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2 Application mesurée du droit de la concurrence à l'agriculture

133.Application spéciale du droit de la concurrence dans l'agriculture. L'agriculture est considérée a priori comme une zone à part dans l'économie européenne. Elle devait échapper en totalité à l'emprise du droit de la concurrence en raison de particularités peu compatibles avec le fonctionnement du marché, telles que les aléas climatiques, la sécurité alimentaire, l'inélasticité de l'offre agricole à court terme, les crises systémiques, l'asymétrie d'information et les rapports de force défavorables opposant producteurs et clients818. Selon l''article 42 du TFUE, « les dispositions du chapitre relatif aux règles de concurrence ne sont pas applicables à la production et au commerce des produits agricoles que dans la mesure déterminée par le Parlement européen et le Conseil dans le cadre des dispositions et conformément à la procédure prévue à l'article 43, paragraphe 2, compte tenu des objectifs énoncés à l'article 39. Le Conseil, sur la proposition de la commission, peut autoriser l'octroi d'aides : A ) pour la protection des exploitations défavorisées par des conditions structurelles ou naturelles, B ) dans le cadre de programmes de développement économique »819. Les règles de concurrence ne sont applicables à la production agricole que dans la

mesure déterminée par le législateur européen faisant de l'agriculture un secteur excepté, non soumis au droit commun de la concurrence820. Plusieurs des instruments de la PAC

« traditionnelle » avaient pour objectif principal d'empêcher les prix de jouer leur rôle de signal 816 R. (CE) n° 139/2004 du 20 janvier 2004 du Conseil relatif au contrôle des opérations de concentrations entre

entreprises, JOCE n° L 24 du 29 janvier 2004, p.1-22.

817 SOUTY (F.), Agriculture, industrie agroalimentaire et règles de concurrence, In COLLART DUTILLEUL (F.), LE

DOLLEY (E.), Droit, économie et marchés de matières premières agricoles, LGDJ, 2013, p.141. La volonté de certains États-membres de réduire les budgets alloués était motivée par la crainte que l'élargissement de l'UE aux pays d'Europe centrale et d'Europe de l'est, plus ruraux que ses États-membres d'origines, augmentent déraisonnablement les dépenses structurelles.

818 DEBROUX (M.), Politique agricole et politique de la concurrence : une moisson à risque. Les raisons d'une

cohabitation orageuse, Concurrences n°4, Agriculture et concurrence, 2008.

819 Sénat, Rapport n°214 sur la politique agricole commune et le droit de la concurrence, 2013, p.10.

820 DEL CONT (C.), Une nouvelle articulation entre concurrence et agriculture pour renforcer la sécurité alimentaire

et le droit à l'alimentation en Europe, In COLLART DUTILLEUL (F.). Penser une démocratie alimentaire, Volume

I, Inida, 2013, p. 337 et s/.

Pourtant, la normalisation du droit agricole de la concurrence, en ignorant l'évolution du secteur agricole et des chaînes de contrats agroalimentaires, fragilise la réalisation du droit à l'alimentation.

susceptible d'orienter les actions des agents économiques, producteurs et consommateurs, en réponse à des changements de l'environnement économique821. La PAC a longtemps privilégié une

organisation européenne des marchés fondée sur une réglementation des prix rendant accessoires les initiatives professionnelles et interprofessionnelles822. Du reste la dérogation à l'application du droit

de la concurrence dans l'agriculture est circonscrite au seul article 101 relatif aux accords et ententes, et les autres règles de la concurrence s'appliquent donc en totalité, comme c'est le cas du contrôle des concentrations et des abus de position dominante823.

134.La primauté de principe de la PAC. Avec la jurisprudence Maizena en 1980824, le juge

européen précise que les auteurs du traité, conscients de ce que la poursuite simultanée de ces deux objectifs pouvait se révéler, à certains moments et dans certaines circonstances, difficile, il est ainsi reconnu tout à la fois la primauté de la politique agricole par rapport aux objectifs du Traité dans le domaine de la concurrence et le pouvoir du Conseil de décider dans quelle mesure les règles de concurrence trouvent à s'appliquer dans le secteur agricole. La Cour de justice estimait en 1980 que la traité avait établi la primauté de la PAC par rapport aux objectifs du traité dans le domaine de la concurrence et qu'elle avait reconnu au Conseil un large pouvoir d'appréciation pour décider dans quelle mesure les règles de concurrence trouvent à s'appliquer dans le secteur agricole825. Souvent

citée comme posant le principe de la primauté de la PAC sur la politique de la concurrence, la jurisprudence Maizena doit être replacée dans un contexte où le secteur agricole n'était pas soumis encore aux principe de l'économie de marché826. Néanmoins les s agricoles ont été rarement

accordées, en raison d'une interprétation très stricte des réglementations européennes827. Les

dérogations prévues par le droit de la concurrence sont effectivement limitées par les interprétations restrictives des institutions de contrôle828. Dans une autre époque, celle de la forte présence des

pouvoirs publics, celle de l'interventionnisme des communautés européennes829 sur les marchés, la

prépondérance était donnée, en cas de conflit, à la PAC. Le changement de contexte économique, avec le net recul de la présence des pouvoirs publics, et le comblement du vide ainsi laissé par le marché, normalise l'agriculture.

821 SPECTOR (D.), L'agriculture européenne en 2020 : défis à long terme, nouvelles politiques publiques et privées,

CNRS et école d’économie de Paris, Sciences Po Paris, 2009, p.2.

822 GADBIN (D.), La confrontation de l'agriculture et du marché : les aspects concurrentiels, La production et la

commercialisation des denrées alimentaires et le droit du marché, Lamy, 2009, p.105.

823 Sénat, Rapport n°214 sur la politique agricole commune et le droit de la concurrence, 2013, p.11. 824 CJCE, 29 oct. 1980, aff. C-139/79, Maïzena c/ Conseil .

825 Sénat, Rapport n°214 sur la politique agricole commune et le droit de la concurrence, 2013, p.16. 826 AC, Rapport annuel 2012, Étude thématique : « Agriculture et concurrence », 2012.

827 COURNIVEAUD (H.), Concurrence en matière agricole, J.-cl. Concurrence Consommation, Fasc. 132, 2010. 828 Sénat, Rapport n°721 sur le rôle des organisations de producteurs dans la négociation du prix du lait, 2012 829 Ou CE.

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