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L’organisation de la structure : les espaces de co-gestion du « Réso »

co-gestion du « Réso »

· Le bar/brasserie

Le bar/brasserie est un espace de convivialité, situé au rez-de-chaussée de la structure. Cet espace est propice au travail de reconstruction sociétale dans la mesure où il fait office d'espace d'accueil et devient de manière régulière le lieu de diverses manifestations culturelles telles que les vernissages, les expositions, les débats et les conférences.

Rencontrer l'autre redevient possible, se retrouver est souhaitable, et s'activer devient concevable.

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C'est aussi dans ce lieu que se déroulent les rencontres, les entretiens collectifs autour de l'élaboration de projets collectifs d’insertion. Pour les projets individuels, le personnel habilité à mener ces projets dispose d’une petite salle pour recevoir les personnes en toute discrétion.

· La laverie

Cet espace sanitaire, situé au sous-sol est fréquenté par toutes les générations, qui à cette occasion, échangent des informations informelles, des conseils techniques de tout ordre (par exemple comment bénéficier d’une allocation, à qui s’adresser…) partagent des discussions autour de la famille…etc. C’est aussi le lieu où s’élabore tout un travail autour de la santé. J'ai pu noter que cet espace est majoritairement occupé par des femmes. Il faut préciser que les divers espaces de cette structure ne sont pas utilisés de la même façon en genre et en nombre. Ainsi, le bar se situant au rez-de-chaussée est en grande partie fréquenté par des hommes.109

Après une présence assidue au sein de ce "Réso" pendant deux années consécutives, il m'est apparu que ces espaces sont "genrés" de manière inconsciente

· Le hammam

Le hammam a été créé suite à la prise en compte du changement du rapport au corps que l’individu entretient dans la société actuelle. Autrefois, le corps était asservi par la maladie, par la douleur, par la souffrance ou pour la femme par la maternité obligatoire. Aujourd’hui, le corps peut se libérer de manière considérable des douleurs grâce aux progrès médicaux réalisés depuis plus d’un siècle (sulfamide, antibiotique, contraception…etc.). Chaque individu a la possibilité de prendre soin de son corps en jouant un rôle dans le déclenchement ou la prévision de certaines maladies ou dans le choix d’avoir ou non des enfants.

D’un corps asservi et dominé par la nature, nous sommes donc passés à un corps auto façonné, tant dans son fonctionnement interne que dans son apparence. (Aubert, 2004).

Ainsi, ce hammam permet aux individus de diverses origines cultuelles et culturelles d’instaurer une nouvelle relation au corps et de pouvoir en prendre soin. Là aussi, tout un travail de sensibilisation autour du sanitaire et de la santé est réalisé. L'entrée est payante mais son prix est modique. A l’image de la laverie, le hammam est utilisé majoritairement par une population féminine,110 qui le considère comme un lieu de relaxation où elles peuvent discuter et échanger des informations. C’est parfois le lieu où un accompagnement peut s'amorcer.

108 Rapport d'activité 2011/2012 du « Réso ».

109 J’approfondis cette réflexion dans la partie IV « Présentation des résultats… ».

110 Ces femmes viennent souvent le samedi en début d’après-midi. C’est l’un des seuls moments de détente

qu’elles s’accordent dans la semaine. Parfois, elles sont accompagnées de leurs enfants. Quant aux hommes, ils fréquentent plutôt le Hammam durant les jours de la semaine.

· L'espace famille-enfant

C'est à partir d'un constat qu’a été créé cet espace, cogéré pour partie par les parents. Ces parents ne bénéficient pas des moyens économiques pour la garde ou pour l'accueil de leurs enfants. Par ailleurs, ils sont parfois démunis face à leur éducation et ne savent pas vers qui s'orienter pour obtenir des conseils. Ces pères et ces mères sont souvent isolés, du fait de l’absence d'activités professionnelles, dans une société où tendent à disparaître les relations de voisinage, d'échanges sociaux dans le quartier ou dans l'immeuble.

