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Le patrimoine et les musée de la seconde moitié du XX ème siècle La loi du 27 septembre 194136 permet à la France de se doter d’une base juridique clarifiant La loi du 27 septembre 194136 permet à la France de se doter d’une base juridique clarifiant

III- Les premiers pas du tourisme culturel à connotation archéologique archéologique

2- Le patrimoine et les musée de la seconde moitié du XX ème siècle La loi du 27 septembre 194136 permet à la France de se doter d’une base juridique clarifiant La loi du 27 septembre 194136 permet à la France de se doter d’une base juridique clarifiant

les conditions de protection du patrimoine archéologique et les autorisations de fouilles. Cette loi met en avant le rôle de surveillance dont bénéficie l’Etat sur les fouilles archéologiques et le cadre scientifique dans lequel ces fouilles doivent être exécutées. C’est désormais sous couvert scientifique et par l’intermédiaire de la Direction Régionale des Affaires Culturelles que la décision de procéder à des fouilles archéologiques peut être prise. Elles sont alors réalisées par les Services régionaux d’Archéologie, les Services Municipaux d’Archéologie et associent le CNRS et les Universités dans les recherches menées sur le terrain.

Au lendemain de la guerre, la protection des éléments du passé est basée sur la conservation des témoignages les plus remarquables ne s’attachant à conserver que les monuments y présentant un intérêt monumental. La ville est en outre frappée par le modernisme au niveau de ses structures et un désir de rénovation se traduisant par des destructions voit le jour. La Charte d’Athènes37 et le courant moderniste guident la façon de penser la ville. Cela se traduit par une volonté de mettre en avant le caractère esthétique remarquable des œuvres architecturales du passé en faisant table rase des éléments les moins prestigieux. La ville s’adapte par ailleurs à l’automobile. Elle est le fruit des sciences et des techniques. L’ingénieur occupe une place prépondérante dans cette façon de penser l’espace.

Cette tendance s’inverse progressivement dans le courant des années 60 et 70. En s’appuyant sur la loi de 1941, l’archéologie préventive obtient en premier lieu peu à peu ses lettres de noblesse pour étudier et sauver des traces du passé considérées jadis comme mineures. Il s’agit désormais d’une quête scientifique à proprement parler où l’étude du passé et des traces matérielles qu’il a laissées est le maître mot. On cherche non pas à préserver mais à étudier

36 Il s’agit de la loi du 27 septembre 1941 (validée par l'ordonnance 45-2092 du 13 septembre 1945) portant réglementation des fouilles archéologiques (abrogée et codifiée au code du patrimoine : articles L.521-1 et suivants). Elle s’inspire de l’Italie qui a adopté une loi similaire sur l’encadrement des fouilles archéologiques en 1939.

37 La charte d’Athènes est la quatrième cession des congrès internationaux d'architecture moderne ou Ciam qui comme son nom l’indique, a eu pour cadre la ville d’Athènes. Ces congrès, centrés autour de la personne du Corbusier, sont nés du besoin de promouvoir une architecture et un urbanisme fonctionnels. La première rencontre eut lieu en 1928, à La Sarraz, en Suisse. Le Corbusier publia la Charte d'Athènes en 1942 (reprise des conclusions du CIAM IV de 1933), texte fondateur de l'architecture et de l'urbanisme moderne dits du style international. Ce texte énonce les moyens d'améliorer les conditions d'existence dans la ville moderne, qui doit permettre l'épanouissement harmonieux de quatre grandes fonctions humaines : habiter, travailler, se divertir et circuler.

pour mieux comprendre. Se font alors jour les problématiques de la conservation ou de la destruction de ces vestiges et de ce qui doit être conservé ou non. Dans tous les cas, la recherche de la monumentalité et de l’œuvre d’Art est dépassée. Cet intérêt pour des vestiges jadis qualifiés de second ordre s’inscrit dans un processus d’élargissement de la notion de patrimoine. Alors qu’on se limitait autrefois à tout ce qui était ancien et monumental, les années 60 annexent et évaluent toutes les formes d’art de bâtir à la notion de patrimoine. Le patrimoine mineur ou vernaculaire, jadis considéré comme ne présentant pas des éléments nécessitant une conservation préalable, est mis au goût du jour.

La loi sur les secteurs sauvegardés du 4 août 1962, dite loi Malraux38, fut élaborée dans cet esprit. Des quartiers entiers dont certains éléments remontaient au Moyen-Âge sont sauvés de la destruction. Le Vieux-Lyon est un bon exemple de cette réhabilitation du patrimoine vernaculaire. Ce quartier présentant tout un ensemble d’hôtels particuliers et de maisons datant de la Renaissance devait faire l’objet d’une destruction dans un projet « moderniste » ayant pour objectif d’adapter la cité rhodanienne à la modernité. Un formidable élan citoyen a permis à la ville de conserver et de mettre en valeur ce patrimoine remarquable ayant eu le défaut de ne présenter qu’un caractère monumental moindre par rapport aux conceptions établies entres les deux guerres et mises à l’honneur au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale. La loi « paysages » de janvier 1993 couronne cette évolution de la notion de patrimoine avec la création des ZPPAUP39.

