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Le « développement » aux Nations Unies: la théorie du rattrapage économique des années 1950-1960 et l’affirmation d’un droit international du développement

Section I- L’exercice de la souveraineté permanente à l’égard des droits de l’homme : un conflit concret

A) L’évolution de la portée du concept de « développement » de l’État en droit international

1) Le « développement » aux Nations Unies: la théorie du rattrapage économique des années 1950-1960 et l’affirmation d’un droit international du développement

Dans les années 1950, prédominait la théorie du rattrapage économique, selon laquelle le produit interne bruit (PIB) des pays « en retard » rattrape progressivement celui des pays où il est le plus élevé.

Sur le plan international, ce rattrapage économique était alors envisagé dans la notion de coopération internationale et d’une aide offerte aux pays en voie de développement pour leur permettre d’accéder aux avantages attendus du développement. Le rattrapage serait possible soit à travers l’industrialisation ou la spécialisation des pays « en retard » dans la production de matières premières par l’exploitation de ressources naturelles, soit à travers le transfert de technologie des pays développés pour l’exploitation de ces ressources300.

La doctrine du rattrapage se manifeste notamment à travers l’évolution du rôle du Conseil économique et social, organe des Nations Unies responsable de la coopération

299

SCHRIJVER, N. Sovereignty over natural resources – Balancing rights and duties, op. cit., p. 379.

300

Voir à ce sujet AZOULAY, G. Les théories du développement – du rattrapage des retards à l’explosion des

économique et sociale internationale301. Agissant en harmonie avec l’Assemblée générale, le Conseil économique et social avait essentiellement pour rôle, jusqu’en 1960, l’organisation et la gestion de la coopération pour le développement, particulièrement en matière d’assistance

opérationnelle302. En parallèle, les Nations Unies et ses institutions spécialisées mettaient en place divers programmes d’assistance technique et d’aide financière303. Cette idéologie

transparaît dans les résolutions 523 (VI) de 1952304 et 626 (VII) de 1952, mais aussi dans la

Résolution 1803 qui prévoit que :

« les Nations Unies examinent plus avant la question de la souveraineté

permanente sur les ressources naturelles dans un esprit de coopération internationale en matière de développement économique, en particulier dans les pays en voie de développement »305.

Ou, encore :

« [l]a coopération internationale en vue du développement

économique des pays en voie de développement, qu’elle prenne la

forme d’investissements de capitaux, publics ou privés, d'échanges de marchandises ou de services, d’assistance technique ou d’échanges de données scientifiques, doit favoriser le développement national

indépendant de ces pays et se fonder sur le respect de leur souveraineté sur leurs richesses et leurs ressources naturelles »306.

Le développement économique de l’État devait s’appuyer sur l’expansion de l’exploitation des ressources naturelles afin d’entraîner son progrès économique et son industrialisation. Il était prévu que ceci se fasse par la coopération internationale et

l’assistance technique des pays développés307. Cependant, les initiatives à cet égard n’ont pas

été satisfaisantes308. La première réunion de la Conférence des Nations Unies sur le commerce

et le développement (CNUCED) va modifier ce cadre. La transformation de la CNUCED en

301

Article 60 de la Charte des Nations Unies de 1945.

302

FEUER, G., CASSAN, H. Droit international du développement, 2ème

éd., Paris, Dalloz, 1991, p. 92.

303

À cette époque outre la CNUCED (Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement), ont été créés des organismes comme le PNUD (Programme des Nations Unies pour le Développement), et l’ONUDI (Organisation des Nations Unies pour le développement industriel). Cf. Ibid., p. 7.

304

Préambule §4 : « Consciente que l’un des moyens d’obtenir les ressources nécessaires à la réalisation des

plans de développement économique dans les pays insuffisamment développés est de créer des conditions qui permettent à ces pays de se procurer plus facilement des machines, de l’outillage et des matières premières industrielles en échange des marchandises et des services qu’ils exportent ».

305

Préambule § 12, nous soulignons.

306

§6, nous soulignons.

307

Voir encore la Résolution 2692 (XXV) du 11 décembre 1970 portant sur la « Souveraineté permanente des pays en voie de développement sur leurs ressources naturelles et l’expansion des sources intérieures d'accumulation aux fins du développement économique ».

308

Selon M. Virally, les propositions et les actions à cet égard s’exécutaient de manière incomplète, dispersées « sans vues d’ensemble, au fur et à mesure des besoins, et, souvent, sous la pression d’intérêts [autres] » (VIRALLY, M., « Vers un droit international du développement », AFDI, 1965, p. 7.).

un organe permanent309 en 1964 est un événement capital pour la question du développement, puisque la CNUCED a notamment permis d’adopter des règles communes pour le commerce des pays en développement et pour le financement de leur développement. Selon G. Feuer et H. Cassan,

« (…) tout le droit à venir [relatif au développement] se trouve en

germe dans les travaux de la Conférence. C’est à partir de ces données que la doctrine, et d’abord la doctrine française a eu l’intuition maîtresse qu’un nouveau système juridique était sur le point de se former. Elle a alors proposé le concept de ‘droit international du développement’»310.

Ainsi, entre 1964 et 1970, plusieurs institutions ont été créées au sein des Nations Unies visant à produire des normes et des recommandations (lex ferenda) relatives à l’action internationale pour le développement311. C’était la naissance du droit international du

développement, dont l’objet principal était de résoudre les inégalités dans les relations

interétatiques312. Dans ce contexte, la souveraineté permanente sur les ressources naturelles se présentait, à nouveau, comme un élément déterminant pour le développement économique de l’État. Le 11 décembre 1970, a ainsi été adoptée la Résolution 2692 (XXV) qui mettait en exergue l’importance de la souveraineté permanente des pays en développement sur les ressources naturelles pour l’expansion de leurs ressources intérieures à des fins de développement économique.

L’attention portée à la nécessité de coopération et d’assistance aux pays du Sud dans l’affirmation du droit international du développement se transformera néanmoins en une double dépendance entre les pays du Nord et les pays du Sud, dépendance qui éclatera au grand jour à l’occasion des crises de l’énergie des années 1970.

2) La crise de 1970 : la nécessité de matières premières et la notion d’interdépendance

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