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Quelques repères théoriques sur le concept d’identité

3.2 L’atelier d’écriture pour se dire et se construire une identité d’écrivant ou d’écrivain

3.2.1 Quelques repères théoriques sur le concept d’identité

Dans le langage courant, l’identité54 est d’abord ce qui permet à l’individu de se définir à un

certain moment de sa vie, et cela, par le choix qu’il fait et les conditions dans lesquelles il vit. Cette première caractéristique n’est cependant pas stable ; elle change, se modifie et évolue en fonction des différents événements qui surviennent au cours de la vie d’un individu. C’est pourquoi il n’y a pas une identité, mais des identités qui se chevauchent les unes les autres, qui se mêlent, se démêlent, se coupent et s’entrecoupent.

L'identité est dans un premier temps une affaire personnelle, puisqu'elle vise l'individu en tant qu'être singulier par rapport aux autres, et dans un second temps, c'est le fruit d'interactions avec les autres, pour pouvoir être comme eux et être accepté au sein du groupe. Ce qui signifie que l'identité intègre un double statut : psychologique et sociologique.55Elle se traduit par une double appartenance théorique : c'est à la fois un fait de conscience, subjectif et individuel, relevant du champ psychologique, et un rapport interactif avec l'autre qui relève du champ sociologique. En psychologie sociale, le concept d'identité « exprime la résultante des interactions complexes entre l'individu, les autres et la société » (Fischer 2010 : 186). Ainsi l'identité implique une définition de soi par les autres et des autres par soi-même. Ces deux mouvements sont décrits par Claude Dubar (2007) comme deux processus complémentaires : le processus relationnel et le processus biographique.

L'identité n'est pas donc pas une notion en soi issue d'un individu comme une création autonome et distincte, mais comme un processus interactif reliant l'individu à son environnement. Ce sociologue souligne l’aspect historique de l’existence de deux types de

54 Je renvoie à celles et ceux qui seraient intéressé(es) par le concept d’identité à mon mémoire de DEA

« Représentation de soi des jeunes en difficulté sociales, scolaires et professionnelles en formation ». (2003) Bordeaux.

55 Lors de la réalisation de mon DEA, j’ai été amenée à définir l’identité individuelle et l’identité sociale.

Un des premiers philosophes à s’être penché sur l’identité individuelle est John Locke. Elle est actuellement caractérisée par Pierre Tap, un des spécialistes en la matière, par le fait que l'individu se perçoit le même dans le temps et dans l'espace. « C’est un système de sentiments et de représentations de soi, c'est à dire l'ensemble des caractéristiques physiques, psychologiques, morales, juridiques, sociales, culturelles à partir desquelles la personne peut se définir, se présenter, se connaître, se faire connaître, ou à partir desquelles autres peut la définir, la situer ou la reconnaître ». (Tap 1979 : 8). L’identité sociale est pour Mucchuielli, « l'ensemble des critères qui permettent une définition sociale de la personne ou du groupe c'est à dire qui permettent de la situer dans sa société ». Cette identité sociale définit la position de l'individu dans le système socio- économique, dans la culture… etc. et objectivise la personne par des catégories bio sociales telles que l'âge, le sexe, l'état civil, la nationalité, l'origine sociale...etc.

positions pour définir la notion d'identité : la position essentialiste56 et la position nominaliste.57

La position essentialiste correspond à une considération de réalités essentielles, de permanence dans le temps, que la philosophie a pu qualifier de « mêmeté » ; les essences peuvent être organisées en catégories, c'est-à-dire « des genres qui regroupent tous les êtres empiriques ayant la même essence » (Dubar 2007), cette essence commune étant qualifiée d’ipséité. Un des postulats fondamentaux de l’essentialisme est alors que ces catégories ont une existence réelle.

Ainsi, la position essentialiste postule qu'à la naissance, l'idée est là, héritée, définitivement singulière. Les individus sont essentiellement différents. L'homme accomplit inexorablement son destin et reste identique à son être essentiel. (Dubar : 2007).58Ricœur considère le problème de l’identité dans la confrontation de la mêmeté et de l’ipséité, confrontation qui se réduit à l’opposition entre même/soi, où « même » est toujours présenté comme « unique et récurrent ». Pour cet auteur, la prise de conscience identitaire repose sur le double sentiment apparemment contradictoire du sujet et de sa responsabilité.

A l’inverse, la position nominaliste considère qu’il n’y a pas d’essence éternelle, et qu’au contraire, tout est soumis au changement. Les mots permettent alors d’identifier les catégories, qui peuvent cependant évoluer en fonction du temps et du contexte. Autrement dit, l’identité n’est pas le caractère de ce qui reste identique ou immuable, mais au contraire le résultat d’une identification contingente. C’est le résultat d’une double opération langagière, à la fois une différenciation en catégories et une généralisation. Dans cette perspective, l'identité d'un être change en fonction du temps et de l'espace. Les identités ne sont identifiables que par leurs noms. Cette identité n'est point héritée mais se construit, n'est point figée mais évolue.

Consécutivement, ces deux positions donnent des approches différentes de l’identité. Alors que la position essentialiste considère en effet que l’on peut définir a priori la singularité et l’appartenance de quelqu’un, la position nominaliste prend en compte des modes d’identification, qui peuvent varier au fil de la vie des individus et des évolutions sociétales. A l’évidence, l’approche sociologique de la notion d’identité est nominaliste, en ce qu’elle permet de prendre en compte la richesse des interactions sociales. L'identité serait dans ce cas le résultat changeant de multiples identifications évolutives : les identifications revendiquées par soi-même, ou identité pour soi, et les identifications attribuées par les autres ou identité pour autrui. Les marqueurs d'identité, comme les nomme Dubar dans la position nominaliste, regroupent pour l'identité personnelle des caractéristiques et des attributs qui définissent une personne à travers des adjectifs qui décrivent ses défauts et ses qualités. Ceux qui s’appliquent

56 Cette position est considérée historiquement première, et elle est issue de la pensée de Parménide,

philosophe de la stabilité.

57Cette deuxième position est issue de la pensée d’Héraclite dont on connait tous son aphorisme célèbre

« on ne peut se baigner deux fois dans la même eau ».

à l'identité sociale, ce sont les statuts partagés avec les autres membres d'un groupe social tels que la nationalité, la profession, la religion, l'origine sociale...etc.

Ainsi, chaque individu hérite dans une lignée, dans une culture, dans un statut social, d’une place à différentes étapes de sa biographie dans les divers contextes sociaux et institutionnels dans lesquels il évolue. C’est dans ces univers sociaux d’appartenance,59 dans ces divers

« nous » dont l’individu a fait partie que se forme le soi constitutif de la personnalité individuelle. Ce soi constitutif est pour Lipansky la combinaison de trois éléments : la liberté (liberté d’expression dans un atelier d’écriture), la finalité (quel but je poursuis en écrivant ?) et l’action (que va-t-il en ressortir concrètement ?)

En somme, la question de l'identité s'inscrit dans une logique d'interaction entre les dimensions personnelles et sociales de l'individu. C'est pourquoi l'identité personnelle et