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VIII- Musées et patrimoine : une approche holistique

1- La connaissance des attentes du public et le marketing touristique touristique

La récente loi des musées130, votée en France en janvier 2002, a entériné le renouveau des institutions muséales en tant qu’établissements à vocation pédagogique ouverts sur l’extérieur et le grand public. Cette loi prévoit que « tout musée de France » doit être organisé « en vue de la connaissance, de l’éducation et du plaisir du public » et qu’il a pour mission de « rendre ses collections accessibles au public le plus large » ; à ce titre, il « dispose d’un service ayant en charge les actions d’accueil des publics, de diffusion, d’animation et de médiation culturelle ». Le droit consacre ainsi les efforts didactiques mis en œuvre pour rendre accessible au plus grand nombre les œuvres et les collections des musées. Malgré tout, la loi se devait de réaffirmer ce principe dans la mesure où l’effort à réaliser demeure encore immense au niveau de la connaissance des publics tant certains choix hérités du passé

130 Pour tout ce qui a trait à cette loi, l’ouvrage de référence est le suivant : Sallois, Jacques, 2008, Les musées de France, PUF, Paris

dominent encore dans nombre d’établissements. Car la règle veut que la connaissance des attentes du public soit encore trop parcellaire. Les résultats en terme de muséologie, de message éducatif et donc de fréquentation en sont ainsi affectés.

Raili Huopainen s’est vue confier par le Conseil national des Antiquités de Finlande et le Centre finlandais d’études prospectives de l’Ecole des Sciences économiques et des hautes études commerciales de Turku, une étude portant sur le recensement des choix que les musées de demain devront faire dans un projet baptisé « le musé du futur » 131. L’objectif était « non pas de concevoir le « musée de demain » mais d’esquisser un certain nombre de profils d’évaluation possible […], de faire adopter des méthodes qui aident les musées à préparer leur avenir.»

Elle met en avant le rôle du public pour s’opposer au musée traditionnel du XIXème siècle : « le musée du futur est ouvert et facilement accessible au public ; ce n’est plus un bastion du passé. Ainsi, ce ne sont plus les collections et la recherche qui priment, c’est le public : les collections sont à sa disposition, et leur accès est facilité par les nouvelles technologies. » Elle pose par ailleurs les jalons d’une institution à cheval sur plusieurs disciplines : le marketing touristique, les sciences de l’éducation, la culture, l’économie avec la question de l’ouverture sur l’extérieur et le public. « L’auto-évaluation n’est pas occasionnelle, elle est continue, et les études d’efficacité se fondent sur des méthodes d’évaluation axées sur le futur. Pour obtenir de meilleurs résultats, le travail individuel a fait place au travail d’équipe. Les musées développent et diversifient leurs activités éducatives, mais proposent également au public des expériences récréatives aussi nombreuses que variées ; ils font l’objet d’une promotion commerciale d’autant plus active que, faute de pouvoir compter sur un financement public pour pouvoir couvrir leurs coûts de fonctionnement, ils doivent pourvoir eux-mêmes à leurs besoins en vendant toutes sortes de produits : commerces et muséologie vont désormais de pair. »

Le musée du XXIème siècle doit permettre à chacun de se retrouver et de comprendre, il s’oppose en cela au musée traditionnel du passé. « Il a affaire à des groupes sociaux différents et ne veut pas exister pour une petite élite. […] C’est un lieu où chacun peut trouver les

131 Huopainen, Raili, 1998, « Les musées : une porte ouverte vers le futur », Museum International n°199, Editions de l’Unesco, Paris, pp. 51-54

valeurs qui donnent un sens à la vie, une réelle sécurité d’esprit, une continuité qui transcende le temps et de quoi construire sa propre identité ».

La Déclaration de Caracas132, acte final de la réunion qui s’est tenue dans la capitale du Venezuela en 1992, sur le thème « Musées : les nouveaux défis », précise que « le musée se doit d’être un acteur de son temps, il doit relever le défi d’être non seulement l’institution qui met en valeur le patrimoine, mais aussi un instrument utile pour accéder à un développement humain équilibré, à un meilleur bien être collectif, dans lequel s’inscrit forcément le tourisme. » Le tourisme serait donc une chance pour le musée. Pour cela, il faut que le conservateur perçoive le touriste comme un allié car ce dernier est un élément clef dans la conservation des biens culturels. Le tourisme peut ainsi engendrer une formidable dynamique dans des processus de mise en valeur à condition de lui offrir les clefs de la compréhension du patrimoine.

