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2.1.4.5 – La problématique de l’accès aux TIC ou les conditions d’une fracture numérique au Sénégal 

Au moment où l’université du savoir devient une réalité pour beaucoup de pays riches, à quelques exceptions près pour certaines personnes qui n’y ont pas beaucoup accès, le continent africain demeure le moins avancé dans le domaine des technologies de l’information et de la communication numérique.

En 2003, Adama Samassékou, Président du comité préparatoire du Sommet mondial de la société de l’information (SMSI), parlait d’exclusion de la Société de l’information de la plus grande partie de l’humanité, en relevant qu’il « est encore l’affaire du Nord, des grands

pays industrialisés, des riches. Avec 19% de la population mondiale, ils constituent 91% des utilisateurs d’Internet et 95,6% des serveurs Internet sont dans les pays de l’Organisation de coopération et de développement (d). »153 Si le fossé qui divise le Nord et le Sud n’est pas seulement économique comme le pensent certains, mais aussi social. Avec le développement des TIC et le haut débit, une nouvelle inégalité est apparue et se creuse de plus en plus : la fracture numérique.

Retraçant l’historique de la notion de fracture numérique, Alain Rallet et Fabrice Rochelandet remarquent que « le discours sur la fracture numérique remonte au début des

années 1990 avec la distinction entre les “inforiches“ (information have) et les “infopauvres“ (information have-not) […]. Le débat dans le domaine des télécommunications n’est pas nouveau puisqu’il plonge ses racines dans le problème du service universel ».154 La fracture numérique sous-entend l’inaccessibilité relative des TIC pour de larges couches de populations au Nord mais aussi et surtout au Sud. Pour l’Organisation de Coopération et de Développement Economiques (OCDE), « le terme

désigne l’écart existant entre les individus, les ménages, les entreprises et les zones géographiques, à différents niveaux socio-économiques, pour ce qui concerne tant leurs

      

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 SAMASSEKOU Adama.‐ Le sommet mondial sur la société de l’Information, premier pas vers une véritable  société  de  la  connaissance  et  des  savoirs  partagés,  Berlin,  Ifla,  2003,  p.  2    Disponible en  ligne  sur  : 

http://archive.ifla.org/IV/ifla69/papers/151f‐Samassekou.pdf   Consulté le 01.09.2010  154

 RALLET Alain, ROCHELANDET Fabrice.‐ La fracture numérique : une faille sans fondement,  Réseau, 2004,  vol. 22, n°127/128, p. 23 

possibilités d’accès aux technologies de l’information et des communications (TIC) que leur utilisation de l’Internet pour un éventail d’activités ».155

La mondialisation de l’économie et de l’information guidée par la libéralisation des marchés et les technologies de l’information et de la communication ont transformé les frontières traditionnelles entre les continents, les pays et les peuples du monde entier en passerelles, faisant du monde actuel une véritable société de l’information comme nous l’avons déjà estimé dans notre précédent chapitre. Les études menées par Jean François Soupizet montrent que « l’ensemble du continent ne représente que 0,5% de la bande mondiale et

cette proportion menaçait encore de se réduire ».156 Il importe alors de s’interroger sur les conséquences de la fracture numérique si on sait que la création de richesses provient de plus en plus de l’immatériel, de l’information, de l’intelligence et du savoir. Maleh Marakchi, Directeur des TIC en Tunisie constate que « 84% de la population mondiale vit

dans les pays du Sud alors que la contribution de cette population dans la production scientifique ne dépasse guère 10% du volume total. En Afrique, 1 citoyen est connecté sur 250 ».157 La production informationnelle de l’Afrique est encore très faible. Elle est estimée de nos jours à 0,4% des contenus du web mondial, et les internautes africains ne représentent que 1,5% du total des internautes de toute la planète. Mais malgré ces chiffres alarmants, on ne cesse d’évoquer l’accélération du développement du continent africain en ayant recours aux télécommunications qui constituent aujourd’hui une nouvelle chance pour propulser au mieux les domaines prioritaires du développement que sont l’éducation, la santé, le commerce, l’économie, ...

La création du « Document stratégique » considéré comme le calendrier numérique du continent africain par l’Initiative société africaine à l’ère de l’information (AISI) est le cadre d’action pour l’édification d’une infrastructure africaine de l’information et de la communication afin d’amener le numérique à contribuer de façon efficace au développement économique et social des pays africains.

