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Le droit à l’accès à l’eau potable compris dans le droit à la santé : la nécessité d’une jouissance économique des ressources naturelles qui soit plus rationnelle

Section I- Les ressources naturelles dans le cadre des droits de l’homme de « deuxième génération »

C) Le droit à la santé et les ressources naturelles

3) Le droit à l’accès à l’eau potable compris dans le droit à la santé : la nécessité d’une jouissance économique des ressources naturelles qui soit plus rationnelle

Le Comité des Nations Unies pour les droits économiques, sociaux et culturels,

dans son Observation générale no 14 de 2000, reconnaît que le droit à la santé comprend non

seulement la prestation de soins de santé, mais également des facteurs fondamentaux déterminants de la santé, tels que l’accès à une eau salubre et potable et à des moyens adéquats d’assainissement522. Ainsi, dans la notion du droit à la santé, est aussi compris le droit à l’eau. Il s’agit d’un droit fondamental de l’homme de l’accès à l’eau potable et à l’assainissement523.

De nos jours, il est admis que la jouissance pour l’individu du droit à la santé dépend de l’accès à une eau salubre et à l’assainissement524. Le droit à l’eau doit être entendu comme le droit à l’accès ininterrompu à l’approvisionnement de l’eau nécessaire525, ce qui

comprend le droit d’avoir accès à une eau non contaminée526. Ce droit emporte des obligations

à la charge de l’État, et notamment celle de respecter directement ou indirectement l’exercice du droit à l’eau, l’obligation de s’abstenir d’exercer une quelconque mesure ou activité qui

522

CESCR. Observation générale no14 sur le droit au meilleur état de santé susceptible d’être atteint

, op. cit., §11 et §12 a.

523

Pour avoir un panorama général sur les discutions internationales autour du droit de l’homme à l’eau, voir l’ouvrage de SALMAN, M. A. S. et al. The Human Right to Water – Legal and Policy Dimensions,

Washington, The World Bank, 2004, 180 p. Ce droit fut évoqué en tant que droit de l’homme pour la première fois par les Nations Unies dans le Plan d’action de Mar del Plata de 1977, suivi par résolutions adoptées au sein

de l’Assemblée générale et de la Commission des droits de l’homme (Résolution de l’AGNU no

54/175 du 15 février 2000 sur le droit au développement, § 12; Résolutions de la Commission des droits de l’homme no

2004/17 et no

2005/15, §4 et § 9), par le Programme d’Action 21 adopté lors de la Conférence des Nations Unies sur l’environnement et le développement en 1992 (Chapitre 18, § 47), par document du Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) (UNICEF, Sanitation for all, janvier 2000, p. 3) et par l’Observation générale du

CESCR no

15 de 2002 sur le droit à l’eau, dans laquelle le Comité souligne que l’eau fait clairement partie des garanties fondamentales pour assurer un niveau de vie suffisant (CESCR. Observation générale no15 sur le droit

à l’eau, UN. Doc.[E/C.12/2002/11], 20 janvier 2003, §3 et UN. Doc. [A/HRC/6/3], 16 août 2007, § 8). Ces documents ont considéré que l’eau est un bien public et une ressource naturelle limitée, qui est en revanche essentielle à la vie et à la santé humaines.

524

CESCR. Observation générale no14 sur le droit au meilleur état de santé susceptible d’être atteint

, op. cit.,

notamment §4, §11 et §12. CESCR, Observation générale no

15 sur le droit à l’eau, UN. Doc.[E/C.12/2002/11], 20 janvier 2003,. HUNT, P. Rapporteur spécial sur le droit de toute personne de jouir du meilleur état de santé physique et mentale susceptible d’être atteint - Mission au Pérou, UN.Doc. [E/CN.4/2005/51/Add.3], 4 février 2005, § 10, §15, § 19, §54, §62, § 63.

525

CESCR. Observation générale no15 sur le droit à l’eau

, op. cit., § 10.

526

résulterait en un refus ou une restriction de l’accès de l’approvisionnement adéquat en eau, ou encore l’obligation de s’abstenir de polluer l’eau de façon illicite par des déchets émis par des installations appartenant à des entreprises publiques527.

Par conséquent, les obligations relatives à ce droit pesant sur l’État peuvent par exemple être mises en œuvre par l’adoption de stratégies visant à garantir aux générations présentes et futures l’accès à l’eau. L’adoption de ces stratégies dans la jouissance économique de ressources implique de déterminer une utilisation de l’eau qui soit plus rationnelle, compte tenu de l’épuisement des ressources en eau, ou plus respectueuse des populations, à propos de la contamination de ces dernières.

