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La régulation du secteur agroalimentaire par le contrat. Vers un droit agroalimentaire des contrats

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Academic year: 2021

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La régulation du secteur agroalimentaire par le contrat.

Vers un droit agroalimentaire des contrats

Nicolas Volpi

To cite this version:

Nicolas Volpi. La régulation du secteur agroalimentaire par le contrat. Vers un droit agroalimentaire des contrats. Droit. Université Côte d’Azur, 2019. Français. �NNT : 2019AZUR0024�. �tel-02497634�

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La régulation du secteur agroalimentaire

par le contrat

Vers un droit agroalimentaire des contrats

Nicolas VOLPI

Laboratoire GREDEG

Présentée en vue de l’obtention

du grade de docteur en droit

d'Université Côte d'Azur

Dirigée par : Eva MOUIAL BASSILANA Soutenue le : 08 novembre 2019

Devant le jury, composé de :

Patrice REIS, maître de conférence, HDR, Université de Nice Sophia Antipolis

Valérie PIRONON, professeure, Université de Nantes Catherine DEL CONT, maître de conférence, HDR, Université de Nantes

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La régulation du secteur agroalimentaire par le contrat Vers un droit agroalimentaire des contrats

Jury :

Directrice de thèse

Eva MOUIAL BASSILANA, professeure, Université de Nice Sophia Antipolis

Président du jury

Patrice REIS, maître de conférence, HDR, Université de Nice Sophia Antipolis

Rapporteurs

Valérie PIRONON, professeure, Université de Nantes

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La régulation du secteur agroalimentaire par le contrat Vers un droit agroalimentaire des contrats

La chaîne de production des aliments, ou food supply chain, regroupe un ensemble de parties prenantes, producteurs agricoles, industriels agroalimentaires et distributeurs, dont les activités successives permettent la production, la transformation et la distribution de produits alimentaires aux consommateurs, ultimes parties prenantes situées à l'extrême aval de la food supply chain. D'autres opérateurs économiques, des courtiers, des transporteurs, des restaurateurs, ainsi que les pouvoirs publics, sont également liés à la food supply chain.

L'ensemble de ces parties prenantes est lié par des contrats de vente successifs, formant une chaîne de contrats qui structure la food supply chain et qui est soumise à des contraintes singulières. Le dénominateur commun de ces contrats de vente, l'aliment, est une denrée périssable, vitale et soumise à des variations de prix fortes et imprévisibles. L'environnement économique dans lequel s'insèrent les chaînes de contrats est caractérisé par un important déséquilibre structurel entre les différentes phases économiques qui le composent, le rendant propice aux risques de hold up et d'asymétrie d'information entre parties prenantes. Le déséquilibre et l'insécurité contractuels qui résultent de cette situation de fait compliquent la transmission des prix d'un contrat à l'autre, de l'amont à l'aval de la chaîne de contrats, créant des points de blocage ponctionnant de la valeur pour certaines parties prenantes, et menaçant par là même la pérennité de la food supply chain, l'investissement qui peut y être fait, et donc la sécurité alimentaire.

Partant d'un état où s'appliquait le droit commun des contrats, sans considération des spécificités du secteur agroalimentaire, les pouvoirs publics, européens et nationaux, ont progressivement développé un ensemble de dispositions, dispersées au sein du code rural et de la pêche maritime, du code de commerce et du code de la consommation, amenant à former une ébauche de droit spécial des contrats, propre à la food supply chain et dont le dénominateur commun est le produit alimentaire.

L'ingénierie contractuelle sectorielle développée et déployée au sein de la food supply chain, à défaut d'être un effort avéré de construction d'un droit spécial des contrats, un droit agroalimentaire des contrats, est a minima la démonstration de la considération par les pouvoirs publics des externalités négatives créées par une application du droit commun des contrats sans intégration des caractéristiques propres au secteur d'activité concerné. Elle est également une expérience de régulation dont le contrat est le pivot, la contractualisation.

Les particularités du secteur agroalimentaire en font un laboratoire permettant d'analyser le niveau adéquat de spécialisation du droit des contrats, ainsi que les potentialités du contrat en tant que tel comme outil de régulation d'un secteur d'activité.

Mots clés Régulation, contrat, food supply chain, prix, déséquilibre, chaîne de contrats, sécurité alimentaire, produit agricole, produit alimentaire, agriculteurs, industriels, distributeurs, consommateurs, PAC, traçabilité, pratiques commerciales déloyales, équilibre des relations commerciales

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The regulation of the agri-food sector by contract Towards an agri-food law of contracts

The food supply chain brings together a group of stakeholders, agricultural producers, agri-food manufacturers and distributors, whose successive activities allow production, the processing and distribution of food products to consumers, the ultimate stakeholders located in the extreme downstream of the food supply chain. Other economic operators, brokers, transporters, restaurateurs, as well as the public authorities, are also linked to the food supply chain.

All these stakeholders are bound by successive sales contracts, forming a chain of contracts that structures the food supply chain and is subject to unique constraints. The common denominator of these sales contracts, food, is a perishable commodity, vital and subject to high and unpredictable price changes. The economic environment in which contract chains operate is characterised by a significant structural imbalance between the various economic phases, making it conducive to the risks of a hold-up and information asymmetry between stakeholders. The contractual imbalance and insecurity resulting from this de facto situation complicates the transfer of prices from one contract to another, from upstream to downstream of the contract chain, creating blocking points that drain value for certain stakeholders, and thus threatening the sustainability of the food supply chain, the investment that can be made there, and therefore food security.

Starting from a state where the common law of contracts applied, without taking into account the specificities of the agri-food sector, the public authorities, European and national, have gradually developed a set of provisions, dispersed within the Rural and Maritime Fisheries Code, the Commercial Code and the Consumer Code, leading to the formation of a draft special contract law, specific to the food supply chain and whose common denominator is the food product.

The sectoral contractual engineering developed and deployed within the food supply chain, if not a proven effort to build a special contract right, an agri-food contract law, is at least a demonstration of the public authorities' consideration of the negative externalities created by the application of the common law of contracts by integrating the characteristics specific to the sector of activity concerned. It is also a regulatory experience whose contract is the pivot, the contractualisation. The peculiarities of the agri-food sector make it a laboratory for analysing the appropriate level of specialization in contract law, as well as the potential of the contract itself as a tool for regulating a sector of activity.

Keywords Regulation, contract, food supply chain, price, imbalance, contract chain, agricultural product, agricultural product, food product, farmers, industry, distributors, consumers, CAP, traceability, unfair trading practices, balance of commercial relations

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L'Université de Nice-Sophia Antipolis n'entend donner ni approbation, ni improbation aux opinions émises dans cette thèse. Ces opinions peuvent être considérées comme propres à leur auteur.

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Merci à Madame Laurence BOY, dont le dévouement, la gentillesse et l'ouverture d'esprit m'ont permis d'initier ce projet de thèse.

Merci à Madame Eva MOUIAL BASSILANA, dont la passion pour la recherche et l'attention constante m'ont permis de mener jusqu'à son terme ce projet de thèse.

Je suis très reconnaissant vis-à-vis des membres du jury de ma thèse, M. Patrice REIS, Mme Valérie PIRONON et Mme Catherine DEL CONT, qui ont accepté de lire mon travail, d'y consacrer du temps, de le critiquer, et m'ont permis de bénéficier de leurs remarques.

Merci à tous mes collègues de travail pour leur compréhension, leur curiosité et leurs attentions à mon égard ainsi qu'à celui de ce travail.

Merci à ma famille pour son soutien et pour m'avoir transmis les qualités nécessaires à l'accomplissement de ce travail, et à tous mes amis et à mes compagnons de thèse pour avoir continuellement manifesté à mon égard intérêt et encouragements.

