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DEUXIEME PARTIE - ETUDES DE CAS

II- Les expériences sélectionnées

2- Les expériences présélectionnées et les trois études de cas retenues retenues

Avant de sélectionner nos trois expériences, nous avons procédé à une présélection. Les critères de présélection ont consisté à étudier de plus près certaines expériences offrant des éléments remarquables et bénéficiant d’une certaine notoriété au niveau national ou international. L’âge des expériences a volontairement pesé dans ces premiers choix car nous souhaitions retenir des musées de sites archéologiques présentant une muséographie récente voire novatrice. Une première donnée d’importance réside dans le fait qu’il n’y a à ce jour aucun musée de site archéologique en fonctionnement au Maroc. Comme nous l’avons déjà souligné à multiples reprises, l’édifice abritant le musée de site de Volubilis est terminé mais l’exposition permanente du musée n’a pas encore ouvert ses portes au public. Il est donc encore trop tôt pour pouvoir procéder à une analyse fine et complète de cette institution. Autre élément d’importance, on ne trouve à ce jour que des musées de sites archéologiques en Tunisie pour ce qui est du Maghreb. Ils y sont d’ailleurs nombreux compte tenu des efforts continus réalisés au niveau de l’éducation et de la culture que nous avons évoqués dans des paragraphes précédents.

Ainsi, voici les musées de sites archéologiques que nous avons décidé d’analyser lors d’une première étape visant à faire ressortir trois expériences significatives pour mener à bien une recherche constructive débouchant sur des indicateurs pertinents.

L’ensemble des expériences présélectionnées est le suivant :

- le site et le musée d’Archéologie et d’Histoire de Pointe à Callière à Montréal, Canada,

- le centre d’interprétation de la Place Royale du complexe du Musée des Civilisations de Québec au Canada,

- Le musée du site de Lambayeque Au Pérou - Le musée du site d’El Brujo au Pérou

- le site et le musée de Saint-Romain-en-Gal situés dans le département du Rhône en France,

- le musée de site d’Ename en Belgique,

- le musée de site de la crypte Balbi du Museo Nazionale Romano à Rome en Italie, - l’ensemble des musées archéologiques de la ville de Saragosse en Espagne, baptisé

route de « Caesaraugusta » et comprenant les musée du forum, du théâtre, du port fluvial et des thermes,

- la casa de Hyppolitus à Alcala de Henares en Espagne, - le musée national d’Art Romain de Mérida en Espagne, - le site et le musée de Qasrin en Israël,

- le site et le musée de la villa romaine d’El Djem en Tunisie, - le musée de site de Chemtou, également en Tunisie.

Des contacts ont été pris avec l’ensemble des responsables des sites ci-dessus. Ces premières investigations ont été par ailleurs l’occasion d’identifier les thématiques sur lesquelles certains sites faisaient preuve d’innovation et étaient à ce titre remarquable.

On note en premier lieu notre désir de travailler sur un musée de site canadien. Bien que nous ayons laissé entendre notre volonté de favoriser un certain degré de transposabilité à l’égard de Chellah, en favorisant des expériences ayant cours autour de la Méditerranée, il est incontestable que l’Amérique du Nord et le Québec en particulier, font office de référence en matière de prise en compte des problématiques ayant trait à la muséologie et à la valorisation du patrimoine intégrée à une réflexion touristique. Les expériences de cette région sont en outre en parfait accord avec notre positionnement sur le musée du XXIème siècle. Ainsi, deux expériences canadiennes ont retenu notre attention. Il s’agit de Pointe à Callière et du centre d’Interprétation de la Place Royale du musée des Civilisations de Québec. Ces deux musées de site sont salués pour leur caractère innovant à tous les niveaux. Du jeu d’acteurs aux choix muséographiques en passant par les activités et les équipements annexes ou l’impact en

matière de développement local et touristique, ces sites présentent des résultats tout à fait intéressants et permettent donc de dégager des critères d’exemplarité.

Le Centre d’Interprétation de la Place Royale propose de mieux comprendre l’Histoire de la ville de Québec. Il s’agit également d’un musée de site archéologique puisque des vestiges amérindiens constituent une partie de l’exposition. Le reste du musée est en relation étroite avec le site de la Place Royale et le rôle de la ville de Québec au temps de l’Amérique française.

Nos ardeurs et notre motivation vis à vis de ce musée de site ont été ralenties par la difficulté d’obtenir un interlocuteur susceptible de répondre à notre demande et de nous fournir les données indispensables à notre analyse. Nous nous sommes heurtés, malgré de nombreuses tentatives, à la difficulté d’avoir un contact fiable et réceptif. Cet écueil constitue le fondement de notre décision de ne pas réaliser des investigations supplémentaires auprès du Centre d’Interprétation.

