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Chapitre 5 – Méthodologie et corpus de données

5.2 Les étapes de la recherche

5.2.1 Phase 1 : La collecte des données

La collecte de données débute par la constitution du corpus de recherche. Dans ce mémoire, le corpus est constitué des politiques pénales érigées, modifiées ou abrogées par le gouvernement Harper. Par conséquent, il importe de rappeler que l’ère Harper fut marquée par une hausse importante des politiques en matière pénale. Il s’avère toutefois plutôt difficile, à l’aide des écrits, de chiffrer précisément le nombre de politiques pénales qui furent ratifiées par le gouvernement Harper, et ce, pour trois raisons. D’abord, comme il a été mentionné, il subsiste, dans les écrits, une certaine confusion quant à la différence entre les politiques de nature pénale et celles qui sont de nature criminelle, confusion qui peut engendrer des biais dans les diverses recensions. Par la suite, certaines politiques pénales ont été introduites au Parlement par le gouvernement Harper et sont mortes au feuilleton, mais furent par la suite récupérées et condensées dans des lois omnibus (Sauvageau, 2012). Dans certaines recensions, les lois omnibus sont parfois considérées comme une politique unique et, à d’autres occasions, elles sont comptabilisées comme plusieurs politiques. Finalement, les auteurs qui ont recensé les politiques pénales du gouvernement Harper n’ont pas systématiquement inclus les projets déposés par un membre du Sénat siégeant au caucus conservateur, ce qui peut créer des dissimilitudes entre les diverses recensions (Doob, 2012). Pour se soustraire à ces possibles biais, une recension des politiques pénales adoptées par le gouvernement de Stephen Harper a été effectuée dans ce mémoire. Les politiques pénales ont été extraites grâce à l’outil de recherche LEGISinfo, un outil qui donne accès, par voie électronique, à de nombreux renseignements sur les multiples activités se déroulant au Parlement du Canada. La recension des politiques pénales adoptées par le gouvernement Harper a été réalisée à l’aide des critères ci-dessous. Il faut noter que ces critères ne sont pas nécessairement exclusifs. Ainsi, dans le cas d’un projet de loi correspondant simultanément aux critères d’inclusion et d’exclusion privilégiés, le projet n’a pas été incorporé au corpus. Autrement dit, les critères d’exclusion ont eu préséance dans la mesure où il s’agit de critères restrictifs qui permettent d’exclure les politiques relatives à la justice pénale ne s’avérant pas pertinentes pour la présente étude.

5.2.1.1 Critères d’inclusion et d’exclusion

Le premier critère d’inclusion est qu’il doit s’agir d’une politique de nature pénale. Ce critère a été sélectionné dans la mesure où les politiques pénales ont été désignées comme l’objet d’étude de ce mémoire93. Le second critère d’inclusion est qu’il doit s’agir d’une politique pénale ayant été déposée par un élu conservateur ou un sénateur siégeant au caucus conservateur et qui a obtenu une sanction royale. Deux raisons sous-tendent l’utilisation d’un tel critère. En premier lieu, j’ai choisi d’inclure les politiques qui ont été déposées non seulement par les élus conservateurs, mais également par les sénateurs siégeant au caucus conservateur, dans la mesure où Stephen Harper a nommé des sénateurs à partir de critères partisans (Michaud, 2011) et détenait, selon certains, un pouvoir absolu sur son caucus (Turner, 2008). La vraisemblable mainmise de Stephen Harper sur son caucus laisse présumer que les politiques pénales conservatrices déposées au Sénat et à la Chambre des communes étaient susceptibles d’être fondées sur la base des mêmes idéaux. En second lieu, j’ai choisi d’inclure seulement les politiques pénales ayant obtenu une sanction royale puisque les projets de loi qui sont morts au feuilleton, dans les lectures préliminaires, n’ont peut-être pas toujours généré des débats assez profonds pour être analysés ou ont parfois été récupérés dans des lois omnibus.

À l’inverse, les politiques de nature pénale reliées à des changements administratifs (ex. nomination des juges, salaires des employés, etc.) sont exclues de l’échantillonnage de ce mémoire. Ce critère d’exclusion a été instauré dans la mesure où ces politiques n’apparaissent pas de facto inspirées d’une idéologie conservatrice répressive, elles sont plutôt rattachées au fonctionnement et au déroulement quotidien de la justice pénale. Il importe de noter que les changements administratifs n’incluent pas, dans la présente recension, les questions reliées aux procédures policières et judiciaires. Le choix de ce critère se base sur la présupposition qu’un gouvernement pourrait, à des fins populistes, changer les lois pour faciliter les fouilles, perquisitions et écoutes en invoquant la nécessité de circonscrire les droits individuels au nom du renforcement de la sécurité. De surcroît, les politiques reliées exclusivement au terrorisme en sol étranger sont aussi exclues de l’échantillonnage de ce mémoire. Ce critère d’exclusion a été instauré à l’endroit des politiques concernant le terrorisme international 94 puisqu’il s’agit de politiques complexes faisant parfois appel à diverses juridictions internationales. Une analyse fine de telles lois aurait excédé les exigences académiques du mémoire de maîtrise.

93 Pour plus de détails concernant le choix de cet objet d’étude, voir les sections 1.3 et 1.4 du mémoire. 94 Les projets de loi traitant du terrorisme en sol canadien ont toutefois été inclus puisqu’une activité terroriste

perpétrée en sol canadien est punissable, par l’entremise du Code criminel, au même titre que les autres infractions pénales.