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LISTE DES ABREVIATIONS, SIGLES ET ACRONYMES

AAI Autorité administrative indépendante

AC Autorité de la concurrence

aff. Affaire

AFSSA Agence française de sécurité sanitaire des aliments

AFSSAPS Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé

AJCA AJ Contrats d'affaires

AJDA Actualité juridique de droit administratif

al. Alinéa

AMF Autorité des marchés financiers

AN Assemblée nationale

anc. Ancien

ANIA Association nationale des industries alimentaires

AOC Appellations d'origine contrôlée

AOP Association d'organisations de producteurs

art. Article

BRICS Brazil, Russia, India, China, South Africa

B2B Business to business (relations entre professionnels)

B2C Business to consumers (relations entre professionnels et consommateurs)

C. civ. Code civil

C. com. Code de commerce

C. conso. Code de la consommation

C. mon.&fi. Code monétaire et financier

C. rur. Code rural et de la pêche maritime

C. trav. Code du travail

CA Cour d'appel

CAE Conseil d'analyse économique

Cass. 1ere civ. Cour de cassation, première chambre civile

Cass. com. Cour de cassation, chambre commerciale

Cass. crim. Cour de cassation, chambre criminelle

CE Communautés européennes

CEE Communauté économique européenne

CEPC Commission d'examen des pratiques commerciales

CES Conseil économique et social

CESE Conseil économique, social et environnemental

CFTC Commodities futures trading commission

CGA Conditions générales d'achat

CGAAER Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux

CGV Conditions générales de vente

CIC Conseil international des céréales

CJCE Cour de justice des Communautés européennes

CJUE Cour de justice de l'Union européenne

CNA Conseil national de l'alimentation

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CCC Contrats, Concurrence, Consommation

CRIEL Centre régional de l'industrie et de l'économie laitière

D. Recueil Dalloz

DGCCRF Direction générale de la concurrence, de la consommation

et de la répression des fraudes

DPB Droits de paiements de base

DPU Droits de paiement unique

D.& Patr. Droit et Patrimoine

DUDH Déclaration Universelle des droits de l'Homme

EARL Entreprise agricole à responsabilité limitée

EMIR European market and infrastructure regulation

ESB Encéphalopathie spongiforme bovine

EST Encéphalopathie spongiforme transmissible

FAO Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (acronyme anglophone de Food and agricultural organisation)

FEADER Fonds européen agricole pour le développement rural

FEAGA Fonds européen agricole de garantie

FEOGA Fonds européen d'orientation et de garantie agricole

FDSEA Fédération départementale des syndicats d'exploitants agricoles

FNPF Fédération nationale des producteurs de fruits

FNPL Fédération nationale des producteurs de lait

FNSEA Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles

GAEC Groupement agricole d'exploitation en commun

GATT Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce

(acronyme de General Agreement on Tariffs and Trade)

Gaz. Pal. La Gazette du Palais

GMS Grandes et moyennes surfaces

G20 Groupe des vingt

HACCP Analyse des dangers et maîtrise des points critiques

(acronyme de Hazard analysis and critical control point)

ibid ibidem (au même endroit)

IGF Inspection générale des finances

INAO Institut national de l'origine et de la qualité

INRA Institut national de la recherche agronomique

INSEE Institut national de la statistique et des études économiques

ISO International Standard Organisation

(Organisation internationale de normalisation)

J.-cl. JurisClasseur

JCP E La semaine juridique, édition Entreprise

JCP G La semaine juridique, édition Générale

JO Journal officiel

JOCE Journal officiel des Communautés européennes

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L. Loi

L.AAAF Loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 d'avenir pour l'agriculture,

l'agroalimentaire et la forêt

L.CONSO Loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation

L.EGALIM Loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous

LGDJ Librairie générale de droit et de jurisprudence

L.M.A. Loi n° 2010-874 du 27 juillet 2010 de modernisation de l'agriculture et de la pêche

L.M.E. Loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie

L.S2 Loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique

MARL Modes alternatifs de règlements des litiges

MDD Marque de distributeurs

NIP Nouveaux Instruments Promotionnels

NRE Loi relative aux nouvelles régulations économiques

O. Ordonnance

OCM Organisation commune de marché

OCDE Organisation pour le commerce et le développement en Europe

(OECD en anglais)

OGM Organismes génétiquement modifiés

OI Organisation Interprofessionnelle

ONIAM Organisme national d’indemnisation des accidents médicaux

OMC Organisation mondiale du commerce

OMS Organisation mondiale de la santé

OP Organisation de producteurs

op cit opere citato (dans l'ouvrage cité)

OTC Over the counter

P Publié au bulletin (référence non encore disponible au moment de la

rédaction)

PAC Politique agricole commune

para. Paragraphe

PCG Produits de grande consommation

PIDESC Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels

PME Petites et moyennes entreprises

PUF Presses universitaires de France

R. Règlement

R. Food Law Règlement (CE) n° 178/2002 établissant les principes généraux et les prescriptions générales de la législation alimentaire, instituant

l'Autorité européenne de sécurité des aliments et fixant les procédures relatives à la sécurité des denrées alimentaires

R. OCM Règlement du Parlement européen et du Conseil de l'Union

(15)

organisation commune des marchés des produits agricoles, JOUE n° L 347 du 20 décembre 2013, p. 671-854.

R. OMNIBUS Règlement (UE) 2017/2393 du Parlement européen et du Conseil du

13 décembre 2017 modifiant les règlements (UE) n°1305/2013 relatif au soutien au développement rural par le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader), (UE) n°1306/2013 relatif au financement, à la gestion et au suivi de la politique agricole commune, (UE) n°1307/2013 établissant les règles relatives aux paiements directs en faveur des agriculteurs au titre des régimes de soutien relevant de la politique agricole commune, (UE) n°1308/2013 portant organisation commune des marchés des produits agricoles et (UE) n°652/2014 fixant des dispositions pour la gestion des dépenses relatives, d'une part, à la chaîne de production des denrées

alimentaires, à la santé et au bien-être des animaux et, d'autre part, à la santé et au matériel de reproduction des végétaux, JOUE n° L 350 du 29 décembre 2017, p.15-49.

RDC Revue des contrats

RDR Revue de droit rural

RLC Revue Lamy de la concurrence

RLDC Revue Lamy droit civil

RTDciv Revue trimestrielle de droit civil

RTDCom. Revue trimestrielle de droit commercial et de droit économique

S Sénat

SCEA Société civile d'exploitation agricole

TC Tribunal de commerce

TFUE Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne

UE Union européenne

V. Voir

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(17)
(18)

SOMMAIRE

La régulation du secteur agroalimentaire par le contrat

Vers un droit agroalimentaire des contrats

Partie 1 – La nécessité d'une régulation du secteur agroalimentaire par le contrat Titre 1 – L'aliment, centre de gravité de la chaîne de contrats agroalimentaire

Chapitre 1 – Les lacunes du droit face à la singularité de l'aliment Chapitre 2 – L'aliment, un objet de contrats au cœur de filières

Titre 2 – Le secteur agroalimentaire, un environnement contractuel particulier

Chapitre 1 – Le contrat vecteur de déséquilibre économique Chapitre 2 – Le contrat porteur d'insécurité financière

Partie 2 – La constitution du droit agroalimentaire des contrats Titre 1 – Le constat d'une construction inachevée

Chapitre 1 – Le contrat pour équilibrer la répartition

de la valeur ajoutée au sein des chaînes de contrats agroalimentaires Chapitre 2 – Le contrat pour ré équilibrer les relations

contractuelles au sein des chaînes de contrats agroalimentaires

Titre 2 – Les moyens de l'achèvement

Chapitre 1 – La rénovation de l'objet du droit agroalimentaire des contrats Chapitre 2 – L'approfondissement du régime du droit

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(20)
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(22)