Le musée du site de Lambayeque au Pérou qui abrite la tombe du seigneur mochica de Sipan est une expérience pilote pour toute l’Amérique latine tant les procédés utilisés en matière de muséographie sont novateurs. Ce musée possède de plus une approche équilibrée entre culture et tourisme puisqu’outre des préoccupations pédagogiques et éducatives, le développement touristique a été également intégré dès la phase amont du projet. Malgré tous ces points positifs, il nous a été bien difficile de nouer des liens avec les responsables et les gestionnaires du musée. La distance, le décalage horaire n’ont guère joué en notre faveur. Le musée de site est enfin enclavé et loin de toutes villes.

Le musée du site d’El Brujo au Pérou est également un établissement très intéressant en raison de sa mise en réseau avec les autres sites de la région (Chan Chan et Lambayeque) et de son approche muséographique et culturelle tout aussi développée qu’à Lambayeque. La qualité archéologique et historique du site est en premier lieu remarquable. Mais les aménagements architecturaux consentis pour préserver le site sont également pertinents. En effet, le site est constitué de trois établissements dont deux pyramides de l’époque mochica et d’un établissement rassemblant des traces de maisons et d’entrepôts. Le musée de site archéologique se trouve entre ces trois vestiges archéologiques et présente l’historique du lieu et le résultat des fouilles. Le musée est très bien intégré dans le paysage désertique de la

région. Le parcours muséographique se prolonge in situ et afin de protéger les bas reliefs colorés des pyramides une structure en toile a été apposée. Cette structure protège en outre le parcours du visiteur. Des rayons du soleil particulièrement forts dans cette région. La population locale semble avoir été associée dans la mesure où l’interprétation vivante avec des habitants de la région est utilisée en tant que médiateur culturel pour ce musée. Il a été malheureusement difficile d’établir des contacts avec les personnes responsables de cet ensemble réussi tant au niveau du ministère péruvien du tourisme ou de la culture qu’à l’échelle locale. D’autre part, ce site se situe très loin d’une ville d’importance puisqu’il est localisé au milieu du désert.

Le musée du site belge d’Ename situé à Oudenaarde en Flandres Occidentale est une expérience novatrice tant sur le plan de l’association de la population locale que sur celui des techniques d’interprétation associées à l’image et plus précisément à la vidéo. La population locale a été ainsi associée dans la réalisation de films en lien avec l’histoire de la ville. Les habitants d’Ename sont les acteurs de ces diffusions audiovisuelles présentées au public. Celles-ci considèrent Ename comme une entité modelée par l’histoire. Les films mettent l’accent sur le temps long et les permanences nées du processus historique. Ils établissent une fenêtre sur l’avenir à partir du passé. Cependant, ces films traitent plus de la ville d’Oudenaarde que du site archéologique de l’abbaye d’Ename situé à proximité du musée. On note d’ailleurs une grande dissociation voire une absence de liens entre le parcours du musée et le site archéologique sur le plan muséographique. Le site ne comporte ainsi que des panneaux présentant des reconstituions 3D sur son évolution et est désolidarisé du système d’audioguidage du musée. Ces reconstitutions sont imprécises et on peut en outre s’interroger sur leur authenticité car elles ne se basent sur aucune source iconographique d’époque. Toutefois, elles font plus figure de modélisation. C’est cette dissociation du site qui nous a convaincus de ne pas travailler plus en détails sur cette expérience. Ename n’est donc pas un vrai musée de site mais plutôt un centre d’interprétation sur la ville et son évolution à travers toutes les strates de son histoire. Il faut d’ailleurs noter que le traitement muséographique dont bénéficient les objets du musée découverts sur le site est tout à fait novateur. Il utilise des médiateurs virtuels. Une vidéo montre ainsi des comédiens filmés en costume d’époque qui parlent de l’usage qu’ils ont fait de l’objet. Cette vidéo apparaît à chaque fois que l’on clique sur des boutons situés à côté des objets disposés sur un présentoir en verre. Chaque objet est incarné par une vidéo et un personnage différents. Il faut souligner que les répliques des comédiens ne se basent pas toujours sur des sources historiques écrites en lien avec l’objet.

