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Chapitre 3. Le web et ses « médias sociaux »

1. Internet et le web dit 2.0 ou social : histoire et caractéristiques principales

1.2. Le web dit 2.0 ou social

1.2.1. Quelques aspects culturels

Internet et le web se sont à la fois construits sur certains éléments culturels (issus notamment de la « contre-culture » américaine des années 60-70140) qui ont influé sur les usages et pratiques des

internautes. Nous pouvons ici définir la culture à la suite de Hutchins (1995) comme un processus cognitif adaptatif qui accumule des solutions généralement partielles à des problèmes rencontrés fréquemment141. Pour Origgi (2003) Internet est une nouvelle culture à part entière car ce réseau

met à disposition de nouveaux moyens d i s iptio , d a s et de up atio de l i fo atio (notamment à une forme de « mémoire culturelle » commune), ainsi que de nouveaux objets culturels.

Ces ou eau o jets ultu els peu e t selo ous tout d a o d t e atta h s, d u poi t de ue historique, au « folklore » propre à Usenet, parfois appelé « Arpanet des pauvres » (car développé en a ge des la o atoi es s ie tifi ues pou off i u e alte ati e au o u aut s d i fo ati ie s , et que Paloque-Berges (2012, p. 111) aborde de la manière suivante : « Le folklore est une

140 Musso (2000, p. 32) va plus loin en soulignant que « Le cyberespace réactualise une mythologie du XIXe

siècle, celle fondée par les saint-simoniens, liée au « désenchantement» de la religion chrétienne et à son d pla e e t su l’i dust ie et les seau te h i ues. Le e ha te e t de ot e ode i dust iel s’est op depuis grâce aux technologies dont Internet se le aujou d’hui le pa adig e ». Da s et a ti le, l auteu e ie t pa la suite su l appo t de fle io s e es su le « cyberespace » par certains auteurs comme Gibson ou de Rosnay.

141 Définition large à laquelle nous pouvons ajouter celles données par le dictionnaire Larousse 2013 :

«Ensemble des phénomènes matériels et idéologiques qui caractérisent un groupe ethnique ou une nation, une civilisation, par opposition à un autre groupe ou à une autre nation » et « Dans un groupe social, ensemble de signes caractéristiques du comportement de quelqu'un (langage, gestes, vêtements, etc.) qui le différencient de quelqu'un appartenant à une autre couche sociale que lui ».

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articulation de lieux où se rencontrent les usages et discours des cultures informaticiennes et les pratiques et représentations des utilisateurs ordinaires des réseaux de communication. Ce folklore, en effet, a ceci de pa ti ulie u’il est li au dias de o u i atio e seau, ui so t aussi des « dia ultu es d’e p essio » engageant de nouvelles représentations du monde. ». Paloque-Berges

souligne ensuite que ce folklore propre à Usenet, cette rencontre entre deux cultures, a donné lieu à la création du Computer Lore, soit un ensemble de termes et de représentations de la relation homme-machine sur un mode ludique et ésotérique, telle que les informaticiens peuvent la vivre (Op. Cit., p. 1 . De plus, pa i d aut es aspe ts, Use et est à l o igi e de la atio de g oupes de discussions parfois dédiés aux personnalités les plus en vue du réseau, des « personae » qui plus que des individus connectés deviennent des figures collectives porteuses de significations. Ces figures collectives et cette tendance à se regrouper autour de terminologies partagées dans des groupes définis, se retrouvent da s la ultu e e a tuelle su diff e ts pla s. Tout d a o d, le fait de créer des « lieux » numériques en réseau sur lesquels des internautes peuvent échanger autour de la ep se tatio o u e d u e figu e pu li ue142 se et ou e aujou d hui a e les « Pages

Facebook ». Comme nous le montrons dans l’A e e 2, de nombreuses pages, souvent ironiques, concernant La Poste existent. Celles-ci visent à redéfinir, ou partager, certaines significations o u es o e a t l e t ep ise et sa o u i atio : « T'a cru quoi la ?? Ya pas marqué la poste !!! », pour jouer sur une expression devenue populaire suite à une campagne massive de communication sur le sujet ; ou encore de nombreuses pages intitulées « Kronenbourg à la poste, Chronopost à la bourre » tournant autour de la figure populaire du facteur, mais ici avec un certain poi t de ue ue l organisation peut juger négatif (laissant supposer que certains facteurs ont des p o l es a e l al ool . Da s tous les as, il se le ue l i te tio est pas de ui e, ais juste d e i e…

Ensuite, cette culture de la terminologie et de la figure partagée propre à Usenet se retrouve selon nous sur le web 2.0 par le principe du « remix », vu par Lemos (2006, p. 38) comme suit : « Le

principe qui régit la cyberculture est le remix, ensemble de pratiques sociales et o u i atio elles de o i aiso s, de ollages et d’app op iatio des o eau d’i fo atio s à partir des technologies numériques ». Culture du remix participant, ou corrélée, à la