INTRODUCTION GÉNÉRALE

1.La régulation du secteur agroalimentaire, préoccupation des pouvoirs publics. « Le blé est le souci constant des autorités, une obsession, un ensorcellement. La récolte en cours, comment s'annonce-t-elle ? On ne cesse de la surveiller, d'en suivre les aléas ; on sait que selon ses résultats la vie sera tranquille ou sous le signe des restrictions, de l'anxiété. Bien qu'aucune histoire (..) ne lui accorde la place considérable qui lui revient, le blé a toujours été le personnage dominant de notre passé »1. La régulation2 du secteur3 agroalimentaire est aussi complexe que sont vitaux les

aliments qu'elle produit. A peine entrée en vigueur, la loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous4 suscite déjà des doutes5 quant aux améliorations qu'elle est

censée apporter aux précédents efforts des pouvoirs publics6 en la matière7. La régulation consiste à 1 BRAUDEL (F.), L'identité de la France, Flammarion, 1986, cité In Groupe de réflexion sur l'avenir de l'agriculture

européenne, Prévenir et gérer l’instabilité des marchés agricoles, Rapport d'étape, JOUYET (J.-P.) DE BOISSIEU (C.) GUILLON (S.), 2010, p.2.

De tous temps, les prix alimentaires ont préoccupé les pouvoirs publics, soucieux du maintien du calme social.

2 CORNU (G.), Vocabulaire juridique, Association Henri Capitant, Broché, 2018.

Équilibrages d'un ensemble mouvant d'initiatives naturellement désordonnées par des interventions normalisatrices, action de régler un phénomène évolutif.

Plus spécifiquement, action économique mi-directive mi-corrective d'orientation, d'adaptation et de contrôle exercée par des autorités (dites de régulation) sur un marché donné (à considérer par secteur, régulation financière, boursière, énergétique …) qui, en corrélation avec le caractère mouvant, divers, et complexe de l'ensemble des activités dont l'équilibre est en cause, se caractérise par sa finalité (le bon fonctionnement d'un marché ouvert à la concurrence mais non abandonné à elle), la jointure de l'économie et du droit en temps qu'action régulatrice elle-même soumise au droit et à un contrôle juridictionnel.

3 CORNU (G.), Vocabulaire juridique, Association Henri Capitant, Broché, 2018.

Un secteur est une branche d'activité d'ordre économique ou professionnel, comme par exemple le secteur agroalimentaire. Il convient de distinguer le secteur privé, ensemble des biens, activités et entreprises appartenant aux particuliers, et le secteur public, ensemble des biens, activités et entreprises qui relèvent de la puissance publique.

4 L. n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et

alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dite LEGALIM, JORF n° 0253 du 1er novembre 2018, texte n°1.

5 RIEM (F.), Loi EGALIM : contrat, concentration, consommation ?, CCC N°2, Lexis Nexis, 2019, p.2.

La loi EGALIM fait suite aux États généraux de l'alimentation , tenus en 2017 en France et ayant pour objectifs de trouver les moyens permettant d'assurer une meilleure répartition de la valeur ajoutée sur la chaîne de production alimentaire.

La régulation par contrat qui y développée suscite déjà des interrogations quant à la capacité du contrat en tant que tel à pouvoir avoir un impact sur les rapports de force entre partenaires contractuels.

6 CORNU (G.), Vocabulaire juridique, Association Henri Capitant, Broché, 2018.

Les pouvoirs publics sont définis comme étant les organes ou autorités les plus importants de l'État parce qu'ils participent à l'exercice du pouvoir législatif et du pouvoir exécutif. Plus généralement, les pouvoirs publics constitutionnels sont toutes les autorités instituées par la Constitution. Plus généralement encore, il s'agit de toutes les autorités publiques.

7 Cet effort législatif des pouvoirs publics s'inscrit dans un mouvement ample des pouvoirs publics européens avec,

d'une part, l'adoption de la directive (UE) 2019/633 du Parlement européen et du Conseil du 17 avril 2019 sur les pratiques commerciales déloyales dans les relations interentreprises au sein de la chaîne d'approvisionnement agricole et alimentaire et, d'autre part, la nouvelle programmation budgétaire 2021/2027 de la Politique agricole commune, qui amène une logique de suivi et de pilotage de la mise en place de 9 objectifs, dont l'assurance d'un

(23)

rendre régulier, à assurer le fonctionnement régulier, le bon fonctionnement. Plus précisément, la régulation économique a pour objectif d'assurer le bon fonctionnement du marché8, autrement dit à

assurer l'ordre public économique9. L'ordre public économique10 regroupe plusieurs composantes

portant, d'un côté, et de façon transversale, sur la concurrence et, d'un autre côté, sur ce qui est au-delà, et spécifié à chaque secteur d'activité. La première composante de l'ordre public économique est le fonctionnement concurrentiel du marché, atteint avec un niveau suffisant de concurrence, la prohibition des comportements anti concurrentiels, et la lutte contre les pratiques restrictives de concurrence. La seconde composante de l'ordre public économique dépasse les préoccupations concurrentielles, et est dans un nombre important de cas appréhendé par des agences sectorielles, autorités administratives indépendantes11. Dans le secteur de l'énergie, la Commission de régulation

de l'énergie a pour mission de veiller au bon fonctionnement des marchés de l'électricité et du gaz naturel au bénéfice des consommateurs finaux12. Dans le secteur financier, l'Autorité des marchés

financiers veille à la protection de l'épargne investie dans les instruments financiers et tous autres placements donnant lieu à appel public à l'épargne, à l'information des investisseurs et au bon fonctionnement des marchés d'instruments financiers13. L'Autorité de la concurrence, de façon

transversale, et les régulateurs sectoriels participent à maintenir et à entretenir l'ordre public économique. La régulation du secteur agroalimentaire est caractérisée par le recours au contrat. 2.La régulation du secteur agroalimentaire par le contrat. Depuis 2010, les pouvoirs publics fondent la régulation du secteur agroalimentaire sur le contrat, appréhendé comme pouvant canaliser les tensions et les rapports de force qui le traversent, au travers de la contractualisation14.

Le secteur agroalimentaire est sujet à des crises dites agricoles, signalées par le prix15, mais aussi à

revenu équitable aux producteurs agricoles et le rééquilibrage des pouvoirs dans le chaîne alimentaire.

8 CORNU (G.), Vocabulaire juridique, Association Henri Capitant, Broché, 2018.

Le marché est un type d'économie dans lequel règle la libre concurrence, l'économie de marché. Il est aussi le mode de relations commercial gouverné par la liberté des échanges, ou loi du marché.

9 PEZ (T.), L'ordre public économique, Les nouveaux cahiers du Conseil constitutionnel 2015/4 n°49, p.56. 10 FARJAT (G.), L'ordre public économique, Thèse Université de Dijon, 1961, p.27 et s/.

La notion d'ordre public désigne l'ensemble des principes fondamentaux sur lesquels repose la société, et plus précisément l'ensemble des restrictions mises en place par l'État à la liberté laissée aux particuliers d'aménager leurs rapports par des conventions.

L'ordre public économique désigne, lui, l'ordre public économique sticto sensu, qui a pour objectif de régler la concurrence et de substituer à l'anarchie consécutive à la liberté une organisation du commerce, l'ordre public social, qui prend en compte les agents de l'activité économique, et l'ordre public s'appliquant à l'économie interne du contrat, qui concerne la protection du cocontractant, au plan du consentement ou encore de la loyauté dans les rapports contractuels.

11 Ou AAI.

12 C. de l'énergie, art. L.131-1 et s/. 13 C. monétaire et financier, art. L.621-1.

14 CORNU (G.), Vocabulaire juridique, Association Henri Capitant, Broché, 2018.

Choix de politique juridique en faveur d'un traitement contractuel des questions.

