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1. La perception déclarée et non déclarée de la voix dans la période scolaire

1.1 La place de la voix perçue déclarée et non déclarée en dehors de la classe

1.1.2 La nature de l’établissement scolaire et la qualité de l’enseignement reçu

Nous séparons le milieu scolaire du milieu socioculturel et de celui de la famille parce que nous pensons que l’école présente un système pédagogique et éducatif particulier, elle a ses propres exigences au niveau de l’objectif éducatif (faire apprendre) mais aussi au niveau de la langue parlée, des manières de parler, de se comporter, de s’habiller etc. (ces exigences ne se présentent pas dans la famille ou dans la société). Ainsi, ce qui peut influencer les apprenants dans le milieu scolaire peut être très différent de celui qui peut les influencer à son extérieur.

De même nous séparons le milieu scolaire en général du lieu-classe dans la mesure où certaines écoles exigent de parler la langue étrangère en dehors de la classe alors que d’autres écoles ne présentent pas ces exigences.

Ainsi, nous pouvons faire l’hypothèse que selon la place que l’école accorde à la langue étrangère dans son système éducatif (nombre d’heure, exigence de parler en français en dehors de la classe par exemple), le taux de l’acquisition et de la perception des manières de parler en cette langue augmente. La nature de l’établissement scolaire peut donner une image sur la qualité de l’enseignement et sur la place qu’il peut accorder ou non à la langue étrangère.

Presque la moitié des enseignants cibles (neuf enseignants) a mentionné la relation entre la nature de l’établissement et la qualité de l’enseignement et d’éducation reçus en langue française (Tableau 4).

Les représentations des enseignants A, C, E, H, I, N, P, Q de l’établissement privé sont positives : « heureusement, bien équipée ». Particulièrement, dans l’entretien, A a accentué le mot « BONNE » dans « bonne éducation » qui existe dans le collège privé.

Par contre, les représentations de l’établissement public sont négatives sauf pour l’enseignante C56 qui a été étonnée de la qualité de l’école publique où elle était. Ce qui est remarquable est que le niveau des apprenants en langue française a été construit dans les classes primaires comme le montre le tableau.

Le fait que la majorité des enseignants a été formée dans un établissement privé dénote les représentations présentes dans la société de la qualité de l’enseignement dans le secteur

56 L’enseignante C a été étonnée que l’école publique soit de bonne qualité et cet étonnement montre que ses représentations sur l’école publique en général est semblable aux autres enseignants cibles.

privé. Les enseignants E et J, ont été formés dans le public et E a mentionné le niveau

officielle secondaire [entretien : 15] l’ambiance de l’école était vulgaire [entretien : 26]

Tableau 4 : l’influence de la nature de l’établissement scolaire sur la qualité de l’éducation reçue.

Bien que peu d’enseignants (quatre enseignants) aient nettement évoqué l’influence de l’ambiance (le type d’enseignement intensif et la qualité des enseignants) qui régnait dans l’établissement scolaire où ils étaient sur leur cognition de la langue, nous ne pouvons pas la négliger.

Deux enseignants A et N ont évoqué l’influence de l’ambiance générale du système d’enseignement sur leur niveau cognitif : L’enseignant A parle d’enseignement « intensif » et

57 Les mots entre parenthèses désignent ceux non prononcés par les enseignants mais que nous pouvons déduire de manière indirecte.

d’un « bain linguistique » qui ont fait qu’il s’est habitué à la langue française; en accentuant les mots «INTENSIF » et « HABITUE » :

Le type d’enseignement reçu et les influences par rapport à la langue

A

ben c’est c’était un enseignement traditionnel dans + le collège + dont je parlais mais c’était INTENSIF + hein les matières il y avait tout genre de chose les sciences c’était en français les mathématiques c’était en français + + oui c’est une ambiance

+ un bain linguistique partout le français [entretien : 34 -36]

je me suis HABITUE à la langue [entretien : 37]. Il y avait le SIGNAL traditionnel On était obligé MEME dans la cour de l’école de parler français [entretien : 48-50]

H

Les enseignants étaient compétents et avaient un très bon niveau en français.

Ils nous parlaient toujours en français [Q. (4 : 8-10)]

(ils) nous obligeaient de parler entre nous en français, même dans la cour [Q. (4 : 10-12)]

J Les enseignants étaient de bon niveau, professionnels [Q. (5 : 6)]

(ils) nous faisaient aimer le français [Q. (5 : 7)]

N la vie à l’internat avec des frères français a facilité la communication et l’aisance de l’expression [Q. (4 : 10-11)]

Tableau 5 L’influence du type d’enseignement existant dans l’établissement scolaire.