Depuis les années 70 et dans l’ensemble des pays occidentaux, une place de plus en plus importante est accordée aux nouvelles formes de citoyenneté et au développement endogène. Les cultures locales sont ainsi célébrées. Le décret n°80-277 du 15 avril 1980 institue un Conseil du patrimoine ethnologique et s’inscrit donc dans ce mouvement d’élargissement de la notion de patrimoine et d’intérêt pour les terroirs. Le développement local fait de son côté ses premiers pas en rupture avec le centralisme initié jusqu’ici. Mais ce dernier, en France tout au moins, en reste surtout au stade de la réflexion.

38 La loi Malraux du 4 août 1962 permet de protéger un secteur urbain caractéristique « lorsqu'il présente un caractète historique, esthétique ou de nature à justifier la conservation, la restauration ou la mise en valeur de tout ou une partie d'un ensemble d'immeubles bâtis. » Il peut être instauré à l'initiative d'une commune ou de l'État, par l'intermédiaire de la commission nationale des secteurs sauvegardés. Il comprend un plan de sauvegarde et de mise en valeur (PSMV) qui permet de fixer les conditions de conservation des immeubles et du cadre urbain.

39 La ZPPAUP, Zone de Protection du Patrimoine Architectural, Urbain et Paysager offre la possibilité aux collectivités locales de mettre en valeur leur patrimoine sous des règles moins strictes que celles instaurées par le Secteur Sauvegardé. La finalité est d’éviter la muséification des centres anciens et de rendre possible une évolution socio-économique tout en respectant les objectifs de durabilité.

La massification de l’enseignement supérieur, l’apparition de nouveaux outils de communication portent de surcroît en eux les germes du changement. Ils font entrevoir une nouvelle ère en matière de médiation et de consommation culturelle. Créé pendant cette période, le Centre George Pompidou peut être considéré comme l’expression de ces transformations.

Sur le plan des musées et de l’interprétation proposée au public, les changements sociaux observés ne sont donc pas sans conséquence. Pour les appréhender, le musée de la civilisation gallo-romaine de Lyon, inauguré en 1975, est un cas d’école dans la mesure où il est révélateur des mutations opérées en matière de muséologie. Celui-ci présente non plus des collections dans une optique purement esthétique comme cela était la règle depuis le XIXème siècle mais dans un esprit pédagogique et vivant, moins élitiste et permettant au public de mieux s’approprier un passé pas toujours facile à interpréter.

Le musée de la civilisation gallo-romaine est ainsi un des premiers musées de site à voir le jour en France. Cette dimension rompt avec le musée archéologique traditionnel présentant des objets et des œuvres dissociés du lieu où ils ont été mis à jour. Bien que toutes les collections du musée ne soient pas issues des fouilles du site archéologique attenant, il n’en demeure pas moins que la plupart des œuvres et des objets peuvent être replacés dans leur contexte original offrant ainsi une nouvelle vision au visiteur.

Le musée propose une présentation thématique calquée sur le modèle d’analyse historique instauré par l’Ecole des Annales. Il ne s’agit plus de montrer uniquement l’Histoire des puissants et le tout monumental ou le tout esthétique mais de faire revivre au visiteur la vie des Gallo-romains en lien avec l’Histoire du site de Fourvière. Le site présente un théâtre antique et son odéon ainsi que des restes d’habitation gallo-romaine. Le musée est en relation étroite avec le site puisque la visite du premier s’ouvre sur le dernier et que des interactions existent entre les deux par le biais de nouveaux médiateurs comme des maquettes. Outre l’Histoire du site et l’utilisation de ce dernier comme support explicatif grâce à des éléments didactiques et explicatifs, le parti pris muséographique met en avant l’Histoire sociale, religieuse, économique et culturelle au temps des Gallo-romains à travers des objets présentant une grande qualité esthétique comme les célèbres mosaïques évoquant les jeux du cirque. Les collections sont présentées dans 17 « salles » ou espaces correspondant aux 17

thèmes consacrés aux divers aspects de la vie gallo-romaine à Lugdunum (Lyon), capitale des Gaules. Une première salle est réservée à la préhistoire et à la protohistoire dans la région lyonnaise. Chacun de ces thèmes est organisé autour d'un document principal qui peut être une maquette, une statue ou une mosaïque et auquel renvoient dans l'espace environnant d'autres objets qui complètent le même thème. La pédagogie autour d’une œuvre maîtresse a donc guidé la scénographie. Le musée, même s’il se borne aux périodes préhistoriques et gallo-romaines en lien avec le site de Fourvière et la ville de Lyon, fait figure de véritable lieu d’interprétation du passé antique de la ville.