15 FranceAgriMer, Rapport, Rapport sur le fonctionnement des marchés agricoles : spécificités sectorielles, Crise

(24)

des tensions entre ses différentes parties prenantes, dont la situation est très fragile, avec une diminution forte des marges, qui ne permettent pas alors de couvrir les coûts de production16. Le

secteur agroalimentaire est dans une position paradoxale17. Secteur économique vital et stratégique,

il ne dispose pas, malgré les tensions qui le traversent, d'un droit spécial unifié et cohérent18. Tout

au plus le droit agroalimentaire désigne l'ensemble des dispositions qui s'appliquent empiriquement à ce secteur d'activité. Les pouvoirs publics apparaissent pourtant, dans la période récente, déployer certains efforts, propres au secteur agroalimentaire19 avec, notamment, la loi de modernisation de

l'agriculture20, la loi d'avenir pour l'agriculture, l'agroalimentaire et la forêt21, la loi relative à la

transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique22 et la

L.EGALIM, qui se combinent avec des réformes du code de commerce et du code civil, créant un ensemble juridique nouveau propre au secteur agroalimentaire23, par ailleurs entré dans un vaste

mouvement de mondialisation des échanges agricoles, de l'évolution de l'intervention publique et de l'importante volatilité des prix agricoles24. Les relations commerciales agroalimentaires sont au

cœur de l'intérêt des pouvoirs publics25. Si le bilan de l'acte 1 de la contractualisation n'est pas à la

C'est précisément la variation du prix qui signale la crise.

16 Exposé des motifs de la L. n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le

secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous.

17 BOUILLOT (P.-E.), Le droit face aux enjeux de l'agriculture durable, Cosmographia, 2017, p.161 et s/.

Le secteur agroalimentaire, de son amont à son aval, a développé plusieurs contrats originaux et propres à ses contraintes, tels que le contrat de fermage, le contrat de métayage, le contrat à terme, le contrat d'intégration ou encore le contrat de vente de produits agricoles et le contrat de vente de denrées alimentaires.

18 COLLART DUTILLEUL (F.), Éléments pour une introduction au droit agroalimentaire In Mélanges en l'honneur

d'Yves Serra, Dalloz, 2006, p.91.

Le droit agroalimentaire ne connaît pas d'unité formelle ou de cohérence substantielle. Il regroupe un ensemble croissant de dispositions éparses, que l'on retrouve, initialement, dans le code rural et dans le code civil et, plus récemment, dans, notamment, le code de commerce ou encore le code de la consommation.

19 LORVELLEC (L.), Droit rural, Masson, 1988, n°988, p.411.

Le droit empiriquement applicable au secteur agroalimentaire tend progressivement, au fur et à mesure de la complexification de la chaîne de production, de transformation et de distribution des aliments, à se détacher du droit rural.

20 L. n° 2010-874 du 27 juillet 2010 de modernisation de l'agriculture et de la pêche, dite L.M.A., JORF n° 072 du 28

juil. 2010, p. 13925, texte n°3.

21 L. n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 d'avenir pour l'agriculture, l'agroalimentaire et la forêt, dite L.AAAF, JORF n°

O238 du 14 oct. 2014 p. 16601, texte n°1.

22 L. n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation

de la vie économique, dite L.S2, JORF n° 0287 du 10 déc. 2016, texte n°2.

23 COLLART DUTILLEUL (F.), Sur quelques éléments de la doctrine de Louis Lorvellec en droit rural et

agroalimentaire, In Perspectives du droit public, Mélanges offerts à Jean claude Hélin, Litec, 2004, p.179.

Le droit agroalimentaire, droit des filières et des produits alimentaires, partie parmi les plus méconnues et récentes du droit rural, s'est régulièrement enrichi de nouvelles dispositions.

24 DEL CONT (C.), Filières agroalimentaires et contrat : l'expérience française de contractualisation des relations

commerciales agricoles, Rivista di diritto alimentaire n° 4, 2012, p.1.

Le cours des matières premières agricoles augmente et le prix des denrées alimentaires augmentent, tandis que le revenu des producteurs agricoles diminue, ce qui démontre une mauvaise répartition de la valeur ajoutée créée au sein de la chaîne de production des aliments.

25 GADBIN (D.), Le projet de loi EGALIM, un grand pas ?, RDR N°461, Lexis Nexis, 2018, p.29.

Le projet de loi EGALIM, issu des États généraux de l'alimentation en 2017, a été mis en procédure législative accélérée, après son adoption par le Conseil des ministres le 31 janvier 2018. Il inclut de nombreuses habilitations du Gouvernement à adopter des ordonnances, facteur de catalyse législative.

(25)

hauteur des espoirs qui y étaient placés, les pouvoirs publics restent convaincus que le contrat est un outil de régulation des marchés, et plus globalement de la food supply chain26 dans son ensemble.

Dans cette direction, la L.EGALIM, acte 2 de la contractualisation27, est promulguée le 30 octobre

201828. Faisant suite aux États généraux de l'alimentation29, tenus en 2017, cette loi complète la

liste, croissante, d'actions des pouvoirs publics destinés à augmenter le niveau d'intervention publique dans la food supply chain. Les pouvoirs publics n'ont pas pour objectif avéré de créer un droit agroalimentaire, mais s'ingénient à construire, de loi en loi, un ensemble juridique nouveau, dont le centre de gravité est l'aliment, la fin la sécurité alimentaire et le moyen le contrat. Dans les contours du sujet (I), le contrat est un concept riche (II), que les pouvoirs publics s'approprient (IV) face aux enjeux portés par le secteur agroalimentaire (III), ce qui permet, en creux, de trouver le meilleur niveau de spécialisation du droit des contrats (V) et de s'interroger sur la capacité du contrat à être un outil de régulation juridique dans le secteur agroalimentaire (VI).

I. Contours du sujet

1. Délimitation de la Food Supply Chain

2. Périmètre contractuel II. Richesse du concept de contrat

III. Les enjeux du secteur agro aliment aire

IV. Intervention et présence importantes des pouvoirs publics dans le secteur agro aliment aire

V. La recherche du degré adéquat de spécialisation du droit des contrats VI. Problématique et plan

Ce projet retranscrit avec fidélité de nombreux points des conclusions des États généraux de l'alimentation, notamment concernant l'amélioration de l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire, tels que l'inversion de la contractualisation, la détermination du prix à partir d'indicateurs de coûts de production et de marché, la facilitation de la mise en œuvre des clauses de renégociation ou encore la possibilité pour les OP mandatées par leurs adhérents de négocier des contrats-type de vente sans qu'elles acquièrent la propriété des produits agricoles.

26 La food supply chain désigne la chaîne alimentaire, succession d'opérations de production, de transformation et de

distribution permettant la fabrication de produits alimentaires destinés aux consommateurs. Les termes chaîne alimentaire et food supply chain sont indifféremment utilisés ici.

27 BUY (F.), Réforme du droit des relations commerciales agricoles : la contractualisation, acte 2, AJCA n°12, 2018,

p.504.

L'acte 1 de la contractualisation est constitué des lois précédentes, depuis la loi L.M.A. de 2010.

28 CREVEL (S.), La loi LEGALIM : à boire et à manger pour les Sages RDR N°472, Lexis Nexis, 2019, p.14 et s/.

La L.EGALIM a été promulguée dans une version diminuée de 23 articles, exclus par le Conseil constitutionnel dans une décision rendue le 25 octobre 2018 (Cons. Const., 25 oct. 2018, n°2018-771 DC).

29 PRIETO (C.), Agriculture et droit de la concurrence, vers une réconciliation ?, Concurrences n°3, 2018, p.20.

Les États généraux de l'alimentation se sont tenus en France du 20 juillet 2017 au 21 décembre 2017, avec un triple objectif : assurer une vie digne aux producteurs agricoles par le paiement de prix justes, relancer la création de valeur au sein du secteur agroalimentaire et en assurer une répartition équitable, et faire la promotion d'une alimentation saine, sûre et durable.

