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6. Apports des épistémologies constructivistes

6.2. Apports du constructivisme à la connaissance

Le o st u ti is e s i te oge tout d a o d su la l giti it des onnaissances auxquelles un sujet fait appel, et qui repose selon Piaget (cité par Le Moigne, 1995-2007, p. 6) sur trois questions : qu est-ce que la connaissance (la question gnoséologique) ? Comment est-elle constituée ou engendrée (la question méthodologique) ? Comment apprécier sa valeur ou sa validité (la question éthique) ? Pour Le Moigne cette question gnoséologique repose sur la capacité du sujet connaissant à estimer « la valeur » de la o aissa e u il o stitue, aleur pouvant provenir de la réutilisation da s l a tio de la dite o aissa e pa le sujet.

Ces questions s appuie t sur deux hypothèses auxquelles les chercheurs en proue sur la question (Piaget donc, mais aussi Morin) vont se référer : une hypothèse relative au statut de la réalité connaissable « qui pour être connue doit pouvoir être cognitivement construite ou reconstruite

intentionnellement par un observateur-modélisateur », et l aut e elati e à la thode de

construction des connaissances (Le Moigne, 1995-2007, p. 47). Nous pouvons noter dès à présent ue la otio d i te tio alit s i spi e des app o hes ph o ologi ues, et ota e t de elle d Husse l. De e, l id e ue la o aissa e d pe d de la aleu ue so o st u teu lui att i ut questionne la signification de la correspondance entre la connaissance et sa représentation (pour le sujet) et va donc « conduire à privilégier le caractère « opérationnel » de la notion de représentation

en même temps que le caractère expérimentable (phénoménologique) de la notion de connaissance »

(Op. Cit., p. 73). Notons au passage que von Glase sfeld, pa la t d u « constructivisme radical », préfère appeler « viabilité » la relation entre connaissance et réalité (plutôt que « représentation ») u il e pli ue e etta t e a a t « qu'on jugera «viable» une action, une opération, une structure

conceptuelle ou même une théorie tant et aussi longtemps qu'elles servent à l'accomplissement d'une tâche ou encore à l'atteinte du but que l'on a choisi. » (von Glasersfeld, 1994, p. 22). Cette approche

de la ia ilit de la o aissa e, ou de sa ep se tatio , da s l a tio est alo s pas sa s appele les th o ies d elopp es pa “ hütz. La ph o ologie, pa l i te tio et la fo alisatio su l e p ie e du u, pe et do de se o e t e sur le caractère expérimentable de la connaissance au sein du constructivisme.

Cet appo t de la ph o ologie au o st u ti is e se et ou e d ap s Le Moig e Op. Cit,. p. 77) dans les deux hypothèses propres à la gnoséologie des connaissances constructibles, à savoir l h poth se ph o ologi ue et l h poth se t l ologi ue. Pou l auteu , l h poth se ph o ologi ue pe et de p e d e e o pte t ois a a t isti ues de l e p ie e du el :

- Le statut du te ps de l a tio , la te po alit ta t i e sible (et donc par extension, la cognition aussi) ;

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- La dialogique de la cognition129, car « l’h poth se ph o ologi ue pe et d’e p i e le

caractère dialectique que le sujet connaissant attribue à ses perceptions », les perceptions

d u e o jet ou ph o e pou a t t e de atu e à s e lu e l u e l aut e ais ta t au fi al i disso ia les d u e e alit ;

- La récursivité de la cognition, que nous pouvons illustrer par cette citation de (Dobzhansky, 1962) « E ha gea t e u’il o aît du o de, l’ho e ha ge le o de u’il o aît. Et

e ha gea t le o de da s le uel il it, l’ho e se ha ge lui-même ». Récursivité formant

alors un système auto-o ga isa t autopoïese puis ue l o e o ait au sujet o aissa t le caractère autoréférentiel de son activité.

L h poth se t l ologi ue d oule de elle ph o ologi ue : puisque cette dernière interroge l i te tio alit du sujet, il faut alo s soulig e ue toute o aissa e pou suit u ut, u e fi alit dans sa construction.

Enfin, la question méthodologique propre au constructivisme (comment la connaissance se constitue-t-elle ?) suppose deux principes, dont voici une très brève présentation :

- La modélisation systémique (« Exprimer par un système le projet de modélisation

o te tualis e d’u ph omène entendu dans sa complexité. », (Le Moigne, 1995-2007, p.

87) ;

- Le p i ipe d a tio i tellige te isa t à pe ett e au sujet o aissa t de so e pa « des actions intelligentes », soit des actions cognitives adaptées à la situation, certaines dissonances cognitives. Comme le souligne Le Moigne (Op. Cit., p. 89) « Ces modes de

aiso e e t dialogi ue p i il gie t l’e a e des e p ie es a t ieu es qui leur fou isse t des se oi s d’heu isti ues plausi les, toujou s s le tio es pa uelque critère de « faisabilité » ». Examen des expériences antérieures dont la phénoménologie sociale de

Schütz nous offre des « structures de pertinence ».

