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Invariances et évolutions dans l’organisation de l’activité dans Ma1 et Ma2 dans Ma1 et Ma2

Chapitre 5. Cas d’étude n° 1, Marie

5.2. Le schème d’action documentaire ‘préparer une leçon’

5.2.2. Invariances et évolutions dans l’organisation de l’activité dans Ma1 et Ma2 dans Ma1 et Ma2

Les situations Ma1 et Ma2 concernent toutes les deux la préparation d’une leçon sur l’algorithmique. Les situations se déroulent à une année d’intervalle et la leçon produite s’adresse à des publics différents. Bien que dans le cas de Ma1 il s’agisse d’une leçon réalisée pour la première fois, nous considérons que les deux situations appartiennent à la même classe de situations ‘préparer une leçon’. Pour argumenter cette hypothèse, nous comparons l’organisation de l’activité dans chacune des situations. Nous allons mesurer d’une part les invariances et d’autre part les évolutions dans la conduite de ces activités.

Invariances

De nombreuses similitudes apparaissent dans la conduite de l’activité : une démarche basée sur le recyclage des ressources déjà produites, une préférence pour des ressources de référence face à un enseignement nouveau, une appropriation des nouvelles ressources collectées par la reformulation et la mise en page, et enfin la double fonction du logiciel Scratch.

Le mode opératoire mis en évidence confirme la démarche énoncée par Marie de systématiquement commencer par revisiter ses propres ressources avant d’en chercher des nouvelles. Pour le thème de l’algorithmique, elle s’appuie dans Ma1 et Ma2 sur les toutes premières ressources qu’elle a conçues pour le cycle 3 (en marron sur les Figure 5-5 et Figure 5-6 et annexe 18-1), alors même que dans Ma1 le public est beaucoup plus âgé. Ces règles d’action s’appliquent également pour des leçons pourtant sur d’autres thèmes (Extrait 5-15).

Extrait 5-15 : Entretien visite guidée des ressources, septembre 2016 - 44’28’’

[44:28 Marie] : Donc là quand je fais ma:: nouvelle leçon, enfin mes nouvelles leçons, là c'est ce que j'ai fait. Je vais aller chercher, ouvrir tous mes anciens documents qui sont en lien avec tout ce qui est dans la nouvelle leçon et la manière de le présenter, et je vais partir de ça. En tout cas, ça va être ma base de travail pour faire mon nouveau chapitre.

[Chercheur] : Avant d'aller chercher de nouvelles ressources en ligne, tu commences d'abord par reprendre ce que tu as déjà fait dans tes dossiers. Et si tu ne trouves pas ce qu'il te faut dans tes

documents [

[Marie] : ] Oui, je fais un peu les deux de toute façon. Parce que j'aime bien quand même aussi avoir une idée de. C'est toujours intéressant de se dire comment ça peut être présenté autrement. Ne pas s'enfermer dans la manière de présenter qui est toujours la

même. Donc je vais systématiquement ouvrir mes anciens documents, je regarde déjà, comment je pourrais moi l'articuler à partir de ça et puis je vais quand même sur Internet chercher d'autres choses et voir comment sont faites les choses ailleurs, ou sur les manuels, parce que quand même, voir comment eux, ils mettent en place les choses.

L’extrait de l’entretien visite guidée des ressources (Extrait 5-15) souligne aussi l’importance que ce professeur accorde au renouvellement de ses leçons, même lorsque le programme ne change pas. Consulter les manuels et chercher de nouvelles ressources sur Internet permet à Marie de confronter sa pratique à d’autres manières de faire qu’elle décide d’intégrer ou pas.

Dans les situations Ma1 et Ma2, le thème d’enseignement est nouveau puisque ce sont les deux premières années où Marie doit enseigner l’algorithmique. Nous n’avons pas pu observer la toute première leçon que Marie a préparée sur l’algorithmique qu’elle prend comme base, mais lorsqu’elle l’évoque (Extrait 5-16), elle explique qu’elle s’est surtout inspirée des textes officiels et des accompagnements des programmes sur Eduscol.

Extrait 5-16 : Situation Ma1, Marie, avril 2017, 00’15’’

[00:15 Marie] Alors je vais essayer de préparer mon cours sur la programmation en 3e.