Dans ce sens, le Comité des droits économiques, sociaux et culturels des Nations Unies avait déjà conclu, en 2003, que la tendance persistante à l’épuisement des ressources en eau et à la contamination de l’eau, surtout dans les pays en voie de développement, pouvait aggraver la pauvreté528. Peut être cité l’exemple de l’exploitation du lithium dans la région de Subcuenca et Laguna de Guayatayoc aux Salinas Grandes, dans le Nord de l’Argentine, qui a eu pour conséquence la contamination de fleuves d’où trente- trois communautés tiraient leur eau potable. Ce cas avait été signalé par le Comité des Nations Unies sur les droits économiques, sociaux et culturels (CESCR) et par le Rapporteur Spécial des Nations Unies sur les droits des peuples indigènes529. De même, cette question a déjà été portée devant la Cour internationale de Justice (CIJ) dans l’affaire relative au projet Gabcikovo-Nagymaros (1997)530 ainsi que dans l’affaire relative aux conséquences juridiques de l’édification d’un

mur dans le territoire palestinien occupé (2004)531, même si la Cour ne s’est pas expressément prononcée sur ce point.

Parmi les obligations pour l’État qui découlent du droit à l’eau potable, peut être citée l’obligation d’évaluer l’impact des actions susceptibles d’affecter la disponibilité de l’eau et les bassins hydrographiques naturels532, ou encore l’obligation de s’opposer à l’appauvrissement des ressources en eau. Dans ce dernier cas, il peut s’agir de captages, de détournements ou de la construction de barrages sans souci de long terme, ce qui peut

527

CESCR. Observation générale no15 sur le droit à l’eau

, op. cit., § 20.

528

Ibid., §1.

529

Voir le communiqué de presse publié par l’ONG suisse Commission international de Juristes, « Lithium exploitation in Northern Argentina violates indigenous people’s rights », du 14 décembre 2011, disponible en ligne : [http://www.icj.org/wp-content/uploads/2012/06/Argentina-exploitation-violates-rights-press-release-

2011.pdf], consulté le 21 juin 2013. Encore sur le droit à l’eau potable, voir la contribution de PAQUEROT, S., « Exploitation des ressources naturelles et droit à l’eau et à l’assainissement », in AILINCAI, M., LAVOREL, S. (dir.). Exploitation des ressources… op. cit., pp. 19-33.

530

Affaire relative au projet Gabčíkovo-Nagymaros, op. cit.

531

Affaire relative aux conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif du 9 juillet 2004, Recueil 2004, p. 136. Dans cette affaire, la CIJ a dû examiner le problème de la privation de l’accès à l’eau auquel la population civile palestinienne serait obligée d’affronter en vertu de la construction du mur.

532

CESCR. Observation générale no15 sur le droit à l’eau

provoquer la réduction ou même la disparition de bassins hydrographiques533, comme dans les

villes d’Arlit et d’Akokan au Niger534. Il résulte de ce qui précède que les droits de l’homme,

dont la garantie est nécessaire pour avoir un niveau de vie suffisant, via les droits au logement, à l’alimentation et à la santé, présentent un lien important avec le droit de jouissance des ressources naturelles, lequel est progressivement reconnu par le droit international.

Le même constat peut être fait pour ce qui concerne les droits individuels concernant l’existence humaine.

§2- La réalisation des droits individuels à l’existence humaine et leur rapport avec les ressources naturelles

Outre les droits reliés à un niveau de vie suffisant, l’utilisation des ressources naturelles peut avoir pour conséquence la réalisation, ou la violation, d’autres droits de l’homme individuels : ceux ayant trait à la survie humaine. Ces droits correspondent au fait

d’exister de la personne humaine, comme le droit à un environnement sain et propre et le droit à la vie. Ces droits comprennent, en réalité, la pleine jouissance des droits relatifs à la garantie d’un niveau de vie suffisant – tels que le droit au logement, le droit à l’alimentation ou le droit à la santé535 – allant au-delà de la simple survie.

Ainsi, sera ici examiné le rapport entre les ressources naturelles et le droit à un environnement sain et propre, vu que « [t]ous les êtres humains dépendent de l’environnement

dans lequel ils vivent »536 (A) et par la suite, sera étudié le rapport entre les ressources naturelles et le droit à la vie (B)537.

533

CESCR. Observation générale no15 sur le droit à l’eau

, op. cit., § 28.

534

Communication envoyée à l’État du Niger, le 28 juillet 2010, dans GROVER, A. (Rapporteur spécial).

Rapport sur le droit de toute personne de jouir du meilleur état de santé physique et mentale possible – Résumé de communications envoyées et réponses reçues des Etats et des autres acteurs, Conseil des droits de l’homme, 7ème

session, UN. Doc. [A/HRC/17/25/Add.1], 16 mai 2011, §231.

535

Haut-Commissariat des Nations Unies pour les droits de l’homme, disponible en ligne [http://www.ohchr.org], consulté le 22 juin 2013.

536

Ibidem.

537

Bien que, pour des raisons historiques, le droit à la vie ne soit pas traditionnellement entendu comme un droit de « deuxième génération », puisqu’il a été un des premiers droits de l’homme à être consacré, nous en traiterons dans cette section pour un certain nombre de raisons. La première raison tient à l’interdépendance des droits de l’homme : la violation d’un droit, si elle est poussée à l’extrême, conduira nécessairement à la violation du droit à la vie. Deuxièmement, le droit à la vie n’emporte plus uniquement des obligations d’abstention pour l’État, mais aussi des obligations positives, se rapprochant dans sa mise en œuvre des aspects traditionnels des droits de deuxième génération.

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