On peut ajouter que l’architecture du bâtiment a fait l’objet d’une attention toute particulière pour ce qui est de son intégration au site de Fourvière. Il est à ce titre une des premières expériences de musée de site en France. Cette dimension architectonique préfigure également le rôle croissant du musée en tant que signal dans la ville ou institution de prestige et de compétition culturelle entre les métropoles.

Toutefois, l’approche qui a prévalu à la création du musée, si elle a rapproché muséographes et conservateurs, n’a pas été appréhendée dans une démarche globale incluant les acteurs du tourisme et des loisirs ou encore ceux du développement local.

Au Maroc, le musée de Larache est contemporain du musée de la civilisation gallo-romaine de Lyon puisqu’il ouvre ses portes en 1979. C’est à ce jour le premier et le seul musée archéologique qui date de la période post coloniale. Le musée ne se limite pas à l’archéologie contrairement à ce que son nom laisse croire. Toutefois, la très grande majorité des collections qu’il abrite sont effectivement de nature archéologique. Le bâtiment qui abrite cette institution n’est autre qu’un fortin attenant aux remparts du port de Larache construit par le sultan mérinide Youssouf Ben Abdelhaq vers 1279. Ce fortin servit ensuite de prison pendant la période d’occupation espagnole jusqu’à l’indépendance.

Les collections présentées proviennent principalement du site de Lixus tout proche. Mais Larache n’est pas un musée de site archéologique car il reste désolidarisé du site par plusieurs kilomètres. Il s’agit d’un musée plus traditionnel même si les collections font essentiellement référence au passé antique de la région et donc à Lixus.

Les collections archéologiques couvrent une longue période de l'histoire de la région de Larache allant des Phéniciens jusqu'à l'ère islamique en passant par les époques carthaginoise,

maurétanienne et romaine. Lixus est en effet un site d’importance pour la région pendant l’Antiquité. Malgré la qualité indéniable des collections sur le plan esthétique avec la présence de nombreuses pièces de monnaie, de belles mosaïques mais aussi de statues de marbres exhumées du site de Lexus, le musée de Larache ne produit aucun discours construit et se contente d’exposer des œuvres qui ne parlent aux visiteurs que par l’intermédiaire de leurs qualités plastiques. La seule tentative de structuration du discours muséographique sur le plan didactique et au niveau de la communication repose sur un regroupement des objets et des œuvres par période historique. On ne rencontre donc pas d’approche thématique et les collections sont exposées pêle mêle sans explications ou presque. Quelques étiquettes offrent au visiteur le nom de l’œuvre en l’associant parfois à une date. Les moyens de médiation peuvent donc légitimement être qualifiés d’insuffisants. Cette absence de prise en considération des transformations contemporaines au musée nous laisse dire que plus de 20 ans après l’indépendance du pays, la muséographie marocaine restait encore prisonnière des paradigmes véhiculés par le colonisateur lors de sa présence. Le musée de Larache, bien que contemporain du musée de la civilisation gallo-romaine de Lyon, reprend les recettes des créations antérieures sans développer un processus original.

Dans le courant des années 80 et 90, l’Archéologie et les musées de site sont mis en lumière durant toute cette période à travers diverses réalisations au niveau des pays occidentaux. La problématique franchit ainsi une nouvelle étape en matière d’évolution.

Ce mouvement avait déjà été ébauché par George Pompidou et la création du Centre Beaubourg qui offrait pour la première fois une nouvelle forme de médiation vers l’Art contemporain et un type de musée rompant avec le musée élitiste et austère du XIXème siècle. Celui-ci présente en effet toute une palette de services (restaurant, librairie, service culturel, service dédié aux visiteurs) jusqu’alors inexistants. Il ne s’agit en effet plus d’une institution repliée sur elle-même et ses collections mais d’un lieu en lien avec la société, ouvert sur l’extérieur et susceptible de conquérir de nouveaux publics. Ce dernier apparaît en outre comme un signal culturel au cœur du quartier historique du Marais. Il veut en quelque sorte imprégner la ville de sa marque culturelle. Il s’inscrit par ailleurs dans un processus de réhabilitation du quartier du Marais du point de vue de la mise en valeur patrimoniale. Cette dimension est tout à fait intéressante pour plusieurs raisons. Elle illustre tout d’abord le fait que des projets culturels soient appréhendés en tant qu’outil de développement comme cela fut le cas voici quelques années à Bilbao avec le Musée Guggenheim ou à Groningue aux