La seule alternative à l'isolement et à la « misère relationnelle », pour les personnes de souche « étrangère » de ce public, est « ghettoïsante », car c'est au travers de leur communauté respective qu'elles peuvent éventuellement sortir de cet isolement. Cependant et paradoxalement, ce rapprochement communautaire linguistique et culturel, dont le but est de contrecarrer cette misère relationnelle, enferme et isole de la société française dans son ensemble.

Ainsi pour sortir de cette spirale vertueuse d'enfermement, le centre propose, par le biais du lien enfants/parents, de construire une réponse autour de « la proximité des mixités et du service pratique au travers d’échanges ».111

L’espace lien enfants/parents112 est co géré par les parents et suppose donc une bonne entente entre eux. Cette co-gestion est supervisée par l'animatrice et l'assistance sociale du « Réso ». Elle a donné naissance à un carrefour d'échanges informels entre parents d'un côté, parents et professionnels de l'autre. Elle a par ailleurs permis de réinstaurer entre les personnes d’origines diverses une confiance mutuelle, comme le met en relief le directeur dans cet extrait d'entretien :

Les mères ou les pères de tous bords laissent leurs enfants, sous la responsabilité d’un adulte, dans l’espace, le temps pour eux de « faire une machine » ou de faire un hammam participer au « cyber job », voir l’écrivain public ou l’assistante sociale ; entreprendre une démarche à l’extérieur, participer aux cours de français.113 (Ibid).

Les projets collectifs concernant les sorties culturelles, les vacances...etc. sont élaborés avec la participation des parents volontaires. C'est à partir de leurs réflexions mutuelles que sont nés divers ateliers créatifs :

· création de pions en argile pour un échiquier, · couture,

· dessins, · peinture,

111 Propos recueillis du directeur du « Réso ».

112 Il se situe à l'étage dans une salle avec mezzanine où on y trouve des outils pédagogiques, des jeux, et

des jouets dédiés aux enfants.

· musique, · jeux de société, · lecture de contes,

· visionnage de dessins animés, · cuisine,

· jeux interactifs.

Parents, enfants et professionnels participent à l'agencement et à l'équipement de cet espace : choix du matériel pédagogique (livres et logiciels), petit équipement (mobilier enfant, jeux...) et fresques réalisées avec un artiste peintre et les enfants.

Depuis septembre 2011, des cours de soutien scolaire enrichissent, tous les mercredis, la palette des propositions coproduites avec les familles et animées par ces dernières.

Enfin, depuis 2012, un animateur du café philo propose une « philo récrée » à l'attention des jeunes publics. De manière générale, cet espace redonne de la puissance sociale aux parents tout en favorisant la socialisation de leurs enfants.

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· Le cyber Café

Le cyber café permet aux personnes subissant les affres de la fracture numérique d’accéder à Internet et d’effectuer entre autres une recherche d'emploi. Il donne la possibilité de bénéficier de formations de maîtrise des outils bureautiques et d'Internet. Le « Réso » s'engage à lutter, grâce au projet de réseau social numérique, contre deux aspects qui sont source d'inégalités : l’usage des logiciels et des informations provenant d’Internet.

114 Toutes les photos de cette structure présentes dans la thèse m’ont été gentiment fourni par le directeur

du centre social « Réso ». Celle-ci-dessus représente l’espace famille-enfant. Il est aussi le lieu où se déroule l’atelier d’écriture.

Il s’agit de créer un site internet contributif, c’est à dire un site dont le contenu est coproduit, au fur et à mesure, par les équipes du « Réso », les habitants, les institutions et les professionnels de proximité.

Le« Réso », dans sa version numérique contient : ü Réso’nances en ligne, journal d’opinion ü Une WebTV

ü Une Webradio ü Un agenda culturel ü Des expositions en ligne

ü L’agenda du Comité de Pilotage Séjours Vacances ü Un espace Emploi

C'est aussi pour certaines personnes exclues du monde numérique la possibilité d'avoir accès à des réseaux sociaux tel que facebook, twitter…etc. afin d’être branchées, d’être "dans le coup ” comme tout citoyen lambda qui désormais n'existe que dans la mesure où il est connecté, où il est en rapport avec, en “ communication avec ” l’autre. Ces nouveaux réseaux sociaux ont entraîné un nouveau rapport aux autres, comme le souligne Nicole Aubert dans ses derniers ouvrages. Ils donnent l’illusion d’une forme d’ubiquité : « être ici et là-bas au même moment ».

