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C) « L'avènement de la qualité » dans les écrits géographiques

Chapitre 2 : Interactionnisme des acteurs et complexité spatiale

C) Gouvernance et géosystème vitivinicole

2) Gouvernance et système vin en Nouvelle-Zélande

La Nouvelle-Zélande est un producteur émergent au niveau mondial pour les vins. Les espaces vitivinicoles de ce pays se positionnent de plus en plus sur les marchés internationaux. La superficie totale du vignoble représente 8 200 ha. En termes de production, la région de Marlborough est la plus importante, avec 19 585 tonnes, suivie de près par les régions de Gisborne et Hawke's Bay, avec respectivement 18 172 et 16 533 tonnes. Des deux îles, l’Ile du Nord produit 63%, alors que l’Ile du Sud produit 37% du vin247. Ces informations confirment que le vignoble néo-zélandais est encore confidentiel mais est reconnu pour produire des vins recherchés sur le marché très fermé des grands amateurs des sauvignons blancs et des vins d'assemblage des pays anglo-saxons. Alors pourquoi comparer la gouvernance d'une région européenne largement ancrée sur le vin et une zone où le vin reste une ressource secondaire (même si localement il est la source d'un STP). En réalité, ce sont les deux seuls vignobles étudiés par une entrée « gouvernance ». Deux approches qui diffèrent et se complètent248 en même temps.

246 Il faut tout de même préciser que les vignobles bordelais ont toujours eu une dimension internationale, mais ils se voulaient différents jouant la carte de la typicité. Aujourd'hui, ils sont séduits par les stratégies des vignobles d'autres catégories comme ceux des « Nouveaux Pays ».

247 Informations du WINZ (l'Institut du vin de Nouvelle Nouvelle-Zélande) recueilli sur Wikipédia le 31 mars 2008

La référence géographique de cette gouvernance des vignobles de ce pays nouvellement vinificateur (début XIXe siècle) est un article collectif de 2002 pour la revue Progress in Human Geography249. Les auteurs commencent par justifier leur approche géographique en la cadrant dans un champ épistémologique. Ils orientent leur recherche vers trois grands courants des sciences sociales, l'économie institutionnelle, les études rurales et l'économie politique. Ils articulent leur positionnement heuristique autour de trois types de gouvernance : entrepreneuriale, territoriale et réglementaire. Ces trois entrées mettent en place une analyse géographique (non pas à la française, mais dans la plus pure des « traditions » anglosaxonnes).

Littérature Discipline Point

d’entrée Agence Procédé de traitement Sphère de gouvernance Sciences économique s modernes des institutions Sciences économiqu es Frontièr es de l’entrepr ise Entrepr

ise Commerce Entreprise

Epaisseur institutionn elle Etudes rurales Instituti ons sociales locales Person nes sur place Reproducti on socio-spatiale Territoriale Approche de la régulation Economie politique Ordre macro social

L’Etat Politique Réglementaire

Tableau n° 5 : La gouvernance vue par les géographes anglosaxons (source : article de LEWIS N, MORAN W, BARKER J, 2002)

Chaque sphère de la gouvernance est séparée des autres, ce qui n'offre pas véritablement une analyse globale de ce concept. En revanche, ce découpage a l'avantage de montrer l'importance des différents acteurs qui entrent en scène dans les nouvelles formes de gouvernance, ainsi que les différents échelons possibles. Les auteurs débouchent alors sur une analyse de la gouvernance des espaces du vins de Nouvelle-Zélande. La gouvernance de la filière vitivinicole néo-zélandaise affiche un jeu plus clair que celle des vignobles du Sud-ouest de la France. En effet, tous les membres (du cultivateur au distributeur en incluant celui qui fait des recherches sur le vin) entretiennent des relations quotidiennes250 tout au long de la chaîne de production. Ces

249 LEWIS N, MORAN W, BARKER J., 2002, « Territorialité, entreprise et réglementation dans la gouvernance industrielle : vers un ordre industriel », in Progress in human geography, vol 26, pp. 433 – 462

relations se développent à la fois au sein des petites et des grandes entreprises et une certaine passion pour le vin permet le transfert d’un savoir sophistiqué au sein de réseaux d’associations. « La récente expansion rapide de cette industrie a permis aux différentes entreprises d’avancer à

la même vitesse, tout en éliminant des tensions liées à la concurrence et en encourageant le sens de la propriété collective. Pour ses membres, pour les media et le gouvernement, l’industrie

viticole produit des vins particuliers, de qualité et largement destinés à l’exportation »251. Le

contexte actuel d'engouement pour le vin donne des allures disproportionnées aux mesures prises par le gouvernement. Le WINZ (institut du vin de Nouvelle-Zélande) organise des groupements d'intérêts pour les industriels et autres responsables de l'économie vitivinicole. Une marque « vin de Nouvelle-Zélande » vient de voir le jour grâce à ce lobby puissant au niveau du pays et même à l'échelon international. Le fonctionnement de ce secteur d'activités concerne aussi bien le viticulteur que les industriels, fabriquant ainsi du territoire à diverses échelles. « La relation

qualité, confiance, intégration locale et lieu géographique est fondamentalement intégrée dans les caractéristiques du commerce mondial, la distribution internationale des revenus, le développement capitaliste, ainsi que la consommation d’images du local. Il ne s’est pas établi en opposition à l’économie mondiale. C’est plutôt une identité unificatrice »252. Mais cette harmonisation entre les différents acteurs (de la simple exploitation familiale au complexe industriel) cache une émergence d’une force concurrentielle dans les relations de pouvoir « qui

guident leurs interrelations et abusent de la subjectivité des cultivateurs ». La gouvernance de

ces espaces relève bien encore de l'existence de conflits d'intérêts, mais tente quand même de donner du « pouvoir » à tous les acteurs, quel que soit l'échelle de lecture.

