• Aucun résultat trouvé

La Résolution 1803 (XVII) du 14 décembre 1962 : l’aboutissement de la « Déclaration sur la souveraineté permanente sur les ressources naturelles »

B) De l’évolution historique du principe de la souveraineté permanente sur les ressources naturelles en droit international et son rapport avec les droits de l’homme

2) La Résolution 1803 (XVII) du 14 décembre 1962 : l’aboutissement de la « Déclaration sur la souveraineté permanente sur les ressources naturelles »

Les années qui ont précédé la Déclaration de 1962 sont appelées par N. Schrijver « the formative years » de la souveraineté permanente sur les ressources naturelles, puisque la Résolution 1803 (XVII) de 1962 a marqué la consécration effective de la souveraineté

permanente sur les ressources naturelles au plan international165. En effet, la Résolution1803

est considérée comme « le texte de référence (…) pour les juristes et hommes d’État de plus

en plus nombreux à aborder ce problème (…) »166. Ainsi, considérant que la Résolution 1803 représente l’aboutissement de la formation normative du principe de la souveraineté permanente et de sa prise en compte à l’échelle internationale, il faut à présent présenter les caractéristiques de ce droit et, en particulier, celles déterminées par la Résolution 1803 (XVII) de 1962.

La Résolution 1803 qualifie ce droit d’« inaliénable » : « Considérant que toute

mesure prise à cette fin doit se fonder sur la reconnaissance du droit inaliénable qu’a tout

État de disposer librement de ses richesses et de ses ressources naturelles (…) »

(préambule)167. Cette inaliénabilité devait être comprise comme signifiant que la souveraineté

permanente des peuples et des nations sur leurs ressources naturelles « est inhérente à leur

163

Citons notamment l’amendement proposé par l’U.R.S.S. concernant le rappel des Résolutions 523 (VI) et 626 (VII) dans le préambule (UN.Doc.[A/C.2/L.620, sub.1) et l’amendement commun du Royaume-Uni et des États- Unis à propos du §4 sur la nationalisation et l’expropriation, qui a ajouté le membre de phrase suivant : « sur

l’accord des États souverains et autres parties intéressées » (UN.Doc.[A/C.2/L.686]).

164

La Résolution 1803 a été adoptée par quatre-vingt-sept votes contre deux (la France et l’Afrique du Sud) et douze abstentions. Il est intéressant de noter que la France a été contre l’adoption de la Déclaration sur la souveraineté permanente sur les ressources naturelles. La raison avancée par la France pour justifier son opposition se fondait sur le fait que les organes compétents des Nations Unies pour les questions légales, tels le 6ème

Comité et la Commission du droit international, n’avaient pas été consultés.

165

SCHRIJVER, N. Sovereignty over natural resources – Balancing rights and duties, op. cit., pp. 36-76. Voir également, ROSENBERG, D. Le principe de souveraineté des États sur les ressources naturelles, op. cit., p. 149.

166

ROSENBERG, D. Le principe de souveraineté des États sur les ressources naturelles, Paris, LGDJ, 1983, p. 149. Nous soulignons.

167

souveraineté », comme l’affirme la Résolution 626 de 1952168. Par conséquent, en tant que tel, ce droit n’est pas susceptible d’être aliéné169.

Par ailleurs, l’expression « souveraineté permanente », qui avait déjà été discutée durant les travaux préparatoires des Pactes internationaux des droits de l’homme de 1966, fut incorporée par le projet chilien et préservée lors de l’adoption de la Résolution 1803. Néanmoins, cette résolution a désigné la souveraineté permanente comme celle « des peuples et des nations » et non en tant qu’une souveraineté « de l’État »170, ce qui a causé une controverse à propos du titulaire de la souveraineté permanente sur les ressources naturelles,

comme il sera examiné postérieurement171.

La Résolution 1803 énonce, de plus, que le droit de souveraineté permanente comprend les droits de prospection, de mise en valeur et de disposition des richesses et des ressources naturelles (§2)172. Autrement dit, la Résolution affirme que le droit de souveraineté permanente comprend le pouvoir souverain de dominium de l’État.

La Résolution établit que l’importation de capitaux étrangers, nécessaires à ces activités relatives à l’utilisation de ressources naturelles, doit se conformer aux règles et aux conditions nécessaires ou souhaitables de l’État « pour ce qui est d’autoriser, de limiter ou

d’interdire ces activités » (§2). De plus, ces capitaux importés seront régis par la législation nationale173. Ainsi, la Résolution no 1803 met l’accent sur les pouvoirs souverains de l’État, voire sur sa compétence exclusive territoriale (jus imperium), et sur toutes les activités relatives à l’exploitation de ressources naturelles.

De surcroît, ce texte reconnaît que la souveraineté permanente sur les ressources naturelles prévoit le droit de nationalisation et d’expropriation des ressources naturelles, et le droit de réquisition en temps de guerre. Ces droits devaient pourtant être assujettis à certaines conditions, comme « se fonder sur des raisons ou des motifs d'utilité publique, de sécurité ou

d'intérêt national (…) » (§4). De plus, une indemnisation adéquate doit être accordée au propriétaire exproprié « conformément aux règles en vigueur dans l'État qui prend ces

mesures dans l'exercice de sa souveraineté et en conformité du droit international » (§4) 174.

168

Cette résolution est d’ailleurs rappelée dans le préambule de la Résolution 1803 (XVII) de 1962 (voir Annexe II).

