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La prédominance d’une conception qui entraînerait la confrontation avec les droits de l’homme au niveau infra-étatique

Section I – Éléments de la souveraineté permanente issus des intérêts divergents : les fondements controversés du principe

C) La prédominance d’une conception qui entraînerait la confrontation avec les droits de l’homme au niveau infra-étatique

Après des années de confrontation d’intérêts Nord-Sud, la Résolution 1803 (XVII) de 1962, qui consacrait le principe de la souveraineté permanente sur les ressources naturelles, a finalement été adoptée. Cette résolution instaurait une forme d’équilibre entre ces intérêts

divergents en ce qui concerne le fondement du développement économique. En guise d’exemple, la Résolution 1803 affirmait la souveraineté de l’État sur ses ressources naturelles et le droit de nationaliser ou d’exploiter en raison d’intérêts publics de l’État, mais la résolution énonçait également le droit d’indemnisation des investisseurs étrangers dans le cas de nationalisation de ressources228.

De même, selon la Résolution 1803, les investissements privés ou publics devaient favoriser le développement économique des pays en voie de développement, mais les accords relatifs aux investissements étrangers conclus par les États devaient être respectés de bonne

foi229. En conséquence des intérêts divergents Nord-Sud à propos du développement

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Comme la Charte des droits et devoirs économiques des États (Résolution de l’Assemblée générale des Nations Unies 3281 du 12 décembre 1974).

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G. Feuer affirme à ce propos que « [S]i la question se pose sous la forme d’une controverse, c’est parce que

la revendication de souveraineté sur les ressources naturelles met la plupart du temps en opposition des pays faibles et dépendants mais fermement désireux de se rendre maîtres des moyens de leur développement et des entreprises des pays développés (…) » FEUER, G., « La théorie de la souveraineté sur les ressources naturelles dans les résolutions des Nations Unies », in Colloque d’Alger, Droit international et développement, Alger, OPU, 1978, p. 105-106. Voir à ce sujet l’article de FISCHER, G., « La souveraineté sur les ressources naturelles »,

AFDI, 1962, pp. 516-528. Selon l’auteur, il s’agit de la volonté « des pays prolétaires de contester les règles traditionnelles d’un droit international élaboré par et pour les Etats nantis, ‘civilisés’ » (p. 522).

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Résolution 1803 (XVII) de 1962, §4 (Annexe II)

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économique – en tant que fondement de la souveraineté permanente – la Résolution 1803 a incorporé une perspective interétatique en ce qui concerne le développement économique.

Dans la perspective interétatique, a été reconnu le contrôle exclusif de l’État sur les ressources naturelles de son territoire afin de promouvoir le développement économique vis- à-vis d’autres États, au lieu d’une mondialisation de l’accès aux ressources naturelles. Cependant, ce contrôle exclusif de l’État sur ses ressources devait entraîner aussi des effets juridiques au niveau infra-étatique, ce qui n’a pas été pris en compte dans la conception traditionnelle du développement économique, fondement du principe de la souveraineté permanente.

En tant que détenteur des pouvoirs exclusifs et permanents sur ses ressources naturelles, l’État est le premier responsable des conséquences juridiques de l’utilisation de ressources naturelles de son territoire, telle que la violation des droits de l’homme dans l’exploitation de ressources. Ainsi, cette perspective plutôt interétatique de la Résolution 1803, qui ne prend pas compte l’exercice de la souveraineté permanente par l’État au niveau infra-

étatique, devait entraîner une confrontation à l’intérieur de l’État, au fur et à mesure que la protection des droits de l’homme se développerait en droit international. Il traiterait d’une confrontation entre les intérêts de l’État de promouvoir son développement économique par l’exploitation des ressources et les droits de l’homme de sa population reliés à la jouissance de ces ressources au niveau infra-étatique, comme il sera discuté postérieurement230.

Toujours en ce qui concerne la formation normative du principe de la souveraineté permanente, il importe aussi de traiter le deuxième fondement, essentiel pour la reconnaissance de ce principe en droit international : l’autodétermination économique.

§2 – Les intérêts divergents au niveau vertical : le clivage État versus peuples concernant l’autodétermination économique

Dans ce contexte de reconnaissance du principe de la souveraineté permanente à l’échelle internationale, il existait encore les intérêts des États décolonisés ou en voie de décolonisation. Ces derniers encourageaient la mise en exergue de l’autre fondement idéologique important de la souveraineté permanente : l’autodétermination économique.

Par le biais de l’autodétermination économique, l’on prétendait soutenir l’autodétermination politique envisagée par ces « États nouveaux » en Asie et en Afrique,

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décolonisés ou les territoires occupés en train d’arriver au terme de leur processus de décolonisation dans la période de l’après-guerre.

Ces « États nouveaux » estimaient que leurs droits sur les ressources naturelles leur permettraient de garantir leur autodétermination ou leur indépendance économique, ainsi que de renforcer leur récente indépendance politique. Cette idée a été réaffirmée par l’Assemblée générale dans la Résolution 31/146 du 20 décembre 1976 sur « la situation en Namibie résultant de l’occupation illégale du territoire par l’Afrique du Sud ». Dans ce document, l’Assemblée générale réaffirme l’importance de protéger les ressources naturelles des peuples coloniaux afin de garantir leur future indépendance231.

Ainsi, le concept d’autodétermination économique, argument promoteur de la souveraineté permanente, était immédiatement relié à l’idée selon laquelle le principe de la souveraineté permanente était une composante économique du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. À l’instar de ce qui a été noté à propos du développement économique, il existait, pour l’autodétermination économique, des intérêts divergents dans la reconnaissance de la souveraineté permanente. Ces intérêts divergents sont apparus plutôt dans une dimension verticale : entre les peuples des territoires occupés, d’un côté et les puissances occupantes – les États – de l’autre.

La souveraineté permanente, entendue comme un facteur important pour soutenir l’autodétermination économique des peuples existants dans les territoires occupés, a fait l’objet de nombreuses discussions dans la période de formation du principe de la souveraineté permanente. Défendue par les États nouveaux et par les pays en voie de développement, cette idée était, en revanche, entravée par les pays développés. Or, dans le cadre de la reconnaissance normative, affirmer la souveraineté permanente comme un élément nécessaire pour la garantie d’un droit fondamental d’un peuple – le droit des peuples à disposer d’eux- mêmes – semblait assez risqué pour les puissances occupantes ainsi que pour les États qui craignaient des mouvements séparatistes (A). Pourtant, la prédominance du caractère interétatique dans l’argument de l’autodétermination économique entraînerait postérieurement des divergences au niveau infra-étatique (B).

A) Des interprétations divergentes sur le lien de la souveraineté permanente avec un

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