales (J.-L.

Beauvois & J.-C Deschamps1996) qui relient les représentations des individus à l’exécution de l’action, nous avons choisi de partir des discours des enseignants cibles sur leur perception de la langue depuis leur enfance et de ceux sur leur perception de leur pratique didactique.

1.1.1 Pourquoi s’intéresser aux représentations dans les discours

Le point de vue social - notamment celui de J.-M. Seca (2001), de J.-C. Abric (1989) et de P. Bourdieu (1994) - souligne le fait que les comportements des individus ou des groupes

« ne sont pas déterminés par les caractéristiques objectives de la situation mais par la représentation de cette situation » (J.-C. Abric 1989 :189).

J.-M. Seca (2001 : 5) considère que « les représentations sociales […] ont une emprise sur la genèse de notre culture et de nos idées, sur nos pratiques et nos choix les plus divers » et par là il se demande si nous pouvons voir dans les représentations sociales une « forme de causalité externe des conduites ».

Suivant cette perspective, les comportements et les manières d’agir de l’enseignant (style verbal, non verbal, vocal, méthodologie d’enseignement adoptée etc…) et le (choix du métier et/ou se former spécifiquement pour le métier) seront en grande partie déterminées par leurs représentations qu’ils se forgent sur la langue étrangère et sur le métier depuis l’enfance.

H. Stern (1983)33 parle, quant à lui, de neuf « sources » susceptibles d’influencer la façon d’enseigner. Nous rapprochons ces sources de la notion de représentation :

- les expériences d’acquisition d’une/de langue(s) durant l’enfance dans le contexte familial ;

- les expériences scolaires d’enseignement/apprentissage ;

33 Cité par R. Porquier & Wagner (1984 : 85).

- les réactions face à l’enseignement scolaire ;

- les expériences d’acquisition/apprentissage des langues étrangères à l’âge adulte ; - les activités en relation avec les langues dans l’enseignement post-scolaire ;

- les représentations qui circulent autour/à propos des langues, de leur apprentissage et des locuteurs qui les parlent ;

- les formations à l’enseignement des langues ;

- les expériences d’enseignement, les contacts avec les collègues et la formation continue ;

- les lectures en rapport avec la question de l’enseignement/apprentissage.

Que ce soit des contextes familiaux ou scolaires ou socio-culturels multiples, ce sont avant tout les représentations des contextes qui interviennent dans le choix des actions. Les représentations des enseignants sont ainsi susceptibles d’orienter leurs conduites et peuvent être considérées comme « un des moyens à partir desquels ils structurent leur comportement d’enseignement et d’apprentissage » (E. Charlier 1989 : 46).

F. Cicurel considère l’existence de trois manières ou procédés qui peuvent servir à collecter des informations sur l’action :

- Procédé 1 : une observation de l’extérieur

On observe, on enregistre, on filme et on décrit une interaction. On procède ensuite à une série d’analyses, et on arrive à dégager certaines conclusions à partir de ce qui se joue en surface.

- Procédé 2 : l’entretien avant ou après l’action

Le sujet de l’action produite ou à produire est invité à s’exprimer car en tant que sujet réflexif il a quelque chose à dire sur sa propre action (à venir ou achevée). Comme l’action humaine, tout compte fait, est mystérieuse, on s’appuie sur la capacité que les individus ont

d’interpréter eux-mêmes leurs comportements.

- Procédé 3 : les témoignages ou configurations écrites

On cherche à avoir accès à des documents d’accompagnement de l’action : données comme les journaux de bord, les cahiers de préparation de cours, etc. On peut également s’appuyer sur le corpus littéraire (cf. Ricoeur 1986) en considérant qu’il donne un large panorama de modèles d’action34

Afin de recueillir des représentations et des attitudes, nous nous appuyons sur les deux derniers procédés ou méthodes : le questionnaire écrit et l’entretien oral. Le premier procédé sera adopté dans l’étude du comportement vocal d’un enseignant en situation.

34 2e Colloque international de l’ADCUEFF, Université Charles de Gaulle ; Lille 3, 17 et 18 juin 2005 L’enseignement apprentissage du français langue étrangère en milieu homoglotte : spécificités et exigences

« Agir professoral en milieu homoglotte et francité ».

1.1.2 Le questionnaire comme méthode de recueil du discours écrit Nous avons adopté le questionnaire comme première méthode de recueil (à l’écrit) des représentations et des attitudes vis-à-vis de la manière de parler en classe dans le passé.

