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géographie du politique / pouvoir

Chapitre 4 : Pouvoir et politique, une nouvelle lecture du terroir

A) Politique et pouvoir, des notions utiles pour comprendre la gouvernance des espaces du vin

2) Pouvoir et espaces du vin, relations et interrelations

Le pouvoir s'affiche partout. Il structure les interrelations et les espaces. Mais tous les acteurs ne détiennent pas le même pouvoir et encore moins la même « quantité » de pouvoir. Ces différences constituent les enjeux du politique, elles permettent d'établir des liens entre les parties d'un système. Le système ne fonctionne même qu'uniquement par ces relations tendues ou ressenties : le pouvoir est donc le ciment des systèmes. Pourtant le pouvoir n'est pas identique selon les strates spatiales, ou du moins selon ses structures. « Appréhender le problème du

pouvoir en distinguant systématiquement différentes échelles spatiales, différents niveaux d'analyse permet d'éviter de confondre dans un même ensemble flou, dans une même ubiquité, des structures de pouvoir qui sont très différentes, tout en étant articulées les unes des autres »268. Toutefois, au niveau d'une même structure, il peut être différent. Tout dépend, comment est lue cette structure. L'exemple de l'interprofession de Bordeaux illustre bien le dualisme politique.

267 RAFFESTIN Cl., 1977, « Introduction des réponses aux questions de Michel Foucault », in Hérodote, n°6, p. 1-21

Cette structure représente à la fois les intérêts communs des négociants, des courtiers, des viticulteurs... En cela, elle représente un pouvoir qui se rapproche du lobby. Grâce à ce rassemblement des intérêts communs, le CIVB peut revendiquer auprès des instances compétentes le mécontentement des uns et des autres. Il est un acteur privilégié dans la structuration des espaces grâce à son pouvoir. Par exemple, il encadre les arrachages demandés par l'Union Européenne pour « défendre » les viticulteurs qui n'arrivent pas à se relever des méventes. Cependant, le CIVB a le pouvoir de contester cette décision, le pouvoir d'imposer cette décision, le pouvoir d'accompagner les autres acteurs, etc. Tous ces pouvoirs peuvent être contradictoires, mais forment à eux seuls le poids de cette instance. D'un côté, le CIVB offre la sécurité aux différents protagonistes des espaces du vin et de l'autre, il reprend les décisions non-voulues par une partie des acteurs qui le composent. Il a aussi le pouvoir de réguler les choix de l'interprofession grâce au conseil d'administration. Mais ce pouvoir partagé et « démocratique » est aussi un contre-pouvoir pour les acteurs qui n'adhèrent pas aux décisions choisies. Il est l'antre des contestations. Il est lieu de discussions, qui remontent vers les pouvoirs centraux. Il est donc un « fabriquant » de territoires paradoxaux. En effet, les espaces du vin à Bordeaux sont emprisonnés par les décisions de l'interprofession (qui se doit de suivre les décisions étatiques, européennes et mondiales) et en même temps ils dépendent de l'interprofession pour les contestations. Le CIVB représente donc un pouvoir interactionniste, un acteur politique omnipotent. Mais il n'est pas le seul acteur à détenir un pouvoir, puisque chaque acteur en possède.

Le pouvoir devient un facteur spatial du moment où les acteurs prennent conscience d'en avoir. Les institutions officielles comme le CIVB, l'INOQ, VINIFLHOR, le CRVA ou les syndicats jouent sur cela. Ils savent que tous les agents / acteurs n'ont pas forcément conscience qu'ils détiennent du pouvoir et qu'ils peuvent l'utiliser pour construire les espaces gouvernanciels qu'ils souhaitent sans se laisser duper par ces instances. Les espaces deviennent le support des rapports de pouvoirs des divers actants et s'auto-entretiennent par le jeu qui naît entre eux. Le pouvoir permet de construire des aires de contrôles. Grâce à ces zones visibles aussi bien par les acteurs endogènes et exogènes (comme les bassins de production, les appellations), les acteurs superposent leurs espaces d'actions, selon leurs propres territorialités. Un viticulteur a le pouvoir de produire un vin (soit de pays, soit d'appellation), qui lui donne l'autorisation d'adhérer ou non à un syndicat (avant la mise en place des ODG dont l'adhésion est obligatoire). Il construit aussi

les espaces-réseaux de ventes de ces produits en passant soit par de courtiers soit par des négociants soit par une vente directe au consommateur. Son pouvoir est pluriel. Les interférences permettent de tisser les liens, ils construisent des espaces réticulaires. La superposition donne lieu à un maillage qui englobe la totalité des espaces qui dépendent des décisions tournant autour du vin.

Document 16 : pouvoir et espace ; interrelations et liaisons

Le pouvoir conditionne le contexte spatial selon le jeu d'acteurs. Il est à l'origine des espaces de gouvernance légitimant ainsi les décisions quelle que soit l'échelle. L'exemple de quelques négociants obéissant à la logique internationale des consommations est parlant. Effectivement, ils choisissent par l'intermédiaire d'un pouvoir qu'ils détiennent par le fait d'acheter du vin, de le vendre et de donner une image du bordeaux sur les marchés de faire du vin « mondialisé », c'est-à-dire un vin aromatique offrant une simplicité organoleptique mais s'introduisant plus facilement sur les nouveaux marchés d'Asie ou d'Amérique. Ils transforment ainsi l'espace dit « terroir » local en un espace mondialisant. Leur action qui se veut légitime d'après eux. Elle s'insère pleinement dans une gouvernance internationale. Ils créent un territoire qui peut être qualifié de « hors-Bordelais » au niveau du vin produit sur un espace bordelais orienté vers

d'autres logiques, plus locales (vin d'assemblage...). Étant donné que le pouvoir n'est pas le même selon les acteurs, ils ne détruisent pas un système mais le modifient. Leur légitimé s'explique par leur pouvoir, qui se traduit par la capacité de construire des territoires nouveaux au sein d'espaces conventionnels.

Mais le pouvoir perçu comme élément interactionniste ne peut suffire à comprendre les liens entre les espaces et le pouvoir. Certains auteurs vont plus loin dans la définition du pouvoir et permettent donc de découvrir des liens indéniables entre espace et pouvoir.

B) Une géographie foucaldienne, comprendre les relations de pouvoirs au sein

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