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Conclusion de la partie

Chapitre 4. La réputation des organisations

2. Réputation : revue de littérature

Cette revue de littérature met en avant les principaux attributs, voire les définitions quand celles-ci sont explicites, de la réputation. Que cette réputation soit propre aux organisations (en économie, marketing et S ie es de l o ga isatio esse tielle e t ou a al s e pa le p is e de l i di idu e sociologie par exemple). Ces principaux attributs seront ensuite discutés et mis en articulation à la fin de cette partie, nous ouvrant alors la voie vers des apports complémentaires et nécessaires à une définition de la réputation propre à notre travail de recherche.

Notons avant toute chose que de nombreux auteurs ayant (dans différents champs) souhaité faire une synthèse du concept de réputation (Fombrun, 1996 ; Rindova et al., 2005 ; Boistel, 2007, 2008 ; Origgi, 2007 ; Girard, 2012) se sont généralement appuyés sur des économistes ou des gestionnaires. Les définitions ne sont donc pas admises de tous, mais les références centrales le semblent. Les différentes définitions données par les auteurs sur ce concept procèdent alors à des choix, voire des p f e es pou tels ou tels t pes d aspe ts à ett e e a a t.

2.1. La réputation en Sciences économiques

La réputation comme objet traité par les économistes apparait selon Origgi (2007, 2008) dans la

Théories des sentiments moraux d Ada “ ith où l auteu pla e la putatio o e au

centre de la vie sociale et économique, mais aussi de la morale (faisant référence selon nous au sens do à e te e à l po ue : « La Natu e, lo s u’elle a fo l’ho e pou la so i t , lui a fourni

http://www.journaldunet.com/ebusiness/expert/51223/la-e-reputation-des-entreprises--pour-le-meilleur-et- pour-le-pire.shtml, etc.

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u d si o igi al de plai e et u e a e sio o igi ale d’offe se so f e. Elle lui a app is à se ti le plaisi du ega d fa o a le et le d plaisi du ega d d fa o a le. Elle a e du l’app o atio des aut es très flatteuse pour son bien et la désapprobation le plus mortifiant et offensif » (Adam Smith, 1759,

cité et traduit par Origgi, 2008, p. 26-27, A). La réputation est ici abordée comme un mécanisme d app o atio des a tio s d u i di idu ou de l i di idu lui-même) par les autres. Au-delà de ce esoi d app o atio , “ ith p se te aussi la putatio e te es de oop atio a a tageuse (Smith cité par Origgi, 2007)243: « Le succès de la plupart des gens dépend presque toujours de la

faveur et de la bonne opinion de leurs voisins et de leurs pairs ; et sans une conduite tolérable régulière celles-ci peuvent rarement être obtenues. Le bon vieux proverb, par consequent, que l’ho tet est la meilleure politique, reste, dans ce type de situations, Presque parfaitement vrai ».

Origgi souligne alors que « Smith distingue donc deux mécanismes réputationnels: un mécanisme

as su l’i t t goïste da s les i te a tio s p t es et u a is e ps hologi ue a da s le esoi d’app o atio ».

La réputation comme facteur de coopération se retrouve par la suite chez de nombreux économistes, i t g a t alo s la putatio à la th o ie des jeu . Da s u e situatio d i fo atio i pa faite i.e. u i di idu doit p e d e u e d isio sa s o ait e l e se le des i fo atio s su so pa te ai e, adversaire ou futur investissement), Milgrom et Roberts (1986) voient la réputation comme un signal isa t à dui e l i e titude des a tio s et o duites futu es d u a teu e situatio de hoi . La réputation étant alors une anticipation de la qualité sur la connaissance des produits (Boistel, 2008, p. 15). Cette approche va dans le sens des modèles de « jeu p t s a e as t ie d i fo atio s » qui démontrent selon Gaultier-Gaillard et Pratlong (2011, p. 275) « ue la o st u tio d’u e o e

réputation permet de dui e l’as t ie d’i fo atio et, pa o s ue t, de g e des gai s à lo g te e, pa e u’elle i ite les age ts o o i ues à oop e ». Dans la même approche, pour

G oss a et “tiglitz les o so ateu s s appuie t su la putatio d une organisation car ils poss de t oi s d i fo atio as t ie ue les a age s ua t à la ualit des p oduits, ou e o e les futu es a tio s de l o ga isatio . Ces th o ies tudie t alo s les « effets de réputation », soit « des situations où un joueu fi ie d’u a a tage i fo atio el » (Marlats, 2011) : la réputation est donc en première approche perçue comme une information venant réduire l i e titude et do e u fi e à elui la possédant.