Sur la base des critères d’inclusion et d’exclusion ci-dessus, 59 politiques pénales adoptées par le gouvernement Harper furent recensées. Pour des raisons évidentes, il est invraisemblable d’analyser qualitativement l’ensemble de ces politiques dans le cadre d’un mémoire exploratoire. Ainsi, il est question dans la prochaine section, d’expliciter les choix qui ont sous-tendu l’échantillon de ce mémoire. Or, avant d’expliquer et de présenter la sélection des politiques pénales retenues dans mon échantillonnage, il est primordial de mentionner que pour ce mémoire le matériel d’analyse est constitué des trois types de documentation, soit les projets de loi et les résumés législatifs95 corrélatifs ainsi que les débats parlementaires ayant présidé lesdits projets de loi. Notons qu’il s’agit de sources primaires puisqu’elles sont puisées dans des archives publiques.

5.2.1.2 L’échantillonnage : Les projets de loi retenus et les résumés législatifs corrélatifs

Toute recherche est inévitablement imprégnée de certaines limites balisant l’échantillonnage. Pour ce mémoire, deux principaux motifs viennent justifier la composition de l’échantillon final, soit les visées finales de l’étude et l’ampleur de la documentation. En ce qui a trait aux visées finales, je pars du présupposé que les idéaux et les argumentations populistes les plus éloquents et les mieux argumentés se retrouvent dans les politiques pénales ayant engendré les changements les plus significatifs au niveau des pratiques pénales. Ainsi, je me suis inspiré de nombreux spécialistes qui ont étudié les politiques pénales du gouvernement Harper, tels que Sauvageau (2012), Doob (2012), Comack, Fabre et Burgher (2015), Mallea (2015) et Doob et Webster (2016), pour repérer les politiques pénales harperiennes ayant le plus transformé l’univers pénal canadien. Après avoir dressé la liste de ces politiques, l’ampleur de chacune d’entre elles fut évaluée afin d’estimer un nombre de politiques à analyser qui ne semble pas, à priori, disproportionné pour un mémoire de maîtrise. À la lumière de ces considérations, trois projets de loi furent retenus, soit les projets de loi C-2, C-10 et C- 59. Ces trois projets de loi sont décrits succinctement ci-dessous.

1) Le projet de loi C-2 : Loi modifiant le Code criminel et d’autres lois en conséquence, dont le titre abrégé est « Loi sur la lutte contre les crimes violents », regroupe cinq projets de loi préalablement morts au feuilleton. La version finale qui fut sanctionnée le 28 février 2008 contient un total de 56 pages. Le résumé législatif corrélatif à ce projet de loi contient, quant à lui, 77 pages.

95 Non sans importance, les résumés législatifs contiennent généralement beaucoup d’éléments de

2) Le projet de loi C-10 : Loi édictant la Loi sur la justice pour les victimes d’actes de terrorisme et modifiant la Loi sur l’immunité des États, le Code criminel, la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés et d’autres lois, dont le titre abrégé est « Loi sur la sécurité des rues et des communautés », est une loi omnibus regroupant neuf projets de loi qui avaient été déposés séparément et qui étaient éventuellement morts au feuilleton. La version finale qui fut sanctionnée le 14 mars 2012 comporte un total de 114 pages, tandis que le résumé législatif relié à ce projet de loi est d’une longueur de 171 pages.

3) Le projet de loi C-59 : Loi modifiant la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition et apportant des modifications corrélatives à d’autres lois, dont le titre abrégé est « Loi sur l’abolition de la libération anticipée des criminels ». Sanctionnée le 23 mars 2011, cette loi comporte un total de 12 pages. Le résumé législatif relatif à ladite loi est, quant à lui, composé de 18 pages.

5.2.1.3 Les débats parlementaires

Le dernier type de documentation retenu pour les examens entrepris dans ce mémoire sont les débats parlementaires. Ces débats représentent le cœur de la documentation étudiée puisque la grande partie de la rhétorique populiste, le cas échéant, ne se retrouve pas dans les dispositions écrites des projets de loi, mais bien dans les argumentaires justifiant la mise en place, ou non, de telles modifications législatives. Concernant l’étude desdits débats parlementaires, les débats relatifs aux première, deuxième et troisième lectures des trois projets de loi sélectionnés furent analysés. Les débats relatifs aux études, par la Chambre des communes, des rapports de comités furent également étudiés. Ces études sont des débats qui se déroulent entre les deuxième et troisième lectures d’un projet de loi. Or, pour une question d’économie générale, je n’ai analysé que les débats relatifs à l’étude des rapports et non les débats tenus dans les divers comités parlementaires (ex. Comité permanent de la justice et des droits de la personne) qui ont comme objectif de rédiger ces rapports. Ces débats ont été exclus puisque ces comités ont comme mandat principal de tenir des réunions publiques, d’examiner les témoignages d’experts et de témoins ainsi que de passer en revue des présentations écrites et autres documents (Parlement du Canada, 2018). En ce sens, les débats tenus dans les comités parlementaires ne sont pas des débats dans lesquels les députés conservateurs vont présenter des argumentaires pour promouvoir leurs changements législatifs.

Les débats ayant eu cours au Sénat et dans les comités sénatoriaux furent également exclus de cette recherche puisqu’une lecture succincte de plusieurs de ces débats laisse envisager que ceux-ci n’engendrèrent pas de nouveaux arguments populistes au sein du Parti conservateur. D’ailleurs, l’inclusion de ces débats aurait possiblement surchargé le corpus de plusieurs centaines de pages de verbatim, ce qui aurait diminué, par conséquent, la profondeur de l’analyse effectuée sur les autres données. Après avoir retiré les échanges strictement reliés aux procédures parlementaires,telles que la mise aux voix qui requiert que les députés soient nommés tours à tour, le corpus analytique des débats de la Chambre des communes comporte 793 pages.

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