En ce qui concerne la perception vocale de la langue, dans la mesure où A a reçu une

« bonne éducation » au début de son chemin académique, nous pouvons dire qu’une perception vocale de la langue étrangère était disponible dans le milieu scolaire de A même en dehors de la classe (c’est à dire dans la cour de l’école, la salle de sport, le théâtre de l’école etc.) :

Tableau 6 : type de contact avec la langue étrangère à l’intérieur de la classe.

Les propos de A et ceux de H, donnent une image de la pédagogie à une époque déterminée ou plutôt de la manière dont, eux-mêmes, ils percevaient l’éducation là-bas. Etre

« obligé » à parler une langue qui n’est pas sa langue maternelle – par peur du « signal »58 qui

Loin de juger pour le moment cette méthode traditionnelle d’enseigner le français, nous disons qu’un enseignement intensif de la langue peut au même degré « étouffer » les apprenants qui attendront toute occasion pour parler en leur langue maternelle que faire intégrer59 inconsciemment des manières de parler la langue étrangère dans la mesure où elle est écoutée et parlée tous les jours et dans tous les endroits de l’école d’une autre part. Dans la même perspective l’enseignant N a souligné que le contact permanent avec des français a facilité sa communication et son expression en langue française.

Deux autres enseignants H et J ont évoqué l’influence positive de la compétence des enseignants, précisément en parlant souvent le français, sur leur expression orale et amour de la langue.

Ainsi, une ambiance où le français est « beaucoup » et « bien » parlé c'est-à-dire en quantité et en qualité à l’école, peut habituer les apprenants à la langue étrangère, et favorisera beaucoup plus la chance de percevoir comment la langue est parlée. L’habitude à la langue est une condition probable pour qu’un apprenant quelconque sorte de l’école avec une facilité d’expression considérable en français. Mais le nombre réduit d’enseignants cibles (quatre) qui ont évoqué ce point fait penser à l’existence dans le milieu social du (Liban-Sud) d’autres position en tant qu’apprenant de français en classe où chacun est soumis à la volonté de son

58 Selon l’enseignant A, la personne qui possède le signal est celle qui a parlé l’arabe dans la cour et qui sera par la suite punie.

59 Sur la question de l’incorporation des manières de parler, des mots ou expressions propres à la langue étrangère dans la mémoire de l’apprenant même si ce dernier n’y tient pas compte, nous pensons personnellement que même le fait de « tricher » à l’examen, pourrait être avantageux pour l’apprenant dans une certaine mesure si l’examen est un examen de langue étrangère. Que les méthodes pédagogiques soient

« sévères » envers les apprenants en les obligeant à parler en langue étrangère ou au contraire « très tolérantes » peuvent dans tous les cas être relativement utiles (selon des degrés) à l’acquisition de la langue.

professeur qui se permet de parler dans sa langue maternelle, et de favoriser ou non à ses apprenants l’écoute de la langue étrangère.

Cependant, si le fait d’écouter une manière de parler en français en dehors de la classe contribue dans une certaine mesure à construire des représentations de la manière de parler en français mais il ne permet pas, seul, à élaborer des représentations de la manière de parler en tant qu’enseignant à l’intérieur de la classe. Car, la perception d’une « voix d’enseignant » s’avère en rapport étroit avec le contexte de la classe.

1.2 Les influences d’un « professeur»

60

particulier à l’intérieur de la classe

A l’intérieur de la classe, la perception de la langue étrangère va en parallèle avec la perception de « la voix d’enseignant ». La prononciation des mots, la variation de l’intonation, les allongements de syllabes, les accents, les focalisations, la voix projetée61, ne peuvent être perçus en dehors du contexte de la classe. Elle dépend de la volonté du professeur de parler toujours en langue étrangère avec ses apprenants ou bien de se permettre d’utiliser sa langue maternelle en interagissant avec eux. Elle dépend aussi de son exigence que ses apprenants s’expriment en français.

