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54.L'aliment initialement considéré comme un produit sur le marché européen. Le droit alimentaire européen s'est constitué de façon progressive sur la base du traité de Rome de 1957, puis par le biais de directives, dans une optique libérale de libre circulation des marchandises380.

Alors que l'Union douanière instituée par le traité de Rome ne supprime pas les entraves résultant de la disparité des réglementations qui conditionnement ou limitent la mise sur le marché des biens commercialisables, l'article 100 du traité de Rome prévoit des procédures de rapprochement des législations internationales. En 1968 est adopté un programme général sur l'élimination des entraves aux échanges. Un calendrier fut établi, mais jamais respecté, et la Commission européenne crée alors deux organes de consultation, le Comité scientifique des denrées alimentaires en 1974, et le Comité permanent des denrées alimentaires en 1975. Ces comités avaient pour rôle, après une délégation du Conseil des ministres à la Commission, d'assister cette dernière dans certains domaines considérés comme pointus. La comitologie est le point de départ de la communautarisation du droit alimentaire. Les pouvoirs publics européens adoptent un grand

380 LEWANDOSKI-ARBITRE (M.), Les sources scientifiques , culturelles et sociologiques du droit alimentaire, In

MULTON (J.-L.), TEMPLE (H.), VIRUÉGA (J.-L.), Traité de droit alimentaire français, européen et international, Lavoisier, 2013, p.178 et s/.

nombre de directives concernant la circulation des viandes381, du sucre382, du cacao et du

chocolat383, du miel384, des jus de fruits385, des extraits de café386, des confitures387, des eaux

minérales et de consommation388. Ces différents textes permettent l'émergence d'un droit

relativement cohérent dans le domaine alimentaire. La cour de justice des communautés européennes389 accomplit un travail d'unification et d'ouverture du marché européen. Avec l'affaire

Cassis de Dijon en 1979390, la Cour confirme qu'un État ne peut interdire la vente d'une boisson

sous le prétexte que sa teneur en alcool est inférieure au minimum fixé par les textes nationaux, sous peine d'être considérée comme une mesure d'effet équivalent à une restriction quantitative, pratique prohibée dans le cadre du marché commun. A travers plusieurs décisions,391 ce

« gouvernement des juges » a permis l'abolition de restrictions déguisées, ne relevant pas de la véritable protection de la santé du consommateur. Ainsi à la fin des années 1980 est mis en place un système qui permet la libre circulation des produits alimentaires. L'Acte Unique européen en 1986392 établit un marché unique, ce qui a pour effet une harmonisation plus poussée des règles

relatives à la production des aliments, à leur mise sur le marché et aux contrôles. Les contrôles douaniers sont notamment remplacés par des contrôles aux points d'expédition et au point de destination393. Les exigences de la libre circulation et l’absence de prescription précise des traités 381 Directive n° 64/433/CEE du Conseil du 26 juin 1964 relative à des problèmes sanitaires en matière d'échanges

intracommunautaires de viandes fraîches, JOCE n° L 121 du 29 juillet 1964, p.2012-2032.

382 Directive n° 73/437/CEE du Conseil du 11 décembre 1973 relative au rapprochement des législations des États-

membres concernant certains sucres destinés à l'alimentation humaine, remplacée par la directive n° 2001/111/CE, JOCE n° L 356 du 27 décembre 1973, p.71-73.

383 Directive n° 73/241 du 24 juillet 1973 relative aux produits du cacao et du chocolat destinés à l'alimentation

humaine, remplacée par la directive n° 2000/36/CE, JOCE n° L 228 du 16 août 1973, p. 23-25 .

384 Directive n° 74/409/CEE du Conseil du 22 juillet 1974 relative au miel remplacée par la directive n° 2001/110/CE

du 20 décembre 2001, JOCE n° L 221 du 12 août 1974, p. 10-14.

385 Directive n° 75/726/CEE du Conseil du 17 novembre 1975, dont la version actualisée et en vigueur est la directive

n° 201/112/CE du Conseil relative aux jus de fruits et à certains produits similaires, JOCE n° L 311 du 1er décembre 1975, p.40-49.

386 Directive n° 77/436/CEE du Conseil du 27 juin 1977 relative au rapprochement des législations des États-membres

concernant les extraits de café et les extraits de chicorée, dont la version actuellement en vigueur est la directive n° 1999/4/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 février 1999, JOCE n° L 172 du 12 juillet 1977.

387 Directive n° 79/693/CEE du Conseil du 24 juillet 1979, remplacée par la directive n° 2001/113/CE du Conseil du 20

décembre 2001 relative aux confitures, JOCE n° L 205 du 13 août 1979, p. 5-16.

388 Directive n° 80/777/CEE du Conseil du 15 juillet 1980 relative au rapprochement des législations des États-

membres concernant l'exploitation et la mise dans le commerce des eaux minérales naturelles, modifiée à plusieurs reprises. Elle est actuellement remplacée par la directive n° 2009/54/CE du 18 juin 2009 relative à l'exploitation et à la mise dans le commerce des eaux minérales naturelles, JOCE n° L 229 du 30 août 1980, p.1-10.