Alors en fait j’ai déjà fait la programmation en 6e, donc j’ai déjà fait des choses. Je suis allée sur Eduscol, lire les textes, il y a des documents différents pour cycle 3 cycle 4. J’ai tout imprimé, cycle 3 et cycle 4, j’ai pris des choses et j’ai préparé dans le cadre de la liaison CM2-6e, pas mal de trucs avec le cycle 3, pour ma classe de 6e. Et en fait je pense que je vais commencer par m’en servir avec les 3e pour faire une petite introduction.

[00:56] Ensuite, en feuilletant j’ai vu que le Myriade, donc le manuel Myriade 3e Cycle 3 [cycle 4 en réalité] ils avaient tout un chapitre sur la programmation, donc je vais regarder ce qu’ils font. Face à un thème totalement nouveau, Marie semble préférer les ressources de références, comme les ressources officielles, qui ont déjà été validées par une instance extérieure. C’est également un point de fort de la préparation collective d’une leçon sur l’algorithmique analysée par Trouche, Gitirana, Pepin, Miyakawa, & Wang (2019). Cette hypothèse pourrait expliquer la prédominance du recours aux manuels scolaires par rapport à la recherche sur Internet qui reste assez marginale dans Ma1 comme dans Ma2. D’ailleurs, lorsqu’Internet est utilisé dans Ma1, c’est pour aller sur le site du manuel Sésamath qui est une ressource déjà connue et régulièrement utilisée.

Bien que Marie s’inspire fortement des manuels scolaires, elle ne se contente pas de recopier mot pour mot les énoncés, quasiment toutes les consignes d’exercices sont amendées, au moment de la saisie ou lorsque Marie relit son travail (en bleu sur les Figure 5-5 à Figure 5-8). La mise en forme de l’information est aussi soigneusement travaillée. Ce travail de reformulation et de mise en page permet l’appropriation des ressources collectées et constitue probablement un moment important de la genèse documentaire (voir § 5.3.4).

Dernier élément invariant dans la conduite de l’activité des deux situations, le logiciel Scratch est une ressource qui occupe plusieurs fonctions. Tout d’abord, il tient lieu d’objet d’apprentissage puisque les élèves apprennent la programmation en utilisant ce logiciel. Les exercices sélectionnés dans Ma1 et Ma2 ont pour objectif de permettre aux élèves de découvrir progressivement des fonctionnalités du logiciel. Ensuite, Scratch est également une ressource pour la conception de la leçon en elle-même. En effet, Marie se sert de Scratch pour numériser une partie des consignes des exercices sélectionnés, car la plupart des exercices d’algorithmique des manuels scolaires s’accompagnent de visuels des programmes issus du logiciel Scratch. Marie évoque deux manières d’intégrer ces visuels dans sa leçon : soit numériser avec un scanner la page de l’exercice, soit le reproduire sur Scratch et faire une copie d’écran avec FS Capture. Dans les deux cas, le visuel est

ensuite intégré sous forme d’image dans le traitement de texte qui contient la leçon. Dans Ma1 et Ma2, c’est toujours la deuxième option qui a été mise en œuvre (en bleu sur les Figure 5-5 à Figure 5-8). Nous avançons deux hypothèses pour expliquer ce choix. Premièrement, Marie a découvert le logiciel Scratch à l’occasion de la réforme ; reproduire les programmes des exercices pourrait donc être une manière de s’auto-former. Comme elle n’a pas pu assister à la journée de formation académique sur le logiciel, elle a dû se l’approprier toute seule. Deuxièmement, faire les exercices permet aussi de tester leur faisabilité et les notions à mobiliser pour les réussir. Drot-Delange (2019) a interrogé les relations entre la gestion des ressources et le développement des connaissances professionnelles pour cinq enseignants d’ISN (informatique et sciences du numérique). Chez tous les enquêtés, elle a noté l’existence d’un dossier de type « bac à sable » où ils testent des activités et des programmes informatiques. Cet aspect n’est pas aussi développé chez Marie, puisqu’aucun dossier de ce type n’existe, mais la démarche est bien présente. La simplicité des programmes réalisés explique peut-être l’absence de dossier « bac à sable ».

Évolutions

Au-delà des invariances relevées, nous notons également des évolutions sensibles dans la conduite de l’activité des deux situations sur trois points : la conservation des corrections des exercices avec Scratch, les informations recherchées et les objectifs d’apprentissage.

