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C) « L'avènement de la qualité » dans les écrits géographiques

Chapitre 2 : Interactionnisme des acteurs et complexité spatiale

A) Les acteurs attendus, casting des personnages principaux

2) Les grandes institutions, des acteurs de premier plan

Les viticulteurs et les négociants se retrouvent autour des mêmes projets. Les décisions doivent donc être prises ensemble pour un meilleur fonctionnement, pour une recherche consensuelle à visée fonctionnaliste. Ils se réunissent grâce à une interprofession, matérialisée par le CIVB pour les acteurs du Bordelais. Le CIVB (comité interprofessionnel du vin de Bordeaux) est créé par l'Etat en 1945. Toutes les régions AOC françaises possèdent un organisme interprofessionnel. C'est finalement la boîte à outils des vignobles qui mettent en valeur les missions économiques, technologiques et promotionnelles. Le CIVB apparaît aussi comme un outil juridique. Il officialise les accords de l'interprofession proposés par la filière. L'Etat les étend et les rend obligatoire pour tous, comme par exemple les cotisations, les accords sur les délais de paiements, les organismes de contrôle. Un des principaux avantages est la bonne santé du développement agricole par les mécaniques de l'interprofession puisque les représentants sont proposés par les syndicats, puis la préfecture donne son accord108. Le CIVB a une cinquantaine de représentants. Le directeur est choisi par les professionnels mais est accepté par l'Etat. Dans le bureau, les représentants de l'Etat sont présents. Il existe en Europe le même type d'organisation que ce soit en Italie, au Portugal ou en Espagne. Ce n'est pas un syndicat même si le CIVB en provient. Effectivement la mise en place de l'interprofession a été laborieuse. Une première institution naît entre les viticulteurs et les négociants en 1922 : l'Union de la propriété et du commerce. Elle organise la lutte contre la fraude et a une mission de « propagande » (c'est le terme utilisé à l'époque) de tous les vins du bordelais.

Dans les années 30, le conseil général crée à partir de l'Union de la propriété et du commerce, le comité départemental du vin de Bordeaux. Il allie producteurs, négoce et élus politiques (6 sur 18 membres au total). Toutefois, ce comité est trop proche du pouvoir politique, les viticulteurs et les négociants souhaitent plus d'indépendance. Ils créent le 22 février 1945 le CIVB. C'est au départ un conseil devant représenter les différents acteurs de l'interprofession aux instances nationales et faire la « propagande » des vins de Bordeaux109.

Le CIVB est à l'époque, sous la tutelle du ministère de l'agriculture et son statut s'assimile à un établissement privé d'intérêt public, c'est-à-dire que les personnes y travaillant ne sont pas des fonctionnaires mais travaillent pour l'intérêt public. Ce mélange des « genres » provoque nombre de confusions pour les viticulteurs car ils ne savent pas si c'est un organisme qui représente l'État ou qui les représente. Dans les années 1970, les statuts changent. Le CIVB devient un conseil ayant des capacités d'intervention qui se matérialisent par le droit de prélever une taxe interprofessionnelle à partir de 1977. Aujourd'hui le CIVB a pour mission la régulation économique, le contrôle de la qualité et la promotion des vins. Le budget du CIVB provient des cotisations versées par les 12 000 viticulteurs et 400 négociants bordelais qu'il représente. Le président est alternativement élu pour deux ans dans la famille de la viticulture ou du négoce. Il demeure l'acteur institutionnel principal à Bordeaux et influence même les petits vignobles voisins comme le Bergeracois et le Jurançon. Pour les 13 appellations bergeracoises, un comité interprofessionnel des vins de la région de Bergerac (CIVRB) a été créé sur le modèle du CIVB. Il fonctionne de la même façon. Mais les interprofessions ne sont pas les seules institutions qui régulent les vignobles du Sud Ouest.

L'INAO est, également, un élément majeur pour la gestion des espaces du vin. Il régit les appellations d'origine contrôlée. Certes, il ne concerne, alors, que les espaces sous appellations, mais le Sud-ouest comprend essentiellement des vignobles dits de qualité (ce qui suppose pour l'instant d'être sous la tutelle de l'INAO), hormis les tous petits vignobles du Lot-et-Garonne, des Landes et du Béarn (non étudiés). Cependant, il existe quand même des parcelles de vignes sans appellation(s), notamment pour le vin de pays de l'Atlantique110. L'INAO est un institut administratif public doté d'une personnalité civile, sous la tutelle du ministère de l'agriculture. Il connaît actuellement des réformes aussi bien au niveau de la forme que du fond (changements

109 COSTA O, De MAILLARD J, SMITH A., 2007, Vin et politique, Bordeaux, la France, la mondialisation, Paris, Sciences Po, Gouvernances, p.153

dus à la nouvelle LOA de janvier 2006). Il est chargé de la mise en œuvre de la politique française relative aux produits sous signes officiels d'identification de l'origine et de la qualité : appellation d'origine, IGP, label rouge, Spécialités Traditionnelle Garantie et agriculture biologique111.

