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III- Les premiers pas du tourisme culturel à connotation archéologique archéologique

1- Les congés payés et l’émergence du tourisme de masse

La première moitié du XXème siècle est marquée par l’émergence de mesures sociales en faveur du plus grand nombre partout en Europe. Les conditions des travailleurs et des employés s’améliorent peu à peu au cours du XXème siècle. L’essentiel des revenus étaient jadis dédiés aux besoins fondamentaux et la majorité du temps consacré au travail. Les mesures sociales qui voient le jour en Allemagne, en Angleterre et en France permettent à une plus large frange de la population de partir en congés et de consacrer une part de leur temps et de leurs revenus aux loisirs. Apparus en France le 20 juin 1936 sous le gouvernement de Léon Blum et en Belgique dès le 8 juillet suivant, les congés payés sont une innovation sociale majeure dont certaines prémices étaient apparues dans des conventions collectives en Allemagne dès le début du XXème siècle.

Destinés à améliorer les conditions de vie de la classe ouvrière et à permettre l'accès des masses populaires à la culture, au tourisme, aux sports et de manière générale aux loisirs, les congés payés ont entraîné le développement soudain de tout un secteur économique : le tourisme. Les congés payés font figure de facteur déclencheur de l’émergence du tourisme. L’amélioration des moyens de transport, l’amélioration générale du niveau de vie dans les pays occidentaux (Europe et Amérique du Nord) permettent aux classes moyennes de pratiquer le tourisme en masse. A l’origine, ce tourisme est essentiellement balnéaire. En effet, après les premières lois de congés payés, en France en particulier, les littoraux connaissent une hausse de leur fréquentation voire un renouveau. Films issus des actualités filmées et photographies en noir et blanc abondent pour illustrer cette ruée vers la mer31. Ce mouvement vers le littoral s’accentue au fil du XXème siècle avec le développement du tourisme de masse. Au lendemain de la guerre, ce dernier se calque sur le modèle fordiste et

31 L’exposition itinérante « vive les congés payés ! » présente de nombreux témoignages sur les premières vacances des classes populaires en 1936. Cette exposition a eu en particulier pour théâtre l’Hôtel de Région de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur à Marseille lors de l’été 2006.

devient une véritable industrie basée sur le soleil et la mer. Les stations balnéaires érigées sur la côte espagnole en sont l’illustration parfaite. A côté de ce tourisme de masse, un tourisme culturel, c'est-à-dire ayant pour motivation principale une séquence culturelle du type visite de monuments, de musées ou encore participation à un spectacle ou un festival se maintient. Mais la limite entre ce tourisme balnéaire de masse et le tourisme culturel au sens strict apparaît de plus en plus floue dans la mesure où ces deux formes de tourisme sont de plus en plus imbriquées au cours du XXème siècle.

Peu de données chiffrées, quantifiées ou qualitatives permettent de mesurer l’impact des congés payés sur les pratiques culturelles. Malgré tout, on peut émettre l’hypothèse que les musées et le patrimoine restent l’apanage d’une élite sociale et culturelle. Les sites ainsi que les musées n’ont pas encore développé de politique vis-à-vis des publics et les jours d’ouverture au public sont parfois de l’ordre de deux ou trois jours par semaine. Il est donc bien difficile de mesurer à l’époque l’évolution de la fréquentation. Une seule trace du débat ayant trait à la démocratisation de la culture demeure : il s’agit de discussions parlementaires suscitées par l’instauration d’un droit d’entrée payant dans les musées nationaux à laquelle s’opposent Léon Blum et Edouard Herriot revendiquant le maintien de la gratuité le dimanche en évoquant les grands principes républicains d’accès du plus grand nombre à la culture et au savoir32.

Sur le plan culturel, on assiste à la naissance d’une culture de masse similaire aux phénomènes observés en matière de tourisme : c’est à dire une culture de masse véhiculée par les mass media. Cette culture coexiste avec une culture élitiste mais tout comme la différenciation entre tourisme culturel et tourisme de masse, la frontière entre ces deux types de culture est de plus en plus communément franchie et les publics concernés ne pourront plus être catégorisés. La hausse du niveau de vie dans les pays occidentaux conjuguée à un niveau d’instruction toujours plus élevé rend possible ce passage d’une culture à l’autre, comme celui d’une typologie de tourisme à une autre.

32 Le 31 décembre 1921, après d’ardents débats à l’Assemblée nationale relatés par Claude Fourteau dans son article, Politiques tarifaires-musées et monuments, Association inter-Musés, 1997, la gratuité est supprimée par une loi de finances instaurant le principe de la perception d’un droit d’entrée de 1 franc dans tous les musées nationaux. Tous les députés conviennent toutefois que les musées doivent rester gratuits les dimanches et jours fériés pour en permettre l’accès aux « classes laborieuses ».

Ce développement du tourisme et des loisirs reste limité pendant cette période aux pays occidentaux. Pour ce qui est des autres zones géographiques dans le monde, celles-ci demeurent sous influence occidentale et ne font figure que de zones émettrices marginales. Elles commencent en revanche à devenir des zones réceptrices du fait de cette montée en puissance du tourisme en Europe et dans les pays occidentaux. Mohamed Berriane33 note ainsi que la demande culturelle au Maroc prend racine durant le Protectorat. Ce tourisme à l’époque du Protectorat était le fait d’une clientèle aisée et peu nombreuse. Pierre Vermeren confirme cette tendance en soulignant que ce sont les croisières Paquet qui ont introduit le tourisme au Maroc pendant l’entre-deux-guerres en mettant au goût du jour des destinations comme Tanger, Casablanca ou Essaouira34. Ces voyages étaient soit organisés par des agences de voyages, soit réalisés en individuel. Les visites concernaient les anciennes capitales : Fès, Meknès et Marrakech mais également le sud du pays et les montagnes comme en témoignent un certain nombre d’affiches touristiques35. Le tourisme balnéaire n’était à l’époque que développé autour des littoraux entourant Rabat ou Mohamedia. L’essentiel de cette activité touristique était surtout itinérant.

Berriane situe l’arrivée du tourisme balnéaire au Maroc dans les années 60. L’idée était de développer le tourisme de séjours devant l’émergence du tourisme de masse. La reconstruction d’Agadir dans les années 70 est à l’image de cette politique. En outre, l’ouverture vers le marché des touristes allemands ou scandinaves se basant sur le potentiel balnéaire du pays a guidé les projets de cette période. Parallèlement à ces évolutions, Mohamed Berriane note une concentration du tourisme de séjours sur certains pôles comme Marrakech ou Agadir. Toutefois, le tourisme itinérant à connotation culturelle se maintient à travers le fameux circuit des villes impériales : Marrakech, Rabat, Fès, Meknès.

33 Berriane, Mohamed, 2002, « Les nouvelles tendances du développement du tourisme au Maroc », actes du 13ième festival international de Géographie de Saint-Dié

http://xxi.ac-reims.fr/fig-st-die:actes:actes-2002/berriane:article.htm

34 Vermeren, Pierre, 2010, Maroc, idées reçues, Editions Le Cavalier Bleu, Paris, pp. 9-10

35 Pascal Blanchard, « Le Maroc dans l’affiche française (1906-1956) », Mélanges de la Casa de Velázquez [En ligne], 37-1 | 2007, mis en ligne le 16 novembre 2010, URL : http://mcv.revues.org/3175

2- Le patrimoine et les musée de la seconde moitié du XX

ème

siècle

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