Première différence notable, dans la situation Ma2 Marie ne se contente pas de saisir les programmes dans Scratch et de les tester, elle en garde la trace de deux manières (voir § 5.3.2 pour l’analyse détaillée de ce schème). Pour un des exercices (annexe 22-1), elle copie-colle la correction dans un nouveau fichier de traitement de texte qu’elle enregistre et classe soigneusement. Idem pour l’activité 8 lorsqu’elle tente de réaliser le programme que les élèves devront concevoir en autonomie, elle enregistre le programme (voir Extrait 5-26 et Extrait 5-25 dans le § 5.3.2). Est-ce parce que les exercices de cette situation sont plus complexes que ceux de la situation Ma1 que Marie décide de garder la trace des corrections ? Ou bien cela témoigne-t-il d’une volonté de réutiliser ce travail à court ou moyen terme ? Aucun élément tangible ne vient expliquer cette évolution.

La seconde évolution à souligner concerne la recherche d’information. Dans Ma1, Marie utilise exclusivement des manuels, que ce soit au format papier ou numérique. Elle recherche des exercices fiables et s’appuie pour cela sur des ressources qui ont déjà été contrôlées et validées par les auteurs et les éditeurs, mais surtout qui font déjà partie de son système de ressources (voir § 5.1.2). Dans Ma2, Marie s’appuie encore majoritairement sur les manuels, mais d’autres sources sont aussi mobilisées. En particulier, l’usage d’Internet dénote d’une recherche de nouvelles ressources destinées à répondre à un problème ponctuel sur les fonctionnalités de Scratch (Ma2 partie 3 extraits Extrait 5-19 et Extrait 5-20 au § 5.3.3) : Marie recherche les instructions qui permettent de faire dialoguer deux lutins. Ayant cet objectif précis en tête, une recherche sur Internet apparaît probablement à Marie comme une stratégie plus efficace que de rechercher dans les manuels un exercice où interviennent ces instructions. Cela dénote également d’une plus grande autonomie de Marie par rapport aux ressources curriculaires et au contenu d’enseignement. Enfin, l’évolution la plus marquante relève des objectifs d’apprentissage. La différence d’objectifs n’est pas due aux publics auxquels s’adresse la leçon. En effet, l’objectif principal de la leçon de la situation Ma1 est de donner quelques bases aux élèves de 3e afin qu’ils puissent réussir l’exercice d’algorithmique qui sera pour la première fois dans le sujet du DNB quelques mois plus tard. Les exercices choisis (cf. annexe 19) amènent les élèves à balayer les principales notions d’algorithmique : boucle, variable et instruction conditionnelle, mais les exercices ne sont pas reliés les uns aux autres. Au contraire, la leçon réalisée pour le projet de liaison CM2-6e propose un parcours didactique qui doit conduire les élèves à réaliser un programme de calcul sur la proportionnalité en autonomie (cf. Annexe 23 - activité 8). Toutes les activités précédentes ont

pour objectifs d’amener les élèves à construire les compétences qu’ils devront ensuite conjuguer pour réussir avec succès l’activité 8. Cela témoigne d’une évolution de la manière dont Marie envisage l’utilisation de Scratch dans son enseignement. Elle l’explique d’ailleurs lors de l’entretien bilan (Extrait 5-17).

Extrait 5-17 : Entretien bilan, Marie, avril 2018 - 4’43’’

[4:43 Marie] : D’abord la manière de l’enseigner est complètement différemment dans la mesure où pour me rassurer j’avais besoin d’avoir un cours. Et je me suis rendu compte qu’en fait ça se passait super bien. C’était quelque chose qui se passait bien sur le TD, sans forcément avoir besoin de l’appui de cours théorique, etc. En fait je l’envisage plus sous forme de TP informatique avec hop, tiens là il y a une petite notion : voilà ce que c’est qu’une variable, voilà ce que c’est que euh bah le lutin. Enfin, je pense en 3e je n’ai pas donné de leçon, du tout, et l‘an dernier même en 6e j’avais besoin de donner des ancrages un peu plus théoriques et je me rends compte qu'en fait ça ne sert à rien. Parce que c’est le fait de manipuler qui fait que ça se passe bien. Donc moins m’appuyer sur de la leçon, ça c’est sur c’est ce qui va évoluer. Et puis ce qui

a évolué, moi l’an dernier je ne faisais quasiment rien euh (..) qui avait un lien avec une vraie notion scientifique, mathématiques. Moi j’étais vraiment sur de la manipulation, parce que je n’étais pas à l’aise. Donc en n’étant pas à l’aise je ne me projetais pas en me disant je vais au travers de Scratch, je vais leur apprendre quelque chose.

