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VIII- Musées et patrimoine : une approche holistique

4- Produits annexes et insertion dans l’offre touristique

La loi de 2002 relative aux musées de France met en avant le rôle des équipements connexes : lieux de repos le long de la visite, cafétéria, restaurant, café, boutiques, sanitaires, bibliothèques, espaces multimédias etc. Ces espaces constituent un élément important pour le visiteur en matière de confort de visite et offrent un attrait non négligeable à l’institution. En outre, ces équipements auxquels il faudrait y ajouter l’organisation d’expositions temporaires donnent au musée l’occasion de s’ouvrir vers l’extérieur et d’inciter le public (touristes et visiteurs de proximité) à y faire des visites régulières.

William Tramposch147 prêche de son côté pour un musée généreux dans son offre de services annexes : boutiques « à thèmes », restaurants, espaces de rencontre ou le cas échéant, hébergement. Il fait référence ici au Te Papa, le musée national de Nouvelle-Zélande. Ce dernier, par ses choix muséographiques, ses services connexes à la visite pure, se veut l’incarnation des nouveaux types de musée. Il reprend l’héritage de Beaubourg qui fut la première institution muséale à offrir des services connexes à ses visiteurs.

145 Rogers, Bob, 1996, Story Technology, TILE’96 Conference proceedings, Maastricht

146 Schouten, Museum International, op. cit., p. 30

147 Tramposch, William, 1998, « Te Papa : une invitation à la redéfinition », Museum International n°199, Editions de l’Unesco, Paris, p. 31

On peut à ce titre s’interroger sur les services les plus à même de satisfaire les besoins des visiteurs et rebondir ainsi sur la thématique de la connaissance des publics que nous avons abordée précédemment.

Frans Schouten montre ainsi comment les équipements annexes sont souvent oubliés par les gestionnaires d’institutions muséales. « Un fossé subsiste dans la façon dont la plupart des professionnels du patrimoine envisagent leur « produit de base » et leurs visiteurs, et la façon dont leurs clients perçoivent les services rendus. […] Dans bien des cas, l’évaluation de l’attrait du site patrimonial est fondée non pas sur l’exactitude scientifique du produit, mais sur la mesure dans laquelle le lieu ou l’exposition réussit à susciter la curiosité, à frapper l’imagination, à « interpeller », sans parler d’éléments tels que la propreté des toilettes, les facilités de stationnement, le choix des articles en vente à la boutique et la qualité des nourritures proposées »148.

Les produits connexes n’ont d’autres finalités que de permettre au musée d’être attrayant pour le visiteur. Ils peuvent avoir une connotation pratique et divertissante ou bien encore commerciale mais peuvent également présenter une finalité culturelle en lien avec la thématique spécifique au musée comme les bibliothèques ou encore le centre de recherche. Ces derniers s’inscrivent aussi dans la dimension scientifique inhérente à tout établissement muséal et susceptible d’en enrichir le contenu et la connaissance.

On peut supposer qu’ils ont un impact en matière de fréquentation et d’insertion dans les circuits touristiques. Parmi ces équipements ou éléments annexes, nous distinguerons ceux qui sont propres au musée et ceux qui sont connectés à des facteurs extérieurs et lui permettent de communiquer ou d’être en lien avec son environnement proche ou éloigné.

Parmi les premiers, on peut mentionner : - le centre de recherche, - la bibliothèque, - l’auditorium, - la librairie, - les boutiques, 148 Schouten, op.cit., p. 42

- le restaurant, le café - le parking.

Pour les seconds, on citera :

- les supports de communication (sites Internet, plaquettes), - la signalisation,

- l’accessibilité en voiture,

- l’accessibilité en transports en commun.

En outre, les manifestations organisées en dehors de l’exposition permanente comme les expositions temporaires mais également les concerts ou autres formes d’expression artistique à caractère événementiel (théâtre, danse) doivent être analysées pour mesurer l’attractivité du site et son degré d’ouverture vers l’extérieur et le territoire.

La question est de connaître l’impact de ces équipements et de ces manifestations en termes d’attractivité et de développement territorial pour un site archéologique et un musée de site. Nos études de cas nous permettront ainsi de mettre en avant l’importance de tel ou tel équipement dans le développement du site.

