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Chapitre 3. Le web et ses « médias sociaux »

A. Twitter : présentation générale

4. Quelques aspects informationnels : attention, identité numérique, prescription et diffusion

4.1. Abondance et attention

De nombreux auteurs (Rebillard, 2007 ; Serres, 2004 ; Proulx et al., 2010 ; Massé et Thibault, 2001 ; de ‘os a , s a o de t à di e u I te et et le e so ial a e t à u e a o da e d i fo atio s. U e a o da e de do es tout d a o d, phénomène aujou d hui ou a e t appelé « Big Data » o e ous l a o s u. Et u e a o da e de dispositifs, ais aussi d i di idus, pour traiter ces données, les mettre en contexte, les rendre signifiantes (Boyd, … B ef, p odui e de l i fo atio .

“ il ous se le ue e o stat e essite pas d alle plus a a t da s sa d o st atio tout internaute inscrivant une requête comme « voiture rouge » dans un moteur de recherche peut constater par lui-même les millions de pages détectées), il nous parait intéressant ici de détailler les conséquences de cette abondance pour les internautes et les organisations. Tout d a o d, deu ph o es p op e à l i di idu et o s « surcharges cognitives et informationnelles ».

La « surcharge cognitive » peut être définie en première approche comme : « The additional effort

and concentration necessary to maintain several tasks or trails at one time. » (Conklin, 1987, p.

40). Au i eau du e do , ette su ha ge est pas fo e t i duite pa le olu e d i fo ations en lui-même, mais par les difficultés liées à la navigation hypertextuelle : face à de nombreuses pages web proposant des informations sur un sujet, la navigation entre chaque page peut pa fois d o e te l i te aute, lui fai e pe d e la o e t ation nécessaire au traitement des divers documents auxquels il accède. Au niveau des RSN nous pouvons citer notre illustration de la fragmentation du document (Chapitre 2, section 2.2) sur Twitter comme désorientation possible de l i te aute. Cette su ha ge p o ie t do de l i te fa e pa la uelle l i te aute a de au informations diffusées sur le web, comme le souligne Rhéaume (1993) : « La surcharge cognitive est

un effet produit chez l'utilisateur qui n'a qu'un écran pour travailler et qui doit s'efforcer de trouver à quoi telle information doit être associée pour être mémorisée et significative. Cette surcharge provient d'une part de la mémoire à court terme qui a tendance à tout oublier en passant d'un écran à l'autre et d'autre part du manque d'acculturation de l'usager-lecteur qui n'a jamais développé cette

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habitude de lecture et d'apprentissage. C'est pourquoi les traces qui permettent de rebrousser le chemin parcouru et les cartes explicitant les réseaux de liens sont si utiles. ». La surcharge cognitive

p o ie t aussi des apa it s de o isatio de l i di idu, s appu a t alo s su e tai s dispositifs prévus à cet effet dans les interfaces de navigation sur Internet, comme les navigateurs web. Pour Rhéaume (1991) cette surcharge cognitive, mais aussi la su ha ge d i fo atio s en général, place l usage da s u e positio d fe si e, de sista e au essou es u il t ou e o -pertinentes, lui faisa t ai si adopte des p ati ues de t is de l i fo atio ui lui so t p op es.

Le concept de surcha ge og iti e ie t ett e e a a t les diffi ult s u u i te aute peut a oi à s o ie te da s u e i o e e t h pe te tuel au uel il est pas ha itu ou a ultu , et pa extension appuyer la nécessité de celui- i à use d a tefa ts og itifs. Mais cette abondance d i fo atio s a e aussi à u e otio ui i t g e elle de su ha ge og iti e, la « surcharge informationnelle ». La su ha ge i fo atio elle s i s it selo ous, et à la suite de plusieu s études (Keller et Staelin, 1987 ; O ‘eill , 1980 ; Simon, 1990 ; Lurie, 2004), dans les processus décisionnels : u e p ise de d isio s appuie su l uili e e t e u olu e d i fo atio s suffisant pour la décision, et un trop fort volume venant « surcharger » les apa it s de l i di idu décisionnaire. Ainsi que le confirme Isaac et al. (2007) : « Principalement analysée du point de vue de

la th o ie de la d isio , la su ha ge i fo atio elle s’a al se o e u olu e d’i fo atio s à traiter pour prendre la meilleure décision occupe une place centrale. Une première définition de cette notion est souvent donnée par les salariés comme le fait de e e oi t op d’i fo atio s. Shenk (1998) parle de « brouillard informationnel » ». Les auteurs de préciser par la suite que ce concept