Les pourfendeurs de ce genre de muséographie diront ainsi que les commentaires manquent d’authenticité ainsi que les costumes des personnages. Ils ajouteront que l’attention est plus focalisée sur le spectacle provoqué par l’image que sur l’objet lui-même. D’autres, moins puristes, mettront en avant la qualité pédagogique du processus qui permet d’apprendre à quoi servait l’objet de manière interactive et ludique. Ils argumentent leurs propos en montrant que le discours du médiateur reste scientifiquement cohérent. Nous trancherons en disant que l’image est désormais un médiateur incontournable et que cette dernière peut permettre de placer l’objet dans un contexte anthropologique contrairement aux formes d’exposition plus traditionnelles. Les médiateurs de type image, à condition que la reconstitution qu’ils présentent au public se base sur des sources offrant une caution scientifique certaine, nous semblent indispensables à intégrer dans un projet de muséographie actuel. Enfin, le musée d’Ename n’a aucune dimension esthétique puisqu’il n’expose que des objets usuels sans valeur artistique. Cela explique pourquoi l’approche anthropologique est mise en avant afin de susciter l’émotion de revivre l’histoire à travers les objets du passé.

Le musée de la Crypta Balbi est un des sièges du Museo Nazionale Romano. Il a été ouvert durant l’année 2000. Ce musée inclut un site archéologique offrant un aperçu de l’évolution de la ville de l’Antiquité jusqu’à la période contemporaine. En effet, le site comprend les vestiges du théâtre Balbo d’époque romaine, ceux du monastère de Santa Maria Domine Rose du 7ème siècle après J-C, des maisons et un quartier commerçant datant de l’an 1000 ainsi que des éléments du Conservatorio di Santa Caterina dei Funari datés du XIVème siècle après J-C. L’équipement muséographique inclut la visite de vestiges archéologiques ainsi que deux aires d’exposition. La première (au rez-de-chaussée) présente l’évolution du paysage urbain dans ce quartier central de Rome, le Campo Marzio, depuis l'Antiquité jusqu'à nos jours, le mettant en rapport direct avec les résultats des fouilles archéologiques. La deuxième raconte en détail l’histoire de Rome à l’époque médiévale, incluant les données et les matériaux archéologiques découverts dans la ville. Dans le sous-sol, le public peut visiter les vestiges des différentes époques qui lui ont été expliquées. De tradition toute latine, la muséographie fait la part belle à l’écrit. Elle privilégie par ailleurs la qualité esthétique de l’architecture intérieure et la mise en avant des objets pour susciter le beau. En revanche, on n’y trouve point de processus d’interprétation innovants, ni d’explications à proximité des vestiges. Le musée se distingue d’autre part par l’intégration des ruines dans un bâtiment contemporain et par sa bonne insertion dans l’offre culturelle et touristique, pourtant pléthorique, de la ville éternelle en matière de musées. Cette approche nous est toutefois apparue comme étant trop esthétique et

trop académique au niveau des dispositifs de médiation muséographique. Le parcours proposé, du fait de la présence de vestiges allant de l’Antiquité jusqu’à l’époque moderne, propose en revanche une mise en perspective de l’évolution de la ville dans le cadre d’une approche de type « temps long ».

La casa de Hyppolitus d’Alcala de Henares située dans la région de Castilla y Leon est aujourd’hui en transformation pour prendre en compte les améliorations muséographiques et touristiques préconisées depuis son ouverture au public. La problématique de l’insertion socio-économique du projet dans le tissu local caractérise cette expérience. La mise en valeur du site s’est faite grâce à la participation d’ateliers de réinsertion de chômeurs. Ces ateliers ont permis à des personnes sans emploi de se former et d’apprendre les métiers de l’archéologie en travaillant sur le site. En raison de la requalification des espaces muséographiques actuellement en cours mais aussi des caractéristiques innovantes des musées de Saragosse, autre expérience ibérique d’envergure et plus récente, nous n’avons pas retenu cette expérience. En outre, le site se situe en zone semi-rurale et n’est donc pas tout à fait en adéquation avec notre problématique de transposabilité sur le site de Chellah.

Le musée national d’Art Romain de Mérida est avant tout un musée d’Art et d’Histoire présentant une exposition n’étant pas en lien avec un site précis. Toutefois, ce musée renferme en sous-sol les restes d’une maison romaine et de réseaux hydrauliques datant de la Mérida antique. Ces vestiges ont été intégrés dans le projet muséographique datant de 1986. Cette crypte archéologique fait donc figure de véritable musée de site. Elle utilise en outre certaines des dernières techniques muséographiques en matière d’interprétation avec l’utilisation de l’audioguidage. Toutefois, des technologies plus récentes comme les procédés multimédias utilisant les images virtuelles ne sont pas utilisées. Malgré tous ces éléments, la principale entrave au bon déroulement de nos recherches réside dans le fait que le musée est en complète réorganisation au niveau de ses collections. En effet, une bonne partie des œuvres consacrées aux débuts de l’ère chrétienne ou à la période wisigothe doivent être redéployées vers de nouveaux musées consacrés à ces thématiques. Cette réorganisation a eu donc pour incidence une difficulté accrue quant à une prise de contacts efficace avec les responsables de l’institution. En outre, les spécificités premières du Musée National d’Art Romain ne sont pas celles d’un musée de site. Comme nous l’avons déjà mis en avant, il s’agit d’abord d’un musée renfermant une collection d’objets et d’œuvres d’Art dédiés à la civilisation romaine dans l’ancienne province de Lusitanie dont la capitale était Mérida. Nous avons pu constater

la prépondérance du musée d’Art et de civilisations sur le musée de site dans notre tentative de prise de contacts, dans la mesure où aucun membre du personnel n’est affecté à plein temps à la préservation et à la gestion des restes archéologiques conservés dans la crypte du bâtiment.