Il en résulte une sorte d’addiction à la communication, une sorte « d’avidité relationnelle ». Ces nouvelles technologies ont favorisé la possibilité d’avoir plusieurs vies simultanées et donc plusieurs identités. Ce qui est nouveau n’est pas le fait d’avoir plusieurs identités, cela a toujours existé, d'après Serge Tisseron. En effet :

Un homme pouvait ainsi avoir un rôle de leader dans son club de sport, tandis qu’il était employé soumis à son travail, un humoriste avec ses amis et un être replié et passif dans vie de couple. Ces diverses identités étaient successives et rapportés chaque fois à des espaces différents. La nouveauté réside dans le fait que « ces diverses existences peuvent apparaître en même temps dans un même espace sur Internet et être donc simultanées. (Tisseron 2011 : 99-118).

Si ces technologies numériques créent des nouvelles dynamiques relationnelles, elles semblent mettre à l’écart la capacité d’engagement dans le temps. Les valeurs du long terme telles que la fidélité, l'engagement, ou la loyauté apparaissent particulièrement désuètes et impossibles à vivre, comme l’atteste Nicole Aubert. Les liens sociaux sont plus nombreux qu’avant, plus faciles à établir, mais aussi beaucoup plus fragiles. Pour une partie des individus contemporains, la jouissance du sentir, de l’émotion partagée a supplanté la recherche d’un engagement dans des sentiments durables.

La création de ce réseau numérique veut répondre aux demandes de cette société d’hyperconsommation qui impose l’immédiateté, l’instantanéité des relations. Si l’association s'adapte à l'évolution du nouveau rapport aux autres et prend conscience des modifications induites par les nouvelles technologies de communication et l’instantanéité qu’elles génèrent (téléphones portables, Internet), le responsable espère que :

La modernité et l’ère du numérique peuvent ne pas être la mort du vivre ensemble annoncée. (Ibid)

Mais qu'ils seront plutôt :

« Une aventure collective, une aventure de démocratie retrouvée, une aventure ensemble et d’engagement ».

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· FLE (Enseignement de la Langue Française à des

étrangers)

Six formateurs volontaires élaborent des séquences pédagogiques novatrices au profit des ressortissants de pays tiers afin de concilier l’apprentissage de la langue avec d’autres activités, notamment professionnelles. Leur objectif est de construire autour de l’apprentissage de la langue des « passerelles » culturelles et socioculturelles, dans le but de faciliter leur intégration dans la société française.

Pour soutenir l'action pédagogique des cours de FLE, des livres sont mis à la disposition de ces publics pour pallier l'absence non négligeable d'accès à la culture de base que représente le livre. Cette création d'un fonds « ludicatif » pour adultes propose des documentaires et des fictions tels que des encyclopédies ou des dictionnaires, des polars, des classiques ou des recueils de poésie que l’on peut consulter sur place, qui restent financièrement hors de portée pour des personnes subissant la précarité. En outre, l'acquisition d'une littérature jeunesse facilite la mise en place des ateliers d’éveil à la lecture pour les enfants et recrée ainsi le lien parents-enfants.

Cette création de bibliothèque se veut un vecteur de communication, de partage, d’échange et d’accès à la culture pour tout un chacun au-delà de la contrainte matérielle. Elle est le contexte de rencontres-débats autour du livre et de la littérature. La création d’un club de

lecteurs est envisagée afin d’échanger des paroles au-delà du support écrit, en s’appuyant sur des thèmes en prise directe avec l’actualité, l’Histoire et même l’imaginaire.

Il s’agit également de renforcer le lien avec les riverains qui sont invités à bénéficier de cette installation gracieusement, en toute convivialité dans le cadre de la vie de quartier, puisqu'il n'y a pas de bibliothèque de quartier.

Ce projet pédagogique se veut autant éducatif que ludique. Sa mise en œuvre veut optimiser la vie du quartier et favoriser la mixité sociale et interculturelle. Il s’agit là de se saisir d’une réalité sociale comme : laver son linge dans l’espace sanitaire et, avoir des livres à portée de main.