repose sur trois dimensions : la olu t ie d i fo atio t op a o da te à t aite pa u g oupe ou u i di idu, la apa it og iti e à t aite ette a o da e d i fo atio et à s o ie te , et la « surcharge de communication » les auteu s do a t l e e ple du ou ier électronique en entreprise. Notons que pour de nombreux praticiens, ce concept de surcharge informationnel est souvent transposé au terme (plus trivial, mais selon nous parlant) « d i fo sit ». Vu comme le « ou eau fl au de l e t ep ise »209, et souvent reliée aux e- ails ou à l a s à I te et da s les

organisations, « l i fo sit » est devenu le cheval de bataille de nombreux managers et dirigeants, ais aussi u poi t d e t e pou de o euses solutio s logi ielles de t aite e t de l i fo atio . Plus u u e uestio de olu e, il ous se le u il s agit aussi de la ualit de l i fo atio à « consommer », puisque la structuration de celle-ci joue sur les capacités cognitives nécessaires à l o ie tatio da s u g a d olu e d i fo atio s210.

Cette a o da e d i fo atio s, es su ha ges og iti es et i fo atio elles, e ge d ent une « p u ie d atte tio » pou les i te autes, l atte tio de e a t alo s u e essou e a e ue de nombreux acteurs économiques (comme les annonceurs publicitaires) he he t à s a apa e (Salaün, 2000). Cette fo alisatio de e tai s a teu s o o i ues su la aptatio de l atte tio des individus les insèrent dans ce que Goldhaber (1997) nomme dans un article fondateur « l o o ie de l atte tio »211, et pour qui l atte tio s i s it o ligatoi e e t da s u a te o u i atio el,

209« L'"infobésité", un nouveau fléau dans l'entreprise » : http://lentreprise.lexpress.fr/gestion-entreprise/l- infobesite-un-nouveau-fleau-dans-l-entreprise_34766.html, 31/08/2012.

210 Voir « « Infobésité » : plus une question de qualité que de volume ? » sur le blog CaddE-Réputation : http://caddereputation.over-blog.com/article-infobesite-plus-une-question-de-qualite-que-de-volume-

110239311.html, 19/11/2012.

211 L a ti le s i titule « The attention economy and the net » (accessible en ligne : http://firstmonday.org/htbin/cgiwrap/bin/ojs/index.php/fm/article/view/519/440 et l o peut oter que, en

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l o o ie de l atte tio pou a t alo s se su stitue à l o o ie « classique » (transactions d atte tio plutôt ue o tai es . Kessous et al. (2010) proposent une synthèse des principaux od les th o i ues de l o o ie de l atte tio : le management des organisations comme enjeu e t al de l o o ie de l atte tio Davenport et Beck, 2001 , l app o he de La ha

e isagea t l atte tio o e essai e pou do e du se s à l information (et non pas la hi a hise , ou e o e Falki ge , a a t od lis l o o ie de l atte tio o e système économique à part entière. Pour Kessous et al. (2010) toujou s, l o o ie de l atte tio revêt deux logiques : celle visant à p ot ge l atte tio des i di idus de la su ha ge d i fo atio s (les acteurs économiques du web travaillant alors à des interfaces et des systèmes de filtrages adéquats), et celle visant à capter cette attention pour en tirer des profits (publicité, audience, ventes, etc.). Les auteurs de conclure : « Malgré les efforts de formalisation de certains auteurs,

l' o o ie de l'atte tio appa aît da a tage o e u e fo ule « i a tatoi e » u’u ha p de recherche bien structuré ».

Pour Boullier (2009, p. 233 l atte tio o po te au oi s deu di e sio s : la du e et l i te sit . Di e sio s su les uelles e ue l auteu o e « les i dust ies de l atte tio » (et qui ne sont pas sp ifi ues au e ou à l I te et o t essa e d i flue pa des « modes de production de l atte tio » basées sur trois régimes : la « fidélisation », ui s appuie su la du e da s l atte tio , et qui peut être associé aux dispositifs de gestion client (fichiers clients) et dont les modalités reposent sur les habitudes des individus ; « l ale te », ui se epose su l i te sit da s l atte tio et dont la modalité attentionnelle est le « priming »212; ou encore une combinaison des deux dimensions et que

l auteu o e « immersion », do a t alo s l e e ple des jeu id o eposa t sur une « structure

captivante du contenu ».

