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98.La responsabilité extra-contractuelle face à aux particularités de l'aliment. Dans l'hypothèse où la victime d'un dommage n'est pas l'acheteur de l'aliment, ou si l'acheteur compte mettre en cause la responsabilité du fabricant, et non du distributeur auprès de qui l'aliment a été acquis, la victime pourra utiliser les mécanismes de la responsabilité extra-contractuelle, sur la base de l'article 1240

668 C. conso., art. L.221-1.

Les produits et les services doivent, dans des conditions normales d'utilisation ou dans d'autres conditions raisonnablement prévisibles par le professionnel, présenter la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre et ne pas porter atteinte à la vie des personnes.

669 Directive n° 2001/95/CE du Parlement et du Conseil, relative à la sécurité générale des produits en date du 3

décembre 2001, JOCE n° L 11 du 15 janvier 2002, p.4-17, transposée en droit français par l'O. n° 2004-670 du 9 juillet 2004 portant transposition de la directe 2001/95/CE sur la sécurité générale des produits et adaptation de la législation au droit communautaire en matière de sécurité et de conformité des produits, JORF n°159 du 10 juillet 2004, p. 12520, texte n°8, et par l'O. n° 2008-810 du 22 août 2008 complétant la transposition de la directive n° 2001/95/CE du 3 décembre 2001 relative à la sécurité générale des produits, JORF n°1096 du 23 août 2008 p. 13238, texte n°13.

670 Trib. civ. Seine, 17 juin 1959, non publié. 671 CA Paris,17 janv. 2005, non publié.

672 BORGHETTI (J.-S.), BUGNICOURT (J.-P.), COLLART DUTILLEUL (F.), Le droit civil de la responsabilité à

du code civil673. La responsabilité civile extra-contractuelle a pour fonction de fournir une

compensation à la victime d'un préjudice d'ordre personnel. Elle a aussi, à un degré moindre, un but préventif674 en régulant les comportements675. Ces mécanismes de responsabilité impliquent la

commission d'une faute de la part d'un opérateur économique. Économiquement il s'agit de l'application d'une règle de négligence, qui vise à susciter un standard légal de comportement, qui renvoie essentiellement à la prise de précaution sur la base d'un standard prudentiel676. La victime

devra apporter la preuve d'une faute, d'un dommage, et d'un lien de causalité. La faute consiste dans la mise sur le marché d'un produit qui ne respecte pas les dispositions légales et réglementaires, ou d'un produit défectueux. Concernant la preuve de la faute, elle portera sur les défauts de précaution, par exemple l'absence d'une mesure de retrait ou d'information. Ici encore l'aliment imprime sa singularité. La responsabilité du fait des choses de l'article 1242 du code civil se trouve face à des difficultés pratiques d'application. L'article 1242 du code civil dispose que l'« on est responsable non seulement du dommage que l'on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l'on a sous sa garde ». Prendre cette option implique pour le consommateur de rapporter la preuve de la garde de la chose par le producteur, ce qui dans le cas d'un aliment ingéré et digéré est impossible. Si l'on sait déterminer invariablement le lieu où l'aliment termine sa course, on ne connaît pas toujours son origine exacte677. L'aliment est un bien meuble corporel consomptible. Tout comme d'autres produits tel que

le carburant, il disparaît par sa consommation, ce qui rend impossible la garde du producteur, qui consiste en l'usage, la direction et le contrôle du bien considéré. L'ensemble des mécanismes issus du code civil achoppe sur les particularités de l'aliment.

99.Les limites des mécanismes de responsabilité. En devant démontrer un lien de causalité entre le dommage qu'elle a subi et une faute du producteur ou du distributeur de l'aliment, la victime peut se trouver face à une situation problématique. Il suffit d'imaginer une denrée alimentaire contaminée, la contamination en question étant cancérigène. Si un consommateur s'estime victime du défaut de la denrée alimentaire, il lui restera à établir que le cancer qu'il développe trouve bien son origine dans le défaut de la denrée alimentaire, autrement dit la contamination, et non pas dans 673 C. civ., Art. 1240 (ex C. Civ., art. 1382).

Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

674 BAUDOUIN (J.-L.), DESLAURIERS (P.), La responsabilité civile, Éditions Yvon Blais, 2003, p.63-64. 675 MACKAAY (E.), ROUSSEAU (S.), Analyse économique du droit, Dalloz, 2008, p.327.