[Chercheur] : Hum

[Marie] : tu vois utiliser Scratch, faire des déplacements. En fait il y avait quoi comme notion, il n’y en avait quasiment pas, un carré ils savent ce que c’est 4 coté égaux, je ne leur apprenais rien de nouveau. Là, je peux davantage travailler sur de vraies notions mathématiques. Faire

un programme qui va me permettre de tester les critères de divisibilité, faire un programme sur la notion mathématiques et Scratch est au service de la notion mathématiques alors que l’an dernier c’était utiliser Scratch pour utiliser Scratch. En

tout cas c’est comme ça que je l’ai fait et que je l’envisage davantage.

[Chercheur] : hum

[Marie] : plus accès sur les maths et pas juste savoir utiliser ce logiciel.

[Chercheur] : Finalement c’est la programmation comme un outil pour travailler des notions mathématiques.

[Marie] : Tout à fait, ce qui n’était pas du tout le cas l’an dernier, parce que, vu que je n’étais pas du tout à l’aise, l’objectif c’était de savoir manipuler le truc et que les gamins aient compris un peu comment fonctionnait les choses. Là maintenant je me dis tiens tu peux faire cet exercice-là, euh. Tu vois en 3e j’ai regardé et il y a des choses qui sont un petit peu plus intéressantes à faire.

Dans la première situation, Marie se représente l’algorithmique comme une partie indépendante des autres enseignements du programme de mathématiques. Pour reprendre la modélisation de Shulman (1987), dans Ma1, Marie commence à appréhender les connaissances épistémiques de l’algorithmique. Dans la progression détaillée 2016-2017 (voir annexe 112), ces notions sont d’ailleurs traitées à part à la toute fin de l’année scolaire. Au fil de ses expériences, Marie tisse des liens entre l’algorithmique et les autres notions mathématiques, développant ainsi une connaissance didactique sur l’algorithmique.

Cette section a mis en évidence les composants du schème d’action documentaire ‘préparer une leçon’. Ils sont présentés dans le tableau 5-1. Nous avons constaté des spécificités à la situation de

préparation d’une leçon sur l’algorithmique, mais certaines règles d’action s’appliquent au-delà du cadre restreint de cette thématique.

Sous buts Mode opératoire Invariants opératoires

Concevoir une

nouvelle ressource à

partir des

informations

sélectionnées dans les ressources

consultées ;

Recopier les activités pertinentes des leçons déjà conçues sur le même thème ;

Trouver des exercices correspondant aux nouveaux objectifs ; Adapter les consignes et les exercices en fonction des objectifs Garder la trace du travail réalisé

Faire le bilan des ressources disponibles ;

Si des éléments correspondent au besoin alors, décider de les réutiliser ;

Chercher puis sélectionner des éléments provenant de ressources complémentaires (manuels scolaires et Internet) ; Transformer et adapter les différentes ressources sélectionnées ;

Enregistrer la nouvelle leçon « au bon endroit » dans l’arborescence des répertoires, pour la retrouver facilement ;

Harmoniser la mise en page et la présentation de la leçon pour que le cours soit clair pour les élèves.

Produire les nouvelles leçons sur l’ordinateur permet de constituer une collection de ressources disponibles et gagner du temps lors des prochaines préparations ; Enregistrer soigneusement ses ressources évite de perdre du temps à les retrouver ;

Recopier les instructions des programmes dans Scratch permet de mieux connaître le logiciel et anticiper les difficultés des élèves ; Utiliser plusieurs manuels scolaires offre une plus grande variété d’exercices et de manière de présenter une notion.

Tableau 5-2 : les composants du schème d’action documentaire 'préparer une leçon' (Marie)

Dans les situations Ma1 et Ma2 de préparation de leçon sur l’algorithmique, les pratiques informationnelles de Marie s’articulent autour de quatre pôles : les manuels scolaires ; le logiciel Scratch ; Internet ; et le logiciel de traitement de texte qui lui permet de rassembler l’ensemble des informations qu’elle a recherchées ou produites. Les sous-buts mis en évidence peuvent être analysés comme autant de classe de situations. En nous focalisant sur les sous-buts qui mobilisent les compétences informationnelles, nous proposons d’analyser des tâches secondes, correspondant à des schèmes d’usage documentaire, relatives au schème ‘préparer une leçon’.

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