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La notion de « rapport à »

Cette notion est loin de traduire des réalités dont les contours seraient clairement définis. En plus d’être pluridimensionnelle, la notion de « rapport à » est « une notion ouverte, non stabilisée » selon Barré de Miniac. D’autres auteurs insistent sur le fait que cette notion peut encore évoluer et que c’est « un outil de recherche susceptible de permettre d’identifier des variables pertinentes pour la recherche (…) et non un ensemble uniforme à considérer comme tel ». (Blaser C., Chartrand S-G. : 2008 : 17).

Proche de la notion de représentation sociale de Jodelet, celle de « rapport à » inclut, en plus des représentations, la possibilité d’observer les pratiques. Pour Penloup, l’expression « rapport à » permet de mettre en évidence l’activité du sujet alors que la notion de représentation renvoie plutôt à un « sujet passif ».

Avant d’être utilisée en didactique, la notion de « rapport à » a été d’abord employée par des chercheurs en sciences de l’éducation. (Barré-De Miniac 2008 : 11). On peut dire d’emblée que, dans un contexte d’apprentissage, cette notion met en relation le sujet et le savoir. Dans la relation entre l’apprenant et le savoir, l’appropriation de celui-ci dépend en partie du sens que le sujet donne aux apprentissages. Pour « sens des apprentissages » Charlot propose deux acceptions :

Premièrement, par sens, on peut entendre valeur, désirabilité : est-ce que cela vaut la peine, est-ce que c’est important d’aller à l’école et d’y apprendre des choses ? Deuxièmement, par sens on peut entendre signifiance : travailler, apprendre, comprendre, qu’est-ce que cela signifie, quelle est la nature de l’activité que l’on nomme par ces termes ? ». (Charlot 1997 : 83).

De ce qui précède, on voit que le rapport à l’apprentissage renvoie, d’une part, à la dimension axiologique et concerne, d’autre part, la dimension « épistémique » de cet apprentissage. Alors que la première facette se rapporte, entre autres, au « pourquoi on doit apprendre », la seconde porte essentiellement sur la nature même des apprentissages et sur la manière de se les approprier. Par « rapport épistémique au savoir », Charlot (1997), repris par Barré-De Miniac (2000 : 13), désigne la réflexivité, « la prise de distance par rapport à ce savoir, tout autant que la prise de conscience des opérations nécessaires à son appropriation ».

A la suite de Charlot et de Bautier et Rochex (1992), Barré-De Miniac (2008 : 13) rappelle cependant que cette structuration s’accomplit de manière interactive entre le sujet et l’environnement. L’influence de l’altérité sur l’individu ne relève donc pas d’une « action sur », mais, plutôt, d’une « relation entre ». En mettant en exergue le rôle actif du sujet dans la construction du « rapport à », les auteurs s’opposent ici à un certain « déterminisme sociologique » (Barré-De Miniac 2000 : 13) qui exclurait le sujet du processus de construction de son rapport au monde.

Cette notion « de rapport à » se définit « comme un processus, à des situations d’apprentissage, à des activités et à des produits (objets institutionnels, culturel et sociaux » (Bautier 2002 : 43).

Le sujet est au centre de cette conceptualisation, puisque c’est par lui, par la relation qu’il construit avec l’objet que s’appréhendent ces processus, mais surtout le sens et la valeur qui leur sont accordés. En effet, la notion de sens est indissociable de celle de « rapport à » puisqu’elle participe à sa construction : le sujet accorde ou non de la valeur à un objet conformément au sens qu’il lui confère.

Barré de Miniac souligne l’intérêt de la notion de « rapport à » en ce qu’elle permet de pointer l’activité de sujet et ainsi d’appréhender le sens et l’implication du sujet face à cette activité. (Barré de Miniac 2002 : 29). D’après Beillerot, par sa constitution, la notion de « rapport à » revêt un caractère pluridimensionnel. En effet, « le rapport à » est constitué de plusieurs rapports venus au sujet de façon directe et indirecte, de sa famille, de son milieu social, de la période historique, des apprentissages divers jusqu’au premier temps du lait et du sein ». (Beillerot 1989 : 174-175). Comme on peut s’en rendre compte, le « rapport à » est fondamentalement structuré par l’altérité. Dans cette optique, « un rapport à » ne saurait être pensé hors du contexte social dans lequel s’inscrit le sujet. En effet, l’environnement social forge le sujet, ses conceptions, ses idées et ses représentations et donc le sens et la valeur qu’il accorde au monde. Sur ce point, les recherches de Bautier et son approche du rapport au langage sont éclairantes. Selon cet auteur, l’élaboration de la notion de rapport au langage est basée sur la question de la différenciation des apprentissages et des inégalités sociales à l’école. Des observations sur le terrain ont mené au constat que :

Dans la même situation, avec les mêmes énoncés de consignes, les élèves ne faisaient pas la même chose avec le langage, ne disaient pas les mêmes choses, n’existaient pas dans leurs textes de la même manière. (Bautier 2002 : 42).

L’intérêt dans cette recherche est alors de comprendre comment et pourquoi les enquêtés dans les mêmes conditions externes d’apprentissage ne réagissent pas de la même façon. Dans ce contexte, la question du sens implique également que tout individu construit son propre rapport à un objet.

La nature de ce rapport peut favoriser ou, au contraire, gêner l’appropriation de connaissances et la compréhension des situations rencontrées. A l’instar de Bautier, le rapport à l’écrit comme le rapport au langage se construit par un sujet socialement situé. Par conséquent, les représentations et les conceptions face au savoir, à l’atelier d’écriture, au monde et à lui- même constituent un amalgame complexe qui font de lui un sujet singulier, entretenant un rapport singulier à l’écrit comme au langage et leur accordant donc un sens singulier. En somme, le concept du rapport au langage, comme le concept du rapport au savoir et à l’écrit, fait place à l’individualité du sujet social.