(26)

I. Contours du sujet

1. Délimitation de la food supply chain

3.Un secteur économique clé. L'agriculture et les industries agroalimentaires représentent 3,5 % du produit intérieur brut français en 201530. Mêlé aux produits issus de la production agricole, les

performances du secteur agroalimentaire français sont telles qu'elles font de la France la première puissance agricole européenne, totalisant 18 % du produit agricole et agroalimentaire du total des États-membres31 de l'Union européenne32. De plus, les produits issus de la production agricole et les

produits issus des industries agroalimentaires présentent un solde positif en ce qui concerne le commerce extérieur. L'agroalimentaire constitue le troisième excédent sectoriel aux exportations en 201533 et a alors représenté un total d'exportations de 60 milliards d'euros, précisément 45 milliards

d'euros pour les produits transformés issus de l'industrie agroalimentaire et 15 milliards d'euros pour les produits non-transformés issus directement de la production agricole. L'exportation de ces produits est effectivement supérieure à leur importation, ce qui limite le déficit chronique du commerce extérieur hexagonal34. Les activités des filières agroalimentaires sont de très importantes

sources d'emplois. En France, la food supply chain, soit la production agricole, l'industrie agroalimentaire et la grande distribution, représente environ 3 millions d'emplois, soit environ 12 % de la population active, si l'on y intègre en plus la restauration35. A l'intérieur de cette chaîne, en

France, le maillon agricole emploie plus de 900 000 actifs36. L'industrie agroalimentaire emploie

quasiment 500 000 personnes37, presque à égalité avec l'industrie mécanique, ce qui en fait le 30 Ministère de l'économie, Rapport sur les résultats du commerce extérieur, Le commerce extérieur agricole et

agroalimentaire français - principaux résultats, 1er mars 2016, p.3.

31 Sénat, Rapport n°736 sur le dispositif public de soutien aux exportations agroalimentaires, 2013, p.17. 32 Ou UE.

33 Le différentiel exportations/importations de produits agricoles et agroalimentaires représente un résultat positif de

9,2 milliards d'Euros en 2015.

Ministère de l'économie, Rapport sur les résultats du commerce extérieur, Le commerce extérieur agricole et

agroalimentaire français - principaux résultats, 1er mars 2016, p.1.

34 Sénat, Rapport n°736 sur le dispositif public de soutien aux exportations agroalimentaires, 2013, p.20.

Et, en effet, de rares secteurs échappent à ce constat, parmi lesquels l'aéronautique tout d'abord, avec un solde positif de 20 milliards d'euros en 2012 – et les produits agricoles et agroalimentaires ensuite – avec un solde positif de 11,5 milliards d'euros en 2012. Pour mémoire, l'industrie du luxe, la pharmacie et l'énergie arrivent bien derrière avec des excédents qui s'élèvent respectivement à 8,5 milliards d'euros, 3 milliards d'euros et 1,7 milliards d'euros.

35 BOUCLY (M.), RUATTI (J.-L.), Panorama et enjeux des industries agroalimentaires, In JACQUET (P.) LORENZI

(J.-H.), Les nouveaux équilibres agroalimentaires mondiaux, Les Cahiers, Le Cercle des économistes, PUF, 2011, p.55.

La filière alimentaire inclue les activités concourant à produire et à distribuer la nourriture des êtres humains. Elle recouvre donc la production agricole et, en amont, les industries phytosanitaires, d'engrais et de semences, et, en aval, les industries agroalimentaires, la distribution, la restauration et tous les services connexes.

36 Selon les données du Ministère en charge de l'agriculture.

V. www.agriculture.gouv.fr/ministere/les-chiffres-cles-de-lemploi-agricole-et-agroalimentaire

37 Association Nationale des Industries Alimentaires, Tableau de bord de l'agroalimentaire, ANIA, 1er trimestre 2016 /

(27)

deuxième employeur industriel du pays38, en représentant 16 % de l'emploi industriel en France en

201439. La grande distribution alimentaire emploie en France plus de 630 000 actifs40. Le poids

économique du secteur agroalimentaire, couplé à son essence vitale, n'a pu qu'amener les pouvoirs publics à s'y intéresser étroitement.

4.Les États généraux de l'alimentation, le constat des pouvoirs publics. Des crises importantes traversent la food supply chain, et ce de façon récurrente41, déstabilisant ses différents maillons, et

déséquilibrant la répartition de la valeur qui y est créée. Ainsi, différents travaux publics, notamment de l'Observatoire de la formation des prix et des marges42, tendent à souligner les

difficultés dans lesquelles se trouvent régulièrement les parties prenantes des chaînes agroalimentaires, avec une dégradation de la marge nette qu'elles génèrent, qui permet de moins en moins, voire plus du tout, de couvrir les coûts de production. La fragilisation des parties prenantes de la food supply chain met en péril la production alimentaire, par essence vitale. Les pouvoirs publics, lors des états généraux de l'alimentation, font état de plusieurs causes à cette situation tendue. Le Conseil économique, social et environnemental43 souligne que la food supply chain est

traversée de multiples tensions, liées aux dissymétries existant entre ses différents maillons, certains, plutôt en aval, étant très concentrés, et d'autres, plutôt en amont, présentant une tendance à l'atomisation. Ces tensions internes à la food supply chain s'inscrivent dans un contexte qui présente lui aussi des tensions, externes, sur les parties prenantes. A une demande alimentaire corrélée à la démographie et peu élastique aux prix s'ajoutent les aléas, par nature imprévisibles, du climat et de la nature. Un incendie ou une sécheresse peuvent diminuer l'offre agricole ce qui, face à une demande alimentaire quasiment statique, fait augmenter les prix. Dans ce contexte, les pouvoirs publics européens ont libéralisé les marchés agricoles, en faisant disparaître les instruments de régulation et de gestion, au fil de l'évolution de la Politique agricole commune44. En France, les

497 180 salariés en moyenne au 4e trimestre 2015 selon l'Association Nationale des Industries Alimentaires (ANIA).

V. www.ania.net/wp-content/uploads/2016/05/ANIA-TDB-AGRO-Mai-2016.pdf

38 COLLART DUTILLEUL (F.), Éléments pour une introduction au droit agroalimentaire In Mélanges en l'honneur

d'Yves Serra, Dalloz, 2006, p.91.

Le maillon industriel fait d'ailleurs le lien entre la France rurale et des grandes exploitations agricoles et la France des grandes industries, des grands groupes internationaux.

39 Ministère de l'économie, Rapport sur les résultats du commerce extérieur, Le commerce extérieur agricole et

agroalimentaire français - principaux résultats, 1er mars 2016, p.3.

V. www.tresor.economie.gouv.fr/File/422039

40 V. www.eurogroupconsulting.fr/sites/.../grande_distribution-_evolution-societe-2012.pdf (p.63)

41 Projet de loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation

saine et durable, Étude d'impact, 30 janvier 2018, p.8 et s/.

42 Observatoire de la formation des prix et des marges, rapport au Parlement, 2017. 43 CESE, les circuits de distribution des produits alimentaires, 2016.

(28)

pouvoirs publics ont orienté leurs politiques dans le sens de la diminution du prix pour le consommateur, donc en faveur de son pouvoir d'achat, plus que dans le sens de la circulation de valeur au sein de la food supply chain. Les études sur l'euro alimentaire et la répartition de valeur au sein de la food supply chain qu'une part réduite de la richesse qui y est créée revient aux producteurs agricoles45. La L.EGALIM place le contrat comme étant un outil de régulation

juridique de la food supply chain, permettant de sécuriser l'ensemble de ses transactions et de piloter la répartition de la valeur entre ses parties prenantes.

