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L’exploitation de ressources naturelles par l’État lui-même : l’exemple de l’affaire

Section I- L’exercice de la souveraineté permanente à l’égard des droits de l’homme : un conflit concret

B) L’apparition de confrontations entre des intérêts concurrents dans la jouissance de ressources naturelles : État versus population

2) L’exploitation de ressources naturelles par l’État lui-même : l’exemple de l’affaire

Belo Monte

À première vue, l’affaire Belo Monte semble être une affaire purement nationale. Il

s’agit d’un projet de barrage hydroélectrique de l’État brésilien mis en place depuis 2010355,

qui vise à augmenter l’approvisionnement d’énergie du pays. Les victimes supposées des activités du barrage sont également des nationaux brésiliens. Cependant, les éléments juridiques qui relèvent de cette affaire sont susceptibles de faire l’objet d’un litige international.

La construction d’un barrage dans le bassin du Xingu au Brésil, le barrage du Belo Monte, a été confiée à un consortium entre l’État brésilien et des entreprises privées brésiliennes, dans lesquelles l’État brésilien est majoritaire356. Ce projet constitue le deuxième plus grand projet hydroélectrique au Brésil et le troisième plus grand au monde357. Le gouvernement brésilien affirme que le Belo Monte produira 11 233 mégawatts d’énergie propre et permettra la distribution de l’eau à des régions du pays qui en ont besoin, ce qui

contribuera au progrès économique du pays – la réalisation de son droit au développement358.

Par ailleurs, le barrage relève d’un programme de développement national, le « PAC »

355

La demande d’autorisation pour la construction du barrage date de 1990. Depuis lors, la planification et l’autorisation pour la construction ont été suspendues plusieurs fois par le pouvoir judiciaire en raison des problèmes signalés dans l’étude d’impact environnemental ou des revendications de communautés indigènes. Voir à cét égard Folha de São Paulo, « Tudo sobre Belo Monte », São Paulo, décembre 2013, disponible sur: [http://arte.folha.uol.com.br/especiais/2013/12/16/belo-monte/capitulo-2-ambiente.html], consulté le 19 août 2014.

356

Ce consortium est constitué par l’Eletrobras S.A. (14,99%), l’Eletronorte S.A. (20%) et la Chesf (49,9%).

357

Serviço Público Federal Ministério de Minas e Energia [Service Public du Ministère de Mines et d’Energie], Processo no

48500.003805/2010-81, Contrato de Concessão no

01/2010- MME-UHE Belo Monte [Accord de

Concession no

01/2010- MME-UHE Belo Monte], 2010, disponible en ligne

:[http://www.aneel.gov.br/aplicacoes/Contrato/Documentos_Aplicacao/Contrato%20Belo%20 Monte.pdf],

consulté le 5 décembre 2012. Après plus de dix-sept ans de discussions à propos de la construction du barrage, le Parlement brésilien a approuvé sa construction en 2005.

358

Entretien réalisé par courrier électronique avec l’Assessorat spécial de Gestion socio-environnementale auprès du Ministère de Mines et de l’Énergie du Brésil (« Assessoria especial de Gestão socio-ambiental do Ministério de Minas e Energia »), le 1er

(« Programa de Aceleração do Crescimento ») entamé par le gouvernement en 2007, dont le Belo Monte est le principal projet énergétique et une de ses grandes priorités359.

Toutefois, ce projet a entraîné une vive résistance des communautés indigènes et de la population locale qui vivent au long du bassin du Xingu. Utilisant les terres des environs pour leur agriculture de subsistance, ces personnes ont exprimé leurs craintes quant à l’impact du projet sur leur vie locale ainsi que sur leur développement culturel et économique360. Selon le rapport élaboré en 2009 par le Rapporteur spécial des Nations Unies, Sir J. Anaya, le barrage affecterait au moins dix communautés indigènes en raison des changements à

l’environnement causés par sa construction 361. Les changements environnementaux

comprendront, par exemple, la destruction de 516 km2 de la région occupée par des groupes

indigènes, des dommages à la forêt Amazonienne et une réduction considérable de la biodiversité du bassin362.

L’exploitation des ressources peut être réalisée par l’État à travers ses entreprises publiques ou encore par des entreprises privées nationales ou étrangères : quoi qu’il en soit,

l’État reste le titulaire des pouvoirs souverains sur ses ressources naturelles et il lui incombe de déterminer et de maîtriser la prospection, la mise en valeur et la disposition de ces ressources ainsi que l’importation de capitaux étrangers, comme le prévoit la Résolution 1803 (XVII) de 1962 (§2 et §3). L’État brésilien dispose de ces droits en raison du droit international, mais le droit international met également à sa charge des obligations

relatives aux droits fondamentaux de sa population, issues du droit international des droits de l’homme. En effet, à l’égard du droit international, l’État brésilien reste le responsable et l’arbitre de cette confrontation juridique au niveau infra-étatique, qui comporte finalement des éléments internationaux susceptibles de faire l’objet d’un contentieux international. Or, de même que l’affaire Ralco, l’affaire Belo Monte a dépassé le cadre national, et le litige entre la population riveraine et le gouvernement brésilien est parvenu à la Commission interaméricaine des droits de l’homme en 2011363.

359

Disponible en ligne : [http://www.pac.gov.br], consulté le 15 juin 2014.

360

MIRANDA, L. A., « The Role of International Law in Intrastate Natural Resource Allocation : Sovereignty, Human Rights, and Peoples-Based Development », Vanderbilt Journal of Transnational Law, vol. 45, 2012, p. 785.

361

ANAYA, J. (Rapporteur Special). Rapport du Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme et des libertés fondamentales des populations autochtones M. James Anaya, Rapport sur la situation des droits de

l’homme des populations autochtones au Brésil, Conseil des droits de l’homme, 2ème

session, UN.Doc.[A/HRC/12/34/Add.2], 26 août 2009, §57.

362

ANAYA, J. (Rapporteur Special). Rapport du Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme et des libertés fondamentales des populations autochtones M. James Anaya, Rapport sur la situation des droits de

l’homme des populations autochtones au Brésil, Conseil des droits de l’homme, 2ème

session, UN.Doc.[A/HRC/12/34/Add.2], 26 août 2009, §57. Et Inter-American Commission on Human Rights, Case Title: Indigenous Communities of the Xingu River Basin, Pará, Brazil, Case Number: PM 382/10, Date of decision: 1 April 2011.

363

Le 1er

avril 2011, l’ONG « Movimento Xingu Vivo para Sempre » (Movement pour le Xingu Vivant pour toujours) a introduit une demande de mesures préventives à la Commission Interaméricaine en vue de paralyser la construction du barrage (OEA, Commission interaméricaine des droits de l’homme, mesure préventive 382/2010, 1er

Ces deux affaires montrent les conflits les plus courants qui peuvent advenir dans la région sud-américaine entre l’intérêt de l’État à promouvoir son développement économique et les intérêts des populations locales à défendre leur cadre de vie dont dépend en grande partie leur subsistance.

Ces affaires révèlent également la prise en compte de cette confrontation par le

droit international, c’est-à-dire la prise en compte des questions qui, auparavant, étaient d’ordre purement interne, comme la conduite de l’État en vue de promouvoir le développement économique du pays à travers l’exploitation des ressources naturelles et les droits de la population locale affectée par cette conduite.

3) Une « internationalisation » des questions relatives aux droits de l’homme dans le

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