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Dans ce chapitre nous présentons le design et la stratégie de recherche employés. Par design nous entendons « la trame qui permet d'articuler les différents éléments d'une recherche : problématique,

littérature, données, analyse et résultats » (I. Royer & P. Zarlowski, 2003, p. 139). E l o u e e,

plutôt u u desig stricto sensu, nous préférons parler de stratégie au sens premier du terme : « E se le d'a tio s oo do es … e ue d'attei d e u ut p is »26. Comme nous le

présenterons, notre recherche se veut inductive (voire inductive « aménagée ») car ancrée dans une recherche-action ui o e ous l a o s u offre « naturellement » une posture constructiviste, dont le couple positivisme/hypothético-déductif est mis de côté (mais nous y reviendrons).

C est do tout d a o d le « but précis », l o je tif de recherche, que nous présentons ici. Les approches et méthodes inductives incitant à la p opositio de od les à pa ti d o se atio s organisées (Farrugia, 2006), nous allons présenter dans ce chapitre les actions ayant permis d o ga ise os o se atio s les « actions coordonnées » de la stratégie). Actions reposant sur la d fi itio d u e p o l ati ue, de postulats, la d li itatio d u te ai de e he he, ou encore certains choix méthodologiques. Souhaitant construire un fil conducteur pour le lecteur, une forme de mise en récit des différentes interrogations, constats ou découvertes, certains aspects propres au design de la recherche seront occultés ici : la revue de littérature interviendra dans chaque chapitre thématique (et spécifiquement lorsque nous aborderons les notions centrales de réputation et « e- réputation » pou appu e d u e pa t ot e d a he i e sio et o stats de te ai a e a t des interrogations, et in fine une recherche de littérature pour éclairer ou orienter les observations), et d aut e pa t pour offrir une compréhension contextualisée des sujets traités. Les données et résultats seront aussi présentés dans un chapitre dédié, car ils sulte t d u e i i atio d o se atio s effe tu es lo s du p ojet de e he he, et gag e o t selo ous e puissa e énonciative à être proposés dans « l o d e logi ue » par lequel nous les avons traités durant notre recherche.

Ce chapitre vise donc prioritairement à offrir au lecteur une vision synthétique du projet de recherche, une mise en avant des réflexions stratégiques développées lors de son commencement (en concertation avec les acteurs du projet CIFRE) et affinées tout au long de la recherche. “ il e d oile u e pa tie des fle io s ui se o t app ofo dies pa la suite, e hapit e se eut néanmoins à la base du travail doctoral, à la fois guide préalablement posé et restitution des diverses réflexions conceptuelles utiles à son orientation.

Da s ette opti ue, ous p oposo s tout d a o d uel ues l e ts otio els et de contexte afin de favoriser la compréhension des différents composants de notre stratégie, et poser les premières bases de définitions et manipulations de concepts tout au long de cette thèse. Eléments qui, dans u e isio h o ologi ue de ot e p ojet de e he he, o t t p opos s à la D“IC et à l AN‘T afi de ett e e a a t l i t t de la e he he pou l organisation comme pour les instances académiques.

34 1. Eléments notionnels et de contexte

Internet27 est à l'heure actuelle un vecteur de diffusion de l'information (commerciale,

institutionnelle, stratégique) essentiel pour toute organisation souhaitant développer et optimiser la mise à disposition d'un produit ou service au plus grand nombre de consommateurs (Chaibi, 2007), qui plus est pour les organisations dont le modèle économique se tourne peu à peu vers la « dématérialisation » de leurs produits/services, et qui doivent pour cela repenser leurs modes de communication et leurs stratégies marketing (Isaac et Volle, 2008).

Depuis plus de sept ans, l'évolution rapide des outils de création et de diffusion de contenus sur Internet, mais aussi son accès de plus en plus massif (notamment grâce au développement sur le territoire français du Haut Débit) ont sensiblement modifié les usages et les pratiques du web28

(Musser et O'Reilly, 2006). De simple consommateur de contenus, l'utilisateur d'Internet est devenu ce que Joël de Rosnay (2006) nomme un « pronétaire », soit « une ou elle lasse d’usage s des

réseaux numériques capables de produire, diffuser, vendre des contenus numériques non p op i tai es, e s’appu a t su les p i ipes de la « ou elle o o ie » (dite de l'immatérielle).

