Protocole de collecte des données

La collecte des données a été pensée de manière globale, dès le début de recherche selon trois étapes. Bien qu’elle soit présentée sous forme séquentielle, nous soulignons en introduction que

chaque nouvelle étape est intimement liée à celle qui la précède. Les différentes grilles d’entretien et d’observation ont été préparées en tenant compte des analyses des données déjà collectées. Ainsi nous avons progressivement affiné notre question de recherche et adapté la méthodologie. Le protocole de collecte établi se découpe en 3 étapes qui sont détaillées dans la première sous-section. Ensuite, nous expliquons les ajustements méthodologiques qui ont été nécessaires pour s’adapter au terrain.

Planification de la collecte

Le protocole initial prévoyait 3 étapes dans la collecte des données : une première étape de collecte de données déclarative avec l’entretien de prise de contact et la visite guidée des ressources au domicile de l’enseignante, une deuxième étape de collecte de données en activité avec l’auto-captation de la préparation d’une nouvelle leçon, l’observation de sa mise en œuvre en classe et enfin l’auto-captation de la révision de la leçon (Figure 3-3).

Le premier entretien de prise de contact a eu lieu au collège, juste après que les enseignantes aient été sélectionnées (mai 2016). L’objectif était d’affiner le profil des enseignantes ciblées en collectant des informations sur quatre domaines : leur positionnement par rapport à la réforme du collège, la place du travail collectif dans leurs pratiques informationnelles, leurs usages des ressources numériques ainsi que leurs pratiques de recherche d’information (voir la grille d’entretien Annexe 4-1). Ces entretiens ont été réalisés au moment des conseils d’enseignements60 de préparation de la rentrée 2016. Les enjeux de ces réunions étaient alors de déterminer comment mettre en œuvre la réforme à l’échelle de l’équipe disciplinaire et choisir un nouveau manuel61.

Figure 3-3 : chronologie de collecte des données prévu au début de la recherche

Début septembre 2016, le contrat méthodologique (voir Annexe 2) exposant l’ensemble du protocole a été présenté aux trois enseignantes. À la suite de cette présentation, nous avons réalisé la visite guidée des ressources qui se déroulait au domicile de l’enseignante (voir les consignes en Annexe 4-2). Le déplacement du lieu professionnel vers le domicile personnel donne accès aux ressources personnelles des enseignantes qui ont alors expliqué comment leurs ressources sont organisées et comment elles les utilisent. À cette occasion, nous avons également testé différents

60Les conseils d’enseignement sont des réunions de l’ensemble des professeurs qui enseignent la même discipline. Ils ont pour objectif d’organiser les enseignements (progression, répartition des services…).

61Pour l'équipe d’anglais, une réunion spécifique sur le choix du manuel a été organisée en juin 2017 car le financement du renouvellement des manuels a été planifié sur 2 ans : français, mathématiques, histoire -géographie, LV2 5e et sciences en 6e pour la rentrée 2016, puis SVT, sciences physiques, technologie et Lv2 cycle 4, plus l’anglais tous les niveaux à la rentrée 2017.

systèmes pour enregistrer les actions réalisées sur leurs ordinateurs personnels. À l’issue de la première visite guidée des ressources avec Marie, le logiciel de vidéographie a échoué, il y a donc seulement des copies d’écran disponibles pour cet entretien. La visite guidée des ressources nous a permis de confirmer les déclarations sur l’organisation des ressources faites lors de l’entretien de prise de contact. À partir de l’analyse de ces deux entretiens, nous avons produit des cartographies inférées du système de ressources de chacune des enseignantes (CISR Figure 5-2, Figure 5-4, Figure 6-2, Figure 7-2 et Figure 7-5).

Les trois enseignantes ont participé à l’ensemble des entretiens de la première étape de collecte de données.

La deuxième étape du protocole vise la collecte de données sur le travail documentaire en cours de réalisation. Pour cela nous avons utilisé le dispositif d’auto-captation du travail documentaire (Annexe 4-4). En fonction du travail réel à effectuer par les enseignantes, nous avons décidé d’une leçon qu’elles réalisent pour la première fois et qui sera observée à trois moments différents : la première préparation de la leçon, la mise en œuvre en classe et la révision de la leçon l’année suivante. Amélie a choisi une leçon sur les conséquences sociales de l’usage des technologies qu’elle a réalisée dans le cadre d’un EPI avec le professeur de technologie en classe de 4e. Audrey a opté pour une leçon sur le présent BE + ING qu’elle réalisait pour la première fois sur le niveau 6e. Marie a décidé de travailler sur l’algorithmique en classe de 3e. En plus des données vidéo de l’auto-captation du travail documentaire et des vidéos tournées pendant la mise en œuvre en classe, nous avons collecté les ressources produites et utilisées par les enseignantes pour préparer les leçons observées.

