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C) « L'avènement de la qualité » dans les écrits géographiques

Chapitre 2 : Interactionnisme des acteurs et complexité spatiale

A) L'acteur et le système « vin » , de l'interaction individuelle à l'interaction sociale

2) Les acteurs, petite mise en scène « entre amis »

Les acteurs évoluent selon les temporalités, selon le public, selon les intérêts qu'ils représentent. Ils interagissent, ils forment un système d'échanges complexe lié à des fonctions qui ne reflètent pas obligatoirement leurs positions ou leurs choix. Mais ils ont une capacité particulière : choisir leur partenaire... ou du moins faire croire (aux autres acteurs afin de détourner leurs actions) qu'ils peuvent choisir leurs interlocuteurs. L'acteur dans un système territorial n'a habituellement pas le choix, ou du moins le perçoit ainsi (cf les lignes précédentes du II) de ce chapitre). Dans le monde du vin, les viticulteurs essaient plusieurs courtiers, travaillent avec plusieurs d'entre eux... l'exclusivité n'est pas de mise. Ces courtiers se positionnent sur le marché par l'intermédiaire des négociants, les deux parties se choisissent mutuellement. Ils se connaissent tous... « Bordeaux est un microcosme, tout le monde se connaît,

tout le monde s'entretue par derrière, mais on fait croire que l'on ne voit rien »171. Ils composent

ensemble, se soutiennent face aux différentes politiques mises en place, ils jouent ensemble. Une action de l'un se répercute sur les autres, ils sont des « faiseurs d'interactions ». Le système se complexifie avec l'interaction des individus plurifacettes. Quelle facette intervient entre deux acteurs (et même plus) multicasquette ? Est-ce le négociant qui parle ou le producteur quand un viticulteur est les deux à la fois ? Il est possible de voir deux types d'interactions.

Tout d'abord, l'interaction passe par les discours. En effet, l'interaction ne se matérialise pas uniquement par des relations visibles entre différents individus. Elle s'effectue aussi par un moyen de communication, le discours. Ce dernier n'est pas réservé aux acteurs institutionnels,

170 HOYAUX A.-F, LAJARGE R., 2007, Ibid., p 6

tout acteur ou actant tient des discours. Le discours n'est pas seulement une didactique sur un thème bien précis, c'est aussi un échange de paroles en présence de plusieurs individus, ou du moins qui s'adressent à un public intéressé par les propos tenus. Les acteurs du monde du vin sont particulièrement attentifs à ce moyen de communication. Le discours constitue donc des interactions entre les différents intéressés. Cette interaction est invisible mais elle offre des échanges constructifs. Lorsque le discours provient d'un acteur représentant une institution, cette interaction s'inscrit dans un cadre strict, où les réponses (rétroactions dans un système d'interactions sémantique) possèdent un certain degré d'officialité. Ces discours appelés « légitimes » par les acteurs structurants (notamment ceux qui chapeautent les grandes institutions et organisations vitivinicoles) provoquent d'autres discours, plus ou moins officiels. Ils répondent aux premiers sans avoir obligatoirement une portée sur eux. Mais ils existent et ouvrent une brèche dans le système... Nombre de discours officiels offrent une illustration de ce processus. Par exemple, lors de son intronisation à la présidence du CIVB en juillet 2006, Alain Vironneau s'explique clairement sur le rôle des différents acteurs institutionnels. « S'agissant de

la concrétisation possible de ces suggestions, tout comme d'ailleurs de celle des profondes réformes en cours sur les sujets tels que l'appellation d'origine, la réforme de l'agrément ou la mise en place d'une organisation basée sur les bassins de production, je rappellerai que les professionnels devront les intégrer et l'Etat devra y apporter la touche finale [...]. Il faut savoir que ceux qui nous regardent de l'extérieur, et souvent nous critiquent, n'oublient pas que nous ne sommes pas les décideurs. Il y a l'Etat, je l'ai déjà dit, il y a aussi l'Union Européenne [...]. On ne peut pas accepter que l'Europe n'ait pas une volonté clairement affirmée de compétitivité et ne se donne pas les moyens d'une politique conquérante. C'est pourquoi je souhaite voir se créer et s'affirmer, tant au niveau de nos syndicats que de l'interprofession, viticulteurs et négociants étroitement solidaires, mais également au sein de nos structures professionnelles et interprofessionnelles nationales, des équipes cohérentes, soudées, volontaires [...]. Le CIVB est

une entreprise, une grande entreprise. Il doit être géré comme tel »172. Ce discours est accueilli

avec une certaine « joie » de la part des producteurs. Il n'est pas question d'analyser ici ce discours, mais les effets induits. Pendant les enquêtes de terrain réalisées après ce discours, les acteurs rencontrés et notamment les viticulteurs n'hésitaient pas à avouer une certaine confiance envers ce nouveau président. Ce discours créa d'autres discours, officiels (le cabinet de Marianne Fischer-Boel se déplaça dans le Bordelais dans les mois suivants) et officieux (les « discours de bistrots » entre les agents du monde du vin, pensant avoir trouvé un chef qui les défendrait face à une Europe perçue comme dévastatrice173...). Les discours construisent d'autres discours, et ainsi

172 Discours retranscrit dans L'Union Girondine d'août 2006

de suite...

La deuxième catégorie d'interactions se traduit par la visibilité. Pour être acteur, il faut être vu. Cette visibilité constitue une interaction entre les différentes parties d'un système lié au vin. Pour être vu (et entendu), il faut un auditoire (conquis ou non). Cette visibilité passe par des discours, mais pas seulement. La présence des principaux acteurs dans différents lieux fabrique de l'interaction entre eux. C'est la fameuse co-présence de Goffmann. La visibilité ne doit pas être lue uniquement à travers des relations des êtres purement matériels. Les institutions jouent aussi sur ce créneau, elles doivent être vues par le plus grand nombre, montrer qu'elles sont présentes et à l'écoute des autres. Les échanges ne passent pas qu'à travers des mots mais aussi par des relations moins substantielles. La visibilité ne se réduit pas à être vue et entendue, elle est aussi une possibilité d'un objet de se manifester aux sens et à l'esprit. Être présent... tout simplement. Elle passe aussi bien par le produit que par l'image. L'un ne va pas sans l'autre. L'acteur est donc un être visible, perçu par les différents éléments d'un système territorialisé. Ce sont des relations complexes qui s'installent entre les différentes parties. Les unes savent que les autres les connaissent, les observent attentivement, et réciproquement.

Les interrelations entre les acteurs se résument alors à un schéma sagittal classique.

Document 7 : visibilité, discours et autres interactions actorielles

marchés.

Les interactions entre les différents acteurs sont nombreuses et ne se limitent pas aux deux catégories proposées. Mais ce sont les plus structurantes. Cependant ces interrelations doivent être analysées aussi à travers les boucles de rétroactions. Comment évolue le système d'action territorialisé face aux différentes positions des acteurs ?

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