1.2.1 L’enseignant-modèle sous forme d’attitude positive déclarée

A la question « avez-vous un souvenir d’enfance relié au français? (une lecture, une intonation, des chansons, un enseignant etc.) », presque tous les enseignants (seize enseignants) ont remémoré un professeur qui leur était particulier dans leur période scolaire:

L’image d’un enseignant particulier gardé en mémoire apparaît chez la plupart des enseignants cibles (seize enseignants) avec un degré d’admiration variable. Le degré d’admiration positive du professeur apparaît premièrement comme l’expression d’un modèle inoubliable en prononçant son nom chez onze enseignants. Il s’agit d’‘expressions affectives telles que: « dont je gardais une photo (A), j’étais impressionnée (B) ; je l’aimais bien (C), un excellent sauveur (D), m’a le plus influencée (F), je n’oublie jamais (H), je l’ai beaucoup aimée (K), adorable (L), que j’adorais (O) que j’ai beaucoup aimé (Q). L’enseignant J a

60 Nous adoptons le mot « professeur » pour désigner l’enseignant de français mémorisé dans la période scolaire, et ce pour que le lecteur distingue entre les enseignants cibles objet de la présente étude et entre le « professeur » objet des souvenirs des enseignants cibles.

61 Notons que dans les contextes où l’on s’adresse à un public en dehors de la classe, celui qui parle est pourvu d’un micro stable ou dynamique. Donc, il n’est pas obligé de faire un effort pour qu’il soit écouté.

évoqué son admiration pour son prof en indiquant les éléments qu’il admire chez lui : « sa voix théâtrale avec des mimiques qui attirent l’attention et éveillent mon admiration ».

A un enseignant dont je garde la photo [Q. (4 : 26-27)]

B mon enfance était impressionnée par l’image de sœur Louise-Marie, une sœur française [Q. (4 : 5-7)]

C une sœur parisienne qui s’appelait Louise-Marie. Je l’aimais bien [entretien : 19-21]

D un excellent sauveur une femme très humaine et cultivée [Q. (4 : 20)]

E j’avais pas de bonne relation avec le prof de français [entretien : 8-9]

F mon prof de français madame Zeinab Dirani m’a le plus influencée [Q. (4 : 12-13)]

G mon professeur de français [Q. (5 : 4)]

H je n’oublie jamais l’enseignante de français [Q. (4 : 15)]

J notre enseignant Ili Nassar [Q. (4 : 13-14)]

K mon enseignante à l’école, je l’ai aimé beaucoup [Q. (4 : 27)]

L enseignante adorable […] elle était française [Q. (4 : 14)]

M une enseignante […] elle s’appelait Mme Alida [Q. (4 : 14-15)]

N un frère [Q. (5 :1)]

O j’avais un prof de français que j’adorais il représentait pour moi, pour mon jeune âge un idéal [Q. (4 : 18-20)]

P c’était une enseignante BELGE [entretien : 8]

Q ce prof que j’ai beaucoup aimé + euh je l’aime toujours + je souhaite le rencontrer un jour [entretien : 5]

Tableau 7: le professeur de français mémorisé comme professeur-modèle admiré.

Cependant le professeur n’était pas toujours admiré, son influence peut être négative

« j’étais pas en bonne relation avec mon prof de français » (E), « le défi est lancé (N) ».

L’admiration ou la « non admiration » d’un professeur particulier qui a marqué la période d’apprentissage du français des enseignants cibles constitue un indice important à soulever comme il s’avère une influence parmi d’autres dans la période scolaire et qui agit sur les représentations qui se formaient de la langue et son enseignement à cette époque. Pour cela, il convient de connaître les éléments qui, dans le personnage de l’enseignant, étaient une source d’admiration ou, au contraire, de défi.

1.2.2 L’influence du professeur natif de la langue étrangère

Le professeur mémorisé est soit une femme soit un homme. Ce qui est d’abord remarquable sans être déclaré comme étant une influence c’est la nationalité étrangère (française, belge) de leur professeur, principalement les enseignants B, C, L et P.

Le fait que l’enseignant soit natif de la langue qu’il enseigne lui attribue peut être une image positive puisqu’il possède la langue de manière parfaite (il la prononce comme il faut, non comme les enseignants libanais qui prononcent un français à la libanaise par exemple).

La compétence linguistique de l’enseignant dont la langue maternelle est celle qu’il enseigne peut donc constituer une première source d’admiration chez les apprenants.

Ainsi, nous pensons qu’il est très important de montrer à l’apprenant comment un natif de la langue étrangère parle, comment il prononce les mots. Nous pensons que l’influence d’une voix produite en langue étrangère dans la période scolaire agit sur la réception phonétique et prosodique en langue étrangère de l’apprenant dans cette période. Les autres sources d’admiration sont clairement précisées et mentionnés par les enseignants cibles.