Ce choix revient au fait que le questionnaire écrit permet à l’enseignant de se trouver seul devant les questions et d’avoir le temps suffisant pour répondre et pour mémoriser et peut choisir de mentionner telle ou telle information et de laisser l’autre.

L’avantage de cette démarche réside dans le fait que l’enseignant se trouve libre de choisir le moment de répondre sans avoir l’obligeance d’être rapide dans ses réponses, le fait qui se présente dans l’entretien.

Notons qu’au départ nous voulions uniquement nous baser sur le questionnaire écrit, et c’est pour cela que les questions écrites avaient plusieurs formes : fermées, semi-ouvertes, mais elles sont essentiellement ouvertes. Ce type de questions permet de recueillir des réponses pertinentes dans le sens où l’enseignant aura plus de liberté d’expression, il n’est pas contraint par le choix d’une réponse parmi d’autres déjà proposées, ce qui donne plus de véracité à ce qu’il évoque.

Cette manière adoptée dans la forme des questions rapproche le questionnaire du discours oral propre à l’entretien, dans la mesure où elle permet de s’exprimer sous forme de rédaction et d’explorer des informations, des représentations et des attitudes qui sont le plus souvent «inattendues ».

Mais ce qui est avantageux pour l’entretien est ce rapport communicatif humain et direct établi avec l’enseignant, et qui rend l’enseignant plus spontané dans ses réponses, ce qui laisse penser à ce que les informations mémorisées sur les actions et sur les raisons d’actions sont particulièrement « vraies ».

1.1.3 L’entretien comme méthode de recueil du discours oral

Comme le définit A. Blanchet (1987 :18), l’entretien est un sous-ensemble de l’interview35. Le choix de cette méthode a suivi celle du questionnaire en vue de recueillir plus d’informations sur les mêmes points déjà évoquées à l’écrit. Nous avons prévu des questions principales en avance mais d’autres questions spécifiques sont suscitées par la

35L’interview est définie par J.-M. Ketele & X. Roegiers 1996 : 20, De Boeck & Larciercomme étant « une méthode de recueil d’informations qui consiste en des entretiens oraux, individuels ou de groupes, avec plusieurs personnes sélectionnées soigneusement, afin d’obtenir des informations sur des faits ou des représentations, dont on analyse le degré de pertinence, de validité et de fiabilité en regard des objectifs du recueil d’information. »

nature de la réponse (interview semi-dirigée), et pour cela nous pouvons dire que les entretiens effectués diffèrent d’un enseignant à un autre avec la différence des questions spécifiques suscitées par la situation de l’entretien.

En effet, parfois la nature des réponses nous incite à poser des questions afin de faire parler l’enseignant plus sur un point particulier, de le motiver à répondre ou à poursuivre l’entretien. A. Blanchet (1987) souligne que :

La caractéristique principale de l’entretien est qu’il constitue un fait de parole. Conçu pour apporter une information biographique, à la demande de A et au bénéfice de la recherche (et de son représentant B), l’entretien de recherche se caractérise enfin par opposition au questionnaire dans la mesure où, visant la production d’un discours linéaire sur un thème donné, il implique que l’on s’abstienne de poser des questions prérédigées. Ce en quoi il est exploration. (p.19)

Ce qui nous a poussée à faire des entretiens – alors que nous avions la volonté de faire uniquement un recueil de données par questionnaires – outre le fait d’enrichir les réponses déjà recueillies dans les questionnaires et ce en faisant peut-être surgir à l’oral des nouvelles représentations et des nouvelles attitudes, c’est l’aspect spontané des réponses qui, à notre avis, leur donnerait plus de pertinence, de véracité et de richesse.

En effet, la spontanéité vient du fait que l’enseignant parlant ne livre pas un discours déjà constitué mais le construit en parlant. Nous pensons que les premières informations sur les positions antérieures et actuelles évoquées sont celles qui ont laissé le plus de traces dans la mémoire du parlant et qui révèlent des représentations sur les raisons d’agir et l’agir dans les différentes situations mémorisées.

Comme le remarque A. Blanchet (1987 :30) « extériorisant ce qui était intériorisé, l’interviewé passe de l’insu au dit et s’expose, au double sens du terme, se posant à la fois hors de lui-même et en vis-à-vis. » Ainsi, l’improvisation et la liberté d’expression sont deux conditions de validité de l’entretien.

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