Enfin, un entretien bilan à la fin du suivi était programmé pour faire le point des évolutions dans le travail documentaire. Il a été construit à partir des analyses des données précédemment collectées. Ainsi, cet entretien a été mis à profit pour questionner les enseignantes sur leur pratique de veille, car cette thématique avait émergé au cours de la recherche.

Le protocole de collecte prévu comporte donc trois phases qui s’étalent sur deux ans. Il a été amendé afin de s’adapter aux contraintes du terrain.

Ajustements méthodologiques

Le protocole initial prévoyait un suivi sur deux années. Pour nous adapter à la réalité de notre terrain, nous avons dû l’ajuster. Cette sous-section a pour objectif de rendre compte des principales évolutions entre le protocole prévu et le protocole mis en œuvre pour chacune des enseignantes suivies (Figure 3-4).

Pendant la première année du suivi, qui correspond à la première année de mise en place de la réforme du collège, Marie s’est filmée pendant la préparation d’une leçon sur l’algorithmique pour sa classe de 3e. Or, elle avait déjà travaillé cette thématique avec sa classe de 6e et elle a réutilisé une partie des ressources produite à cette occasion. Finalement, toute la phase de recherche préliminaire sur comment enseigner l’algorithmique a été réalisée quelques semaines plus tôt pour sa leçon avec les 6e. Elle le mentionne au début de l’enregistrement, mais l’activité de recherche n’a pas été filmée. La seconde année du suivi, Marie a changé sa manière d’aborder l’algorithmique et n’a pas préparé une leçon spécifique pour les 3e. Il n’a donc pas été possible de filmer la révision de la leçon. À la place, Marie a proposé de suivre la révision d’une leçon sur l’algorithmique mise en œuvre dans le cadre de la liaison CM2-6e. En plus du travail sur l’algorithmique, nous avons ainsi pu filmer la séance de préparation avec l’enseignant de la classe de CM2, ce qui apporte des éclairages sur la dimension collective du travail documentaire. Par ailleurs, Marie est la seule à avoir participé à un entretien de réalisation d’une cartographie réflexive de son système de ressources (voir Annexe 4-3 pour les consignes et Figure 5-3 pour la CRSR).

Amélie a été affectée en lycée à l’issue de la première année du suivi. Nous avons décidé de poursuivre le suivi, car le passage du collège au lycée constitue une situation de mutation dans la carrière d’un enseignant. En raison de la charge de travail très importante pendant sa première année au lycée, il n’a pas été possible de mettre en place une seconde collecte en auto-captation du travail documentaire. En revanche, nous avons réalisé une seconde visite guidée des ressources au domicile de l’enseignante 3 mois après la rentrée scolaire pour faire un premier bilan des conséquences du changement d’affectation sur son travail documentaire. Un second bilan a été réalisé vers la fin de l’année scolaire. Un entretien téléphonique pour obtenir des informations complémentaires a également eu lieu un juin 2019, à la fin de la seconde année au lycée.

Audrey a réalisé l’auto-captation du travail documentaire de la préparation de la nouvelle leçon avant même la visite guidée des ressources. La mise en œuvre de la réforme apporte peu de changement à l’enseignement des langues vivantes ; mais du fait de sa première année d’affectation dans le collège cible, Audrey travaillait pour la première fois avec des 6e. La première auto-captation a donc été réalisée début juin 2016, à la suite de l’entretien de prise de contact. En revanche, les délais étaient trop courts pour organiser l’observation de la mise en œuvre en classe ; celle-ci s’est donc déroulée après la révision de la leçon, en juin 2017.

Par ailleurs, au cours de la recherche, il nous a semblé pertinent d’étudier la question des pratiques de veille informationnelle. Une partie de l’entretien bilan a donc porté sur ce thème. Nous avons également demandé aux enseignantes de renseigner un carnet de bord pendant quinze jours pour compléter les données déclaratives. Sur les trois enseignantes, une seule a complété régulièrement le carnet de bord.

Le suivi sur le long terme fait partie de nos fondements méthodologiques puisque le paramètre temporel est essentiel pour mesurer des continuités et des évolutions. Cependant, suivre un enseignant sur le long terme implique de s’adapter à l’inévitable variation de tout sujet vivant et d’ajuster la méthodologie en conséquence.

Le protocole de collecte des données mis en place permet de croiser des données déclaratives, des données de l’activité de travail documentaire ainsi que les ressources produites et utilisées par les enseignantes pour préparer une leçon, la réviser et la mettre en œuvre. Bien qu’il n’ait pas été réalisé de manière identique avec chacune des enseignantes suivies, les ajustements afférents à la mise en œuvre du protocole sont cohérents avec nos principes méthodologiques. Le faisceau de données collectées pour chaque enseignante est suffisant pour effectuer une triangulation des points de vue et considérer tous les contextes des cas étudiés. Cependant, la richesse des données collectée n’est pas sans soulever de nombreuses questions sur leur traitement, questions dont nous discutons dans la section suivante.