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2. L’enseignant (N) a-t-il réussi à motiver ses apprenants?

2.1 Les points de vue des apprenants sur la langue étrangère

En 2003, les réponses des apprenants à une question concernant les sentiments éprouvés et l’attitude pendant la séance de français, révélaient une attitude positive, et une grande motivation à l’intérieur de la classe. Le questionnement en 2005 cherchait aussi à retirer des attitudes mais la démarche de questionnement était plus stratégique et détaillée.

Les questions sont divisées en deux types : celles qui cherchent à savoir les raisons des attitudes positives ou négatives vis-à-vis de la langue française à l’intérieur de la classe (notamment le rôle de « l’image reçue » de l’enseignant N), et celles qui se rapportent à la langue étrangère écoutée à volonté en dehors de la classe, bien entendu, parmi les langues présentes dans leur milieu socioculturel précisément à la télévision, à la radio, et lors de l’usage de l’ordinateur (clavier anglais ou français, ou arabe). La comparaison entre les réponses aux deux types de questions permet de déceler les principales influences qui ont donné forme aux attitudes des apprenants vis-à-vis de la langue française.

2.1.1 La langue étrangère préférée par les apprenants : le français?

Il s’agit de neuf apprenants91 dont l’âge varie entre 14 et 17 ans. Ils sont surnommés (A1, A2, A3, A4, A5, A6, A7, A8, A9) en classe de EB9 (3ème), dont un seul garçon (A1). Le nombre de filles par rapport aux garçons est dans une certaine mesure révélateur d’une mentalité présente chez les parents (le français est plus une langue qui attire le sexe féminin92).

91 Le nombre des apprenants de l’enseignant N (même niveau académique) du français en 2005 (période de diffusion des questionnaires aux apprenants pour le mémoire de doctorat) a beaucoup diminué en le comparant avec celui en 2003 (période de diffusion des questionnaires pour le mémoire de DEA). De 22 apprenants en 2003 à 9 apprenants en 2005, cette diminution révèle le recours de plus en plus grand des apprenants à l’apprentissage de l’anglais (18 apprenants dans la section de l’anglais).

92 En comparant avec la classe d’anglais, le nombre de garçons est supérieur à celui des filles. Cette constatation reste une remarque et non pas un résultat. Mais elle permet de penser à des recherches nouvelles sur la relation entre langue apprise et le sexe (masculin ou féminin) de celui qui l’apprend. En d’autres termes, de chercher dans quelle mesure une langue étrangère révèle une image masculine ou féminine dans la mentalité des gens, et dans quelle mesure ces représentations affectent les opinions des parents qui choisissent de faire apprendre à leurs enfants une langue étrangère plutôt que d’une autre.

Notons premièrement que les apprenants ont préféré répondre en arabe. Nous avons préparé des questionnaires dans les deux langues (arabe et française)93.

En ce qui concerne la langue étrangère préférée (que ce soit en dehors ou à l’intérieur de la classe), il s’agit du français pour (A1, A3, A5, A6, A8) et de l’anglais pour (A4, A7, A9) l’anglais. Par contre, A2 préfère l’allemand :

Les raisons de préférence ou non de l’apprentissage de la langue étrangère préférée sont en rapport d’abord avec les représentations de chacun qui diffèrent avec la différence de chacun et avec la différence de la langue. Par exemple concernant la langue française : c’est une belle langue (A1), elle forme la personnalité et aide à communiquer (A8),

A1 car c’est la langue la plus belle

A8 car elle contribue à la formation de la personnalité et à apprendre comment communiquer avec les autres

Tableau 43 : les représentations sur la langue comme raisons de préférence de la langue étrangère

Tandis que l’anglais est pour A4, A7 et A9 une langue « célèbre » et davantage demandée dans le monde :

A4 car elle est plus célèbre et plus utilisée dans plusieurs domaines

A7 car c’est la langue la plus répandue dans le monde et c’est la langue de l’époque actuelle

A9 car elle est très demandée dans le pays du monde mais le français non

Tableau 44 : les représentations comme raisons de préférences de l’anglais comme langue étrangère

Ensuite la préférence est en rapport avec des besoins personnels comme le fait de voyager en France (A6), de devenir une « forte » enseignante comme l’enseignant N (A5). Ou plus encore, d’être comme les autres membres de la famille en apprenant l’allemand (A2) :

A2 car toute la famille parle allemand sauf moi

A5 pour devenir une « forte » enseignante comme M. Antoine (l’enseignant N) A6 car le rêve de ma vie est de voyager en France

Tableau 3: le besoin d’accéder à la classe dominante comme raison de préférence de la langue étrangère

93 Dans l’annexe, vous trouvez les questionnaires dans les deux langues (français et arabe). Nous avons traduit les réponses des apprenants en français.

Le besoin paraît essentiellement un besoin d’accéder à une position dominante en imitant une autre personne, ou un groupe, ou bien en devenant un membre du groupe dominant. C’est pour ce fait que l’enseignant N est qualifié de « fort » quand il parle français.

Parler français semble garantir le fait de devenir fort comme lui (A5). Et visiter la France signifie être parmi une classe dominante, ce qui nécessite l’apprentissage du français. Enfin, pour A2, il s’agit d’un besoin d’apprendre l’allemand afin de se sentir important en faisant partie et en s’homogénéisant avec le groupe (sa famille). Ainsi, l’allemand pour A2 est devenu une langue préférée car parlée par sa famille et écoutée dans son milieu le plus proche (la famille). C’est une langue « dominante » pour A2, et c’est un cas particulier en rapport avec la particularité de sa situation familiale.

