• Aucun résultat trouvé

Nature et proportion des contributeur aux recettes en 2005

IV- Le musée gallo-romain du site de Saint-Romain en Gal

3- Jeu d’acteurs

L’abandon des audioguides ainsi que les disfonctionnements des bornes interactives, nous permettent de rebondir sur la période difficile que traverse actuellement le musée. Cette crise se traduit par une stagnation de la fréquentation touristique ces dernières années mais également par un soutien politique du Conseil Général du Rhône de plus en plus faible qui pousse les responsables locaux des sphères culturelles et touristiques à parler d’abandon. En outre, certains des équipements annexes, comme la cafétéria, ont fait les frais de cette situation.

Il nous apparaît très intéressant d’étudier de plus près ce demi-échec. En effet, novateur sur le plan de la muséographie, Saint-Romain en Gal apparaît 10 ans après son inauguration comme un échec touristique et une institution culturelle sur le déclin. Pourtant, une rapide analyse du jeu d’acteurs dans l’historique du projet nous permet déjà d’anticiper sur les déboires dont est actuellement victime cet équipement et d’en tirer des leçons susceptibles d’offrir des réponses à notre problématique.

La qualité des contacts obtenus au niveau local173 et la possibilité de confronter et de croiser les témoignages, servent de base à nos préconisations en matière de valorisation de sites archéologiques et de création de musées de site.

Si les vestiges d’un quartier gallo romain composé d’habitations et de commerces étaient connus depuis la fin des années 60 avec la découverte de mosaïques aux qualités esthétiques remarquables, l’ensemble des témoignages rassemblés par nos soins auprès des gestionnaires actuels du site s’accorde pour affirmer que ce projet n’aurait jamais vu le jour sans une volonté politique forte de l’Etat relayée à l’époque par ses structures déconcentrées. Notons au passage le rôle important du Directeur Régional des Antiquités de Rhône-Alpes qui fut un fervent défenseur de ce musée dans le milieu des années 80. La création du musée actuel est donc due en grande partie à la politique impulsée par le Ministère de la Culture de l’époque.

173 Nous nous sommes entretenus avec Monsieur le directeur du Pôle archéologique départemental, avec Madame la responsable des publics des musées gallo-romains ainsi qu’avec Monsieur le responsable des collections du Musée de Saint-Romain en Gal, tous trois fonctionnaires territoriaux du département du Rhône. En outre, nous sommes entrés en contact avec Monsieur le directeur de l’Office de Tourisme de la Communauté d’agglomération de Vienne, avec Monsieur le responsable du CDT du Rhône ainsi qu’avec le conservateur des musées de la ville de Vienne et Madame l’animatrice du Pays d’Art et d’Histoire de Vienne.

Le Conseil Général du Rhône de cette période a également largement soutenu la démarche de valorisation. Toutefois, la majorité du Conseil Général a basculé peu avant l’ouverture du musée et cette nouvelle majorité va apparaître comme peu enthousiaste vis à vis de ce nouvel équipement. Cela peut expliquer le sentiment « d’abandon » ressenti à ce jour.

Signalons par ailleurs l’absence d’étude d’impact à connotation socio-économique et d’études à caractère touristique ayant trait à l’attente des publics, à la promotion de la structure ou à son insertion en matière touristique dans l’environnement. Les porteurs du projet relevaient uniquement du champ de la culture, en l’occurrence des archéologues. Aucun acteur à dimension touristique n’a en revanche participé à l’élaboration du musée de site. Les archéologues ont ainsi conçu le parcours muséographique. Grâce à ce rôle important joué par les archéologues, la rigueur scientifique fut de mise dans l’élaboration du discours de l’exposition. Malgré tout, l’absence d’étude d’impact socio-économique et une meilleure connaissance des attentes du public dénotent un manquement en ce qui concerne la durabilité du projet. C’est ce que déplore notamment le Comité Départemental du Tourisme du Rhône qui n’a jamais été associé à ce projet.

