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VI- L’évolution de la notion de patrimoine : vers une démarche holistique démarche holistique

4- Patrimoine, tourisme et développement local

4- Patrimoine, tourisme et développement local

La dernière dimension du patrimoine est économique et touristique. On remarque que cette dimension touristique fait figure dans certains cas de déclencheur dans les politiques patrimoniales menées par les décideurs politiques, au détriment de la culture et de l’acquisition de savoirs.

Les déclencheurs de la politique patrimoniale sont-ils la population ? Les puissants ? L’Histoire des siècles passés montre que ce sont les puissants qui ont surtout été les

109 Izddine, Mouna, Les étrangers à Marrakech, entre amour et rejet, Maroc Hebdo, janvier 2007 http://www.maroc-hebdo.press.ma/MHinternet/Archives_737/html_737/etrangers.html

déclencheurs de la mise en valeur patrimoniale ou de la patrimonialisation. La protection et la mise en valeur du patrimoine ainsi que les choix d’interprétation mis en exergue autour de ce patrimoine ne provenaient pas de la population locale. L’appropriation de l’objet patrimonial par cette dernière se faisait par le biais d’une volonté venant du haut.

Cependant, les nouvelles formes de citoyenneté et la montée en puissance de la démocratie participative depuis la deuxième moitié du XXème siècle incitent à associer davantage les populations dans les choix de mise en valeur. Ces dernières peuvent même être à l’origine de programmes de préservation et de valorisation.

S’il y avait une volonté politique et identitaire dans les processus patrimoniaux observés par le passé, le présent montre que cet élément guide encore bon nombre de projets en la matière. Qu’ils proviennent d’élus ou soient l’émanation d’associations ou de toute autre forme de structures issues de la société civile, les projets patrimoniaux ayant pour objet immédiat la mise en exergue du passé et relevant du domaine culturel existent encore.

Malgré tout, avec la montée en puissance du tourisme, certains projets ont une dimension purement économique. Christos Doumas111 montre comment les fouilles archéologiques en Grèce sont l’enjeu de spéculations touristiques de la part des décideurs locaux où l’aspect scientifique est totalement minoré.

Les économistes, en particulier ceux de l’Université de Grenoble centrés autour de Bernard Pecqueur112 se sont intéressés à la problématique de l’économie du patrimoine. Ils appréhendent le patrimoine comme une « ressource spécifique », c'est-à-dire une ressource propre à un territoire qui demande à être mise en valeur ou « révélée » pour devenir un outil de développement économique. Ils entrevoient donc un facteur économique dans la mise en valeur du patrimoine bien que ces derniers admettent un élément affectif et identitaire de la part des populations locales difficilement quantifiable. Ils insistent en outre sur les mécanismes liés à ce qu’ils nomment « la patrimonialisation » en matière de développement

111 Doumas, Christos, 1998, « Fouilles et opérations de sauvegarde : que doit-on préserver et pourquoi ? », Museum International n°198, Editions de l’Unesco, Paris, pp. 6-8

112 L’article « La ressource territoriale : pour une définition économique de la notion de patrimoine » publié par Hugues François, Maud Hirczak, Nicolas Senil, tous trois de l’UMR PACTE Territoires de l’Université de Grenoble I, à l’occasion du XLIème Colloque de l’Association de Science Régionale De Langue Française, qui s’est tenu à Dijon en septembre 2005, résume admirablement la prise de positions des économistes centrés autour de Bernard Pecqueur sur la question des aspects économiques du patrimoine.

territorial et donc d’attractivité des territoires. Pour eux, le développement territorial ou développement local résulte de la valorisation des ressources propres à un territoire donné que les populations s’approprient. Le patrimoine est une des ressources potentielles du territoire. La valorisation de ce patrimoine peut donc devenir un facteur de développement endogène. Si nous approuvons les mécanismes liés à l’appropriation du patrimoine par la population locale comme élément déterminant dans une valorisation réussie, les bénéfices ne se limitent selon nous pas uniquement au développement économique.