Tous les acteurs de la filière vin continuent à l'appeler INAO. Mais en réalité, il est devenu (depuis l'ordonnance n°2006-1547 du 7 décembre 2006) l'Institut National des Origines et des Qualités. Son autonomie est garantie par un budget de 20 millions d'euro. Son organisation interne complexe s'articule autour de quatre grands comités nationaux (un pour les produits laitiers, un pour les IGP, label rouge et STG, un pour l'agriculture biologique et bien sûr un pour les vins, les eaux de vie et les boissons alcoolisées). Chacun d'entre eux se décline en centres régionaux. Pour le comité qui gouverne le vin, douze centres sont en place pour l'instant. Ces comités régionaux constituent les CRINAO. Celui intitulé « Sud Ouest » regroupe les appellations de Gironde, de Dordogne et du Lot-et-Garonne. Le CRINAO qui s'occupe de l'appellation Jurançon s'appelle Midi-Pyrénées et se situe à Toulouse. Cette implantation spatiale explique en partie les problèmes de lisibilité entre les différents instruments de pouvoirs (notamment avec les bassins, cf les chapitres 5 et 6). Ses fonctions évoluent. L'INAO (l'INOQ) abandonne un grand nombre de responsabilités, notamment le contrôle des appellations. Il devient un peu plus un acteur administratif, validant les plans de contrôle que les syndicats viticoles (les Organismes de Défense et de Gestion depuis la LOA de 2006) mettent en place. Ces bouleversements feront l'objet de longs développements, il ne s'agit ici que de présenter les acteurs.

Tous les vins ne sont pas issus des vignobles AOC. Les vins de table et de pays complètent la liste des produits vinicoles proposés aux consommateurs. C'est Viniflhor qui gère les filières de ces deux catégories de vins. Viniflhor est crée en décembre 2005. Il naît de la fusion entre l'Onivins (office national des interprofessions des vins, créé en 1983) et Oniflhor (office national des interprofessions des fruits, des légumes et des produits horticoles). Viniflhor se charge de maîtriser les potentiels de production, les surfaces de plantation, la régulation du marché pour les

111 http://www.inao.gouv.fr/public, confirmé par un entretien avec un agent INAO, anonymat souhaité, le 25 janvier 2008 à Bordeaux

vins qui ne sont pas sous appellations d'origine contrôlée. Il demeure le lieu de discussion entre les producteurs, les acteurs de la filière et les pouvoirs publics. Il est régionalisé (la France est découpée en huit grandes régions). Il équivaut à l'INOQ pour les vins de table et de pays. Le siège de Viniflhor du Sud Ouest est à Libourne, et non à Bordeaux, une façon de le démarquer de l'autre pan public des vins, son confrère INOQ.

D'autres organismes qui jouent un rôle majeur doivent être présentés comme les syndicats qui se substituent aux Organismes de Défense et de gestion. Ils structurent la vie locale des producteurs, en imposant les règles de production selon un cahier des charges bien précis. Ils confient le contrôle du respect des obligations pour l'appellation aux organismes de contrôle ou des organismes d'agrément, qui sont des organismes privés. L'Etat se décharge un peu plus de ses fonctions en privatisant les pouvoirs régaliens qu'il avait pour le vin. La liste des institutions pourrait être bien plus longue, mais l'exhaustivité n'est pas souhaitée, elle rendrait l'exercice rébarbatif... Les institutions non présentées immédiatement seront développées au fur et à mesure qu'elles apparaîtront au cours des pages suivantes.

Cependant, il paraît inévitable de faire allusion à une catégorie d'acteurs incontournables dans le monde du vin : les consommateurs. Mais leurs profils sont tellement vastes et incertains, qu'il est impossible d'en proposer un tableau pertinent. Les sociologues, les marketing-makers en ont une vague idée, pas assez complète. Ils dépendent de l'offre, même s'ils créent la demande. Ils sont de plus en plus hétérogènes. Jeunes, vieux, hommes, femmes, riches ou pauvres, ils sont tous susceptibles de boire du vin. Leurs habitudes changent depuis des décennies. Certes, les buveurs de « gros rouge qui tache » sont de moins en moins nombreux, au profit des amateurs des vins plus personnalisés. Mais l'incertitude de fidélisation à un type de vin est la nouvelle donne. Même les grandes enquêtes effectuées par les grands groupes vitivinicoles 112 n'arrivent pas à les cadrer précisément.

Les premiers acteurs garantissent une certaine réussite, mais ne sont pas les seuls à intervenir. D'autres acteurs interviennent dans la gestion des espaces du vin, moins cruciaux mais utiles quand même puisqu'ils permettent de combler des vides, des vides qui provoqueraient un dérèglement du monde du vin.

112 Castel organise des enquêtes sociologiques tous les deux ans. Les résultats différent à chaque fois. (source : entretien téléphonique avec un responsable communication du groupe). Pernaud est dans le même cas (cf les entretiens que le groupe accorde dans les revues spécialisées).

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