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2 L'effet bouclier de l'ultime contrat des chaînes alimentaires, l'exemple des clauses limitatives de responsabilité

110.Contrat de consommation et clauses limitatives de responsabilité. Les chaînes de contrats translatives de propriété peuvent contenir des clauses limitatives de responsabilité et des clauses de non responsabilité, dont le but est pour le contractant de se dégager de sa responsabilité en cas de faute de sa part causant un dommage à son partenaire contractuel. La clause de limitation ou d'exclusion de responsabilité pose clairement le danger d'opportunisme, car le fait de se dégager des effets négatifs de son propre comportement soulève le danger du risque moral714. Une clause

limitative de responsabilité est par exemple celle d'un transporteur qui stipule qu'en cas de perte l'indemnité due ne pourra excéder 100 euros par colis. Cette combinaison se rapproche la clause pénale, sans en avoir le caractère symétrique de forfait, opérant dans les deux sens. La limite fixée représente un plafond, non un plancher. Le créancier ne pourra jamais obtenir davantage, quel que soit son préjudice, mais il devra se contenter de moins si l'autre établit que le préjudice est inférieur715. Quant aux clauses de non-responsabilité, leur validité n'est pas contestée quand il s'agit

d'élargir la responsabilité du débiteur, en le rendant par exemple responsable du cas fortuit, alors que, de droit commun, il n'eût répondu que de ses fautes. La difficulté n'existe, un peu comme pour les clauses limitatives de responsabilité, dans le cas inverse lorsque les conventions ont pour objet 713 TEMPLE (H.), Les obligations générales d'information, de sécurité, de conformité et d'autocontrôle,, ibid, p.292. 714 MACKAAY (E.), ROUSSEAU (S.), Analyse économique du droit, Dalloz, 2008, p.427.

Et ce même si le contexte de marché contient lui même des contraintes naturelles, telles que la mauvaise réputation, la perte de marché ou encore le boycottage. Malgré cela, un unique opérateur économique, tel un consommateur, pourrait se retrouver dans une situation très désavantageuse dans le cas de la présence de clauses limitatives de responsabilité.

de supprimer purement et simplement la responsabilité, ce qui est beaucoup plus fréquent, les clauses d'irresponsabilité ayant pris une extension considérable dans la pratique des affaires716. La

jurisprudence délimite le champ d'application des clauses de non responsabilité au sein d'un chaîne de contrats homogène au co-contractant direct de leur auteur. La clause élusive de responsabilité est ainsi considérée par la Cour de cassation comme n'étant pas transmise aux sous-acquéreurs de la chose. Une clause de non garantie opposable par un vendeur intermédiaire à son propre acquéreur ne peut faire obstacle à l'action directe de l'acquéreur final contre le vendeur originaire, dès lors qu'aucune clause de non garantie n'a été stipulée lors de la première vente717. Autrement ce type de

clause ne remonte pas dans une chaîne de contrats. Pour la Haute juridiction, la présence d'une clause élusive de responsabilité n'a d'impact que sur son aval dans la chaîne. Ainsi une clause de non garantie présente dans le contrat initial est opposable au co-contractant final situé en aval. Une action directe n'est donc pas opérante. Une clause de non responsabilité qui se trouve entre les deux derniers co-contractants par contre ne protège pas le vendeur initial : l'acquéreur final peut donc agir contre ce dernier, la clause de non responsabilité du vendeur final n'ayant d'effet qu'entre les deux derniers co-contractants. Il en est de même pour des clauses élusives de responsabilité situées en milieu de chaîne. Le vendeur initial situé en amont ne peut se prévaloir de celles-ci contre l'acquéreur final718. L'application atténuée de l'effet relatif dans les chaînes de contrat a pour

corollaire l'application des clauses limitatives de responsabilité à l'ensemble des partenaires contractuels de la chaîne de contrats situés en aval du contrat dans lequel elles se trouvent. Du reste, les clauses limitatives et élusives de responsabilité sont soumises à un contrôle d'opportunisme de la part du juge, basé sur l'obligation essentielle du contrat et sur le fait que le contractant ne peut se dégager par convention de celle-ci dans le contrat, comme la Cour de cassation a pu le définir719 en

fondant sa démonstration sur l'absence de cause720. Est ici déjà soulevé le débat classique entre le

principe de la liberté contractuelle et de la force obligatoire des contrats d'une part, et l'impératif de justice ou d'équité contractuelle, d'autre part, inspiré par le soucis d'égalité, de proportionnalité et de contrepartie réelle dans les contrats721. Le statut particulier du consommateur le protège ab inicio de

ce type de clauses.

