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1 Apparente fermeture de l'agriculture au droit de la concurrence

131.Défense du consommateur VS défense du producteur. La PAC est le socle historique de la CEE et reste le premier poste budgétaire de l'UE alors que la politique de concurrence est la politique phare de l'UE et la première compétence exclusive de la Commission804. Les politiques

agricoles et de la concurrence sont habituellement considérées comme étant contradictoires, puisque la politique de la concurrence repose sur l'idée selon laquelle le marché libre est le meilleur garant de l'efficacité dans ses dimensions productive et allocative, alors qu'au contraire, les justifications habituelles de la PAC invoquent les défaillances supposées du marché et l'impossibilité de laisser un secteur aussi important que l'agriculture aux seules lois du marché805. Les bénéficiaires attendus de

chacune ne sont pas les mêmes puisque la PAC est orientée vers le producteur, la politique de la concurrence vers le consommateur, la PAC vise à protéger l'agriculture et les producteurs agricoles, la politique de la concurrence le fonctionnement du marché806. Pour la politique de la concurrence,

il apparaît comme inefficace d'autoriser l'agriculture à exercer un pouvoir de marché. Il convient plutôt de lutter contre les pouvoirs de marché amont et aval.

132.Antinomie dans l'appréciation du prix. Un principe élémentaire en droit de la concurrence est que chaque agent économique conserve sa liberté pour déterminer ses prix. À l'inverse, dans l'esprit de la PAC, la coopération au niveau agricole donne les moyens aux producteurs agricoles de négocier avec leurs partenaires amont et aval. À son origine, la PAC est orientée vers le soutien des producteurs dans une optique très administrée et régulée, et reposait sur deux leviers que sont la fixation de prix officiels et l'intervention publique sur les marchés807. Le point de départ de l'analyse

l'ordre public économique va au delà du maintien de la concurrence, pour englober d'autres composantes, comme l'illustrent les missions confiées aux autorités de régulation sectorielle.

Il convient de distinguer le grand droit de la concurrence, ou droit des pratiques anticoncurrentielles, auquel on ajoute le contrôle des concentrations et celui des aides publiques, et le petit droit de la concurrence, droit des pratiques restrictives de concurrence.

Le droit des pratiques anticoncurrentielles a pour fonction première la protection du jeu de la concurrence sur le marché, et les pratiques restrictives de concurrence ont pour objet la protection des contractant, en visant à atteindre dans la sphère contractuelle une égalité dans les conditions d'exercice de la concurrence.

804 Sénat, Rapport n°214 sur la politique agricole commune et le droit de la concurrence, 2013, p.7.

805 SPECTOR (D.), L'agriculture européenne en 2020 : défis à long terme, nouvelles politiques publiques et privées,

Groupe d'économie mondiale de sciences Po, 2009, p.1.

806 RIEM (F.), La confrontation de l'agriculture et du marché : les aspects contractuels. La production et la

commercialisation des denrées alimentaires et le droit du marché, Lamy, 2009, p.96.

économique de la concurrence est le modèle walrassien de concurrence pure et parfaite, dans lequel les producteurs prennent leurs décisions de production et de tarification sans prendre en compte leur influence sur le fonctionnement du marché808. Un marché concurrentiel est un marché parfait, c'est-

à-dire un marché où le prix ne sera influencé ni par les achats, ni par les ventes d'une seule personne. En d'autres termes, au regard de tout acheteur, l’élasticité de l'offre est infinie, et au regard de tout vendeur, l’élasticité de la demande est infinie809. La théorie économique vantait

initialement la pensée classique de Pierre Le Pesant de Boisguilbert810 et d'Adam Smith811, qui

mettait en avant la « main invisible » découlant du fonctionnement du marché dans une situation de concurrence qui permet alors la convergence des intérêts individuels et de l'intérêt général812. La

concurrence pure et parfaite requiert la combinaison cumulative de plusieurs facteurs813, et la

fixation libre des prix par le jeu des forces du marché permet une allocation optimale de la valeur. Ce point de vue est complété actuellement par celui des économistes autrichiens et par celui des économistes de l'École de Chicago814. Le TFUE consacre un chapitre entier aux règles communes à

la concurrence, la fiscalité et au rapprochement des législations815 et quatre domaines sont

concernés : les ententes à l'article 101 du TFUE, l'abus de position dominante par une entreprise à l'article 102 du TFUE, les aides d'État qui faussent la concurrence à l'article 107 du TFUE et le 808 DEFFAINS (B.), LANGLAIS (E.), Analyse économique du droit, principes, méthodes, résultats, De Boeck, 2009,

p.348.

Pour les économistes, il s'agit d'une hypothèse d'atomicité. Cette situation concurrentielle est efficace car elle rend maximale la quantité de richesse produite dans l'économie. Un écart par rapport à cet équilibre entraîne une perte nette de richesse, car l'augmentation des profits des producteurs est moins que compensée par a diminution du surplus des consommateurs. Cela explique la préoccupation des pouvoirs publics au sujet du respect de la concurrence., et la volonté des producteurs de s'en départir.

809 STIGLER (G.), The theory of price, New York, Macmillan 1966.

810 DE BOSGUILBERT (P.), Dissertation sur la nature des richesses, de l'argent et des tributs, 1712. 811 SMITH (A.), Recherche sur la nature et les causes de la richesse des nations, 1776.

812 GLAIS (M.), Le processus concurrentiel : une présentation historique des apports de la théorie économique,

RTDCom. Dalloz n°1, 2015, p.38.

813 L'atomicité des acteurs, tant du point de vue de l'offre que de celui de la demande, l'homogénéité des produits, la

fluidité du marché implique la libre entrée et la libre sortie du marché, la libre circulation des facteurs de production (capital et travail) et de l'information.

814 GLAIS (M.), Le processus concurrentiel : une présentation historique des apports de la théorie économique, op cit,

p.57.

La pensée des économistes de Chicago peut se résumer en quatre axes : 1 ) la concentration industrielle n'est pas inquiétante. Les grandes firmes atteignent une taille élevée grâce à leur efficience. 2 ) L'accès à la plupart des marchés (en particulier grâce aux opérations de croissance externe) est souvent beaucoup plus facile que le pensaient les auteurs structuralistes. L'entrée effective ou la simple menace d'entrée rend tout pouvoir de marché beaucoup moins réel que le soutenaient ces derniers. 3 ) Le monde industriel est en perpétuel mouvement. Dans beaucoup de secteurs industriels, le changement technologique est à ce point rapide que même l'existence d'un monopole apparemment illicite ne justifie pas l'intervention des autorités de la concurrence. Un tel monopole disparaîtra avant que les mesures prises par celles-ci aient pu être suivies d'effets. Mais, même si ces interventions étaient rapides, les pouvoirs publics ne seraient pas en mesure d'intervenir à bon escient. En intervenant dans le domaine de la concentration, ils créent plus de problèmes qu'ils n'aident à en résoudre. 4 ) Les marchés de capitaux sont, aujourd'hui, suffisamment efficients. Dans la mesure où un pouvoir de marché serait imputable à une information imparfaite ou à un accès insuffisant aux sources de financement, la correction sera vite assurée par le jeu du marché financier.

contrôle des concentrations, qui résulte d'un règlement de 2004816. Les règles du droit de la

concurrence n'ont pendant un certain temps pas trouvé de terrain d'application en matière agricole, jusqu'à ce que la PAC, et surtout son budget conséquent, soit remise en cause par la volonté de certains États-membres817.

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