Cet effet de putatio est selo ous l oppos du « risque de réputation » (Kreps, 1990), que Gaultier-Gaillard et Pratlong (2011, p. 273) définissent comme suit : « La coordination au sein de

l’e t ep ise est a al s e sous fo e d’u jeu de o fia e e t e u joueu ui s’e gage da s la transaction en p e a t le is ue ue l’aut e e p ofite u ilat ale e t. “i le jeu est jou u e fois sa s aucune coopération, alors le seul équilibre envisageable est une situation inefficiente de non o fia e. “i le jeu est p t à l’i fi i, u o t at i pli ite de o fia e utuelle s’i stau e e t e les joueu s, d’auta t plus i po ta t ue les t a sa tio s so t parfois difficiles à observer. Il s’agit alo s d’i stau e u ep e olle tif ui ui aut à o sid e l’e t ep ise o e u suppo t de putatio qui permet de fai e espe te les « o t ats de o fia e » e t e i di idus sa s u’il ’ ait ja ais eu de transactions communes entre les parties ». La réputation devient alors un « contrat collectif »

supporté par une organisation et assurant la confiance (donc limitant les risques) dans les diverses

243 Traduction par nous. Citation originale : The success of most people almost always depends upon the favour

and the good opinion of their neighbours and equals ; and without a tolerably regular conduct these can very seldom be obtained. The good old proverb, therefore, that honesty is the best policy, holds, in such situations, almost perfectly true ».

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t a sa tio s e t e l o ga isatio et ses pa ties p e a tes. Co e le soulig ent par la suite ces auteurs (Op. Cit., p. 274), de nombreuses recherches se sont développées pour étudier cette réputation collective, et se fondent sur quatre hypothèses : « la putatio d’u g oupe sulte de la

réputation de chacun de ses membres, les comportements individuels passés sont supposés être i pa faite e t o se a les, l’histoi e pass e de ha u de ses e es est suppos e p dire son o po te e t futu , le o po te e t d’u ou eau e e du g oupe est i flue é par le comportement passé de son prédécesseur ». La putatio d u g oupe d pe d pou les o o istes

de ces différents facteurs, et spécifiquement des comportements des acteurs au sein du groupe244, et

devient ainsi un critère prédictif quant aux actions futures. Comme le soulignent Fombrun et Van Riel (1997, p. 6)245 : « Pour les théoriciens du jeu, alors, les réputations sont fonctionnelles : elles génèrent

des perceptions parmi les employés, les clients, les investisseurs, les concurrents, et le public en g al su e u’u e e t ep ise est, e u’elle fait, e u’elle ep se te. Ces pe eptio s sta ilise t les i te a tio s e t e l’e t ep ise et ses pu li s ». La théorie des jeux est donc très schématique pour

a o de la putatio e o o ie, ais a le ite de ett e e e e gue l i po ta e de la putatio da s la p ise de d isio e as d i fo atio i pa faite, le fait ue ette putatio est une perception (ou plutôt i i u sig al , u elle est i h e te au elatio s e t e u e o ga isatio et ses « parties prenantes », et ue la o fia e est i h e te à sa o st u tio auta t u elle e découle.

Ces « parties prenantes », do t ous e o s u elles so t o iprésentes dans la littérature en gestion notamment, sont à proprement parler les « stakeholders » définis par Freeman (1984, p. 16, cité et traduit par Ballet, 2005, p. 79) ainsi : « une partie prenante dans une organisation est (par

définition) tout groupe ou i di idu ui affe te ou est affe t pa l’a o plisse e t des o je tifs de l’o ga isatio ». Pour Ballet deu isio s des pa ties p e a tes s aff o te t : la vision « large » eposa t su la d fi itio de F ee a où les pa ties p e a tes so t l ensemble des groupes ou i di idus ui affe te t ou so t affe t s pa les d isio s de l o ga isatio ; et la vision « étroite » qui « tente de restreindre le nombre de parties prenantes et se limite souvent aux groupes ayant une

relation privilégiée avec la firme et influençant notablement sa survie » (Op. Cit., p. 79). Typologie

rejoignant en partie celle de Clarkson (1995) pour qui les parties prenantes sont soit volontaires elles oue t olo tai e e t u e elatio a e l o ga isatio , soit i olo tai es (subissant les effets e ge d s pa les a tio s de l o ga isatio .