2. Périmètre contract ue l

5. Contrats d'affaires entre parties prenantes de la food supply chain. Les relations

économiques et commerciales entre ces différents types d'opérateurs économiques sont basées sur des contrats ordinaires de vente ou de service, contrats bilatéraux46 qui produisent du droit et des

obligations à la charge des deux parties47. La food supply chain, chaîne de production des aliments,

rassemble des parties prenantes, liées par contrats pour la production de denrées alimentaires. Le secteur agroalimentaire englobe plusieurs activités qui concourent à la production et à la distribution de la nourriture des êtres humains. Elle recouvre donc à ce titre la production agricole, mais aussi les activités industrielles de transformations des produits issus de l'agriculture et les opérations de distribution des aliments aux consommateurs48. Certaines acceptions y ajoutent la

restauration, mais la food supply chain sera surtout entendue ici comme rassemblant les producteurs agricoles, les industriels agroalimentaires et les distributeurs, en prenant tout de même succinctement en compte les activités de restauration49, de transport ou de trading. Il est 45 Projet de loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation

saine et durable, Étude d'impact, 30 janvier 2018.

Sur 100 € de valeur créée au sein de la food supply chain, 14,7 € reviennent au maillon agricole, contre 65 € à l'aval industriel et de grande distribution, le résidu se composant de taxes pour 9,5 € et d'importations pour 10,9 €.

46 MARTY (F.), Régulation par contrat, Document de travail du Gredeg n°2015-10, 2015, p.7.

Idéalement, afin d'assurer une stabilité à long terme de la relation contractuelle, il doit exister un certain équilibre économique entre les contractants et une certaine stabilité des paramètres fondamentaux de la relation contractuelle.

47 FRISON ROCHE (M.-A.), Les 100 mots de la régulation, PUF, 2011, p.45.

Ces types de contrats sont ceux permettant la plus grande fluidité possible au sein du marché. D'autres types de contrats, comme les contrats cadre de distribution ou encore les engagements de non concurrence existent, mais ils sont moins naturels au marché, en ce sens qu'il sont moins facteurs de fluidité.

48 BOUCLY (M.), RUATTI (J.-L.), Panorama et enjeux des industries agroalimentaires In JACQUET (P.) LORENZI

(J.-H.), Les nouveaux équilibres agroalimentaires mondiaux, Les Cahiers, Le Cercle des économistes, PUF, 2011, p.55.

En France, la chaîne alimentaire, regroupant agriculture, industries agroalimentaires, distribution et restauration, représente environ 3 millions d'emplois, soit 12 % de l'ensemble des emplois.

49 BOUCLY (M.), RUATTI (J.-L.), Panorama et enjeux des industries agroalimentaires, op cit, p.57.

La deuxième moitié du XXe siècle a vu se développer de grandes chaînes de restauration, notamment de restauration rapide, qui ont contribué à la mondialisation des chaînes alimentaires, sur lesquelles elles ont pesé par leur puissance d'achat.

(29)

essentiellement question ici d'appréhender les rapports contractuels, par généralité, entre les différentes parties prenantes des trois principales phases de la food supply chain, la production agricole, l'industrie agroalimentaire et la grande distribution, ainsi qu'avec les consommateurs, destinataires ultimes des produits alimentaires, cette succession de rapports juridiques bilatéraux formant une chaîne de contrats50. Les contrats étudiés sont ceux faisant circuler les produits

agricoles et alimentaires sur la food supply chain, de l'amont agricole à l'aval vers les consommateurs. Ces contrats, vecteur de l'aliment, sont appréhendés sous un jour nouveau par les pouvoirs publics.

6.Le développement de la régulation51 par contrat au sein de chaînes de contrats. La régulation

par contrat est un instrument de maîtrise de risques52. Les pouvoirs publics français le considèrent

comme étant un outil qui permet de sécuriser les débouchés pour les producteurs agricoles et de leur donner de la visibilité. A leur aval, les industriels verraient leurs approvisionnements sécurisés. L'utilisation des contrats permettrait aussi d'adapter plus facilement la production agroalimentaire à la demande de consommateurs. La contractualisation renforcerait également à terme la food supply chain, la capacité de ses parties prenantes, notamment les producteurs agricoles, à s'endetter et à investir, donc à renforcer l'ensemble, au service de la sécurité alimentaire. L'intervention des pouvoirs publics dans l'activité économique a pu se dégager d'un rapport contraignant pour intégrer une dimension d'acceptation du contrat par le destinataire de l'action publique, afin notamment de ne pas subir un isolement de la part des opérateurs économiques, et donc une asymétrie d'information53. La régulation par contrat consiste à ne plus s'en remettre à un tiers extérieur, mais à 50 VOLPI (N.), Relations commerciales agroalimentaires, Revue du Bulletin d'Aix n°2017-3, 2017, p.59.

Le secteur agroalimentaire est composé de différentes filières en fonction des produits agricoles ou alimentaires produits. Il agglomère une série d'opérateurs économiques, ou parties prenantes, dont la succession de contrats bilatéraux forme une chaîne de contrats translative de propriété faisant circuler les aliments produits, transformés et distribués.

51 COURET (A.), RAPP (L.), Les 100 mots du droit des affaires, PUF, 2010, p.100.

La régulation est un mode d'administration de l'économie qui entraîne la substitution à l'État d'organes investis d'un pouvoir de réglementation et d'un pouvoir de sanction. Elle a pour objectif de corriger les asymétries de marché, en diminuant la puissance de marché des opérateurs dominants et en favorisant l'entrée sur le marché de nouveaux opérateurs. La régulation est tout d'abord sectorielle, quand un secteur d'activité s'ouvre à la concurrence, puis devient concurrentielle une fois l'ouverture à la concurrence effectuée.

La constitutionnalité de la dévolution de son pouvoir réglementaire par l'État à un organe de régulation a été validée par le Conseil constitutionnel (Cons. Const., 17 janv. 1989, 88-248), dès lors que les mesures réglementaires que peut prendre le régulateur sont d'un champ d'application et d'un contenu limités, et que les sanctions prononcées ne sont pas constitutives de peines privatives de liberté, et restent des sanctions administratives (suspension ou retrait d'autorisation par exemple) ou financières (amendes en pourcentage d'un chiffre d'affaires par exemple).

52 AUBIN-BROUTÉ (R.-J.), Champagne : une filière, des contrats (1ere partie) RDR N°2, Lexis Nexis, 2019, p.11.

Le contrat permet de maîtrise un nombre notable de risques : les risques liés à l'environnement économique, tels que les risques de production et les risques de marché, les risques liés aux relations économiques, les risques avec les partenaires de l'entreprise, dont la fiabilité et la bienveillance peuvent être relatives.

53 FRISON ROCHE (M.-A.), Les 100 mots de la régulation, op cit, p.46.

Un régulateur entretenant un rapport trop contraignant avec les opérateurs économiques du secteur sur lequel il opère risquerait de subir une asymétrie d'information de leur part.

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préciser l'ensemble des modalités d'ajustement tarifaires et de règlement des éventuels différends directement dans le contrat54, et ce avec ou sans intervention d'un régulateur subsidiaire. Dans le

premier cas la régulation est basée uniquement sur le contrat, avec des clauses types par exemple, et s'assimile à l'autorégulation, c'est-à-dire à un système apte à trouver, à maintenir et à retrouver le cas échéant son propre équilibre de lui même55. La seconde option repose sur la présence d'un

régulateur, tiers impartial permettant aux parties de faire vivre leur relation contractuelle sur une base équilibrée, qui peut agir comme recours dans un marché où l'équilibre ne peut se trouver, se maintenir ou revenir à son état optimal seul. Le développement de la régulation par contrat s'insère dans le mouvement de fond de globalisation des échanges économiques, qui pose de grandes difficultés aux États de par le fait que les frontières des marchés dépassent bien souvent les leurs56.