389 Ou CJCE.

390 CJCE, 20 févr. 1979, Aff. 120/78, Rewe-Zentral AG contre Bundesmonopolverwaltung für Branntwein. 391 En ce sens, V.

- CJCE, 26 juin 1980, aff. 788/79 ; Procédure pénale contre Herbert Gilli et Paul Andres ;

- CJCE, 9 déc. 1981, aff. 193/80, Commission des Communautés européennes contre République italienne ; - CJCE, 15 oct. 1985, aff. 281/83, Commission des Communautés européennes contre République italienne ; - CJCE, 12 mars 1987, aff. 176/84, Commission des communautés européennes contre République hellénique ; - CJCE, 12 mars 1987, aff. 178/84, Commission des communautés européennes contre République fédérale

d'Allemagne.

392 Signé en 1986 à Luxembourg par les 12 États-membres de l'époque des CE, et entré en vigueur le 1er juillet 1987. 393 BUGNICOURT (J.-P.) COLLART DUTILLEUL (F.), Dictionnaire juridique de la sécurité alimentaire dans le

pouvaient toutefois aboutir à la dilapidation du patrimoine gustatif, gastronomique et culturel de certaines régions ou de certains États-membres de la CE. La qualité s'impose donc comme un avenir possible pour l'agriculture européenne394 et les pouvoirs publics sont rapidement intervenus dans le

contrôle des aspects non sanitaires des caractéristiques qualitatives des aliments en constituant une politique de la qualité des produits agroalimentaires.

55.Développement progressif en France d'une politique de qualité de l'aliment395. La politique

de qualité en France trouve ses racines au début du XXe siècle dans des actions très diverses de professionnels cherchant à développer des produits se distinguant par leur qualité et leur origine. Si la plupart des produits sous signes de qualité ont été créés en dehors des crises économiques sectorielles, on constate que leur développement s'accélère durant ces périodes car ils permettent de réagir à certains risques de standardisation et d'usurpation396. Cette politique de la qualité, dite de

« réglementation qualitative », concerne les caractéristiques physiques des produits, et pose des standards de qualité minima, qui ont pour fonction de garantir un niveau d'efficience minimum que le marché seul ne peut pas garantir et des standards de référence, qui ont pour objectif d'éliminer certains coûts de transaction, concernant l'information du consommateur et la différenciation des produits397. La norme ISO 8402398 définit la qualité comme étant « l'ensemble des propriétés et des caractéristiques qui confèrent à un produit l'aptitude à satisfaire des besoins exprimés ou implicites »399. La qualité dans le secteur agroalimentaire, donc par rapport à l'aliment, a ceci de

particulier qu'elle vise à prouver le lien pouvant exister entre celui-ci et un lieu, un mode de production ou une règle de production locale pour donner au consommateur un niveau de satisfaction élevé400. Ce lien est fondamental, et existait déjà dans les premières formes de

protection de la qualité de l'aliment. En France, une ordonnance de Jean le Bon de 1351, véritable charte corporative, interdit le coup. des vins et prescrit aux taverniers de ne pas donner nom aux vins d'autres pays que celui où il sera créé, ce qui évoque déjà la protection des appellations

monde, Larcier, 2013, entrée « droits de douane et barrières non tarifaires ».

394 BLUMANN (C.), DUBOIS (L.), Droit matériel de l'Union européenne, Éditions Broché, 2012. 395 OLSZAK (N.), Usurpation et contrefaçon, RDR n°456, Lexis Nexis, 2017, p.19 et s/.

Les produits alimentaires sont également concernés par les dispositions de la propriété industrielle.

396 AN, Rapport n°2503 sur les signes d'identification de la qualité et de l'origine, 21 janvier 2015.

397 VALCESCHINI (E.), La politique de la qualité peut elle participer à la désintensification de l'agriculture ?, Dossier

de l'environnement INRA n° 24, 2001.

398 ISO 8402:1994 Management de la qualité et assurance de la qualité, à laquelle succède ISO 9000:2015 Systèmes de

management de la qualité – Principes essentiels et vocabulaire.

399 BIANCHI (D.), La politique européenne de qualité des produits agroalimentaires ou de la sophistication

réglementaire, RDR n°451, Lexis Nexis, 2017, p.17.

400 TORRE (A.) VALCESCHINI (E.), Politique de la qualité et valorisation des terroirs, In J.-P. Sylvestre,

d'origine401. L'instrument de qualité le plus ancien est l'appellation d'origine contrôlée402, créée en

1919 et qui met en exergue le caractère typique d'un produit, due au terroir englobant les conditions de production. Les AOC sont dans un premier temps constituées dans les filières de production du vin403, pour lutter contre les phénomènes d'usurpation, avant de s'étendre en 1990 à tous types de

produits alimentaires. Mis en place dans les années 1960 par des producteurs qui n'avaient pas suivi le mouvement d’industrialisation de la production de l'après guerre, le label rouge vise à distinguer des produits qui par leurs conditions particulières de production ou de fabrication ont un niveau de qualité supérieure aux autres produits similaires. Le label Agriculture biologique certifie un mode de production naturel et respectueux de l'environnement et du bien être animal, et trouve son origine légale dans le loi d'orientation agricole de 1980404. Du reste de nombreuses appellations locales et

sectorielles405 coexistaient, incitant les pouvoirs publics à fournir un effort de simplification406. En

Europe, les pouvoirs publics se sont donc dans un premier temps attachés à intégrer l'aliment dans le marché unique et à développer une politique de protection de sa qualité. Le droit européen est néanmoins considéré comme ayant longtemps été le droit assez froid d'un marché méconnaissant le consommateur407, et ce notamment pour l'aliment. Consécutivement à des crises sanitaires, le

régime juridique de l'aliment est particularisé.

2 Crises sanitaires et remise en cause du modèle, l'aliment vecteur de vie et de

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