Cette capacité à produire et diffuser du contenu (texte, image, vidéo, etc.), qui vient concurrencer celle des organisations, remet en cause la relation de celles-ci avec leurs publics. Là où les schémas de communication classiques définissent la communication d'une organisation vers sa cible comme l'envoi d'un message à décoder dans un contexte perturbé de bruit (Shannon et Weaver, 1949), les nouveaux outils et usages du web, appelés de plus en plus communément « web 2.0 », permettent de détourner le message de sa cible, de le modifier ou encore de le rendre quasi inaccessible, mais aussi, d alue la pe ti e e des a tio s ou des dis ou s des o ga isatio s pa la diffusio d opi io s ou l utilisation de dispositifs de notation intégrés à de nombreuses plates-formes (les étoiles sur E-bay.com, les « J ai e » su Facebook.com, et . . Ces fo es d aluatio s, lo s u elles sont transmises, influent voire construisent la réputation des organisations. Les marquages documentaires ainsi créés forment le « paysage réputationnel » numérique (Origgi, 2007) des dites organisations. Certains acteurs du web (professionnels ou institutionnels –voire chercheurs) parlent alors de « réputation en ligne », ou « e-réputation », pour souligner le développement de ces formes d aluatio s p op es au e . Le fait ue chacun puisse substituer son propre discours à celui d'une organisation, et obtenir une médiatisation équivalente à celle des médias dits traditionnels (télévision, presse, radio, cinéma), est donc un critère essentiel à prendre en compte lorsqu'une organisation souhaite prendre la parole sur Internet (Lepage, 2006). Il apparaît alors nécessaire de pouvoir écouter, qualifier et analyser le discours des internautes afin de mettre en adéquation les stratégies de communication ou de marketing de l'organisation et leurs attentes (Berkman, 2008). Cette écoute, ce recueil des avis et opinions, cette observation des pratiques informationnelles et usages des applications web, nécessite de mettre en place une stratégie de veille stratégique, dont les contours sont propres à chaque organisation, en fonction de ses objectifs, moyens et besoins.

27 Que nous définissons plus précisément dans le Chapitre 3 de cette partie, mais qui, globalement, peut être

appréhendé comme un réseau informatique connectant diverses machines par le biais de protocoles.

28 Le World Wide We , ui peut t e u e p e i e d fi itio o e u e appli atio de l I te et

pe etta t de a igue à t a e s des pages de o te us à l aide de lie s h pe te tes eposa t su le p oto ole applicatif http.

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Ces rapides constats liés aux évolutions du web et à leurs prises en considération par les organisations à vocation commerciale, sont donc ceux ayant motivé (avec le contexte propre à l organisation et à ses activités) globalement le projet de recherche en contrat CIFRE proposé par La Poste. Avant de présenter la manière dont cette recherche a été organisée, il nous semble essentiel de proposer dès maintenant certaines notions que nous emploierons couramment, à la fois dans ce hapit e ais aussi da s les sui a ts. Ces otio s so t de ot e poi t de ue à l o e des te i ologies e plo es à la fois pa le o de de la e he he et elui de l organisation (comme La Poste). Certai es d e t e elles se o t a oi s dis ut es oi e d o st uites pa la suite da s les chapitres et parties qui leurs seront dédiés.

Veille stratégique

La veille stratégique est « le p o essus i fo atio el pa le uel l’e t ep ise se et à l’ oute

anticipative des signaux faibles de son environnement dans le but créatif de découvrir des opportunités et de réduire son incertitude » (Lesca, 1994). La veille comme un moyen de collecter et

traiter des sig au i fo atio els, ais aussi d a ti ipe les ha ge e ts da s l e i o e e t de l organisation. Cette idée de processus, mais aussi de capacité à anticiper les changements à venir, se retrouve dans de nombreuses définitions, dont une autre donnée par Lesca (1997) : la veille est un « un processus collectif continu par lequel un groupe d'individus traquent, de façon volontariste, et

utilisent des informations à caractère anticipatif concernant les changements susceptibles de se produire dans l'environnement extérieur de l'entreprise, dans le but de créer des opportunités d'affaires et de réduire des risques et l'incertitude en général, ce qui permet à l'entreprise d'agir très vite et au bon moment ».

La veille est donc, en quelque sorte, un instrument isa t à dui e l i e titude, ais aussi à appu e l organisation dans ses décisions, et dans la manière dont elle perçoit son environnement et son contexte : « Le projet des systèmes de veille est de développer alors « un processus informationnel

créatif» visant à assurer aux entreprises un développement stratégique en phase avec les évolutions perçues. » (Rouibah, 2000, p. 102). Cette notion de créativité vise selon nous à souligner la nécessaire

adaptatio au te ai su le uel s effe tue la eille, u il soit hu ai olle te d i fo ation auprès d i di idus) ou encore construit de dispositifs techniques (sur des bases de données documentaires ou, dans notre cas, sur le web dit 2.0).

