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3. La place de la voix dans la pratique didactique conscientisée

3.3 Les changements de pratiques selon les contextes et au cours du temps

3.3.1 Les changements contraints par la différence des contextes

Dans la période de la pratique du métier, les enseignants (ou plutôt la majorité concernée 82) ont fait remarquer que leur pratique didactique diffère selon le type d’établissement (public, privé) fréquenté et selon le niveau académique des apprenants (collège, lycée), ou encore dans une même classe quand l’objectif didactique change (expliquer, lire, attirer l’attention etc.).

changement Dans le public Dans le privé Remarques A

N oui manuel différent manuel différent mais la sensibilisation reste la même

Tableau 34 : Différences de pratiques didactiques entre le public et le privé83

82 C'est-à-dire ceux qui exercent un enseignement dans deux lieux différents.

83 Les réponses figurent dans le questionnaire (p. 3, question n° 11).

Certains ont parlé de changements dans les manières d’enseigner dans deux classes de même niveau académique mais de niveaux cognitifs différents. Ceux qui enseignent à la fois dans le public et le privé (A, B, F, G, I, J, K, N) ont montré qu’ils avaient des manières différentes d’enseigner (sauf A et I).Tableau 34. Il s’agit pour eux de faire beaucoup plus d’effort dans le secteur public par rapport au secteur privé. Il s’agit d’« insister sur les plus petits détails » (B), de « travailler plus » (F), de difficulté de (faire passer le savoir en langue étrangère) (G), de devoir «plus simplifier les choses » (J), alors que dans le privé, il s’agit de

« petits détails dépassés » (I), de (travailler moins) (F), de « facilité de faire passer le savoir en langue étrangère » (G). Ce changement de pratiques didactiques entre le public et le privé est dû, selon eux, au bas niveau des apprenants dans le public par rapport au privé, aux moyens didactiques présents dans le privé et absents dans le public (F), aux « parents d’élèves » qui s’intéressent plus à leurs apprenants dans le privé que dans le public (G) et finalement au types de manuel différents dans les deux classes (N). Vu le passé scolaire des enseignants cibles nous pouvons rendre ce changement à la fois à des représentations construites depuis la période scolaire sur la qualité des apprenants qui est meilleure dans le privée (voir le premier chapitre de cette partie) et à des représentations actuelles surgies en contact direct avec les apprenants dans les deux milieux différents. Les enseignants cibles (A, G, K, M, N) qui enseignent deux niveaux académiques différents (collège, lycée) ont tous mentionné que leur manière de se comporter avec les apprenants change :

changement Dans le complémentaire Dans le

secondaire

Tableau 35: Différence de pratiques didactiques entre le complémentaire et le secondaire84

84 Les réponses figurent dans le questionnaire (p. 3, question n° 12).

S’adapter au niveau académique donc à l’âge du public d’apprenant est expliqué par l’enseignante G qui se comporte d’une manière « plus enfantine » avec les apprenants de 12 ans, et d’une manière « amicale » et « sévère » avec ceux des classes de seconde (16 ans).

Il y en a qui changent leurs « manières d’être », c'est-à-dire leurs pratiques didactiques, leurs comportements (verbaux, vocaux etc.) et attitudes selon qu’ils se trouvent dans deux classes de niveaux cognitif différents même s’ils ont le même niveau académique et se trouvent dans le même type d’établissement. C’est le cas de l’enseignant E.

En effet, l’enseignant E parle dans l’entretien d’un changement dans sa « manière d’être » : « comme s’il s’agissait d’une autre personne » quand il se trouve dans deux classes de même niveau académique (classes de seconde) et qui se trouvent dans le même établissement mais qui ont un niveau différent en langue française.

Le changement apparaît d’abord sous forme d’attitudes : gêné dans l’interaction avec ses apprenants dans la classe « moins bonne», « à l’aise » dans la classe « bonne », il procède différemment dans les deux classes : « même si sachant que je suis dans une classe de seconde mais je travaille parfois comme si j’étais dans une classe + du complémentaire + même même du primaire même du primaire » [entretien : 114-118].

C’est la classe, considérée comme une « ambiance différente » à chaque fois selon ses constituants - place de la langue, motivation des apprenants, niveaux des apprenants - type d’interactions - qui oblige l’enseignant à changer ses manières didactiques et ses manières d’être : le français lui-même pour pour l’autre classe n’est pas n’est pas + intéressant + pour elles + + elles sont vraiment vraiment faibles il y a des notions euh ça me gêne … des notions de langue qui ne sont pas du tout assimilées + [entretien : 106-112]

L’enseignant E voulait toujours montrer une bonne image de lui-même en ne montrant pas sa gêne à la classe « moins bonne » :

+ MEME si je me trouve intérieurement gêné + euh je tiens ou j’espère de tenir vraiment le contrôle dans mes relations + + on on est obligé de le faire parce que en fin de compte + considérer une classe comme faible pour moi pour moi ça ne va pas dire ne pas travailler disons les objectifs de la classe ou les compétences exigées par le programme + MAIS + faire le travail autrement par exemple dans la classe bonne + qui a un niveau plus élevé + + j’arrive à faire beaucoup plus d’activités + + avec la classe la moins bonne je dirais le temps non je ne le compte pas comme dans la première + + c'est-à-dire je leur donne le temps nécessaire à l’accomplissement du travail parce que si je limite le temps de l’activité l’activité ne va pas être euh finie [entretien : 128-141]

Ainsi, il s’agit pour l’enseignant E d’un changement contraint par la situation mais conscient et stratégique en donnant plus de temps à la classe « moins bonne ».

D’autre part, les enseignants cibles – se trouvent dans la même classe – ont recours parfois à des outils (verbaux, non verbaux ou vocaux) afin de réaliser un objectif didactique particulier par exemple attirer l’attention des apprenants

La majorité donc utilise sa voix pour attirer l’attention de ses apprenants mais chacun a sa propre manière. Il s’agit d’un usage stratégique de la voix chez les enseignants cibles dans la mesure où chacun est conscient de ce qu’il peut faire avec sa voix (selon ses dispositions vocales; le volume naturel de sa voix haute ou basse, résonnante cassée etc.) et de ce qu’il veut faire (accrocher apprenants) donc hausser la voix si elle est basse, et vice versa, parler plus lentement si le débit naturel est rapide, ou arrêter l’explication.

Si le changement est d’abord contraint par la situation, il est avant tout conscient dans la mesure où chaque enseignant sait qu’il change de stratégie pour mieux mener sa mission en classe.

La conception de B. Lahire concernant la théorie de l’action consiste à donner beaucoup plus d’importance à la variabilité des contextes qu’un individu fréquente dans la détermination de ses actions:

Les acteurs sont ce que leurs multiples expériences sociales font d’eux ; ils sont appelés à avoir des comportements, des attitudes variées selon les contextes dans lesquels ils sont amenés à évoluer […] Les acteurs ont traversé dans le passé et traversent en permanence de multiples contextes sociaux (univers, institution, groupes, situations…); ils sont les fruits (et les porteurs) de toutes les expériences (pas toujours compatibles, pas toujours cumulables, et parfois hautement contradictoires) qu’ils ont vécues dans de multiples contextes. (2001 : 343)

Au niveau synchronique, la voix professorale est une voix attachée et liée au lieu classe en comparaison avec l’usage naturel en dehors de la classe. Enfin, la voix s’inscrit dans un agir professoral dans la mesure où elle est une action consciente (les enseignants cibles l’ont travaillée avec conscience) et puisque encore la voix fait partie de la présence de chaque enseignant, de sa manière d’expliquer bref de son image projetée en classe.

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