Certains partagent les mêmes images d’un professeur qui a largement marqué leur période d’apprentissage de la langue. L’enseignant communique par sa voix, ses caractéristiques personnelles, une image de lui-même, de manière consciente ou inconsciente, et que les apprenants perçoivent en classe. Le problème est que dans quelle mesure l’apprenant fait attention à ces phénomènes et dans quelle mesure il les reconnaîtra en tant qu’influences agissant sur ses représentations de la langue et de la manière de la parler en classe en tant qu’enseignant dans l’avenir. Les principaux éléments perçus chez le professeur sont : l’attitude du professeur, sa voix, sa manière d’enseigner.

1.2.3 La perception de l’attitude du professeur mémorisé

L’élément le plus cité par les enseignants est l’attitude et le comportement du professeur (neuf enseignants cibles) ce qui amène à penser qu’il s’agit, pour la plupart des enseignants cibles, d’une expérience semblable quant à l’élément influençant mais en même temps particulière à chacun puisque les attitudes et les comportements du prof mémorisé ne sont pas pareils :

B elle m’apprenait des cantiques et des prières [Q. (5: 1-2)]

C + elle était DOUCE + elle était douce et gentille [entretien : 8]

D qui voulait faire de nous des hommes et des femmes plutôt que des petits génies en dissertation [Q. (4 : 21-22)]

G il m’a contrarié Il n’a pas présenté mon nom pour les deux brevets français [Q. (5 : 9)]

K elle m’encourageait toujours, elle était une deuxième mère pour moi [Q. (4 : 28-30)]

L qui estimait mon travail de manière remarquable [Q. (4 : 15)]

M je garde en souvenir une fête collective qu’elle avait organisée pour la classe à laquelle elle avait invité les parents. […] [Q. (4 : 18 ; 5 : 1-3)]

N jugeant d’après la mine m’a pris pour quelqu’un qui ne veut pas travailler en classe, le défi est lancé […] j’ai gagné le défi et l’amitié du frère Hilario (Alsacien) [Q. (5 : 1-9)]

O il voulait nous éloigner des idées reçues et des préjugés, éveiller notre esprit critique et nous emmener vers l’autonomie et l’indépendance de notre être [Q. (4 : 20 ; 5 : 2-6)]

Q c’est lui qui + qui a découvert ma vocation […] [entretien : 6-7]

Tableau 8 : l’attitude et le comportement du professeur mémorisé.

L’expérience n’est pas seulement particulière mais aussi personnelle dans la mesure où chacun a mentionné l’attitude et le comportement de son professeur envers lui et non pas envers toute la classe: « elle m’apprenait des cantiques et des prières (B) ; il m’a contrarié […]

Il n’a pas présenté mon nom pour les deux brevets français (G) ; Elle m’encourageait toujours (K) ; qui estimait mon travail de manière remarquable (L) ; m’a pris pour quelqu’un qui ne veut pas travailler en classe (N); c’est lui qui + qui a découvert ma vocation (Q).

Notons que selon E, G et N, leur professeur mémorisé n’avait pas de bonne attitude et de bons comportements envers eux.

1.2.4 La perception de la manière d’enseigner du professeur mémorisé

Il existe des manières de parler qui sont propres à la position d’enseignant (hauteur de voix, intonation variée, accentuation, focalisation etc.) et d’autres propres à la prononciation de la langue étrangère en tant que telle (l’agencement rythmique et intonatif des mots d’une phrase). La parole de l’enseignant en classe recouvre ces deux phénomènes.

En effet, quand il lit pour faire une lecture magistrale il n’effectue pas des variations dans le rythme ou dans l’intonation en focalisant un mot par exemple. Tandis que quand il lit pour expliquer62 et pour recueillir des réponses, ses manières changent car ce sont essentiellement des manières didactiques.

Outre l’acquisition de la manière de parler dans les situations sociales différentes63, la voix écoutée participe à la formation des représentations particulières, du « modèle-idéal » auquel on souhaite s’identifier, que ce soit de manière consciente ou non.

Le deuxième élément important c’est la manière d’enseigner (mentionné par quatre enseignants cibles) :

H elle parlait toujours en français [Q. (4 : 17)]

K elle m’a bien formée, je me souviens des cours qu’elle nous a donnés, de sa façon d’expliquer [Q. (5 : 2-4)]

M sa façon d’enseigner pouvait être qualifiée d’originale. [Q. (4 : 16-17)]

O ce n’est pas une matière qu’il nous enseignait, c’est tout un monde, toute une vie [Q. (4 : 1-2)]

Tableau 9 : les manières d’enseigner du professeur mémorisé.