Il y a un double objectif de fournir une compensation à la victime d'un préjudice d'ordre personnel, mais aussi donc de réaliser de la prévention.

676 KIRAT (T.), Économie du droit, Collection Repères, 2012, p.79.

677 BORGHETTI (J.-S.), BUGNICOURT (J.-P.), COLLART DUTILLEUL (F.), Le droit civil de la responsabilité à

une autre cause comme son mode de vie, ce qui peut s'avérer particulièrement difficile en pratique678. La notion de lien de causalité semble inadaptée car l'identification de la source du

dommage, un aliment isolé, consommé en un lieu précis, à une époque déterminée, apparaît impossible, sauf si le dommage se révèle immédiatement. La victime peut également être confrontée aux limites de temps posées par les règles de prescription679. L'option de la

responsabilité du producteur de la directive n° 85/743 ne laisse que trois années, à compter de la date à laquelle le demandeur a eu ou aurait dû avoir eu connaissance du dommage, du défaut et de l'identité du producteur680. Cette durée de prescription, comparée au bref délai de l'action en

garantie des vices cachés n'offre qu'une année de répit supplémentaire pour agir681. Là encore,

l'aliment marque sa singularité, les durées des délais pour agir des victimes paraissant courts pour des pathologies qui se déclarent sur le long terme682. Les filières agroalimentaires sont

juridiquement des chaînes de contrats de vente ayant pour objet la production alimentaire. L'aliment, d'abord issu de la production agricole, est ensuite vendu aux industriels agroalimentaires pour être transformé, puis aux distributeurs pour être vendu au consommateur, acquéreur final de la chaîne de contrats de vente. En droit interne, ces contrats sont liés, le sous-acquéreur ayant à sa disposition une action directe contractuelle, c'est-à-dire qu'il peut agir contre n'importe quel vendeur. Après avoir abordé le contexte juridique dans lequel évoluent les contrats portant sur l'aliment, il s'agit d'en analyser le contenu.

678 VERMANDELE (X.), Quelle responsabilité pour les exploitants du secteur agroalimentaire ?, In MAHIEU (S.)

NIHOUL (P.), La sécurité alimentaire et la réglementation des OCM : perspectives nationale, européenne et

internationale, Éditions Larcier, 2005, p.119.

679 LORVELLEC (L.), Le droit face à la recherche de qualité des produits agricoles et agroalimentaires, RDR, 1999,

p.463.

680 C. civ., Art. 1245-16.

681 BUISSON FIZELLIER (A.), La garantie des vices cachés appliquée aux aliments ou aux produits alimentaires, In

MULTON (J.-L.), TEMPLE (H.), VIRUÉGA (J.-L.), Traité de droit alimentaire français, européen et international, Lavoisier, 2013, p.456.

La responsabilité du fait des produits défectueux est ainsi complémentaire de l'action en garantie des vices cachés, les deux actions pouvant être invoquées cumulativement. Mais le répit en temps est limité.

682 V. SEIGNALET (J.), L'alimentation ou la troisième médecine, 5e édition Collection écologie humaine, François

Section 2 Les contrats de la food supply chain

683

100.La chaîne de contrats agroalimentaires met en rapport économique, et juridique, un ensemble d'opérateurs économiques, agissant en tant que professionnels. Producteurs agricoles, industriels agroalimentaires et distributeurs sont liés les uns aux autres par une succession de contrats de vente de produits agricoles, puis alimentaires. À l'aval du distributeur se trouve toutefois un type d'opérateur économique différent, le consommateur. Le contrat de vente du produit alimentaire du distributeur au consommateur est l'aboutissement de la chaîne de contrats agroalimentaire (Paragraphe 1). Cette coloration consumériste emporte de nombreux effets qui, par capillarité, remontent sur l'ensemble de la chaîne de contrats agroalimentaire (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 Coloration consumériste de l'ultime contrat de la chaîne de

contrats agroalimentaire

101.Le contrat de vente de l'aliment au consommateur final constitue le point final des chaînes de contrats de la food supply chain (A) et sa nature particulière est loin d'être neutre en termes d'effets sur la food supply chain (B).

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