Gouvernance, voilà un terme de plus en plus utilisé et utile pour les sciences sociales. Longtemps laissé aux discours politiques (et souvent connoté à un courant tatchérien), il peut devenir un véritable concept. Il offre une lecture renouvelée des objets « classiques » de la géographie économique et politique. Mais cette notion est encore galvaudée par un grand nombre d'utilisateurs. Les journalistes, les politiciens ne lui font pas forcément honneur. Il est vrai que ce terme est complexe, qu'il peut aussi cacher beaucoup de biais pour l'utiliser en sciences sociales. Mais s'il est pris avec précautions, il est un instrument fort intéressant à manier. La gouvernance implique une lecture systémique alliant plusieurs « sphères » décisionnelles. Les différents secteurs d'activités, longtemps étudiés par les géographes, les constructions territoriales, les obligations technocratiques, sont enfin regroupés en un seul objet : la gouvernance. W. Moran la conçoit comme un géosystème circulaire (document 14). Au sein de cet ensemble, se dessinent

251 LEWIS N, MORAN W, BARKER J., 2002, Ibid,

des sous-catégories qui structurent et fabriquent des territoires, comme les entreprises, les individus, les sociétés, l'environnement (au sens large du terme), les stratégies de régulations, les politiques publiques, les intérêts des entreprises.... Tous ces acteurs sont présents dans l'organisation gouvernancielle à différents degrés, selon le contexte, la situation et les intérêts collectifs des actions. Ces grands « découpages » se subdivisent encore en « sous-sous-catégories » comme le marché, les industries, les familles, les associations, les localismes... qui sont finalement toutes les anciennes catégories du structuralisme. Toutes ces divisions n'ont de sens que dans un système où elles interagissent entre elles. Le monde contemporain ne peut plus être lu en tronçons structurels, il est par essence systémique.

Document 14 : les géosystème gouvernance vu par W. Moran

La gouvernance n'est pas étudiée ici pour elle-même, elle n'est qu'un support d'analyse pour comprendre au mieux les espaces du vins dans le Sud-ouest de la France. La gouvernance est bien le support de la gestion des décisions, mettant en scène les acteurs, ces êtres géographiques qui sont le fondement des territoires. Elle est l'arène du pouvoir, un pouvoir non pas manichéen, mais un pouvoir shakespearien. La gouvernance est donc un système spatialisé qui trouve ses origines dans le territoire.

La gouvernance peut être lue comme un géosystème politico-social basé sur des intérêts communs à des acteurs jouant sur le même espace, lui donnant ainsi un statut de territoire. La gouvernance n'est pas une formule magique sortie de nulle part, ou de la simple imagination des politilogues ou des géographes. Elle répond à une nouvelle gestion de plus en plus complexe incluant plus d'acteurs. Ces derniers sont la charnière entre l'espace et son fonctionnement organisationnel. Ils construisent cette gouvernance par le biais des actions (intentionnelles, conscientes, contradictoires ou non, corporatrices ou non, etc.). L'implication des acteurs change donc selon les espaces, les activités concernés.

Le document 15 (ci-dessous) met en avant les liens entre les différents éléments exposés lors des pages précédentes, comme l'interaction, les systèmes d'action ou la gouvernance. Le postulat de base est simple : la lecture géographique des espaces du vin peut être multiple, les représentations et les contextes épistémologiques dictent les différentes approches choisies. La construction heuristique naît de ces choix. À partir de ces positions, les vignobles et les espaces qui en découlent sont envisagés comme des constructions socio-spatiales. L'intervention des acteurs (institutionnels, individuels, collectifs, symboliques) transforment ces espaces (devenus territoires grâce aux actions menées) qui s'apparente alors à l'arène d'une gouvernance. Elle se définit donc dans les intentions de gestion des espaces du vin par les hommes, ayant un pouvoir de décision, officiel ou non.

Une lecture politique s'instaure et paraît même inévitable. Les relations de pouvoirs forment le coeur de cette gouvernance. Le géosystème politico-spatial constitué par les systèmes d'action territorialisés offre une nouvelle lecture possible, en introduisant une notion trop souvent délaissée par les géographes depuis deux décennies, le pouvoir. Il s'agît donc de redécouvrir l'importance des relations de « force » ou plutôt de complémentarités qui fabriquent des dimensions territoriales sur des espaces de gouvernance. Les terroirs (lus comme construction humaine) ne sont-ils pas justement des espaces gouvernanciels basés sur des relations de pouvoirs ? Pour tenter de répondre à ce questionnement, il est utile de redessiner les contours d'une géosystémie du couple politique/pouvoir.

Document 15 : Relations et interrelations des objets géographiques « espaces du vin, acteurs et gouvernance »

Livre 2 :

Géosystème de la gouvernance

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