Bien que Qasrin soit reconnu comme une expérience muséologique novatrice en particulier grâce aux travaux de Rachel Halili151, le contexte géopolitique de ce site situé sur le plateau du Golan rend la tâche assez ardue pour ce qui est de la collecte de données à partir d’enquêtes de terrain. En outre, les conservateurs israéliens n’ont pas fait preuve de beaucoup d’enthousiasme vis-à-vis de nos sollicitations. Bien qu’un certain nombre d’études aient été déjà réalisés sur le site, l’information disponible ne permettait pas de bien appréhender le jeu d’acteur ayant précédé le projet ainsi que les stratégies en cours autour du site.

En ce qui concerne les deux cas tunisiens d’El Djem et de Chemtou, le principal obstacle rencontré a également trait à la collecte d’informations sur le terrain et aux interviews peu objectives réalisées auprès des conservateurs. Bien que la valorisation du site de la villa romaine d’El Djem, incluse dans l’ensemble du musée archéologique de la ville, fasse toujours l’objet d’un programme de coopération décentralisé avec la ville de Romans sur Isère, la complexité des relations tissées entre les deux entités territoriales, caractérisée par la présence d’une multitude de partenaires aussi bien en France qu’en Tunisie, nous a convaincu de ne pas retenir ce site. En effet, le projet repose sur un enchevêtrement de structures où il est bien difficile de mesurer le rôle de chacun. Cela se traduit de surcroît par un émiettement de l’information. Enfin, la qualité pédagogique et muséographique attendue n’atteignait pas le niveau des autres sites présélectionnés. La villa d’El Djem fait ainsi plus figure de reconstitution, avec un parti pris certes pédagogique, que de musée de site accompli au même titre que les autres expériences. Plusieurs témoignages152 tendent enfin à prouver que la rigueur scientifique utilisée lors de la reconstitution a été plus qu’approximative. L’ensemble de ces éléments ne nous a donc pas encouragés à travailler de façon plus approfondie sur cet exemple bien qu’il nous ait été souvent présenté comme novateur en Afrique du Nord.

151 Rachel Hachlili, 1998, « Une question d’interprétation », Museum International n°198, Vol.2, Editions de l’Unesco, pp. 4-5

152 Hedi Slim, ex conservateur des musées d’El Djem, reconnaît que le projet de reconstitution est délibérément scientifiquement imparfait dans la mesure où la philosophie de la reconstitution était de faire de la Villa Africa un outil de sensibilisation au patrimoine pour le plus grand nombre. Les témoignages de Messieurs Sartori et Deshayes, respectivement archéologues pour les villes de Vienne et Romans confirment aussi ces propos.

Chemtou est un site présentant une carrière de marbre jaune d’époque punique ainsi que les vestiges d’une ville romaine. Le musée de site a la particularité d’avoir été élaboré dans le cadre d’une coopération germano-tunisienne. Le musée de Chemtou compte notamment un département punique avec une salle moderne équipée en audiovisuel ainsi que des reconstitutions grandeur nature comme celles que l’on peut observer dans les musées de Cologne ou Berlin. Si le musée de site est une réussite, sa localisation nous laisse perplexe quant à son impact socio-économique. Très éloigné des centres urbains et difficile d’accès, Chemtou se situe en dehors des sentiers touristiques classiques. C’est cette contextualisation non urbaine qui nous a poussés à ne pas aller plus en avant dans notre volonté d’étudier ce site. Mustapha Khanoussi, ancien directeur de l’Institut National du Patrimoine de Tunisie, a été en outre écarté de cette institution alors qu’il était l’artisan du projet de Chemtou. Le départ de M. Khanoussi a engendré une complexification de nos investigations.

Le tableau ci-dessous se propose de récapituler les éléments exposés ci-dessus de façon à les synthétiser et à mettre en avant les expériences sélectionnées.

13 5 E x p ér ie n ce s le ct io n n ée s Fa ci lit é da ns la pr is e de co nt ac ts Q ua lit é de s in fo rm at io ns tr an sm is es A dé qu at io n av ec le s pr ob lé m at iq ue s du m us ée de s ite Q ua lit é de la M us éo gr ap hi e D eg ré d e go uv

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