• Aucun résultat trouvé

Historique du centre social « Réso »

En 1986, on dénombre 800 000 chômeurs de longue durée. Sous l'impulsion de Maurice Pagat96 se créent un peu partout en France des maisons de chômeurs pour enrayer ce phénomène économique néfaste. C'est dans ce contexte économique que naît l'association « Réso 32 » en périphérie de Bordeaux sous l'égide de Marc Vergnolle et de quelques demandeurs d'emploi.

« Réso 32 » accueille dans un premier temps essentiellement des personnes en grandes difficultés sociales et économiques et dont la santé mentale reste très fragile. Pour proposer à ce public un parcours d'insertion réel, se crée petit à petit une équipe pluridisciplinaire et de nouvelles prestations vont se mettre en place pour satisfaire les diverses demandes.

En 2004, deux événements infléchissent les orientations du « Réso 32 » :

- d’abord, l'acquisition d’un nouveau local pour répondre à la demande grandissante d’un public qui se diversifie davantage au regard des problématiques rencontrées. - Ensuite la Caisse d’Allocation Familiale de la Gironde (CAF) propose à l’association

le label Centre Social, dans une logique d’offre de services et d’animation de quartier et de territoire.

Ces deux événements permettent à l’association de concrétiser de deux ses nombreux projets Le premier projet est la création sur 3 étages de 9 logements sociaux. Il s'agit de répondre à un réel besoin sur l'agglomération bordelaise et de donner une possibilité aux personnes en grande situation d'exclusion une réadaptation à la vie sociale dans un environnement chaleureux.

96 Figure emblématique du mouvement des chômeurs, Maurice Pagat crée le premier Syndicat des

chômeurs en 1982. Au début des années 1980, il est frappé par le fait qu'aucune organisation ne représente les victimes de l'économie que sont les chômeurs. Pour lui, ainsi que le raconte l'un de ses compagnons, Joseph Boudaud, "il fallait interpeller la société, les partis politiques, les syndicats, l'opinion publique aussi". "Maurice est le premier qui a imposé une parole publique sur les chômeurs et leur droit à s'organiser", explique encore M. Boudaud, qui créa avec lui, en 1986, le Mouvement national des chômeurs et des précaires (MNCP), issu du premier Syndicat des chômeurs. "C'était un vrai démocrate qui s'intéressait aux questions éthiques et spirituelles et qui voulait surtout que la question sociale soit portée par les premiers intéressés", témoigne Jean-Baptiste de Foucauld, ancien commissaire au Plan et président de l'association Solidarités Nouvelles face au chômage. L'augmentation du nombre de chômeurs ne s'accompagne pas du mouvement de masse dont rêvait Maurice Pagat : les chômeurs ne s'engagent que peu dans les associations qui veulent les représenter. En 1984, il crée la première Maison des chômeurs. En 1992, après dix ans d'efforts, confronté aux rivalités entre associations, aux discussions vives au sein même du MNCP, il quitte l'association. Il se consacre alors pleinement au réseau et au mensuel Partage qu'il avait lancé en 1983.

Extrait du journal le monde | 14.04.2009. http://www.lemonde.fr/disparitions/article/2009/04/14/maurice- pagat-

Le deuxième est le prolongement de son espace sanitaire avec la création d’un Hammam afin d’initier le public reçu aux actions éducatives et sanitaires.

C'est ainsi en 2004, « Réso 32 » devient le « Réso », un espace social, un espace culturel, et un espace de démocratie situé au cœur du centre-ville historique de Bordeaux, au cœur du quartier Saint-Paul, à proximité de deux importantes écoles maternelle et élémentaire. Le parti pris de l’association est d'accueillir en premier lieu les publics touchés par la précarité économique au cœur du centre-ville et non plus dans une lointaine périphérie. Il s’agit d’inscrire la structure dans un quartier et de disposer d’ :

Un vrai territoire en construisant un vrai village où le sens de l'autre et de l'existence à distance de l'idéologie consumériste reste possible.97

Elle offre ainsi une gestion plus rationnelle et plus cohérente des services le plus souvent « éclatés dans la ville de Bordeaux ». L’immeuble abrite un bar-brasserie au rez-de-chaussée, un sous-sol réservé à la laverie solidaire, aux douches et au hammam et un étage où les bureaux administratif cohabitent avec l’espace accueil-enfants / familles et avec une classe où se déroulent les cours de FLE (Français pour les personnes de Langue Etrangère). Trois étages de logements sociaux sont contigus à ces différents espaces. Aujourd’hui, ce centre social permet une réappropriation et une « re-création » par ce public où selon le responsable :

Il fait bon y passer...manger, philosopher entre amis à l'ombre de sa Stoa Poikilé où se succèdent les œuvres plastique et les conteurs musiciens illustrant les scènes épiques de la lutte contre les inégalités, les épisodes mythologiques de la déviance sociale.98

Dans cette perspective, le« Réso » tente tant bien que mal de (ré)-dynamiser des personnes en rupture avec elles-mêmes et leur environnement autour de projets individuels et collectifs, afin de leur permettre de s’impliquer davantage ou de se ré impliquer en tant que citoyens et non comme assistés, dans le quartier Saint Paul de Bordeaux. Au travers de ces actions, il réaffirme les valeurs défendues par le mouvement associatif issu de l’Éducation Populaire. Il est à la croisée de deux modes d’intervention : la relation individuelle et le travail de type collectif. C’est ainsi qu’émerge une parole collective par la création d’un journal mensuel, et le développement de solidarités par la mise en place d’un « troc de savoirs ».99 Ce dernier se définit par un échange ponctuel de services de divers ordres et par l’accès au savoir grâce à la création d’une bibliothèque et de l'installation d’Internet. Ces différentes actions donnent à voir à cette population la possibilité qu’elle peut encore exercer son pouvoir sur les choses et qu'il subsiste encore en chacun une faculté d'adaptation.

Ce centre s'inscrit dans le mouvement pour le développement humain fondé par Carl Rogers. Il fait partie des auteurs qui ont contribué à la naissance et à l’évolution de la psychologie humaniste. Cet auteur défend l’idée suivant laquelle la nature fondamentale de l’homme

97 Propos extrait de l’entretien réalisé avec le directeur en 2011.

98 Rapport d'activité 2012 du« Réso ». Ce rapport m’a été remis sous forme de CD-ROM par le directeur de

la structure en décembre 2012.

99 Inspiré d'un concept américain, l'école de troc a vu le jour à Genève. Cet espace d’apprentissage atypique

destiné aux adultes fonctionne grâce au troc entre élèves et formateurs. Tout le monde peut y enseigner ou y étudier en échange de biens ou de services.

lorsqu’il fonctionne librement, est constructive et digne de confiance. Le directeur reprend l’idée défendue de cet auteur en ces termes :

Lorsque nous réussissons à se libérer de nos attitudes de défense, des exigences du milieu et de la société en générale, on peut s’ouvrir à l’éventail de ses propres besoins pour mieux s’adapter. (Ibid)

En somme, cette association « Réso » tente de faire appel aux ressources des individus en leurs proposant des activités dans le cadre d'un bénévolat volontaire afin de prouver l'existence d'un potentiel humain chez ce public. Elle fait appel à la capacité des individus à faire partager leur aptitude au savoir et au savoir-faire, au dynamisme dont ils peuvent faire preuve, et à leur potentialité, en dépit de leurs divergences et de leurs différences ethniques et sociales de « faire ensemble ».