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Chapitre 5. Cas d’étude n° 1, Marie

5.3. Schèmes d’usage documentaire de Marie

5.3.3. Organiser ses ressources

La classe de situations ‘garder la trace du travail réalisé’ regroupe toutes les situations où la conduite de l’activité vise à assurer la pérennité du travail accompli. Il s’agit de pouvoir y accéder autant de fois que nécessaire tant que la préparation de la leçon n’est pas finie, mais aussi à d’autres moments pour prélever des éléments de la ressource afin d’en concevoir une nouvelle. Deux schèmes ont été identifiés pendant la préparation d’une leçon : conserver ses ressources, ainsi qu’enregistrer et classer ses ressources.

Conserver ses ressources

Marie crée ses nouvelles ressources à l’aide d’un logiciel de traitement de texte. Pour elle, un des intérêts majeurs du numérique est de lui permettre de conserver son travail d’une année sur l’autre, allégeant ainsi les charges de travail futur (Extrait 5-10).

Nous constatons en effet que tout au long des sessions de préparation de leçon filmée, Marie enregistre régulièrement son travail : sept fois dans Ma1 (Figure 5-5), deux fois dans Ma2 partie 1 (Figure 5-6), trois fois dans Ma2 partie 2 (Figure 5-7), cinq fois dans Ma2 partie 3 (Figure 5-8). Nous avons tenté de comprendre à quels moments intervenaient ces enregistrements et ce qui pouvait en être le déclencheur. Chacun de ces moments semble marquer la fin d’une étape : copier-coller d’activités prélevées dans une autre ressource, fin de saisie d’une consigne pour une activité, copier-coller d’un programme que Marie a saisi dans Scratch ou encore, après la relecture et l’harmonisation de la mise en page.

Enregistrer et classer

Si la conservation est un point crucial du travail documentaire de cette enseignante, le besoin de ré-accéder à ses ressources l’est tout autant. Marie adopte une attitude pro-active pour maintenir son système d’information bien organisé (Boardman et Sasse, 2004). Nous avons observé que lors du premier enregistrement d’une ressource nouvellement créée, Marie procède systématiquement à une opération de classement, grâce à la fonction Enregistrer sous (Extrait 5-23; Extrait 5-24, Extrait 5-26 et Extrait 5-25). Dans la distinction courante en PIM entre les deux stratégies distinguées par Malone (1983), empiler (pilling) ou classer, Marie a majoritairement recours au classement. Le cas général consiste à appliquer les règles de classement (Figure 5-9) dès le premier enregistrement. Cependant, l’analyse des extraits met en évidence que celles-ci sont partiellement respectées selon les cas.

Extrait 5-23 : Ma1, Marie, avril 2017- 28’19’’

[Fichier -> enregistrer sous : Transcend (clé USB) -> Année 2016-2017-> 3e. Il contient un dossier Scratch devant lequel Marie semble perplexe, comme si elle le découvrait.]

[Marie] : Je ne sais pas ce que c'est ça (…) [chuchoté] je ne l’ai pas enregistré au bon endroit. [Répète plus fort] donc ça, c’est un truc que je n’ai pas enregistré au bon endroit (.) On verra plus tard.

[Finalement enregistrement dans le dossier 3e ->Leçons. Nom du fichier : Algorithmique et programmation comme le titre de la ressource.]

Dans l’Extrait 5-23, l’enseignante67 semble découvrir un répertoire nommé Scratch, qu’elle a pourtant créé le 27 février 2017 d’après les métadonnées associées au fichier. Elle considère cependant ce répertoire comme une anomalie dans son système de classement puisqu’elle décide de ne pas l’utiliser et préfère appliquer la règle générale de classement. Nous avançons l’hypothèse que face à un enseignement totalement nouveau comme l’algorithmique, Marie n’a pas su toute de

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suite quelle place ce nouvel élément allait prendre dans son système de classement, d’où la création d’un répertoire Scratch. Il faut rappeler que dans l’ensemble des manuels scolaires, comme dans les discours institutionnels, l’enseignement de l’algorithmique a été promu au travers de l’utilisation du logiciel Scratch, d’où un amalgame possible dans un premier temps entre le logiciel Scratch et l’algorithmique.

Extrait 5-24 : Ma2 partie 1, mai 2018 - 2’50’’

[Marie] : Fichier, enregistrer sous [Effectue les actions en même temps puis clique sur Parcourir] Donc on est l’année (..) Euh c’est où ? C’est dans le bureau, ma sauvegarde. Pfff. (..) Ouais je vais le mettre là pour le moment. [Marie crée un nouveau dossier sur le bureau qui s’appelle] Liaison CM2 6ème [nom du dossier].

J’ai ma clé USB qui ne marche plus [prononcé très fort à l’intention du chercheur]. Il faut que j’investisse. Demain il faut que j’aille en acheter une. [Marie enregistre le fichier dans le dossier qu’elle vient de créer. Elle garde le nom du fichier qui s’affiche par défaut Initiation à la programmation]

Voilà, comme ça je suis tranquille.