Ces p opositio s de od les et le ie s o o i ues de l atte tio fo ul es pa es diff e ts auteu s s o se e t su le e aujou d hui : la fid lisatio ui s op e su des plates-formes marchandes comme Itunes d Apple, où le o so ateu est o sta e t solli it pou « mettre à jour » ses applications et produits ; l i e sio , ue ous pou o s s h ati ue e t et ou e a e Facebook, où un ensemble de fonctionnalités visent à « garder » l i te aute su la plate-forme pour ensuite monétiser son attention par de la publicité ; le design des interfaces (Lanham, 2006) construit pou fa ilite l o ie tatio de l i te aute et ett e e elief les essages oulus do t eu pu li itai es … Cette e he he d i se tio da s l o o ie de l atte tio , ette olo t de fai e e ge ses essages au eu d i te autes sou e t e su ha ge og iti e et i fo atio elle, est pas d olue selo o u au seuls a teu s a ha ds du e . Les i dust ies diatiques ont bien compris cet enjeu, et pou atti e l atte tio et pa la suite g e de l audie e e so e faire du « priming » elles h site t pas à e fo e leu s p ati ues de « titrage » alla t jus u à

peut effe ti e e t o state à l heu e a tuelle : une augmentation continue des personnes souhaitant attirer l atte tio pa et su le eb, une capacité grandissante de certains acteurs à envoyer des « signaux multimédias » pa I te et pou apte l atte tio , de ou eau od les o o i ues e gestatio s…

212Que l auteu p. p se te o e suit : le priming « explique comment on peut eille l’atte tio , et

tout ot e gi e d’ale te fo tio e o e u e a hi e à eille sa s esse l’atte tio , a e i te sit certes mais brièvement. »

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t o ue l i fo atio , o e ous pou o s l illust e de a i e a e doti ue a e l e e ple ui suit213.

Figure 12 : Extrait de la vignette sur Yahoo News

Publiée le 29 décembre 2009 sur le portail « infomédiaire » d a tualit s fr.news.yahoo.com, cette ig ette ui est plus e lig e depuis p opose u lie hypertexte renvoyant vers le portail Yahoo News. Nous pouvons y lire que lors de la libération de deux otages français en 2009, « Carla Bruni-

Sarkozy a joué un rôle décisif dans leur libération ». Après un clic sur le titre, nous accédons au

su de l article sur le portail Yahoo News :

Figure 13 : Tit e de l’a ti le su Yahoo Ne s

Le tit e est alo s odifi , le ôt d isif ta t is e t e guille ets. L i fo atio est do d jà plus la e. Ap s u aut e li , ous a do s à l a ti le o plet sur le site LePoint.fr :

Figure 14 : Titre du même article sur le site Lepoint.fr

Le rôle « décisif » joué par Carla Bruni-“a koz est alors plus un fait, mais un propos rapporté par une autre personne. Ce rapide exemple illustre selon nous la volonté de certains acteurs sur le web d atti e toujou s plus l atte tio des i te autes, et in fine de l audie e, uitte à e plus fou i u e elle i fo atio do t le gi e o atif est la it , e s appu a t su le fait ue les i te autes en surcharge cognitive (ici nécessité de « cliquer » t ois fois pou attei d e la sou e d o igi e et i fo atio elle i o t su e e t pas « voir plus loin ». Cela se retrouve par ailleu s su d aut es

213Pu li tout d a o d da s « Yahoo e s : odifie l i fo atio pou atti e l atte tio » sur le blog CaddE-

Réputation (http://caddereputation.over-blog.com/article-yahoo-news-modifier-l-information-pour-attirer-l- attention-42423926.html, 06/01/2010), puis dans Fayon et Alloing, 2012.

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plates-formes comme Twitter où les 140 caractères amènent souvent à produire des titres courts ais a o heu s uitte à t o ue l i fo atio pou i ite les i te autes à sui e le lie hypertexte. Ou encore chez certains blogueurs qui non-seulement propose des titres explicites (X manières de, ou X étapes pour)214 mais produisent par la suite des contenus tout aussi synthétiques,

voire des « infographies »215 atteignant ainsi le summum de la synthèse : des images et des chiffres,

sans argumentation aucune.

Sous l a gle des i te autes, et o e le p ise t Le -On et Manin (2006) « E p se e d’u e

i fo atio a o da te, ais d’u e fai le atte tio de la pa t des o so ateu s, o o se e u e ou s à des st at gies de s le tio des sou es de l’i fo atio ». Au-delà de ce que certains

p odu teu s d i fo atio s p opose t su le e pou atti e l atte tio ou pou fa o ise la sélection de sources (comme les suggestions sur Twitter), les internautes déploient leurs propres stratégies de sélection. Selon- ous, es st at gies passe t p i ipale e t pa l appuie su les att i uts ide titai es e lig e de e tai s i te autes tout d a o d. Mais aussi par la prescription et le filt e de l information effectués pa d aut es i te autes.

4.2. Identité numérique et attributs identitaires : e s u e ou elle diatio de l i fo ation