Cette régulation par le contrat s'inscrit, dans la food supply chain, dans une succession de contrats définissant une chaîne de contrats de vente, autrement dit dans une chaîne translative de propriété. Les actes I et II de la contractualisation créent les prémisses d'un droit des filières, d'une sorte de législation macro-contractuelle57. Le contrats est perçu comme un maillon d'un ensemble plus vaste,

la chaîne de contrats, dans laquelle il s'insère, et est alors appréhendé en fonction de la place qu'il y occupe, en lien avec le contrat qui le précède et le contrat qui lui succède, autrement dit avec son amont et avec son aval.

II. Richesse du concept de contrat

7.Le contrat, aspects sociaux. Le contrat accompagne l'évolution des sociétés humaines, probablement, sous des formes variées58. Le droit romain s'approche d'une conception systémique 54 MARTY (F.), Régulation par contrat, op cit, p.6.

Le contrat est alors le siège assez complet de gestion de la relation entre les parties.

55 FRISON ROCHE (M.-A.), Les 100 mots de la régulation, op cit, p.20.

Le marché des biens et services ordinaire est autorégulé, en ce sens qu'il n'y a pas de barrières à l'entrée, que l'information sur les produits, les prestations et les prix est accessible et libre, que les consommateurs sont mobiles et que ces derniers font jouer la concurrence entre offreurs. Dans ces conditions le marché considéré s'autorégule par le prix.

56 FRISON ROCHE (M.-A.), Les 100 mots de la régulation, ibid, p.48.

Les contrats apparaissent dépasser les frontières et être un outil plus adapté à un contexte globalisé, dans la mesure toutefois où ils permettent de poursuivre un but allant au delà de l'intérêt strict des parties.

57 AUBIN BROUTÉ (R.-J.), Les entretiens juridiques de la Villa Bissinger – 13 décembre 2017, Synthèse des travaux,

RDR n°471, Lexis Nexis, 2019, p.30 et s/.

58 HAUSER (J.), Les contrats, PUF, 2002, p.3.

L'accord de deux ou de plusieurs personnes pour donner naissance à des obligations est certainement aussi ancien que l'activité humaine sur Terre. La recherche de progrès, la lutte contre l'isolement et les dangers, la division des tâches ou encore l'échange de biens et de services ont du amener les premiers êtres humains, dès la constitution de premiers groupes, a conclure, sous des formes et avec des contenus variés, les premiers contrats. En ce sens le contrat est une application de l'adage « l'union fait la force ».

Il a certainement toutefois fallu attendre la constitution de premières sociétés organisées, avec une autorité publique et un minimum d'organisation juridique, pour assurer à ces premiers contrats la solidité et la pérennité requises pour qu'ils puissent s'appliquer. Avant que le droit romain, il n'était tenu compte que de certains accords, les plus utilisés,

(31)

du contrat59. Au Moyen Âge, la doctrine chrétienne a remplacé l'opposition entre individus et État

par le positionnement au dessus des individus des fins spirituelles60. Dans une optique

individualiste, l'être humain contractant est maître de son destin et de ses actions. Il est l'arbitre le plus efficace et le plus rationnel de ses choix, ce qui se traduit par les contrats qu'il conclut et par les contractants avec lesquels il choisit de conclure. Chaque contractant doit veiller à ses propres intérêts61 et tous sont placés dans une situation d'égalité juridique62. Ce courant de pensée considère

que la somme des choix contractuels individuels est positive pour la société dans son ensemble63,

formant par là même le contrat social, sur lequel est fondé la société selon la théorie du contrat, ou contractualisme. Dans une perspective historique, la théorie individualiste fait d'ailleurs reposer la société sur un fait volontaire, et non sur une donnée naturelle. Le droit naturel64 existait avant la

formation d'un État. Jean Jacques Rousseau décrit cet état de nature antérieur à la formation de l'État comme un âge heureux et simple65. À l'inverse, Hobbes estime cet état antérieur comme

définis dans des formules figées et sans que l'on voit le rapport entre eux. L'effet juridique de ces premiers contrats tenait plus dans l'utilisation de formules sacramentielles, souvent accompagnées d'actes matériels, que dans un échange de consentements.

Plus loin, le droit romain a permis d'aller au delà d'un empirisme répété et parcellisé, en constituant une notion unique de contrats, qui est ainsi le fruit d'une société arrivée à un degré avancé d'évolution.

59 VILLEY (M.), Le droit romain, PUF, 2002, p.100 et s/.

Le droit romain va progressivement élaborer les traits qui fondent le contrat moderne, c'est-à-dire avec une prise en compte du consentement comme condition de sa validité. Auparavant, et après la chute de l'Empire romain jusqu'à notre époque moderne, le consentement n'était nullement la base des obligations contractuelles. Celles-ci trouvent leur source dans des paroles solennelles échangées ou parce qu'une somme d'argent a été remise. Que le débiteur l'ait voulu ou non, il est engagé par ces formes.

Le droit romain va progressivement reconnaître le consentement comme condition de validité du contrat, et développe les vices du consentement.

60 ROUBIET (P.), Théorie générale du droit, Dalloz, 2005, p.130 et s/. 61 Selon l'adage romain Jura vigilantibus prosunt.

62 ROCHFELD (J.), Les grandes notions du droit privé, PUF, 2013, p.415 et s/.

L'appréhension du contrat telle qu'issue du code civil de 1804 se base sur une égalité des contractants, sur leur rationalité et sur la poursuite par chacun de ses propres intérêts. Aussi, dans une optique libérale, le contrat conclu entre les parties libres permet d'atteindre un optimum bénéfique pour les parties elles-mêmes, mais aussi pour les tiers.

Dans l'esprit de l'article 1er de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, « les hommes

naissent et demeurent libres et égaux en droits ». Autrement dit, les contractants sont égaux et le demeurent, sans

considération de différences de situations de fait entre eux.

Les contractants sont également rationnels, et font leurs choix, concernant le type de contrat, leur cocontractant et le contenu du contrat, en pleine conscience. En ce sens, la rédaction du code civil est baignée dans la philosophie de cette époque, qui célébrait le rationalisme (E. Kant, critique de la raison pure, éd. Pléiade).

Le code civil en ce début de XIXe siècle est utilitariste, en ce sens qu'il y est considéré que le contrat doit offrir à chacun un intérêt.

63 Selon Adam Smith par exemple, la somme des intérêts individuels crée l'intérêt collectif.

Adam Smith, Recherches sur les causes de la richesse des nations, IV, ch. II.

Chaque individu met sans cesse tous ses efforts à chercher, pour le capital dont il peut disposer, l'emploi le plus avantageux ; il est bien vrai que c'est son propre bénéfice qu'il a en vue, et non celui de la société ; mais les soins qu'il se donne pour trouver son avantage personnel, le conduisent naturellement, ou plutôt nécessairement, à préférer précisément ce genre d'emploi même qui se trouve le plus avantageux pour la société ... Tout en ne cherchant que son intérêt personnel, il travaille souvent d'une façon beaucoup plus efficace pour l'intérêt de la société que s'il avait réellement pour but d'y travailler.

64 V. CORNU (G.), Vocabulaire juridique, Association Henri Capitant, Broché, 2018.

Ou Jus naturalis, ensemble de règles considérées comme conformes à la nature.