       155 OCDE. Combler le fossé numérique : questions et politiques dans les pays membres de l’OCDE, oct. 2001,  pp. 7‐8  156  SOUPIZET Jean François.‐ La fracture numérique nord‐sud.‐ Paris : Éditions Économica, 2005, pp. 31‐32  157 MARRAKCHI Maleh.‐ Développement et technologie de l’information.  Forum 2005 de l’OCDE, p. 2 

Cependant, faire de l’émergence des TIC le sésame des pays pauvres, n’est pas une idée pragmatique pour Renaud De La Brosse, qui y voit une source d’aggravation du fossé Nord- Sud déjà existant. Renaud fait remarquer que « cette vision angélique des avantages prêtés à

ce nouveau moyen de communication et d’information –aux applications certes prometteuses- s’est très vite heurtée à la question de sa diffusion auprès de ses utilisateurs potentiels. De telle sorte que l’on a très tôt assisté, dans la production discursive, à un renversement de perspective. D’un outil qui allait servir et accélérer le développement ou, plus largement, le bien-être de tous, on allait vite s’inquiéter du risque encouru d’une aggravation irréversible des inégalités et des écarts encouru existant. Au point d’en oublier ou de négliger, parfois, l’existence des autres facteurs ou moyens traditionnels de développement et de progrès […] Tout le monde ne vit pas encore, loin s’en faut, à l’âge de l’information et de la communication. […] Quelle que soit l’échelle retenue, il semble aujourd’hui acquis que l’accès à internet et la maitrise de cet instrument conditionnent, en grande partie, et conditionnera sans doute de plus en plus, à l’avenir, l’intégration des individus au sein des réseaux éducatif, professionnel, associatif et autres ».158

Au Sénégal, la fracture numérique est une réalité sociale et ses facteurs discriminants sont multiples et variés. Parmi les plus importants nous noterons :

- La situation géographique : près 54,5% de la population vit dans le monde rural et dépend de l’agriculture qui ne cesse de régresser. À cela s’ajoute la faiblesse de l’offre d’énergie électrique malgré la création par le gouvernement de l’Agence sénégalaise d’électrification rurale (ASER) qui indique que 12,5% seulement des ménages ruraux ont accès à l’électricité. Or l’énergie est une ressource nécessaire pour l’accès et le fonctionnement des TIC, du moment que l’énergie solaire n’est pas encore suffisamment exploitée.

- Le contexte économique : Les TIC présentent un coût aussi bien du point de vue accès que du point usage. La population sénégalaise est constituée à 79% de ménages pauvres, ce qui montre que quatre sénégalais sur cinq peuvent être considérés comme pauvres. L’extrême pauvreté frappe 12% de la population. Dans ce contexte assez difficile, les

      

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 LA BROSSE Renaud De.‐  La démocratisation d’internet. Perception des enjeux et des risques associés au  fossé  numérique  mondial.  In  La  société  de  l’information :  entre  mythes  et  réalités.‐  Bruxelles :  Édition  Bruylant, 2005, pp. 261‐263 

populations donnent la priorité à la survie, c'est-à-dire à l’accès à l’eau potable et à la nourriture et à la santé.

- La condition logistique ou infrastructurelle : il est encore difficile de donner des chiffres fiables sur le nombre de machines qui sont au Sénégal. Mais, la cherté du matériel informatique et des licences de logiciels qui sont les outils de base freinent l’accès aux TIC, malgré les logiciels gratuits qui jouent un important rôle dans l’équilibre des usages. Un autre obstacle majeur non négligeable, est celui de l’énergie que nous avons déjà évoqué et dont l’énorme déficit constitue un handicap pour la fourniture en quantité suffisante d’électricité. Les délestages intempestifs ont un impact sur la sécurité de l’outil informatique, de l’accès à l’information, sachant qu’elle est aujourd’hui un pouvoir du fait des possibilités et des capacités décisionnelles qu’elle offre à ses détenteurs.

- Le facteur formation. Pour accéder aux TIC, le principal facteur reste à disposer de la compétence technique nécessaire pour les utiliser. La formation aux TIC est donc une exigence préalable. Le taux d’alphabétisation étant encore relativement bas, augmente le nombre de personnes numériquement analphabètes, surtout quand on sait que des milliers de villages restent encore sans écoles jusqu’ici et sans électricité.

- Le facteur contenu est, enfin, entres autres facteurs, très important du fait qu’il s’agit de l’information, du savoir qui est recherché à travers les outils de TIC. L’aptitude à rechercher de l’information, à la retrouver et à la comprendre, ou bien d’en produire fait appel à une formation ou à une initiation en informatique. Or les écoles de formation sont pour l’essentiel basées à Dakar, dans les capitales régionales et les grands départements. Le coût de la formation diplômante en cours de jour ou de soir reste très élevé.

Cette situation montre que le Sénégal pour le moment, ne peut participer de façon efficace au processus accéléré de la société de l’information qui est une préoccupation contemporaine mondiale malgré la qualité de l’investissement dans le domaine des technologies de l’information et de communication par l’État, pour relever le défi du 21e siècle et aussi résorber la fracture numérique.

2.2 - Naissance de l’enseignement supérieur au

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