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3.2 L’atelier d’écriture pour se dire et se construire une identité d’écrivant ou d’écrivain

3.2.3 Le paradoxe identitaire

L’identité apparaît comme un construit dynamique sans cesse en recherche d’équilibre ou d’adaptation, à partir de laquelle la personne, à un moment donné de sa vie, se définit, se réfère. Elle s’organise donc autour de dynamiques contradictoires. Elle est à la fois ce qui permet à l’individu de s’unifier, de trouver un sens à sa vie et de répondre à un destin, en référence ou dans un rapport aux formes de socialisation qu’il a vécues. Elle est aussi ce qui lui permet d’articuler, choisir des rôles, et d’avoir ainsi la liberté de s’inventer différent. Le

61 Dans cette perspective, l'atelier d'écriture serait considéré comme une scène de théâtre dans cette

recherche.

62 Ces rôles qui sont de manière plus ou moins libre et improvisées se conforment néanmoins à certaines

cœur du processus identitaire se situe donc dans la production du décalage, dans le mouvement, la tension, la dynamique d’être là et de tendre vers autre chose, dans l’équilibre et la tension sans cesse remis en question des différents domaines d’activités.

Cependant, il est important de préciser que toutes les actions ne sont pas médiatisées par l’identité. L’individu ne passe pas son temps à se demander qui il est. Ces questions apparaissent lorsque des décalages, des discordances, des adaptations entre plusieurs appartenances ou des choix sont à faire. En deçà de ses capacités imaginatives, créatrices et réflexives, dans l’infra conscient, la personne se construit comme un être d’habitudes, c’est-à- dire ayant incorporé des automatismes, des schèmes permettant d’agir sans réfléchir. Il est secrètement porté par la mémoire sociale qu’il a intériorisée.

Ainsi, il y a des moments d’effacement quand l’action va de soi et se déroule dans la perfection des automatismes incorporés. C’est au moment de ces décalages, de ces discordances qui provoquent l’indécision et impliquent une réorientation du sens de sa vie,63 que l'enquêté peut voir émerger un champ de possibles dans lequel il va déployer toutes ses stratégies identitaires pour maintenir l’intégrité de son identité. En effet, les stratégies identitaires qui concernent l’affirmation ou la défense de l’identité actuelle et passée ont pour fonction d’agir sur la définition de soi, de maintenir, de préserver ou d’augmenter le degré de valorisation de soi, d’assumer une « logique interne » à travers laquelle le sujet légitime, investit et contrôle.

Maintenir une continuité dans le temps, c’est défendre l’identité du sujet dans ce qu’il a été (passé), dans ce qu’il est (présent), et dans ce qu’il veut être 64(futur). Il s’agit de rester le même, de persister dans son être, mais aussi d’évoluer, de changer et de défendre son identité propre tout en maintenant un ancrage dans le temps et l’espace, mais aussi sur le plan personnel, familial et culturel.

Les stratégies identitaires sont à considérer dans leur diversité, comme autant de moyens de défense ou de promotion de soi. Elles permettent en effet au sujet de se personnaliser ou de se re-personnaliser à travers la quête de pouvoir (maîtrise de l’environnement tel que l’atelier d’écriture et de lui-même), la quête de sens et de signification (pourquoi écrire ? quel sens cela a pour le participant ?), la quête d’autonomie (construire un espace personnel et trouver ses propres limites au sein de l’atelier d’écriture) et la quête de réalisation de soi (réaliser pour se réaliser). Elles s’appuient sur le besoin de reconnaissance sociale. Cette recherche de reconnaissance s’exprime par le besoin d'exister aux yeux des autres, d’être pris en compte, d’avoir sa place tout en étant approuvé, valorisé et reconnu dans son identité propre.

63 Il faut donner un sens à sa vie, spécialement dans certains contextes biographiques marqués par des

ruptures suite à des événements divers quand la vie bascule ou quand on se situe entre deux univers de socialisation (ex : sortir du monde du travail en se retrouvant au chômage, l'entrée dans un atelier d'écriture...etc.).

Dans ce travail de thèse, l'entrée dans un atelier d'écriture peut s'entendre comme un projet identitaire.65Le rapport à l'écrit se situe à la rencontre d'une offre sociale (projet pour autrui) et d'un itinéraire personnel (la trajectoire). Ce champs des possibles est à analyser au regard des objectifs existentiels du sujet. Son projet66 ou son absence de projet donne lieu à différents types de rapports à l'écrit, en lien avec ses stratégies identitaires : rapport d'engagement, de désengagement, d'ambivalence.

En conclusion, l’identité est une structure polymorphe, dynamique, constituée par des aspects psychologiques et sociaux appelés marqueurs identitaires. Ces marqueurs peuvent être des attributs qui définissent aussi bien l’identité personnelle (qualités/défauts) que l’identité sociale (le statut que l’individu partage avec les autres membres du groupe).

Cette identité peut se voir transformer lorsqu’un individu fait l’expérience d’un nouvel apprentissage qu’il soit formel, informel ou non formel. Pour rendre compte de ces processus de transformations identitaires, la théorie de la transformation des perspectives de sens, développée par Mezirow, a constitué un éclairage pour cette recherche.

Cette théorie insiste sur le fait que les apprentissages réalisés en formation permettent un positionnement critique face à son environnement, en constituant ainsi un processus de transformation de son propre rapport au monde. Ce n’est qu’en lien avec son propre parcours de vie et son histoire personnelle que les apprentissages peuvent trouver une inscription cohérente et prendre alors sens en vue d’un projet de développement, d’émancipation et de positionnement critique. Avec cette vision humaniste de la formation et des apprentissages, la formation informelle prend une place nouvelle.

65 Référence aux travaux de Moktar Kaddouri, auteur qui a travaillé sur la question identitaire dans les

domaines du travail et de la formation.

66 Le projet implique une représentation de la situation vécue et le désir de la réorganiser, de la transformer

et de préparer l’avenir. Qu’il s’agisse de projets souhaités, désirés, légitimés ou prescrits, portés, porteurs ou à porter, ils orientent le sujet dans son avenir.

3.3 Le processus de transformation identitaire à