Da s ot e e he he, et o e ous l e pli itio s dans le chapitre 1, nous ne nous sommes pas appuyé spécifiquement sur la modélisation systémique, mais nous avons cherché à identifier certaines « actions intelligentes » et ce à partir des théories proposées par Schütz. La question de « l thi ue » de la connaissance nous semble pour nous se poser dans les choix méthodologiques du chercheur.

Ces deux hypothèses et ces deux principes forment le principe de construction des connaissances, et permettent ainsi de circonscrire la connaissance à une « e p essio t l ologi ue d’e p ie es

og iti es s’a ti ula t s st i ue e t da s leu s o te tes et sus epti les d’ t e a ipul es (ou « computées ») selon des procédures cognitive reproductibles » (Op. Cit., p. 97). Dans notre

recherche, nous pourrons nous appuyer sur cette « définition » fi ale afi d i te oge les objets ou notions que nous manipulons. Ces notions supposent-elles l e p essio d un but, une finalité ? Reposent-elles sur des expériences cognitives ? Ces expériences sont-elles reliées à leur contexte ? Peuvent-elles être manipulées ? Ces manipulations sont-elles reproductibles ?

129Cog itio ue ous e te do s i i o e la apa it de l esp it hu ai et a i ue e t du e eau à

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Nous souhaitons conclure cette partie sur les épistémologies constructivistes par quelques critiques de celles-ci que nous ne pouvons ignorer, considérant à la suite de Fleury-Vilatte et Walter (2004, p. 108) que « pa e u’il se réfère à une réflexion en gestation, le débat concernant le constructivisme

ne peut être clos. ». Ce débat est fortement animé, notamment dans le champ des SIC (voir à titre

d e e ple Gauthie , , , sur le constructivisme appliqué au journalisme). Pour Gavillet (2004, p. 137), en réponse entre autres à Gautie soute a t ue le o st u ti is e est pas intégrable aux SIC tel u il est a tuelle e t d fi i, l o e peut dis ute du o st u ti is e da s le ha p des “IC u à pa ti de os p op es e p ie es et e p i e tatio s. Pou l auteu e, il s agit de développer un « constructivisme modéré », et ce pour trois raisons (Op. Cit., p. 153-154) : d u poi t de vue théorique, où le constructivisme ne doit pas fai e l o jet d u e od lisatio ais t e sugg pa des tudes de as e pas s e fe e da s u od le ; par le prisme de la méthode, où il ne suffit pas de « dire » que les objets sont construits socialement mais le démontrer - cela pour ne pas verser dans une forme « d h pe o st u ti is e » ou dans une forme de « pratique pure et

si ple de l’ pist ologie da s et pa les “IC ». Cela explique notamment notre « posture » de

recherche, mais aussi le fait que nous recourrons peu aux modèles constructivistes, préférant particulièrement nous appuyer sur certaines approches info-communicationnelles voire phénoménologiques.

Ce risque « d h pe o st u ti is e » est par ailleurs souligné par Chevalier (2004, p. 1 , d u poi t de vue plus épistémologique que méthodologique : « Dans le cadre de la vulgate o st u ti iste …

le risque intellectuel est nul puisqu'on suppose résolues toutes les questions embarrassantes et qu'on peut ainsi aborder le « terrain » ou le « corpus » sans oblitérer d'avance - du moins le croit-on - les pistes qu'on va explorer. Tout se passe comme si on était en état d'apesanteur épistémologique, ou pour le dire autrement, la recherche s'exerce alors en état de « métaphore généralisée » … ; 'est-à- dire dans un système discursif où tout est autoréférentiel ».

Enfin, si le constructivisme place au centre de sa démarche la cognition humaine, il est intéressant de souligner certaines critiques en provenance de chercheur spécialisés dans ce domaine, comme Arca et Cravita (1993, p. 79) qui mettent en exergue que la vision constructiviste de la connaissance (et de la cognition) « ne peut être définie comme modèle, car, pour avoir la valeur heuristique de modèle,

elle devrait non seulement schématiser la façon dont se déroule le processus cognitif mais encore définir ses limites de validité et les conditions dans lesquelles celui-ci peut être appliqué. Aucun modèle n'est valide en absolu et il n'y a pas aujourd'hui de modèles efficaces capables de décrire comment se déroulent les processus de la connaissance, de la compréhension et de l'apprentissage. ».

A ce co stat ous pou o s o je te , da s le ad e de ot e e he he, ue ous au io s pu, e si ous l a io s oulu, e te es de o e s te h i ues et thodologi ues tudie le p o essus cognitif de la connaissance (surtout au sens mécanique-neurologique), et que les modèles portés par le constructivisme auront plus une valeur heuristique que de démonstration. Les auteures de rajouter (Op. Cit., p. 80) « Il est difficile, en effet, d'expliquer comment l'individu peut tirer de niveaux

simples, voire d'une tabula rasa, de nouvelles organisations conceptuelles et des procédures cognitives complexes ».

