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37.L'aliment, une chose appropriable et commercialisable. Il convient de définir ce qu'est une chose, tâche apparemment extrêmement simple284 mais en réalité beaucoup plus complexe285. Le

droit romain, définit la chose286 comme ce qui est distinct de la personne, donc dépourvu de

volonté. La chose est « un objet mobilier ou immobilier susceptible d'être l'objet de droits subjectifs »287. Il convient donc de regrouper dans cet ensemble les éléments corporels, objets

matériels considérés sous le rapport du droit ou comme objet de droits et ayant une réalité physique, et les éléments incorporels perceptibles par un autre sens que par le toucher288, et n'ayant pas de 284 VULLIERME (J.-L.), la chose, (le bien) et la métaphysique, APD T.24, les biens et les choses en droit, Sirey, 1979,

p. 32.

Qu'est ce qu'une chose ? La réponse est à cette question semble de prime abord aisée et pourrait être rapportée par de nombreux exemples - une chaise, un arbre, un livre, une idée ... - la question serait alors la plus simple du monde.

285 LE BOURG (J.), La remise de la chose - essai d'analyse à partir du droit des contrats, thèse, Université de Savoie,

2010, p.2.

La définition de la chose, comme telle, n'est pas aisée.

286 C'est à dire quelque chose qui peut être touché, qui a une réalité physique. Le droit romain séparait les personnes, les

actions et les choses : Omne autem jus, quo utimur, vel ad personas pertinet vel ad res vel ad actiones.

287 BELLOIR-CAUX (B.), Dictionnaire de droit des biens, Ellipses, 2013, p.90.

Voir également : SABATHIÉ (E.), La chose en droit civil, thèse, Université de Paris II, 2004.

réalité physique. La conception de la notion de chose est large puisqu'il convient de se référer à toute entité même dépourvue d'existence matérielle, à l'exception des personnes, et de ce qui se rattache à la personnalité289. L'aliment, au sens où nous l'entendons ici, est évidemment une chose

corporelle car ayant une réalité physique. A la lumière de cette première catégorisation, il apparaît que les aliments, entrant dans des chaînes de production et de transformation, sont la propriété d'opérateurs économiques, tels des producteurs agricoles, ce qui ne les fait pas apparemment entrer dans la catégorie des choses sans propriétaire. Plus loin, le droit français sépare les choses susceptibles d'être l'objet d'un contrat de vente, et celles qui ne le sont pas. Ces choses, à l'extra commercialité prononcée, ne peuvent entrer dans le commerce juridique, par leur nature ou par l'effet de règles de droit, et ne peuvent faire l'objet d'actes juridiques290, ne peuvent être vendues291,

prêtées292 ou encore acquises par prescription293. A titre d'exemple, on cite notamment la personne

humaine294, les créances alimentaires, le domaine public, les droits fondamentaux de la personne

comme le droit de vote295. Il est également interdit de faire le commerce d'organes et des produits

du corps humain, comme le précise le code civil en son article 16-5.296 A l'inverse les aliments

peuvent être l'objet de transactions et être vendus : ils sont des choses commercialisables.

38.L'aliment, un fruit industriel, fongible et consomptible. Insérés dans une filière démarrant par une phase agricole de production et se poursuivant par une phase agroalimentaire de transformation, les produits alimentaires prennent la nature de choses fongibles, que l'on peut définir comme étant des choses interchangeables, autrement dit qui peuvent se remplacer indifféremment297. Ainsi une

mobilières, 15 février 2009, n° 14.

289 LE BOURG (J.), La remise de la chose - essai d'analyse à partir du droit des contrats, thèse, Université de Savoie,

2010, p.4.

290 C. civ., art. 1128.

Il n'y a que les choses qui sont dans le commerce qui puissent être l'objet des conventions.

291 C. civ., art. 1598. 292 C. civ., art. 1878. 293 C. civ., art. 2226. 294 C. civ., art. 16-5.

295 V. BÉNABENT (A.), Droit des contrats spéciaux civils et commerciaux, LGDJ, Lextenso éditions, 2014.

Le principe est que toute chose est dans le commerce. Par dérogation expresse, certaines choses ne sont pas dans le commerce. À un degré élevé, il peut être interdit toute convention sur une chose, comme c'est le cas pour la personne humaine (C. Civ., art. 16-5). À un degré moindre, ce peut être uniquement la vente qui est interdite, comme c'est le cas pour les produits humains tels que le sang ou les organes, qui peuvent donnés 'C ; civ., art. 16-5 et 16-6).

296 C. Civ., art. 16-5.

Les conventions ayant pour effet de conférer une valeur patrimoniale au corps humain, à ses éléments ou à ses produits sont nulles.

C. Civ., art. 16-1 al. 3.

Le corps humain, ses éléments et ses produits ne peuvent faire l'objet d'un droit patrimonial.

297 CARBONNIER (J.), Droit civil, les biens, les obligations, PUF, 2004, p.1608.

Les biens fongibles sont des biens interchangeables, qui peuvent se remplacer indifféremment les un les autres, faire fonction les uns les autres, dans les paiements et dans les restitutions.

tonne de blé peut être remplacée298 par une autre tonne de ce même blé299. La distinction entre

choses fongibles et corps certains emporte des conséquences, notamment quant au régime de la vente.300 Le transfert de propriété et de risque pour la vente d'une chose non fongible301 s'opère dès

l'échange des consentements. A l'inverse, pour les choses fongibles, le transfert de propriété et des risques a lieu quand la chose est individualisée, ce qui en pratique correspondra le plus souvent à sa livraison302. Les produits alimentaires ont également la nature de choses consomptibles, c'est à dire

qu'ils disparaissent en tant que tel, en étant transformées ou détruites, de par leur utilisation303, plus

précisément par leur premier usage304. Ainsi dans un processus de transformation agroalimentaire,

les matières premières agricoles sont consomptibles, car transformées. De même les denrées alimentaires stricto sensu sont des biens consomptibles, puisque détruits par l'acte d'alimentation. Enfin, les aliments s'apparentent majoritairement à des choses non frugifères, même s'ils sont a priori des fruits. Ils peuvent être des fruits naturels, qui sont donnés spontanément par les plantes existantes, par la terre ou par les animaux, et il peut ensuite s'agir de fruits industriels, qui résultent du travail, autrement dit de l'industrie de l'homme, comme c'est par exemple le cas des cultures305.

Mais ils apparaissent être des choses non frugifères, les produits transformés par exemple ne permettant plus a priori par eux mêmes la production d'autres fruits. L'aliment est ainsi un fruit industriel, et une chose fongible et consomptible, ou plus précisément un bien fongible et consomptible.

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