Pays-Bas. Le dernier établissement de la fondation Getty situé sur les collines de Los Angeles témoigne aussi de cette tendance. D’autre part, l’expérience du Centre Pompidou inaugure ce que nous pourrions appeler la « commercialisation des musées » en tant qu’objet de consommation culturelle et touristique. Cette expression utilisée par Claus Käpplinger40 induit que « le musée est devenu un produit commercialisable, le centre commercial est symbole du musée de l’avenir car l’architecture contemporaine du musée a contribué à changer radicalement la perception que le public a de ce lieu ». Le musée minore ainsi son rôle classique de sanctuaire des Arts plastiques pour vibrer au rythme des changements sociaux en essayant de séduire un public varié demandeur de loisirs à vocation éducative et culturelle. En France, la politique culturelle menée dans les années 80 impulse une vague de création de musées sans précédent et une mise en valeur du patrimoine systématique sur tout le territoire. Le Grand Louvre, l’Institut du Monde Arabe, la Bibliothèque qui porte le nom de son bâtisseur prennent la suite du mouvement lancé par le Centre Pompidou. La volonté est de mettre la culture en avant. Le patrimoine et toutes les formes d’expression artistique sont célébrées par le biais de manifestations créées à cet effet (journées du patrimoine, fête de la musique).

Des centaines de musées sont créés ou restaurés dans toute la France et ce mouvement n’aurait pas pu voir le jour sans la volonté politique forte du ministre de la culture de l’époque. Le grand public est largement associé à ce mouvement. Parmi les créations, on note de nombreux musées de site comme Nemours, le premier à intégrer les nouvelles technologies en 1981 puis Saint-Romain en Gal, Bibracte ou encore le musée de L’Arles Antique dans les années 90. Les autres pays d’Europe ne sont pas en reste puisque l’Espagne post franquiste se lance également dans de vastes programmes de musées ou de manifestations internationales servant à valoriser culturellement des villes et des territoires (Exposition Universelle de Séville ou Jeux Olympiques de Barcelone en 1992).

Ces nouveaux musées vont encore un peu plus loin que le musée de la civilisation gallo-romaine de Lyon en ce qui concerne les techniques muséographiques. Ils utilisent des supports de médiation très élaborés parfois centrés autour de l’image. Ces nouveaux musées

40 Claus Käpplinger est un architecte berlinois. Il livre ses réactions sur l’évolution des musées dans l’aticle suivant : Käpplinger, Claus, 1997, « L’architecture et la commercialisation du musée », Museum International n°196, Editions de l’Unesco, Paris

présentent des moyens d’interprétation sophistiqués et des tentatives de mise en situation. Le public est transporté dans la vie quotidienne du passé grâce à une approche désormais incontournable du type « Ecole des Annales ». Celle-ci met en exergue la dimension éducative. Ces nouvelles formes de muséographie se veulent plus conviviales et moins austères que par le passé. Les commentaires présentés par l’intermédiaire de panneaux écrits ont bien souvent laissé la place à l’audioguidage. Ces nouvelles techniques cherchent à faire de la visite du musée un moment de détente à vocation éducative s’inscrivant dans une démarche d’ouverture du musée sur un public plus large.

On retrouve également un souci de créer des institutions à l’architecture audacieuse qui marque le paysage. Les plus grands noms de l’architecture sont appelés pour concevoir de véritables palais dédiés à la culture, au savoir avec une dimension urbaine nouvelle pour nombre d’entre eux. En effet, tout comme le centre Pompidou, ils s’inscrivent bien souvent dans un projet urbanistique visant à requalifier un quartier.

En ce qui concerne les restaurations qui touchent essentiellement les musées des Beaux-Arts institués au XIXème siècle, de nouveaux moyens de médiation sont créés pour que le visiteur puisse mieux comprendre les œuvres. L’audioguidage prévaut dans ces choix de médiations. Ces constructions nouvelles ou ces réhabilitations montrent en outre une évolution notable comparée à l’image traditionnelle du musée replié sur lui-même. Les nouvelles institutions offrent une palette de services aux visiteurs comme ceux qui furent inaugurés par Beaubourg. La boutique, le restaurant, la bibliothèque, le centre de recherche ancrent le musée dans une démarché pluridisciplinaire. Il n’est désormais plus l’apanage d’une élite mais cherche au contraire à toucher tous les publics en fonction de leur intérêt ou de leur âge. Des projets éducatifs en direction de publics jadis ignorés se font donc jour tout comme la reconnaissance de ces nouveaux musées comme éléments du développement touristique.

Malgré tout, cette dernière dimension a été appréhendée assez récemment et le lien entre tourisme, culture et développement local ne fut pas pris en compte lors de la vague muséale française que nous avons évoquée.

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