169

Voir supra, dans la rubrique « Le ‘principe de la souveraineté permanente sur les ressources naturelles’ ».

170

Voir préambule §3 et §11, ainsi que §3 et §4 du texte de la Résolution 1803, voir Annexe II.

171

Voir infra, Première Partie, Titre I, chapitre 1.

172

§2 « [l]a prospection, la mise en valeur et la disposition de ces ressources ainsi que l'importation des

capitaux étrangers nécessaires à ces fins devraient être conformes aux règles et conditions que les peuples et nations considèrent en toute liberté comme nécessaires ou souhaitables pour ce qui est d'autoriser, de limiter ou d'interdire ces activités ».

173

§3, voir Annexe II.

174

§4, voir Annexe II. Ce paragraphe qui fut objet de plusieurs amendements et discussions durant la 17ème

session de l’Assemblée générale pour l’adoption de la Résolution 1803. Voir Annuaire des Nations Unies 1962, pp. 500-502.

En ce qui concerne les tiers, la Résolution souligne que les États et les organisations internationales doivent respecter strictement et consciencieusement la souveraineté permanente sur les ressources naturelles. D’après la Résolution, cela doit se faire en conformité avec les principes exposés dans la résolution elle-même et dans la Charte des

Nations Unies (§8)175, ce qui comprend donc « le respect des droits de l’homme et des libertés

fondamentales pour tous » (article 1er de la Charte). Il en va de même pour le §7 qui affirme que la violation de ce droit de souveraineté permanente « va à l'encontre de l'esprit et des

principes de la Charte des Nations Unies et gêne le développement de la coopération internationale et le maintien de la paix »176. La Résolution 1803 se préoccupe tout de même de bien délimiter l’exercice de la souveraineté permanente selon les principes et les obligations du droit international.

Il faut enfin souligner que ce texte prévoit, dans son tout §1er, que : « [l]e droit de

souveraineté permanente des peuples et des nations sur leurs richesses et leurs ressources naturelles doit s'exercer dans l'intérêt du développement national et du bien-être de la population de l'État intéressé »177. D’après ce texte, l’exercice de ce droit doit s’accomplir en gardant à l’esprit l’intérêt du développement national et l’intérêt du bien-être de sa population.

Le contexte international et les débats qui ont abouti à l’adoption de la Résolution 1803 ont imprimé une interprétation économique au texte de la résolution. En effet, le §1er relatif à l’exercice de ce principe était interprété selon cette conception économique, qui s’adressait particulièrement aux rapports interétatiques178.

Ainsi, l’exercice de la souveraineté permanente « dans l’intérêt du développement

national et du bien-être de la population » renvoyait, d’abord, à l’idée de l’intervention des investissements étrangers qui devait se faire en vue de l’intérêt du développement national et du bien-être de la population, comme l’a précisé le représentant chilien lors de la proposition du projet de résolution179. Par la suite, eu égard au fait que la souveraineté permanente avait pour but de garantir les droits des futurs États, ces deux finalités – celle tenant au développement national et celle tenant au bien-être de la population – impliquaient que la

175

§ 8 « (…) les États et les organisations internationales doivent respecter strictement et consciencieusement

la souveraineté des peuples et des nations sur leurs richesses et leurs ressources naturelles, conformément à la Charte et aux principes énoncés dans la présente résolution ».

176

§7, voir Annexe II.

177

§1, voir Annexe II. Nous soulignons.

178

ZAKARIYA, H. S., « Sovereignty over Natural Resources and the Search for a New International Economic Order », in SNYDER, F.E., SATHIRATHAI, S.(éd.). Third World Attitudes toward International Law – an

Introduction, Dordrecht/Boston/Lancaster, Martinus Nijhoff Publishers, 1987, p. 644.

179

BOSSUYT, M. Guide to the « travaux préparatoires » of the International Convenant on Civil and Political

Rights, Martinus Nijhoff Publishers, Dordrecht, 1987, p. 39. Voir UN.Doc.[E/CN.4/SR.260], p.6 (Chili) et p. 10 (Lebanon).

puissance administrante de territoires occupés devait exercer la souveraineté permanente en veillant au développement national et au bien-être de la population. Dans les deux cas, les finalités de l’exercice de la souveraineté permanente prévues par la Résolution correspondaient au développement national économique et au bien-être économique de la population, dans le sens où cette dernière pourrait garantir sa subsistance économique par ses propres moyens, c’est-à-dire garantir son autodétermination économique.

Ce paragraphe, considérée par N. Schrijver comme l’objectif fondamental de la

souveraineté permanente sur les ressources naturelles180, sera essentiel dans la présente étude, comme il sera traité plus loin.

Après la Résolution 1803 (XVII) de 1962, d’autres résolutions de l’Assemblée générale ont réaffirmé la souveraineté permanente sur les ressources naturelles et les droits de l’État sur les ressources naturelles de son territoire et les activités reliées181. Néanmoins, force est de constater que depuis 1962, le droit international a évolué : ses textes et mécanismes juridiques se sont multipliés et les centres d’intérêt des internationalistes se sont étendus et certains domaines, comme celui des droits de l’homme, se sont consolidés au plan international.

Par conséquent, il est aujourd’hui possible d’observer que le contenu normatif du principe de la souveraineté permanente sur les ressources naturelles – qui garantit à l’État des droits exclusifs relatifs à la jouissance économique des ressources naturelles – doit faire face au développement progressif de la protection des droits de l’homme en droit international.

Outline

Documents relatifs