62 La différence entre les deux manières de lecture de l’enseignant selon l’objectif visé (faire une lecture magistrale ou lire pour expliquer), sera traitée et analysée en détail dans la partie portant sur les intentions projetées par le comportement vocal d’un enseignant en situation.

63 Comment parler, quelle tonalité, débit, rythme, intonation prendre quand on parle, à un proche, à un supérieur hiérarchique, à un ami, etc.

La manière d’enseigner d’un professeur (de la période scolaire) est donc gardée en mémoire par quelques uns « Elle parlait toujours en français (H) ; elle m’a bien formée, je me souviens des cours qu’elle nous a donnés, de sa façon d’expliquer (k) ; sa façon d’enseigner pouvait être qualifiée d’originale. Elle faisait tout à travers des activités (M) ; ce n’est pas une matière qu’il nous enseignait, c’est tout un monde, toute une vie, (O). »

Nous pouvons constater que les enseignants cibles ont dans leur répertoire didactique des représentations qui remontent à cette période scolaire, qui concernent les manières d’enseigner et de se comporter avec les apprenants.

1.3 L’influence de la voix du professeur mémorisé

1.3.1 La voix de l’enseignant : source d’admiration ou de haine

Dans quelle mesure les enseignants cibles ont été sensibles à la voix de leur professeur ? La voix du professeur mémorisé est évoquée par trois enseignants cibles avec une réaction différente de chacun :

C elle avait une belle voix je ne la quittais pas des yeux quand elle lisait [entretien : 8]

J je me souviens de sa voix théâtrale avec des mimiques qui attirent l’attention et éveillent mon admiration [Q. (5 :1-2)]

E

la voix de mon prof au complémentaire était une voix qui me faisait horreur vraiment c’était c’était une voix tellement tellement AGRESSIVE je je la voyais

[entretien : 66-68]

Tableau 10 : la perception de la voix du professeur mémorisé dans la période scolaire.

Source d’admiration et d’attirance pour C (belle voix) et J (voix théâtrale), la voix du professeur mémorisé s’avère pour l’enseignant E une source d’ « horreur » (voix agressive).

Nous pouvons dire que la voix en tant que source d’influence positive a été déclarée par C et J alors que celle comme source d’influence négative a été déclarée par E.

Il est à noter que la voix de l’enseignant E tremblait en parlant de la voix de son professeur mémorisé, c’est comme s’il revit et ressent au présent de l’entretien l’ « horreur » de cette voix64. Le rythme de ses paroles et l’accentuation du mot « AGRESSIVE » dénotent l’influence psychique négative qu’il a reçue dans cette période.

64 Que la voix soit mentionnée comme source d’influence nous est un indice important à ne pas négliger.

B. Lahire (2001 :133) a réfléchi sur le « transfert analytique » au cours d’un entretien, où l’individu réactualise le passé et où la situation d’entretien est comme un cadre social particulier dans lequel « une partie de « la mémoire » de l’enquêté (de ses expériences, de ses pratiques […]) va pouvoir s’actualiser » :

On retrouve dans les réflexions psychanalytiques autour de la question du « transfert analytique » des remarques congruentes sur la manière dont la mémoire et l’action sont déclenchées, permettant aux situations passées (conflictuelles et souvent refoulées) de se reproduire, d’être rejouées (action) ou d’être ré-évoquées (mémoire), par transfert analogique, dans le cadre de la psychanalyste/patient (Laplanche et Pontalis, 1990, et Bakhtine, 1980). La structure spécifique de ce rapport constitue donc le cadre qui va provoquer le « réveil », la réactualisation des expériences passées, sédimentées […] l’on voit bien ici que le rapport passé-présent n’est pas simplement déductif, le présent « sortant » naturellement, purement et simplement du passé. (2001 :132)

Nous pouvons dire que l’enseignant E a réactualisé le passé, ce qu’il a ressenti à l’écoute de la voix de son enseignant dans la période scolaire à travers une voix perturbée,

Nous pouvons dire que l’enseignant E a réactualisé le passé, ce qu’il a ressenti à l’écoute de la voix de son enseignant dans la période scolaire à travers une voix perturbée,

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