On pensait en effet à l’époque qu’une muséographie de qualité suffisait pour permettre à un musée de se développer et de se positionner durablement dans le paysage touristique et culturel. Or, en voulant créer un site culturel et touristique d’importance, les porteurs du projet ont laissé de côté le public et ses attentes ainsi que l’insertion de l’équipement en matière de flux locaux, régionaux, nationaux ou internationaux qui sont en mesure d’assurer une fréquentation toute l’année tant au niveau de l’exposition permanente que des expositions temporaires. On peut donc mettre en avant l’importance d’une approche holistique du type étude d’impact à caractère socio-économique et touristique en amont du projet afin d’en assurer la pérennité et le développement. Le nécessaire rapprochement entre tourisme et culture au niveau des acteurs fait office de préalable à tout projet de ce type. Le cloisonnement des deux approches et parfois la rivalité que se livrent les tenants de ces thématiques rendent la situation difficile et peuvent compromettre la durabilité de ce type d’équipements.

D’autre part, du fait du morcellement administratif en départements distincts, Vienne l’Iséroise n’a pas été associée et n’a par ailleurs pas souhaité participer au financement d’un projet qui allait voir le jour sur le département du Rhône. Vienne dispose à l’époque d’un

office de tourisme municipal et d’une association œuvrant pour la protection du patrimoine appelée « les amis de Vienne ». Ces acteurs n’ont malheureusement pas été consultés puisque leur territoire d’intervention se cantonnait au territoire de la commune de Vienne. Vienne possède de surcroît à cette période déjà deux musées : le musée lapidaire situé dans l’Eglise Saint-Pierre et le musée des Beaux-Arts et d’Archéologie. Ces derniers renferment des témoignages en lien avec le site de Saint-Romain et ont transmis quelques pièces découvertes au XIXème siècle lors de la création du musée. Toutefois, ils demeurent actuellement complètement dissociés du musée de Saint-Romain en matière de gestion et d’offre touristique ou culturelle. La gestion municipale des deux entités que sont le Musée lapidaire et le Musée des Beaux-Arts et d’Archéologie s’oppose à la gestion départementale du musée de site de Saint-Romain en Gal. En outre, on remarque la faible association des ressources locales dans la phase de pré-projet, en l’occurrence « les amis de Vienne », association faisant office de société savante qui milite pour la protection du patrimoine. Les populations locales ont été également peu consultées dans la mise en place du projet au niveau de la commune de Saint-Romain et à fortiori à l’échelle de Vienne.

L’émiettement administratif en plusieurs collectivités rivales, où les hommes politiques souhaitaient imprimer leur primauté locale du fait de couleurs politiques différentes, a fortement pesé sur le contexte dans lequel le musée a été édifié. Ce climat peu propice à l’émergence d’un principe de gouvernance local susceptible de pérenniser le musée perdure encore aujourd’hui. En effet, la ville de Vienne, si elle est toujours située dans l’Isère alors que Saint-Romain fait partie du département du Rhône, s’est dotée d’une communauté d’agglomération ainsi que d’un office de tourisme à caractère intercommunal dont les territoires d’interventions incluent Saint-Romain depuis 2006. Le musée étant géré par le département du Rhône, l’office de tourisme et la communauté d’agglomération de Vienne restent considérés comme persona non grata en son enceinte par les responsables rhodaniens. C’est pourtant Vienne et son agglomération qui pourraient tirer les meilleurs bénéfices de la présence de cet équipement.

Saint-Romain illustre parfaitement la nécessité d’associer l’ensemble des acteurs locaux dans le cadre d’une gouvernance locale autour d’un projet pluridisciplinaire faisant consensus. On peut également tirer une autre conclusion qui consiste à montrer que le terrain français est peu propice à l’émergence d’un projet de gouvernance en matière culturelle et touristique tant

les compétences locales sont émiettées en de multiples entités. Il existe par ailleurs un cloisonnement par thématiques entre les services de ces mêmes entités. Cela est palpable tant au niveau des administrations déconcentrées de l’Etat que dans les services des collectivités locales. Ainsi, l’approche holistique que nous prônons, alliant en particulier tourisme et culture, reste bien difficile à mener dans de telles conditions qui peuvent engendrer une situation de blocage et d’inertie. Enfin, l’exemple de Saint-Romain met en perspective l’importance de l’intercommunalité en tant qu’échelon permettant une vision globale et efficace des politiques publiques tandis que l’inadaptation des découpages des départements sur leurs marges est aussi une donnée qui ressort de nos analyses.

Documents relatifs