A noter que des auteurs, dont Jakobiak (2004), soulignent le fait que plusieurs sortes de veille existent, chacune étant spé ifi ues au t pes d i fo atio s a ipul es, au d ideu s et au t pes de d isio s u elles ise t e si, fo da e tale e t, les p ati ues ui les a o pag e t so t similaires) : la veille concurrentielle, la veille technologique, la veille scientifiques (généralement sur les brevets), etc. Dans notre cas, nous pourrions parler de « eille d opi io » ou de « eille d e- réputation ».

La eille off e do à l o ga isatio u e se le de p o essus su les uels ous e ie d o s e détail dans notre chapitre 6) pour collecter, traiter et diffuser des informations appuyant ou orientant certaines décisions stratégiques qui, par nature, sont anticipatives.

36 Le web 2.0

La notion de « web 2.0 » apparait dans les sphères professionnelles anglo-saxonnes à la fin de l a e . Plus p is e t, ette otio est e plo e ous pou io s e di e e pa Ti O ‘eill , p side t d u e aiso d ditio sp ialis e da s les li es su l i fo ati ue. Da s u article publié sur son blog le 30 septembre 200529, O ‘eill d taille p is e t e u il e te d pa

« web 2.0 », soulignant notamment que « Vous pouvez voir le web 2.0 comme un ensemble de

p i ipes et de p ati ues ui, à la a i e d’u s st e pla tai e, e ait des sites utilisa t tout ou partie de ses préceptes graviter à des distances variables du centre en question ».

Le web 2.0 semble donc se construire de principes et pratiques30 agrégés par ou s ag gea t su u

ensemble de technologies présentes sur des sites web. Spécialiste des technologies et des te h i ues i fo ati ues, O ‘eill , da s u e d fi itio plus s th ti ue p opos e da s la foul e de sa première approche du web 2.031, s a e su e tai es a a t isti ues te h i ues ui se aie t selo

lui d te i a tes da s la a a t isatio d u se i e ou d u site e o e . ou o 32 : « Le

Web 2.0 est le réseau comme une plate-forme, recouvrant toutes les machines connectées ; les appli atio s . so t elles ui off e t i t i s ue e t le plus d’a a tages à es plates-formes : délivrant des logiciels o e des se i es o ti uelle e t is à jou et ui s’a lio e t plus ils so t utilisés, consommant et remixant des données en provenance de multiples sources, y compris des utilisateurs, tout en fournissant leurs propres données et services sous une forme qui permet le remix par d'autres, créant des effets de réseau à travers une «architecture de participation», et allant au- delà de la métaphore de la page Web 1.0 pour offrir des expériences utilisateurs riches ».

Le web 2 .0 repose donc sur des plates-formes où plusieurs « appareils » ou « machines » peuvent être connectées (ou plusieurs plates-formes entre-elles). Ces plates-formes sont continuellement ises à jou pou s adapte au ieu au usages et besoins des utilisateurs, utilisateurs qui sont alors au centre du modèle économique et technologique (Quoniam et Lucien, 2009), notamment car ils fournissent leurs données personnelles (identifiants, préférences, localisation, etc.) permettant alors aux dites plates-formes ou aux autres utilisateurs de les « remixer » pour générer de la valeur. O ‘eill pa le « d a hite tu e de la pa ti ipatio » o f o ta t e u il o e le « web 1.0 », semble-t-il plus « statique » u e page e ue l o e peut ue o sulte au pages . d li a t une meilleure « expérience utilisateur ».

29«Qu est-ce que le web 2.0 : Modèles de o eptio et d affai es pou la p o hai e g atio de logi iels »,

traduction de Jean-Baptiste Boisseau du te te de T. O ‘eill pu li su so log le septe e (http://www.oreillynet.com/pub/a/oreilly/tim/news/2005/09/30/what-is-web-20.html) sur le site Internet Actu : http://www.internetactu.net/2006/04/21/quest-ce-que-le-web-20-modeles-de-conception-et-daffaires- pour-la-prochaine-generation-de-logiciels/, 21/04/2006.

30 Que nous présenterons et questionnerons dans le Chapitre 3.

31 Tim O'Reilly, « Web 2.0: Compact Definition? » : http://radar.oreilly.com/2005/10/web-20-compact- definition.html, 01/10/2005.