Il peut bien entendu aussi avoir des effets négatifs que l’on ne saurait ignorer. Ces conséquences sont en particulier soulignées par les recherches de Racheli Merhav et Ann Killebrew133. En analysant la fréquentation touristique subie par Mesada, site archéologique le plus visité d’Israël, elles mettent en avant divers processus négatifs comme l’usure prématurée provoquée par un afflux de visiteurs mal maîtrisé, les actes de vandalisme, l’exploitation mercantile outrancière inadaptée à l’esprit du lieu ou encore des désagréments divers en raison d’aménagements touristiques et d’équipements connexes au site inappropriés voire inexistants. Ces éléments peuvent engendrer des prédations et mettent en péril la survie du site sur le moyen terme.

Mais ce tourisme peut également devenir un élément de dialogue interculturel avec les cultures locales tandis que le patrimoine peut servir de base à une ouverture vers l’autre, une meilleure compréhension des enjeux passés et actuels de l’évolution culturelle pour les autochtones. Le rôle de médiateur du musée prend ainsi tout son sens puisque ce dernier doit être un lieu de dialogue permanent, d’éducation et de développement personnel et local du point de vue économique et touristique. Pour que le visiteur respecte le lieu et se l’approprie, pour minimiser les actes de vandalisme, il faut lui offrir les moyens d’une visite réussie qui le

132 Declaración de Caracas 1992, El Museo en América Latina Hoy, ICOM Venezuela, Caracas

133 Merhav, Racheli et Killebrew, Ann, 1998, « Ouverture au public : pou le meilleur et pour le pire », Museum International n° 200, Editions de l’Unesco, Paris, pp. 15-20

sensibilise au message de l’Histoire tout en respectant le niveau de connaissance de chacun. La conférence vénézuélienne insiste ainsi sur la relation public-musée et la nécessité de connaître ses attentes ou ses inquiétudes, les études comportementales du public demeurent rarissimes dans l’évaluation d’une institution mais également avant la création d’un nouvel équipement.

Milagros Gomez de Blavia134 tire les conclusions de la déclaration finale de Caracas en mettant en avant différents points permettant de créer des synergies entre les thématiques des musées et du tourisme dans la perspective d’une gestion patrimoniale optimisée et durable nourrissant des deux thématiques. Pour elle, il est indispensable d’intégrer le musée dans l’offre touristique. Pour ce faire, elle plaide pour un recours à l’enquête sur les attentes du public à travers différents paramètres « l’information, le degré d’attention, les services, les guides, l’atmosphère, la muséographie, la librairie, le café, la boutique, les publications, les textes et l’information dans les salles, la signalisation et les manifestations annexes ». Elle préconise de surcroît un certain nombre de recommandations pour optimiser la relation musée-tourisme :

- « connaître son public, afin d’être en mesure de concevoir des activités qui correspondent au profil des visiteurs, non seulement dans le cadre des expositions et des publications, mais aussi sous la forme d’activités particulières, telles que des manifestations diverses, des visites de sites intéressants, et l’organisation de circuits. - Considérer les touristes comme faisant partie de son public : les reconnaître, les

différencier, les respecter et leur vendre les productions du musée s’ils le souhaitent. - Gérer correctement les programmes destinés aux touristes : déterminer qui l’on

souhaite attirer, quels espaces et quels services on veut offrir, quels horaires et quel calendrier il y a lieu de programmer pour les touristes et quels liens il convient d’établir ».

Ces réflexions plaident donc dans leur ensemble pour une meilleure prise en compte des attentes du public avec des stratégies de mise en valeur qui doivent remettre au cœur de leurs choix des procédés tels que l’enquête à l’égard des visiteurs. L’objectif poursuivi s’appuie sur

134 Gomez de Blavia, Milgros, 1998, « Le musée, un médiateur », Museum International n° 200, Paris, Editions de l’Unesco, pp. 21-26

une meilleure intégration du visiteur qu’il soit touriste local ou étranger dans le déploiement des différents services qu’un site peut offrir.

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