L’extrait est particulièrement intéressant lorsqu’on le met en relation avec l’analyse de la séquence de recherche de la ressource perdue (Figure 5-10). Marie rencontrant des problèmes techniques avec sa clé USB, et ne l’ayant pas encore remplacée, elle opte pour un classement alternatif de la ressource qu’elle vient de créer. Elle semble hésiter à l’enregistrer dans le répertoire de sauvegarde de sa clé USB. Et décide finalement de créer un nouveau répertoire sur le bureau. La stratégie adoptée relève clairement de l’empilement, qui est ici un choix faute de meilleure solution. Le répertoire est laissé sur le bureau, car c’est une leçon en cours de conception et Marie anticipe probablement qu’elle ne la terminera pas le même jour (il est déjà 19h19 lorsqu’elle enregistre le fichier) et qu’elle devra y revenir. Finalement, l’emplacement choisi pour ranger sa leçon ne correspond pas à ses habitudes de classement. Cela explique en grande partie les difficultés éprouvées par Marie au moment de la retrouver.

Extrait 5-25 : Ma2 partie 3, Marie, mai 2018 - 57’39’’

[57:39] Je m'arrête. Là il faut que je me concentre et puis peut-être que ça va être trop compliqué pour les élèves. Enfin, ça me paraît compliqué pour moi donc j’imagine que ça va être compliqué pour les élèves. Donc je vais voir comment je m’organise.

[En même temps, Marie enregistre le programme : Fichier - > enregistrer sous : Verbatim -> Année 2017-2018 -> 6e -> Exercices. Nom du fichier : programmation activité 7 Scratch.] [58:21 Marie ferme le fichier Word avec la correction, puis l’application Scratch. Elle affiche le fichier avec les consignes et lit].

L’Extrait 5-25 semble respecter les règles de classement : année scolaire, niveau d’enseignement. Cependant, et alors même que toutes les ressources concernant cette leçon ont été enregistrées dans le répertoire Leçons, Marie enregistre le programme dans le répertoire Exercices. Est-ce la fatigue et les difficultés de concentration qu’elle mentionne qui l’influencent ou est-ce un choix délibéré ?

Extrait 5-26 : Ma2 partie 3, mai 2018 - 33’20’’

[Marie] : OK. Donc fichier, ce que je veux, ce n’est pas enregistré c’est un nouveau. Donc nouveau [clique en même temps sur Nouveau] Et là je vais quand même mettre la réponse. Comme ça je l’ai.

[33:25 Sur Scratch Marie fait une capture d’écran du programme]

[Marie] : Dans le nouveau (..) Coller [Colle la copie d’écran] Et je vais mettre [Saisie en même temps qu’elle parle] Programme activité 6. je crois que c’est la 6. [Marie retourne dans le fichier élève pour vérifier] Sept. [Changement du numéro de l’activité dans le nouveau fichier]

[34:15 Enregistrer sous : Verbatim -> Année 2017-2018 -> 6e -> Leçons Marie change le titre « correction initiation à la programmation]

[Marie] : Voilà !

Finalement seuls les Extrait 5-26 et Extrait 5-23 respectent le cas général. Nos observations mettent en évidence plusieurs variantes par rapport à la règle de classement énoncée par Marie. Ces variations dépendent fortement du contexte dans lequel se trouve la professeure au moment de l’enregistrement, ce qui confirme les travaux de Kwasnik (1991) et Barreau (1995).

Au-delà de la mise en œuvre des règles de classement, le moment du premier enregistrement correspond également au moment où Marie va nommer la ressource. Dans les quatre extraits présentés, nous remarquons que la professeure choisit toujours un nom explicite par rapport au thème de la leçon : algorithmique et programmation (Extrait 5-23), initiation à la programmation (Extrait 5-24), correction initiation à la programmation (Extrait 5-26), programmation activité 7 Scratch (Extrait 5-25). Le label donné à la ressource est toujours fortement corrélé avec le contenu et dans une moindre mesure avec le contexte d’utilisation. Le public à qui est destinée la leçon n’est jamais mentionné dans le nom du fichier puisqu’il est préalablement défini dans le nom du répertoire où il est rangé. Les schèmes mobilisés dans la classe de situations ‘garder la trace du travail réalisé’ sont décrits dans le tableau ci-dessous.

Schème

Mode opératoire Invariants opératoires

Conserver ses

ressources

Lorsque la leçon commence à prendre forme, je l’enregistre. J’enregistre le fichier sur lequel je travaille régulièrement tout au long de la conception à l’aie de l’icône en forme de disquette.

J’enregistre le fichier avec l’icône disquette dès qu’une étape est marquée (fin de la rédaction d’une activité par exemple).

Schème Mode opératoire Invariants opératoires

Enregistrer et classer

Lors du premier

enregistrement du fichier. J’utilise la fonction enregistre sous.

Je choisis l’emplacement Je définis le nom du fichier Je valide l’enregistrement.

Si je veux retrouver facilement ma ressource, je mémorise l’endroit où je l’enregistre.

Si je veux me rappeler facilement où sont mes ressources, alors j’utilise toujours la même organisation de mes dossiers.

La fonction « enregistrer sous » permet de choisir l’endroit où le fichier sera rangé.

Les ressources sont plus faciles à identifier si le fichier porte un nom en lien avec le thème de la leçon.

Tableau 5-7 : composants du schème enregistrer et classer une ressource (Marie)

Les schèmes identifiés pour la classe de situations ‘garder la trace du travail réalisé’ sont en étroite relation avec ceux associés à la classe de situations ‘retrouver les ressources numériques de son système de ressources’. Nous notons comme invariant opératoire commun les règles de classement.

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