32 Traduction par nous. Texte original : « Web 2.0 is the network as platform, spanning all connected devices;

Web 2.0 applications are those that make the most of the intrinsic advantages of that platform: delivering software as a continually-updated service that gets better the more people use it, consuming and remixing data from multiple sources, including individual users, while providing their own data and services in a form that allows remixing by others, creating network effects through an "architecture of participation," and going beyond the page metaphor of Web 1.0 to deliver rich user experiences ».

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A la suite d O ‘eill , de nombreux praticiens se sont appuyés sur ce terme pour délimiter ce qui est de . de e ui e l est pas Ge ais, ; Fayon, 2008 ; Anderruthy, 2009). Délimitation souvent focalisée sur les plates-formes plus que sur les usages : les blogs, les réseaux dits socionumériques, les wikis, etc. A leur suite (ou parfois en parallèle) la recherche (et spécifiquement celle en Sciences de l i fo atio - o u i atio s est elle aussi app op i e la otio de e 2.0, tant celle-ci en quelques années est devenue « parlante » ou tout du moins admise par une majorité (Lefebvre, 2005 ; Rebillard, 2007 ; Pirolli, 2009 ; Ramrajsingh, 2010 ; Paquienséguy, 2011). Bien entendu, cette insertion de la notion de « web 2.0 » dans la recherche française a engendré de nombreuses discussions quant à la pertinence ou la délimitation du terme, discussions sur lesquelles nous reviendrons par la suite.

A noter que certains praticiens ou chercheurs parlent de « web social » (de Kaenel et Iriatre, 2007 ; Millerand et al., 2010 ; Pirolli et Cretin-Pirolli 2011) généralement pour mettre en avant les usages et pratiques de « l i te aute » (offrant aux utilisateurs des services et plates-formes une possible socialisation ou forme de sociabilité).

Internaute

Si « web 2.0 » englobe les technologies et les usages, la notion « d i te aute » est là pour désigner « l’utilisateu du seau t l ati ue I te et » (Larousse, 2012). Constituée du préfixe « inter » désignant « la partie d'espace (ou de temps) séparée par deux éléments ou délimitée par plusieurs

éléments »33, et de « naute » issu du « grec ancien ναύτης a t s signifiant « navigateur » dans le sens de « marin, matelot » »34, la notion « d i te aute » vise à souligner les usages de navigation35

p op e au utilisateu s d I te et et de ses appli atio s.

L i te aute a igue e t e plusieu s l e ts dispos s da s l espa e, et plus p is e t da s le « cyberespace » Le , , s appu a t su les a a t isti ues es du Wo ld Wide We , à savoir la navigation entre pages et sites par le biais de liens hypertextes. Comme le navigateur qui emprunte la mer pour atteindre une destination et utilise so ateau pou a igue , l i te aute emprunte Internet et utilise le web pour produire du contenu ou encore en partager.

Pour Chantepie (2009), le rôle de l i te aute e s a te pas à so usage de l I ternet ou du web ; il est pas extérieur à son développement, mais il devient au contraire central, élément de liens entre les différentes plates-fo es et aut es utilisateu s l auteu pa le « d i te aute-hypertexte »). Allant plus loin, Chantepie (2009, p. 26) souligne que « l’i te aute se et ou e e d fi iti e e situatio de

constituer lui-même une plate-forme, jouant entre les différentes plates-formes Web 2.0 et les a o eu s. De e u o e u dia, ’est-à-di e suppo t de pu li it , l’i te aute est susceptible de a ifeste l’i passe ou la f agilit des od les du We . , a il ’a pas, pou sa pa t, la

33 Le Trésor de la Langue Française informatisé, http://atilf.atilf.fr/tlf.htm 34 Wiktionary, http://fr.wiktionary.org/wiki/-naute

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possi ilit d’i te alise les e te alit s u’il e. ». L i te aute de simple navigateur devient

média : il est à la fois un utilisateur des plates-formes et une plate-forme lui-même36.

Cette ultitude d a eptio s possi les du ôle et du statut d i te aute ous se le ie su par Merzeau (2010, A, p. 9 lo s ue l auteu e e ploie la otio « d usage u i ue », ne se focalisant pas ainsi sur certaines technologies, voire machines (téléphones portables, tablettes, etc.) mais bien sur la posture informationnelle et communicationnelle de cet usager : « Tantôt récepteur

de essages , utilisateu d’outils , o so ateu de se i es et de p oduits) ou producteur (de ressources et de valeurs), le digital user semble de fait capitaliser toutes les postures que les systèmes d’i fo atio et de o u i atio peu e t assig e au usage s. ».

L i te aute est do à la fois u usage u i ue i itant une pluralité de postures info-