716 CARBONNER (J.), Droit civil, les biens, les obligations, ibid, p.2219. 717 Cass. 3e civ., 16 nov. 2005, 04-10.824, Bulletin 2005, III n°222, p.204. 718 Cass. com., 22 mai 2002, 99-11.113, Bulletin 2002, IV n°89, p.95.

719 Cass. com., 22 oct.1996, 93-18.632, Bulletin 1996, IV n°261, p.223, Chronopost. 720 MACKAAY (E.), ROUSSEAU (S.), Analyse économique du droit, op cit, p.428.

Cette optique est semblable à la doctrine de la fundalental breach de la common law, ou de la règle selon laquelle le contractant ne pouvait se dégager par convention de son obligation essentielle.

721 Avis du Premier avocat général de la Cour de cassation au sujet des clauses limitatives de responsabilité.

111.L'effet bouclier créé par la recherche de l'équilibre entre les parties au bénéfice du

consommateur. Le statut particulier du consommateur ne le protégeait pas initialement722 des

clauses limitatives de responsabilité définies par un maillon de la food supply chain ayant produit le bien acheté. En décidant que le fabricant peut opposer à la victime exerçant une action contractuelle directe tous les moyens de défense qu'il aurait pu invoquer contre son propre contractant, et ce quelle que soit la qualité de cette victime, la Cour de cassation fragilise donc sensiblement la protection des consommateurs contre les clauses abusives en bâtissant sa démonstration sur la technique juridique. Puisque l'action contractuelle directe du consommateur a sa source dans le contrat conclu par le fabricant, il est logique que ce soit ce contrat qui détermine la mesure de cette action723. Les clauses limitatives de responsabilité et les clauses élusives de responsabilité ne

pourront plus être opposées par le professionnel au consommateur dans les contrats de consommation à compter du décret du 18 mars 2009724. L'article R. 132-1 du code de la

consommation dispose depuis lors que dans les contrats conclus entre des professionnels et des non- professionnels ou des consommateurs, sont de manière irréfragable présumées abusive les clauses ayant pour objet ou pour effet de « supprimer ou de réduire le droit à réparation du préjudice subi par le non-professionnel ou le consommateur en cas de manquement par le professionnel à l'une quelconque de ses obligations »725. Ainsi le contrat de consommation marque sa différence puisque

l'ultime contrat des chaînes de production de l'aliment est préservé des clauses visant à limiter ou à éluder la responsabilité du vendeur professionnel. La coloration consumériste de cet ultime contrat a donc un impact dual sur les contrats amont de la food supply chain, d'un côté en les unissant par diffusion d'un ensemble d'obligation, d'un autre côté en s'en cloisonnant par non application des règles classiques du droit des contrats.

722 Cass. 1ere civ., 7 juin 1995, 93-13.898, Bulletin 1995, I n°249, p.175.

723 MAZEAUD (D.), la clause limitative de garantie stipulée dans le contrat conclu entre le fabricant et l'entrepreneur

est-elle opposable au maître de l'ouvrage ?, D., 1996, p.395.

724 MAZEAUD (D.), Clauses limitatives de réparation, la fin de la saga ?, D., 2010, p. 1832.

D. n°2009-302 du 18 mars 2009 portant application de l'article L 132-1 du code de la consommation, JORF n°0067 du 20 mars 2009, p. 5030, texte n°14.

Paragraphe 2 Impact sur la chaîne de contrats agroalimentaire de la coloration

consumériste de son ultime contrat

112.La coloration consumériste de l'extrême aval de la chaîne de contrats a un impact sur l'ensemble des contrats situés plus en amont (A). Cette apparente unicité apparaît mise en difficulté avec la dispersion internationale des filières agroalimentaires (B).

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