« redocumentarisation du monde » telle ue ous l a o s ue dans le chapitre précédent. Pour Lemos (Op. Cit.) cette culture du remix proviendrait de plusieurs pratiques sociales elles-mêmes produites par « trois lois de la cyberculture » : la li atio de l issio possi ilit d e p i e des voix ignorées par les masses médias), la connexion au réseau (phénomène de connectivité généralisé), et la re o figu atio ue l auteu d fi it p. 40) comme « l’id e de e diatio

médiatique, mais aussi celle de modification des structures sociales, des institutions et des pratiques communicationnelles. ». En somme, le « remix » provient des configurations sociotechniques offertes

à l i te aute et ue ous a o s it es plus haut. A tit e d e e ple ous pou o s o ue deu illustrations de ce phénomène de remix : les « mèmes » et le d tou e e t de l ide tit u i ue de personnalités :

- Les mèmes sont typiquement des éléments culturels partagés par des communautés d i te autes. L O fo d E glish Di tio a 143 définit originellement un « mème » comme

« an element of a culture or system of behaviour passed from one individual to another by

142Pu li ue, est-à-dire au niveau du réseau en lui- e, ou plus la ge e t da s l e semble des médias,

dans la culture populaire, etc.

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imitation or other non-genetic means ». Le mème est donc un élément de culture que des

individus se transmettent par imitation. Appli u à l I te et, le di tio ai e d fi it le e comme suit : « an image, video, piece of text, etc., typically humorous in nature, that is

copied and spread rapidly by Internet users, often with slight variations ». Sur Internet, un

mème est une image (ou vidéo, etc.), mettant généralement en scène un personnage connu p op e au e ou o , el ou o , et do t l o je tif est de « détourner » (réarticulation s ioti ue pa le te te ou la ise e s e le se s d u e situatio , d u e i age, d u p opos, te u pa e pe so age. A ti e d e e ple144, l a teu a i ai Kea u ‘ee es est

devenu un mème intitulé « sad Keanu » à la suite d u e photo p ise de lui lo s d u événement, et au travers de laquelle les internautes ont perçu chez l a teu une certaine tristesse. La photo a ensuite été détournée de très nombreuses fois (Figure 8). Notons que comme tout élément propre au web, de nombreuses entreprises ont souhaité se réapproprier cet élément de culture145 ;

Figure 8 : E e ple d’u e « sad Keanu »146

- Le détournement de « l ide tit u i ue »147 d u e pe so alit est aussi o aie

ou a te. I i il est pas uestio « d usu patio » (à des fins frauduleuses) mais bien du « remix » de certains attributs identitaires propres à des personnages publics afin de leur p te pa la suite des p opos i o i ues au u des ep se tatio s o u es ue l o peut se fai e de es pe so ages . Nous pou o s ite l exemple de la femme politique Martine Aubry, pour laquelle un internaute a créé un compte Twitter parodique, et dont certains

144 Pou plus d e e ples, oi « Même culture : analyse du phénomène mèmes » : http://fr.slideshare.net/Socultstudio/mme-culture-analyse-du-phnomne-mmes?ref=, 05/09/2012.

145 La RATP a par exemple proposé un « générateur de mèmes » da s le ad e d u e a pag e pu li itai e :

https://v1.chervoisin2transport.fr/

146 Source : http://img1.gtsstatic.com/sad-keanu/sad-keanu-sur-la-lune_24561_w460.jpg

147 Pour plus de détails, voir « Identité numérique et détournement » sur le blog CaddE-Réputation : http://caddereputation.over-blog.com/article-identite-numerique-et-detournements-89606997.html,

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propos ont par ailleurs été repris par la presse croyant être en présence du vrai compte de l lue148.

Le web social se nourrit des l e ts de ultu es p op es à l I te et, et off e à ses utilisateu s la possibilité de développer une « culture du remix ». Cette forme culturelle ne peut être ignorée lo s ue l o a o de l tude du eb social et de ses pratiques. Face à un phénomène info atio el il est essai e de l i te oge pa le p is e ultu el p op e à e tai es communautés : si la o p he sio de la sig ifi atio d u e a tio passe pa l ide tifi atio de connaissances préalables ayant pu diriger cette action, prendre en compte que cette action se réfère à des connaissances et des symboles partagés permet une meilleure interprétation.

Ces éléments culturels apparaissent aussi comme le reflet de ce « pou oi de l i te aute » que lui confèrent les dispositifs sociotechniques du e et d I te et e g al. Mais si e tai s o stats o t da s e se s, il appa ait ue de plusieu s iti ues peu e t t e fo ul es à l e o t e de e

od le es uiss jus u i i.