Le o st u ti is e o e p is e d a al se de la o st u tio de la o aissa e, sa s pou auta t devenir un modèle dans lequel nous ris ue io s de ous e fe e …

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Conclusion du chapitre 2

Dans ce chapitre nous avons présenté les principaux cadres théoriques de notre travail de recherche. Nous te o s e o e u e fois à p ise ue es appo ts th o i ues po de t à u esoi d a e certai es o se atio s et e p i e tatio s da s u ad e o eptuel igou eu , auta t u ils s i s i e t pa fois da s des fle io s ho s-terrain. De même, la grande variété de concepts ou d app o hes ue ous p oposo s i i peut pa ait e de p i e a o d d o certante. Mais nous tenons à rappeler les caractères hybrides de notre objet et exploratoires de notre recherche : pour cerner au ieu et o jet flou et peu tudi da s ot e ha p u est la « réputation en ligne » il nous a fallu nous reposer sur plusieurs approches.

Ai si, l i fo atio appa ait o e e t ale da s ot e app o he, de e ue e tai s aspe ts de la do u e tatio , sp iale e t à l heu e du u i ue. “i la o u i atio peut t e a o d e par le p is e de l i te a tio , ous a o s p f i i ett e e elief l i te dia it u elle soit hu ai e ou te h i ue i h e te à la diatio . L i tellige e o o i ue se p se te alo s o e u e th o ie de la t a sfo atio de l i fo atio : captée par divers outils et sources humaines, est pa so i t g atio da s le p o essus d isio el u elle p e d u e aleu st at gi ue et de ie t u e o aissa e a tio a le pa l o ga isatio et ses di igea ts . La phénoménologie nous offre des indications pour mieux comprendre le sens que les individus donnent à leurs actions ou à celles des autres, et le constructivisme nous permet de questionner par la suite le p o essus og itif p op e à l a teu o aissa t.

Ces apports théoriques ne seront néanmoins pas les seuls que nous exposerons dans cette synthèse de nos travaux de recherche. Dans les chapitres suivants, il nous apparaitra comme nécessaire d e pose d aut es ad es th o i ues ou o epts, et e da s leu o te te afi de leu do e du sens et appuyer nos observations, mais tout en faisant le lien avec ceux présentés dans ce chapitre. Dans le Tableau 1 ci-après, nous proposons de restituer les principales approches vues dans ce chapitre en fonction des domaines que nous avons proposés (information, intelligence économique, etc.) ainsi que les principaux auteurs et apports que nous avons dégagés de ces approches.

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Domaines Théories/Approches Auteurs principaux Apports

Information Théorie Mathématique

de l'Information

Shannon App o he ua titati e, otio s de odage du sig al et d opti isatio des canaux de transmission

Les Sciences de l Information (SI)

Hawkins, Fondin L i fo atio o e o jet d tude à pa t e ti e

Autorité

informationnelle

Broudoux, Wilson D fi itio du p o essus de l giti atio d u e i fo mation et du développement de l autorité de son auteur

Documentation Document numérique Salaün, Collectif RTP-DOC

(Pedauque)

Trois dimensions du document (vu, lu, su)

Indexation sociale Ertzscheid, Pirolli, Crepel Les pratiques des internautes comme donnant du sens aux documents numériques dans des espaces collaboratifs

Redocumentarisation Zacklad, Pedauque Les pratiques des internautes amenant à la réarticulation sémiotique des documents numériques

Unicité documentaire Chaudiron Les unités documentaires comme autant de documents autonomes sur le web

Communication Communication

interactionnelle

Watzlawick (Ecole de Palo Alto), Benoit

La communication comme comportement observable, prise en compte forte du contexte d i te a tio

Médiation documentaire Liquète La médiation pour étudie l i te dia it dans la communication, l aspe t do u e tai e pou uestio e les dispositifs te h i ues da s l a s à la o aissa e et au sa oi s

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Artefact cognitif Simondon, Hutchins, Agostinelli

L o jet te h i ue o e a tefa t da s la diation, artefact cognitif si allège les opérations cognitives

Intelligence économique

Environnement pertinent

Marcon L e i o e e t de l o ga isatio o e fa teu de e a es ou d oppo tu it s

Information stratégique Lesca L i fo atio est st at gi ue pa so utilisatio et e u elle appo te e te es décisionnels

Cycle du renseignement Moinet, Jakobiak “ h atisatio du p o essus de gestio de l i fo atio pa l i tellige e o o i ue Stratégie-réseau Marcon, Moinet Le seau d a teu s o e appui à la médiation et à la olle te d i fo atio s

Phénoménologies Donation du sens et

Eidétique

Husserl Le ph o e o e i tuitif pou le sujet, essit de e e i à l esse e d u phénomène en mettant ses connaissances de côté (epoké)

Intentionnalité Husserl L i te tio o e lie st u tu el e t e le sujet et l o jet

Action sociale Schütz L a tio da s le o de so iale eposa t su des st u tu es de pe ti e es

Herméneutique ‘i œu Aller au-delà de la su je ti it du sujet pou s i t esse à l i te p tatio des dis ou s

Constructivisme Processus théorique de

construction du réel connaissable

Piaget, Le Moigne La connaissance comme construction sociale, répondant à une finalité et reposant sur des expériences cognitives

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