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Chapitre 4. Analyse du contexte informationnel de l’établissement cible l’établissement cible

4.2. Pratiques informationnelles des enseignants

L’enquête exploratoire par un questionnaire a été préparée et diffusée début 2016, juste après l’annonce des changements liés à la réforme du collège et la publication des nouveaux programmes. L’objectif du questionnaire est donc triple : saisir les pratiques informationnelles des enseignants à un instant t, repérer des formes du travail collectif et enfin repérer comment les enseignants appréhendent la réforme six mois avant son entrée en vigueur. Les caractéristiques de l’échantillon ont été présentées au § 3.4.1, nous rappelons simplement ici que le nombre total de répondants est de 30.

Un des objectifs de ce questionnaire est d’identifier une typologie des ressources utilisées par les enseignants à la fois pour préparer leurs cours, mais aussi pour faire la classe. Ainsi, il est possible

de mettre en évidence quelques caractéristiques de leurs pratiques informationnelles. Une très large majorité des enseignants interrogés déclare réaliser eux-mêmes leur support de cours (70 % soit 21 sur 30). Les ressources produites alors sont le résultat d’une création originale qui s’adapte parfaitement aux besoins de l’enseignant. Ces professeurs sont des « bricoleurs » au sens que donne Levi Strauss (Levi Strauss, 1960) et repris par Perrenoud : « Dans beaucoup de cas, ce n’est pas d’abord la nécessité économique qui pousse au bricolage, mais la part de création qu’il permet, le défi supplémentaire qui consiste à parvenir à ses fins “avec les moyens du bord” » (Perrenoud, 1983, p. 211). Cette propension au « bricolage » est renforcée par l’ergonomie de plus en plus accessible des outils informatiques (Messaoui, 2014). Il est en effet devenu très facile de copier, modifier et éditer des ressources numérisés. L’examen des pratiques informationnelles des enseignants s’articule en trois sections. La première section s’intéresse aux usages des manuels scolaires (§ 4.2.1). La deuxième section se concentre sur la diversification des ressources mobilisées, en particulier les sites Web et les ressources multimédia (§ 4.2.2). La dernière section fait le point sur les modalités de stockages déclarées par les répondants au questionnaire (§ 4.2.3).

4.2.1. Place centrale des manuels scolaires

Dans la tradition française, le manuel scolaire tient une place dominante depuis plusieurs générations (§ 1.1.2). En effet, la naissance de l’édition scolaire est concomitante de celle de l’imprimerie (Choppin, 2008). Le livre scolaire est une ressource essentielle des enseignants. Au demeurant, les premiers résultats de ReVEA (Gueudet, 2015b, 2015a) ont mis en évidence des usages très différents du manuel en anglais et en mathématiques, résultats qui se retrouvent dans notre enquête.

Les usages des manuels sont très variables selon les disciplines, mais quelques lignes de force apparaissent dans notre enquête. Chez tous les répondants, le manuel de la classe n’est jamais la seule ressource utilisée pour préparer les leçons. Chez les 2/3 des répondants, les manuels d’autres éditeurs sont aussi mis à profit. En plus des manuels imprimés que les enseignants possèdent chez eux, ils sont un peu plus du tiers à signaler utiliser souvent des manuels numériques disponibles sur Internet. À partir de ces déclarations, nous constatons que le manuel scolaire reste une ressource centrale dans la phase de préparation des cours.

Pour ce qui est des usages en classe, le manuel semble moins présent. Seul 1/6 des enseignants indiquent que le manuel sert pour tout le travail en classe. La majorité de la population étudiée utilise le manuel pour une partie seulement du travail : donner des exercices en classe (47 % soit 14/30) ou à la maison (37 % soit 11/30) et plus rarement pour aborder une leçon (23 % soit 7/30). Derrière les tendances générales observées dans ce collège, nous relevons des variations selon les disciplines. Les déclarations des professeurs d’anglais et de mathématiques sont assez contrastées. En Anglais, ce n’est pas le manuel des élèves qui est privilégié pour préparer les cours, mais plutôt les spécimens envoyés annuellement par les éditeurs. Cela s’explique en partie par le fait que les livres distribuées aux élèves sont obsolètes et n’ont pas été changées depuis longtemps, parfois avant même la publication du CECRL (§ 1.3.1). En revanche, chez les enseignants de mathématiques, le manuel de classe reste la ressource de référence aussi bien pour préparer les cours que pour travailler avec les élèves : 80 % des professeurs de l’équipe l’utilisent pour donner des exercices aux élèves. Ils déclarent également discuter davantage le choix d’un nouveau manuel (50 % contre 20 % en anglais).