Ainsi la langue étrangère préférée diffère avec la différence des représentations de chacun de la langue « dominante » à ses yeux et avec les besoins de chacun, dans des lieux et situations particulières. Ce qui veut dire que les

s de la langue préférée sont construites par socialisation, par contact avec des lieux et des personnes qui assignent une importance considérable ou non à la langue.

Que l’anglais soit préféré par des apprenants qui apprennent le français depuis les petites classes renseigne sur le fait que l’anglais commence à « prendre la place du français ».

Ce fait croise les propos de l’enseignant N : « L’anglais, l’ordinateur, la vie devenue plus rapide créent cet écart entre l’enseignant et l’apprenant libanais. [Q. (9 : 30-32)] ». La relation enseignant/apprenant est donc aussi affectée par des influences extérieures (comme l’anglais).

2.1.2 Les attitudes des apprenants vis-à-vis de la langue française apprise en classe La langue française apprise dans la classe, est aimée par sept apprenants (A1, A2, A3, A4, A5, A6, A8). A7 préfère l’anglais, A9 déteste le français. Les raisons des attitudes positives ou négatives vis de la langue française sont diverses. L’attitude positive vis-à-vis de la langue apprise en classe se rapporte pour (A1, A4, A5, A6) uniquement à leur enseignant (l’enseignant N), et pour A3 à la fois au professeur et à la langue en elle-même, et enfin pour A2 et A8 à la langue en elle-même. A7 préfère l’anglais car le français n’a plus sa place dans le monde.

A1 j’aime le professeur (mais) la langue est un peu difficile A2 j’aime la langue en elle même

A3 j’aime le professeur et la langue en elle même A4 j’aime le professeur

A5 j’aime le professeur A6 j’aime le professeur

A7 je l’aime mais je préfère l’anglais, elle n’a plus sa place qu’elle avait autrefois, elle n’est plus aussi importante qu’avant

A8 la langue en elle-même car elle nous permet d’exprimer nos pensées avec liberté

A9 je n’aime pas la langue elle-même à cause du prof et car elle n’est pas demandée dans toutes les régions

Tableau 45: les raisons des attitudes positives et négatives vis-à-vis de la langue apprise en classe.

Alors que l’attitude négative de A9 revient à la fois à son prof et au fait qu’ « elle n’est plus demandée dans toutes les régions ».

Nous constatons ainsi que c’est l’enseignant N qui a réussi à motiver (A1, A4, A5, A6) à aimer la langue française qu’il enseigne en classe. Alors que pour A2, A3, et A8, il s’agit en même temps d’influences extérieures au champ classe et à l’enseignant. Il suffit de comparer la langue qu’ils écoutent à l’intérieur de la classe avec celle écoutée à l’extérieur de la classe (que ce soit à la radio ou à la télévision ou celle qui se trouve dans les logiciels informatiques), pour savoir le poids dominant de l’une ou de l’autre (Tableau 46)

Ainsi, si A2, A3, et A8 aiment la langue française pour elle-même, A5 et A6 aiment le français grâce à leur enseignant. Ces apprenants écoutent la langue en dehors de la classe.

Nous pouvons dire qu’aimer la langue pour elle-même est en rapport en même temps avec ce qu’ils écoutent en classe (à travers leur enseignant) et à son extérieur (les chansons françaises, les chaînes françaises). Pour A5 et A6, nous pouvons facilement déduire dire que l’enseignant - comme motif de l’attitude positive envers la langue - a réussi à les attirer à la langue en dehors du champ de la classe, car il est, selon eux, le seul facteur qui les a attirés vers la langue française.

As94 LE écoutée à la radio LE écoutée à la télé LE dans l’usage informatique

1 l’anglais l’anglais l’anglais

2 le français et l’anglais l’anglais le français 3 le français et l’anglais le français et l’anglais le français

4 l’anglais l’anglais L’anglais

Tableau 46 : la langue étrangère rencontrée en dehors de la classe.

D’autre part, A1, A4, et A7, bien que leur attitude positive envers la langue soit favorisée par leur professeur, ils n’écoutent que l’anglais (comme langue étrangère) en dehors de la classe. La préférence de l’anglais est en rapport avec leur représentation de l’anglais (langue facile, langue plus répandue et plus importante), en comparaison avec le français

« elle est une langue difficile (A1), « je l’aime mais je préfère l’anglais (A7) ». De telle manière, l’enseignant N n’a pas eu d’influences « positives suffisantes » sur ces trois apprenants, ou mieux encore, le milieu socioculturel « étroit » de ces apprenants (famille, connaissance, activités etc.) assigne une plus grande importance à l’anglais en comparaison avec les propos des autres apprenants. L’anglais a conquis l’univers culturel des apprenants de sorte que leur écoute de l’anglais devient une écoute naturelle et non contrainte, c'est-à-dire que leur apprentissage de l’anglais est indirect car il n’est pas contraint par le lieu classe. Les apprenants ont le choix d’écouter soit le français soit l’anglais quand ils sont à l’extérieur de la classe. L’écoute de l’anglais (considérée comme une « nouvelle » langue étrangère après le français), dénote qu’elle est appréciée par les apprenants, et sa présence dans leur entourage sans qu’ils se sentent obligés de l’apprendre, est un facteur favorisant les représentations positives concernant l’anglais, ils ressentent qu’elle est importante, qu’elle a sa place, et leur permet, s’ils la connaissent, de se sentir aussi importants qu’elle, donc d’accéder à une position de « dominants ».

94 As est l’ensemble des apprenants et les chiffres désignent les apprenants par exemple : 1 désigne A1, 2 désigne A2 etc.

2.2 Les raisons des attitudes positives ou négatives envers

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