Pour Weigelt et Camerer (1988, p. 452), la construction de la réputation affecte les comportements st at gi ues d u e o ga isatio a elle pe et de g e des e tes futu es. Les « ingrédients » pou o st ui e la putatio d u e o ga isatio sont généralement les suivants pour ces économistes : deux ou plusieurs « joueurs » (au sens de la théorie des jeux), une asymétrie

244 Hypothèses que Gaultier-Gaillard et Pratlong (2011, p. 274) remettent en causes : « Cette approche

pu e e t o o i ue ’est pas aliste. Les p i ipales li ites so t les sui a tes : L’h poth se de ase suppose ue le jeu est p t à l’i fi i da s les es o ditio s, ha ue joueu est suppos o aît e les co po te e ts pass s des aut es joueu s, la possi ilit de pa do e ou d’ou lie u o po te e t d ia t d’u aut e joueu ’est pas p ise e o pte, e da s l’i t t de la o u aut , le jeu e efl te pas les elatio s hi a hi ues et les o flits d’i t ts du o de des affai es, et le jeu e efl te pas l’ olutio de l’e i o e e t, ota e t l’app e tissage et les etou s d’e p ie e. » .

245 Traduction par nous. Citation originale : « For game theorists, then, reputations are functional: they

generate perceptions among employees, customers, investors, competitors, and the general public about what a company is, what it does, what it stands for. These perceptions stabilize interactions between a firm and its publics ».

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d i fo atio , u fo t e se le d optio s st at gi ues et u ontexte dynamique. Pour ces auteurs toujou s, et s appu a t su diff e tes tudes, la putatio d u e o ga isatio i flue fo te e t su les prises de décisions des dirigeants de celle-ci. Pour synthétiser la pensée de Weigelt et Camerer exposée dans leur article, la réputation est un appui au choix stratégique des organisations puis u elle epose su les pe eptio s ue elle-ci a de la aleu d u « joueur », et inversement. Cette réputation, si elle est positive (i.e. si elle porte des valeurs en adéquation avec celles

e he h es pa l u e des pa ties p e a tes a e e tai s fi es pou l o ga isatio Boistel, 2008 ; Ballet, 2005) : elle p oduit u effet de di ilit pou l o ga isatio di i utio de la perception des risques pour les parties p e a tes , elle pe et de sig ale l o ga isatio à des g oupes ou i di idus a a t pas e o e de elatio s avec celle-ci, elle donne une préférence à l o ga isatio fa e à d aut es ua d les p i so t si ilai es su u a h , elle soutie t l o ga isation en période de crise ou de polémique, et elle permet une meilleure valorisation boursière (pour les économistes, les parties prenantes, au sens « étroit », étant souvent entendues comme des investisseurs ou actionnaires).

Nous pouvons nous appuyer sur Origgi (2007) pour résumer ainsi ce panorama de la réputation dans les Sciences Economiques : « E o o ie, la putatio peut t e d fi ie o e la di ilit d’u

agent, basée sur ses actions passées, aux yeux des partenaires potentiels dans une transaction. La p ope sio d’u age t à oop e a e u aut e peut a ie selo l’i fo atio ue l’age t possède sur la réputation de son partenaire potentiel, sur son comportement passé. Dans des transactions marchandes réitérées on a donc un intérêt à avoir une « bonne » réputation, car cela aug e te os p o a ilit s d’i te a tio s a a tageuses ». Synthèse à laquelle nous pouvons ajouter

que la réputation apparait comme une valeur (un patrimoine pourrions- ous di e de l o ga isatio , dont la gestion et la valorisation favorise la confiance avec les parties prenantes et permet ainsi à l o ga isatio de g e e tai s fi es.

2.2. La réputation des organisations : marketing, management et stratégie

« C’est au États-U is ue la putatio fait l’o jet de flexions pragmatiques quant à son utilité.