4.2.2. Une diversification des ressources

En plus des manuels scolaires, les enseignants de ce collège utilisent de nombreuses ressources multimédias. Un tiers des enseignants déclarent préparer leur cours à l’aide de logiciels et surtout, 90 % des personnes interrogées font une recherche en ligne pour préparer les leçons. Ce résultat

est tout à fait en cohérence avec l’enquête PROFETIC (2014). Une partie de l’attrait du numérique tient au fait que de nombreuses ressources multimédias sont accessibles.

Les images fixes et animées composent l’essentiel des ressources multimédia, à l’exception des ressources audio très présentes en langues vivantes et en éducation musicale. L’utilisation d’images fixes est présente chez 80 % des enquêtés. Cet usage correspond à une pratique ancienne, popularisé par le rétroprojecteur. L’équipement dans toutes les salles d’un vidéoprojecteur a favorisé les usages de la vidéo (usage fréquent chez 60 % des répondants), qui est un support particulièrement prisé en sciences humaines et expérimentales. Cela suppose un temps préalable de recherche et de sélection ainsi que la préparation d’un document d’exploitation de l’image, qu’elle soit fixe ou animée.

Pour l’enseignant, l’accès à de nouvelles ressources passe essentiellement par la recherche sur Internet. Plusieurs questions portaient sur les préférences des enseignants dans le choix des sites Web utilisés. Cela inclut les sites académiques disciplinaires (17/30), les sites Web d’associations professionnelles (12/30), et les sites publiés par d’autres enseignants (22/30) qui semblent être les plus prisés.

Dans les situations où un manque d’information est identifié, l’utilisation d’un moteur de recherche est privilégiée pour 97 % des répondants (28/30 de souvent ou toujours). Un peu moins d’un répondant sur deux (12/30 de souvent ou toujours) sollicitent un collègue. D’autres pratiques sont minoritaires : consulter une revue professionnelle (5/30 de souvent ou toujours) et se rendre au CDI (1/30 souvent), ce qui confirme nos observations (§ 4.2.1). L’utilisation massive du moteur de recherche est probablement une tendance forte qui doit être observée de prêt dans le suivi longitudinal.

Nous constatons donc que le manuel n’est plus la seule ressource mobilisée par les enseignants de ce collège, ils utilisent de plus en plus de ressources multimédias et des ressources en ligne en complément.

4.2.3. Stockage des ressources

Nous avons questionné les enseignants sur les modalités de conservation de leurs ressources numériques et imprimées.

L’usage massif de ressources numériques pour enseigner se traduit par une diversité de modalités de stockage. En effet 90 % des répondants (27/30) conservent leurs ressources sur leur ordinateur personnel sur le long terme et 86 % (26/30) utilisent une clé USB de manière temporaire (6/30) ou permanente (20/30). Par ailleurs un enseignant sur deux se sert également d’un disque dur externe pour le stockage à long terme. La clé USB et le disque dur externe semblent être les moyens les plus fréquents pour transporter les ressources personnelles entre le domicile et l’établissement scolaire. Les solutions de stockage en ligne (cloud computing) se développent également puisqu’un tiers des enseignants (10/30) utilise des solutions d’hébergement en ligne de manière temporaire (6/30) ou pérenne (4/30).

En plus du stockage de ressources numérique, 83 % des répondants (25/30) utilisent en parallèle un système de stockage des ressources imprimées (classeurs ou pochettes) de manière pérenne (17/30) ou temporaire (8/30). Il semble donc que l’archivage papier en plus de l’archivage numérique soit encore bien présent.

Nous déduisons de cette courte analyse que la redondance des ressources sur différents supports est fréquente. Ces réponses illustrent bien le phénomène de fragmentation mis en évidence par les études en gestion personnelle de l’information (Jones, 2008).

4.2.4. Des pratiques informationnelles structurées par les ressources

mobilisées

Les réponses aux questionnaires montrent que les pratiques informationnelles des enseignants de ce collège mobilisent des ressources de différentes origines - manuels scolaires, site Web professionnel ou généraliste - qu’ils vont recomposer en fonction de leurs intérêts. Cela confirme les résultats du livrable 2.1 du programme ReVEA (Khaneboubi, 2014)qui mentionne une grande variété des ressources mobilisées par les enseignants dans toutes les disciplines étudiées. La tendance semble d’ailleurs aller vers une utilisation de plus en plus importante des ressources publiées sur Internet, quel que soit l’âge des enseignants. L’accroissement du recours aux ressources numériques bouleverse la place hégémonique que tenait traditionnellement le manuel scolaire dans le système français. La souplesse offerte par les ressources numériques tend même à faciliter la re-conception de ressources pour la classe, à condition bien sûr d’avoir une maîtrise suffisante des outils. Face à l’abondance et à la nécessaire sélection, les enseignants interrogés privilégient les sites Web d’autres enseignants. Ils s’inscrivent alors dans une dynamique de validation par les pairs.

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