Une autre interrogation concerne l’importance de l’insertion du musée dans l’offre touristique via les structures impliquées en la matière (office de tourisme, voyagistes, tour opérators). Dans ses préconisations, la déclaration de Caracas aborde également l’insertion dans l’offre touristique comme moyen de dynamiser le musée : « [il faut] nouer des rapports avec le secteur du tourisme. Le musée ne pourra jamais se vendre seul et doit donc faire en sorte que les entreprises touristiques et les agences de voyages s’intéressent à ce qu’il produit. [Le musée se doit aussi de] bien assurer la promotion de l’établissement, notamment en mettant en place une signalisation attrayante en offrant une bonne image dans les lieux de passage obligé des touristes ». L’importance de cet élément est également à mesurer en ce qui concerne l’impact sur le développement local.

Le musée de site d’El Brujo est à ce titre une bonne illustration. Celui-ci s’insère dans le réseau des sites archéologiques du nord du Pérou moins fréquentés que la zone andine et

Machu Pichu. Pourtant, cette région située autour de la ville de Trujillo comprend le site de Chan Chan, celui de Lambayeque et celui d’El Brujo à équidistance de ces deux derniers. El Brujo a su s’inscrire en réseau avec ces deux autres sites pour valoriser la culture mochica et ses vestiges. Les musées de sites archéologiques de la route de Caesaraugusta à Saragosse vont encore plus loin en se mettant en réseau de façon à reconstituer différents éléments de la Saragosse romaine.

IX- Conclusion

Au regard de notre analyse basée sur un survol historique, archéologie, patrimoine, tourisme et musées ont connu des évolutions croisées et se sont nourries mutuellement depuis leur naissance. Ces thématiques sont actuellement imbriquées aussi bien dans les pays occidentaux que dans les autres zones du monde dont le Maroc. Ce dernier a été directement influencé par la France quant à l’émergence de ces concepts. Après une période se focalisant essentiellement sur le rattrapage économique et le tourisme de masse, époque qui n’est pas encore révolue, les politiques culturelles, en particulier pour ce qui est de la création de musées, semblent connaître une nouvelle ère. L’introduction de nouvelles tendances muséographiques, jusque là inutilisées et mises au goût du jour avec la restauration du musée des Oudaïas et surtout du musée de la casbah de Tanger, jette les bases de nouvelles opportunités. Malgré tout, la sphère culturelle marocaine reste fragile sur le plan de l’éducation, de la protection du patrimoine, archéologique notamment. Si les pratiques marocaines en matière culturelle connaissent un léger renouveau depuis l’arrivée au pouvoir de Mohamed VI, il est encore trop tôt pour savoir si le concept de patrimoine pluriel centré autour des musées de site défendu dans ce travail peut s’y épanouir. La mise en place opérationnelle du musée de site de Volubilis devrait fournir des éléments de réponses à ces doutes.

Le concept de patrimoine est appréhendé à travers ses évolutions contemporaines à la fois comme un élément culturel, éducatif mais aussi un outil touristique. Par outil éducatif et touristique, le patrimoine peut être considéré comme un élément de développement local. Ce terme comprend non seulement une signification économique et touristique mais également une dimension éducative répondant aux besoins culturels et intellectuels d’un territoire et de

ses individus. Pour insister sur cette dernière dimension, il nous semble pertinent de reprendre les mots de Georges-Henri Rivière « Le succès d’un musée ne se mesure pas au nombre de visiteurs qu’il reçoit, mais au nombre de visiteurs auquel il a enseigné quelque chose. 149» C’est dans cet esprit qu’il nous apparaît opportun d’appréhender les musées de site archéologique et leur capacité à devenir des vecteurs de développement local. Cela a pour conséquence de replacer le musée de site dans une perspective centrale au niveau territorial. C’est un lien entre l’archéologie, l’Histoire ayant des implications sociales, éducatives, économiques et touristiques. Le musée de site archéologique rend intelligible à la fois pour la population locale et extérieure un site, une ville ou un espace plus vaste dans une perspective de temps long. C’est à ce titre un outil de développement pluriel. De façon à mettre en exergue les éléments permissifs permettant de maximiser la muséification d’un site archéologique, il convient d’analyser des expériences réussies. Les études de cas sélectionnées et susceptibles de dégager des critères d’exemplarité doivent permettent de répondre à cet objectif de développement local afin de donner des pistes de lecture quant au projet de mise en valeur du site de Chellah.

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