Depuis plus de 15 ans, Fortune publie le hit parade des « top ten best corporate reputation companies » en se fondant sur des attributs qualitatifs : capacité à attirer des talents, innovation, responsabilité sociale du a age e t… » (Piotet, 2005, p. 106). E F a e l O se atoi e de la

réputation propose le même type de classement pour les entreprises du CAC 40246. La réputation

comme « objet » que les organisations peuvent gérer et intégrer à leurs stratégies afin de générer des avantages économiques est fortement discutée dans la littérature anglo-saxonne, et spécifiquement dans le champ des Sciences de gestion (sous lequel nous englobons ici le marketing, le a age e t et les th o ies des o ga isatio s ui l a o dent comme une ressource intangible que les organisations ne peuvent ignorer (Dowling, 2002). La riche littérature sur le sujet nous offre ici l o asio de ous fo alise sp ifi ue e t su les o ga isatio s.

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Dans les recherches en marketing, dont Fombrun et Van Riel (1997, p. 7) proposent une synthèse247,

la putatio est a o d e pa le p is e de la atu e du t aite e t de l i fo atio pa les pa ties prenantes, information résultant « d i ages e tales » ou e p o e a e d aut es i di idus. Ces recherches ette t e a a t l i po ta e des aspe ts affe tifs et og itifs da s l app he sio de es sig au i fo atio els e p o e a e d u o jet ou d u e e tit au uel les pa ties p e a tes sont confrontées (pour un investissement ou un achat par exemple). La réputation apparait alors o e u e pe eptio de sig au i fo atio els. Pou es auteu s, l la o atio d u e pe eptio o e a t u o jet e l o u e e pou le a keti g u p oduit ou se i e, oi e l o ga isatio e elle-même ou sa « marque ») sulte d u e ise e elatio o ple e de diff e tes sig ifi atio s p se tes da s l esp it de l i di idu. A u plus as i eau, l la o atio de ette pe eptio peut reposer selon ces auteurs sur une simple description, un sentiment spontané, type « jai e/je ai e pas ». Toujou s pou es es auteu s, les th o ies de l o ga isatio a o da t la putatio « are

rooted in the sense-making experiences of employees » (Op. Cit., p. 8 . La ultu e et l ide tit d u e

organisation façonnent ses pratiques économiques, et in fine les relations que les « managers » établissent avec les parties prenantes. La « corporate culture » influe donc sur les perceptions que les salariés auront de leur organisation : nous somme alors dans un mouvement récursif et systémique. « L i age » de l o ga isatio i flue su ses olla o ateu s et leu s a tio s, et es a tio s i flue t su la elatio des olla o ateu s a e les pa ties p e a tes, pa ties p e a tes ui i flue t su l i age de l o ga isatio , et ai si de suite. Ce que confirme Davies et al. o a t l ide tit d u e o ga isatio o e l e se le des pe eptio s de ses olla o ateu s su elle-ci.

Suite à ces différents constats, Fombrun et Van Riel présentent la définition de la « corporate reputation » (que nous t aduiso s i i pa la putatio d o ga isatio p opos e pa Fombrun et Rindova (1996) et synthétisant les différents aspects aussi bien économiques que marketing et organisationnels vus supra248 : « U e putatio d’e t ep ise est u e ep se tatio ollective des

a tio s pass es et des sultats d’u e entreprise qui décrit la capacité de cette entreprise à fournir des sultats alo is s à de ultiples pa ties p e a tes. Elle esu e la positio elati e de l’e t ep ise à la fois en interne avec les employés et en externe avec les parties prenantes, tant dans des e i o e e ts o u e tiels u’i stitutio els ».

Au-delà des constats issus des théories économiques (représentation collective, actions passés, valeurs) cette définition (fortement reprise par de nombreux chercheurs) repose selon ses auteurs une « vision intégrée » est-à-di e s appu a t su de o euses d fi itio s da s diff e ts champs), et met en avant la réputation comme un élément de mesure (de la position de l o ga isatio su ses archés, pour ses parties prenantes), mais aussi comme un élément mesurable.

247 Notons que cette synthèse apparait dans le premier numéro de la « Corporate Reputation Review » (fondée

par Fombrun) en partenariat avec la « Reputation Institue », en 1997. Le développement de cette revue, selon Fo u et Va ‘iel, po d à u esoi de st u tu e les e he hes toujou s plus o euses à l po ue su la réputation et son management.

248 Traduction par nous. Citation originale : « A corporate reputation is a collective representation of firm's past

actions and results that describes the firm's ability to deliver valued outcomes to multiple stakeholders. It gauges a firm's relative standing both internally with employees and externally with its stakeholders, in both its competitive and institutional environments ».