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2 Complexité de la délimitation nette de la frontière entre médicament et aliment

44.Une source d'interrogation certaine. La notion de propriété nutritionnelle de la définition des compléments alimentaires n'est pas définie, ce qui entraîne un problème de séparation entre aliment et médicament. Seule la vitamine C connaît un seuil permettant une séparation précise entre aliment

Autrement dénommés « alicaments », « pharmafood » ou encore « nutraceutiques », ces aliments exercent une action sur l'organisme dans un sens favorable à la santé, dans une proportion supérieure à celle que l'on peut attendre d'un régime alimentaire de qualité.

325 MARTIN (A.), Définitions et interprétations réglementaires et légales, ibid, p.6.

La définition de l'aiment n'est pas aisée, et est réalisée, notamment, au moyen d'exclusions.

326 DALMET (C.), La notion de denrée alimentaire, thèse, Université d'Avignon et des Pays du Vaucluse, 2009, p.257.

Ce qui est d'ailleurs étonnant puisque les consommateurs qui allouent une part toujours plus faible de leur budget à leur alimentation n'hésitent pas à acheter massivement des produits pourtant souvent bien plus chers que les aliments de consommation courante .

327 Directive n° 2002/46/CE du Parlement européen et du Conseil du 10 juin 2002 relative au rapprochement des

législations des États-membres concernant les compléments alimentaires, JOCE n° L 183 du 12 juillet 2002, p.51- 57.

328 Directive n° 89/398/CEE du Conseil du 3 mai 1989, relative au rapprochement des législations des États-membres

concernant les denrées alimentaires destinées à une alimentation particulière, JOCE n° L 186 du 30 juin 1989, p.27- 32.

et médicament329, ce qui crée une zone de flou juridique pour le reste des compléments

alimentaires, dont on ne sait pas véritablement en fonction de leur teneur particulière en nutriments s'ils relèvent effectivement de la nature juridique des aliments ou si à cause d'une teneur élevée ils seraient à assimiler à des médicaments. Afin par ailleurs d'éviter une dérive qualitative et des cas d'escroquerie, les pouvoirs publics sont intervenus au sujet de l'apposition de la qualité d'alicament aux aliments. Le règlement (CE) n°1924/2006 du 20 décembre 2006330 prévoit ainsi un contrôle a priori des allégations de santé, calqué sur la procédure applicable aux médicaments331. Le

règlement (UE) n° 432/2012332 établit à sont tour une liste de 222 allégations de santé autorisées.

Les habitudes alimentaires et de santé évoluent, rendant la frontière entre aliment & médicament poreuse. Frontière que les pouvoirs publics consolident entre le médicament, substance ou composition présentée comme possédant des propriétés curatives ou préventives à l'égard des maladies humaines ou animales, et l'aliment, substance ou produit, transformé, partiellement transformé ou non transformé, destiné à être ingéré ou raisonnablement susceptible d'être ingéré par l'être humain. Alors que l'aliment est ingérable et nourrit, le médicament a, c'est sa fonction première, des fonctions curatives ou préventives.

45.Une source d'importants enjeux juridiques et financiers. La Cour de justice de l'Union européenne333 applique trois principes pour séparer médicament et aliment334. Premièrement, la

définition du médicament par fonction englobe uniquement les produits dont les propriétés pharmacologiques sont scientifiquement constatées, et non pas les produits dont l'effet sur le corps humain n'est pas significatif au plan du métabolisme et n'en modifient pas significativement le 329 MARTIN (A.), Définitions et interprétations réglementaires et légales, op cit, p.7.

Un seuil est proposé au sein des « Apports nutritionnels conseillés pour la population française », en deçà duquel le complément alimentaire considéré relève juridiquement de la catégorie de l 'aliment, et à partir duquel il relève au contraire du médicament.

330 R. (CE) n° 1924/2006 du Parlement européen et du Conseil du 20 décembre 2006 concernant les allégations

nutritionnelles et de santé portant sur les denrées alimentaires, JOUE n° L 404 du 30 décembre 2006.

331 MARTIN (A.), Définitions et interprétations réglementaires et légales, op cit, p.12 et s/.

L'évolution majeure est liée au passage d'une évaluation a posteriori où l'industriel devait pouvoir justifier scientifiquement une allégation en cas de demande des autorités de contrôle, à une évaluation a priori (seules sont utilisables des allégations préalablement évaluées par l'Autorité européenne de sécurité des aliments, créée par le R. Food Law, et inscrites dans le registre européen des allégations avec leurs conditions d'emploi.

332 R. (UE) n° 432/2012 de la Commission du 16 mai 2012 établissant une liste des allégations de santé autorisées

portant sur les denrées alimentaires , autres que celles faisant référence à la réduction du risque de maladie ainsi qu'au développement et à la santé infantiles, JOUE n° L 136 du 25 mai 2012, p. 1-40.

333 Ou CJUE.

334 MARTIN (A.), Définitions et interprétations réglementaires et légales, In MULTON (J.-L.), TEMPLE (H.),

VIRUÉGA (J.-L.), Traité de droit alimentaire français, européen et international, op cit, p.12 et s/.

La jurisprudence européenne tend à définir un médicament par fonction, par présentation , et à considérer qu'un produit qui répond à la définition de médicament au sens de la directive n° 2001/83/CE doit être tenu pour un médicament et être soumis au régime correspondant quand bien même il entrerait dans le champ d'application d'une autre réglementation moins rigoureuse

fonctionnement. Deuxièmement, la définition du médicament par présentation fait l'objet d'une interprétation extensive afin que les consommateurs ne soient pas induits en erreur par une présentation abusive. Enfin un produit qui répond directement à la définition du médicament335 est

soumis directement à la réglementation correspondante. Au plan européen, le contentieux entre les qualifications du médicament et de l'aliment a un impact sur les règles de distribution et de publicité et sur l'admission ou non au remboursement par le régime de Sécurité sociale.

335 Au sens de la directive n° 2011/83/CE du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2011 relative aux droits

des consommateurs, modifiant la directive n° 93/13/CEE du Conseil et la directive n° 1999/44/CE du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive n° 85/577/CEE du Conseil et la directive n° 97/7/CE du Parlement européen et du Conseil, JOCE n° L 311 du 28 novembre 2011, p. 67-128.

Section 2 l'aliment, préoccupation des pouvoirs publics

« Un pays qui ne peut pas se nourrir n'est pas un grand pays » Charles De Gaulle 46.Si les règles de droit portant sur les aliments ont de tous temps et en tous lieux existé sous des formes diverses336, un corpus juridique contemporain plus complexe est progressivement mis en

place, démontrant par là même la nature particulière de l'aliment, et donc du secteur agroalimentaire dans son ensemble. Ce corpus présente la particularité d'être biface (Paragraphe 1), tandis qu'est bâti un régime de responsabilité non dénué de lacunes (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 Développement d'un corpus juridique biface autour de l'aliment

47.L'aliment est progressivement entouré d'un corpus juridiques présentant deux faces distinctes , dont le point commun est d'être nés dans la douleur de crises importantes. Le droit à l'alimentation est issu de crises alimentaires dramatiques (A) et le droit alimentaire est conçu dans le sillon du traumatisme engendré par des crises sanitaires.

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