Ainsi, notre définition du développement local s’enrichit d’un aspect cognitif et éducatif fort, indispensable aux processus d’appropriation du patrimoine d’une part, mais aussi à la connaissance du passé permettant l’élévation intellectuelle de la population locale. Nous pourrions résumer notre vision du développement local en ces termes : il s’agit d’un processus participatif endogène émanant d’un certain nombre d’acteurs locaux, pouvant également inclure des acteurs extérieurs au territoire mais qui manifestent un certain attachement au territoire donné, visant à élaborer un projet commun pour valoriser leur espace de vie dans une approche partagée via la mise en œuvre d’actions à connotation collective. Notre problématique patrimoniale est donc en lien direct avec le développement local dans sa dimension participative, territoriale, cognitive et économique grâce au tourisme. Elle s’enrichit d’une approche cognitive, à dimension éducative qui permet au territoire d’apprendre et à sa population de s’ouvrir sur l’extérieur grâce à un patrimoine appréhendé comme outil de dialogue interculturel.

Elle répond de facto aux objectifs de développement durable exposés par le rapport Bruntland publié en 1987 par les Nations Unies113. Ce dernier expose les trois piliers de la notion de développement durable : l’environnement, le social et l’économique. Des travaux complémentaires mis en avant lors des conférences de Rio en 1992 et de Johannesburg en 2003 ajoutent la dimension culturelle et éducative aux piliers pré-existants. Cette approche patrimoniale à la fois durable et intégrée, faisant office d’outil de développement local, est illustrée par de nombreuses chartes114 qui intègrent les aspects de démocratie participative gage de durabilité sociale, économique et environnementale dans la mise en place d’un projet

113 Voir à ce titre le site Internet de l’Office Fédéral du Développement Territorial helvète qui consacre une rubrique au rapport Bruntland : http://www.are.admin.ch/are/fr/nachhaltig/international_uno/unterseite02330/

114 la Charte du réseau « AVEC » Alliance de Villes Européennes de Culture associée au programme QUALICITIES font figure d’exemples intéressants en matière d’intégration des problématiques du développement durable en lien avec la connaissance du patrimoine :

de valorisation. « La sensibilisation au patrimoine -culturel et naturel- prend une valeur et une force nouvelles : alors que la participation de la population à la définition et à la mise en œuvre des politiques locales est l’un des aspects les plus importants du développement durable, c’est aussi un défi que la plupart des villes ont du mal à relever. Construire une démocratie participative pour renforcer et nourrir la démocratie représentative est un chantier essentiel, mais difficile. Dans ce contexte, l’expérience que nos villes historiques ont acquise dans la médiation du patrimoine peut, si nous savons l’étendre à toutes les facettes du patrimoine (culturel et naturel, matériel et immatériel) et aux autres dimensions de compréhension du monde […], [faire] naître une nouvelle pédagogie alliant les dimensions du temps, de l’espace et du fonctionnement de nos sociétés humaines ; cette condition qui vise une meilleure compréhension par la population des enjeux d’aujourd’hui, est la condition nécessaire d’une véritable participation des citoyens. » (Raphaël Souchier, 2006, http://www.avecnet.net/actualitesuivies.html).

Les aspects éducatifs, pédagogiques liés à la connaissance du patrimoine seraient à la base du processus de développement local et du principe de durabilité par le biais d’une meilleure compréhension des enjeux d’un territoire. Ils favoriseraient en outre l’émergence d’un processus participatif de qualité.

On pourra s’interroger à ce titre sur les effets du patrimoine en matière de mouvement participatif. Raphaël Souchier souligne l’incidence de la mise en valeur du patrimoine et des outils dédiés à sa compréhension en matière de création de ce mouvement. On peut se demander à quel stade du processus de valorisation et donc de la mise en valeur, la démocratie participative émerge. La mise en valeur du patrimoine est-elle le fruit de l’association en amont ? Ou bien la valorisation est elle la conséquence de procédés didactiques établis scientifiquement qui favorisent l’appropriation de ce patrimoine ? Quelles sont les conséquences de cette association en amont ou de cette moindre association remplacée par une stratégie scientifique et pédagogique volontariste ayant pour objectif de déboucher sur une appropriation, moteur du développement local ?

Nous reviendrons par la suite sur les témoignages fournis par les travaux se focalisant sur les questions de développement durable et de patrimoine, essentiellement sur les thématiques ayant trait à l’association des populations locales. On se questionnera sur les implications qu’engendre une démarche durable dans un processus de valorisation d’un site patrimonial et

archéologique. L’analyse de nos études de cas nous fournira des éléments de réponse en la matière.

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