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périlleux et sans protection pour la liberté66. Le contrat social qui succède à cet état antérieur

reposerait sur le contrat, qui est un fait volontaire, dans lequel les êtres humains ont renoncé le moins possible à leur liberté67. Selon Rousseau, le contrat investit le peuple de sa propre

souveraineté, dans une optique démocratique. Pour Hobbes68, l'État fondé sur le contrat social est là

pour assurer la sécurité entre les êtres humains. D'après Locke69, le contrat social a pour fonction de

garantir l'état de nature caractérisé par la jouissance de chaque individu de ses droits naturels. En d'autres termes dans l'optique lockéenne, le contrat social sauvegarde les droits de chacun, dont la liberté et la propriété. Selon l'École du droit de la nature et des gens70, les individus sont liés par

contrat à la société qui donne des garanties contre le pouvoir, ce qui signifie que la société elle même est fondée sur un contrat, outil d'organisation d'une structure collective durable71. Les

contrats accompagnent la mondialisation, et ce depuis le développement des phénomènes de contacts commerciaux, les contrats véhiculant l'idée d'un progrès pour les peuples qui en étaient dépourvus initialement72. Cette vision du contrat est très occidentale. Ainsi, au Japon, l'individu

n'était pas au centre des événements et ne pouvait pas s'engager pour lui même avec autrui et pour l'avenir. Au contraire, c'est une harmonie sociale et cosmique qui fonde la société nippone73.

66 René Capitant, Hobbes et l'État totalitaire, Archives de philosophie, du droit et de sociologie juridique, 1936, 1-2,

p.52 et s/.

67 Beccaria, Des délits et des peines, 1764. 68 Thomas Hobbes, le Léviathan, 1651.

69 John Locke, Second traité du gouvernement civil, 1690.

70 ROUBIET (P.), Théorie générale du droit, Dalloz, 2005, p.136 et s/.

Selon Hugo Grotius, une des conditions essentielles de la vie en société est le respect des contrats, qui est une donnée fondamentale du droit de la nature.

71 ROCHFELD (J.), Les grandes notions du droit privé, PUF, 2013, p.437 et s/.

Certains contrats permettent de construire des structures, comme le contrat de société ou le contrat d'association, structures durables et dédiées à la poursuite d'un intérêt commun. La pratique contractuelle contemporaine de la vie des affaires développe de nouveaux réseaux, avec des consortiums ou encore des joint venture, avec des organisation en réseaux.

Maurice Hauriou a systématisé les contrats portant une organisation pérenne ayant pour but la poursuite d'un intérêt commun au sein de la théorie de l'institution (M. HAURIOU, La théorie de l'institution et de la fondation. Essai de

vitalisme social, In Aux sources du droit: le pouvoir, l'ordre et la liberté, Cahiers de la nouvelle journée, 1926, n°23).

Paul Didier analyse la société comme étant un « contrat-organisation » (DIDIER (P.), Brèves notes sur le contrat

organisation, In Mél. Y. Guyon, Dalloz, 2003, p.1.).

Dans cet ordre d'idées, le contrat va au delà d'une simple fonction d'échange, et présente, en plus, une fonction d'organisation.

72 SUPIOT (A.), Homo juridicus, Éditions du Seuil, 2005, p.137.

Dans le sillage des Lumières, l'idée s'est ainsi installée que ce processus d'émancipation par le contrat avait une portée universelle et s'étendrait un jour à tous les peuples encore en développement. Aussitôt décolonisés, ces peuples ont été invités à rejoindre les institutions internationales qui garantissent la liberté de contracter au-dessus des frontières. Accéder à la culture du contrat est devenu la condition d'accès à la modernité et au concert des nations.

73 PINGUET (M.), La mort volontaire au Japon, Persée, 1984, p.345.

Il s'agit du giri, qui est une obligation morale, non fondée sur le contrat mais dépend des personnes qu'il lie. Le giri est source de « relations durables, non révocables, qui engagent l'idée que le sujet se fait de lui-même et l'estime qu'on lui porte, (et) sont confiées à sa discrétion, sa délicatesse. Il faut rendre un bienfait, ou plutôt montrer qu'on ne l'oublie pas, et le remboursement, qui d'ailleurs n'annule pas mais nourrit la relation, peut prendre mille formes libres ... ».

(33)

8.Le contrat, définition. Si le contrat fait partie du quotidien de tout individu et de tout regroupement, notamment sociétaire, il n'existe pas de notion réellement pure et absolue à travers le temps et l'espace du contrat74. Sa définition est fonction des contextes économiques et des directions

données par les pouvoirs publics. En ce début de XXIe siècle, à l'aube de la réforme du droit spécial des contrats et à la suite de la réforme du droit commun des contrats75 en 201676, l'article 1101 du

code civil dispose que « le contrat est un accord de volontés entre deux ou plusieurs personnes destiné à créer, modifier, transmettre ou éteindre des obligations »77. Le contrat est donc un acte

juridique78, autrement dit une manifestation conventionnelle de volonté destinée à produire des

effets de droit79. Le contrat80 est donc créateur, transmetteur, modificateur ou extincteur

d'obligations. Une obligation est un devoir créant un lien entre un créancier, celui, sujet actif, à qui son cocontractant doit quelque chose, et un débiteur, celui, sujet passif, qui doit quelque chose à son cocontractant81. Les contrats sont ainsi un moyen pour les parties d'organiser leur avenir82. Les

sociétés humaines, du moins occidentales, ont vu se développer le contrat comme vecteur d'engagement, à partir de l'antiquité romaine. Le droit romain83 développe le concept de contrat, et

société.

74 ROCHFELD (J.), Les grandes notions du droit privé, PUF, 2013, p.413.

Le contrat reflète par conséquent les conceptions des rapports sociaux ayant cours dans une société x à un moment t.

75 C. Civ., art. 1105.

Les contrats, soient qu'ils aient une dénomination propre soit qu'ils n'en aient pas, sont soumis à des règles générales, qui sont l'objet du présent titre. Les règles particulières à certains contrats sont établies sous les titres relatifs à chacun d'eux.

76 O. n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve ds

obligations, JORF n°0035 du 11 février 2016, texte n°26, L. n° 2018-287 du 20 avril 2018 ratifiant l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, JORF n° 0093 du 21 avril 2018, texte n°1.

77 DUTOIT (B.), Le droit russe, Dalloz, 2008, p.52 et s/.

Il convient de noter que l'esprit de cette définition est partagé dans d'autres législations à travers le monde. Ainsi en est-il du droit russe, dont le C. Civ., art. 420 dispose que le contrat est l'accord de deux ou plusieurs personnes sur la création, la modification ou la suppression de droit ou d'obligations.

78 C. Civ., art. 1100-1.

Les actes juridiques sont des manifestations de volonté destinées à produire des effets de droit. Ils peuvent être conventionnels ou unilatéraux.

Ils obéissent, en tant que de raison, pour leur validité et leurs effets, aux règles qui gouvernent les contrats.

79 V. CORNU (G.), Vocabulaire juridique, Association Henri Capitant, Broché, 2018.

80 CASHIN RITAINE (E.), Nouvelles tendances en droit des obligations – Quel droit s'applique ?, Unif. L. Rev., 2008,

p.70.

Le contrat qui peut d'ailleurs être apprécié de manières variables selon les pays.

81 Qui peut naître d'un fait juridique, tel un délit, de la loi, ou d'un acte juridique, tel un contrat.

C. Civ., art. 1101 :

Les obligations naissent d'actes juridiques, de faits juridiques ou de l'autorité seule de la loi. Elles peuvent naître de l'exécution volontaire ou de la promesse d'exécution d'un devoir de conscience envers autrui.

82 GAUDU (F.), Les 100 mots du droit, PUF, 2010, p.79. 83 SUPIOT (A.), Homo juridicus, Points, 2005, p. 147 et s/.

Jusqu'au développement du droit romain, les sociétés humains connaissaient l'alliance et l'échange, forme « préhistoriques » du contrat. L'alliance par le sang ou par le mariage permet de créer sur le long terme un rapport d'obligation.`

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