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La parité, une question domestique

Dans le document Espagne : Belgique France (Page 149-159)

CHAPITRE 3 | POLITIQUE INTERNATIONALE DE L’IDÉE D’OUVRIR LE MARIAGE CIVIL

2. La revendication de la démocratie paritaire : un autre exemple d’interaction

2.1. La parité, une question domestique

Au niveau académique, la question de l’amélioration de la représentation politique des femmes a été la plupart du temps présentée comme une question domestique, ce qui reflète notamment le caractère histo-riquement stato-national des droits de vote et d’éligibilité (63). Les trajectoires belge, espagnole et française ont toutes les trois suivi un parcours en deux temps, durant lesquels il a d’abord été question de quotas, puis de parité ou de démocratie paritaire. De plus, ces débats ont été pendant longtemps présentés comme une question relevant de l’organisation interne des partis et, pour cette raison, ils n’ont pas directement atteint l’arène publique.

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(64) Pour un aperçu général, Petra Meier, « The Belgian Paradox : Inclusion and exclusion of gender Issues », in Joni Lovenduski, Claudie Baudino, Marila Guadagnini, Petra Meier et Diane Sainsbury (éds), State Feminism and Political Representation,

Cambridge : Cambridge University Press, 2005, p. 41 - 61 ; Petra Meier, Guaranteeing Reprensentation : Democratic Logic or deficit ? A qualitative analysis of techniques enhancing representativeness and the argumentation on their behalf in a plural society, [Thèse de doctorat], Bruxelles : Vrije Universiteit Brussel, 2001 – 2002; Karen Celis et Petra Meier, De macht van het geslacht, Louvain : Acco, 2006.

(65) Un certain nombre d’entre elles, comme Hedwige Peemans-Poullet, y étaient d’ailleurs au départ opposées. Par contre, il faut souligner la mobilisation du Vrouwen Overleg Kommittee dans la deuxième partie des années 1990 et les années 2000. (66) Sur Éliane Vogel-Polsky, lire Éliane Gubin et Catherine Jacques, Éliane Vogel-Polsky : Une femme d’exception, Bruxelles :

Institut pour l’égalité des femmes et des hommes, 2007. Quelques textes de cette juriste sur la parité, Éliane Vogel-Polsky, « Les impassses de l’égalité, ou pourquoi les outils juridiques visant à l’égalité des femmes et des hommes doivent être repensés en termes de parité », Parité-Infos, 1994 ;Id., « Les impasses de l’égalité : L’égalité à travers la parité », La Revue nouvelle, n° 12, p. 37 – 46 ; Id. « Genre et droit : les enjeux de la parité », Cahiers du GEDISST, vol. 17, 1996, p. 11 – 31.

(67) Du moins au niveau politique et à l’exception d’Eliane Vogel-Polsky. Entretien avec Éliane Vogel-Polsky, Bruxelles, 11 janvier 2008; Entretien avec Sabine de Béthune, Bruxelles, 1er février 2008 et Entretien avec Miet Smet, Bruxelles, 11 février 2008. Sur les différences conceptuelles entre quotas et parité, Bérengère Marques-Pereira, « Quotas-parité: enjeux et

argumentations », Recherches féministes, vol. 12, n° 1, 1999, p. 103 – 121.

(68) Vrouw & Maatschappij, Christen-Democratish & Vrouw. Spiegels van vrouwenacties in zestig jaar christen-democratie in Vlaanderen, Bruxelles : CD&V Werkgroep Vrouw & Maatschappij, 2005.

2.1.1. belgique(64)

La trajectoire belge est étroitement liée à celle de Vrouw en Maatschappij, le groupe féminin du CVP/ CD&V, le parti démocrate-chrétien flamand, et à sa fondatrice, devenue secrétaire d’État puis ministre dans les années 1980 et 1990, Miet Smet. La question semble ainsi avoir échappé aux mouvements féministes, qui s’y sont intéressés et se sont mobilisés tardivement (65). À l’inverse, le travail d’un certain nombre de femmes au sein des partis politiques et des collaborations entre femmes politiques au-delà des clivages partisans se sont avérées décisifs. Cette question a d’abord été discutée au sein de chaque parti politique à travers une stratégie de quotas sexués et a atteint le Parlement en 1980, conduisant à l’adoption d’une loi de quota en 1994. La notion de parité ou démocratie paritaire (différence linguistique) n’est toutefois apparue que dans le courant des années 1990, notamment grâce au travail de la militante puis élue CVP Sabine de Béthune et de la juriste Éliane Vogel-Polsy (ULB) (66). La majorité des actrices ne distinguent cependant pas ou peu cette notion de celle, antérieure, de quota sexué, particulièrement en Flandre, et la situent plutôt dans une logique de continuité (67).

Une mobilisation partisane en faveur des quotas

Le groupe Vrouw en Maatschappij, fondé en 1974 par Miet Smet, a posé la question de la place des femmes au sein du CVP dès ses origines (68). Très rapidement, il a réussi à se faire entendre au sein du parti belge le plus puissant, disposant d’un accès privilégié aux lieux de pouvoir. En 1975, il a obtenu un premier quota de 25 % de femmes pour les listes aux élections communales. Au cours des années 1980, cette dynamique s’est propagée et plusieurs autres partis ont commencé à mettre en œuvre des quotas de femmes sur leurs listes électorales et/ou dans leurs organes internes. En 1981, un tiers des listes des partis verts était composé de femmes et, en 1985, AGALEV a introduit la parité avec un système de tirette sur ses listes élec-torales pour les élections communales, un système étendu aux élections législatives en 1991 et aux élections régionales et communautaires en 1995 (avec un système de double tirette). En 1983, le PS a aussi instauré

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(69) En 1992, le SP a instauré un quota de 25 % et a imposé qu’au moins une place éligible soit attribuée à une femme. Cela s’appliquait à toutes les élections et était inscrit dans les statuts du parti. Il s’agissait d’un minimum, l’objectif étant d’atteindre à terme la proportion d’un 1/3.

(70) Entretien avec Petra Meier, Bruxelles, 22 janvier 2008.

(71) Voir notamment Bérengère Marques-Pereira et Catherine Gigante, « La représentation politique des femmes : des quotas à la parité ? », Courrier hebdomadaire du CRISP, n° 1723, 2001 ; Olivier Paye, « Féminiser le politique : recitoyennisation ou tribalisation ? Une réponse du monde politique belge », Sextant, n° 7, 1997, p. 139 – 161.

des quotas dans ses statuts et a prévu que toutes les instances statutaires ne puissent pas comprendre plus de 80 % de personnes du même sexe. Le SP a connu une évolution similaire au cours de cette période (69).

Peu à peu, l’idée d’imposer des quotas sexués pour les listes électorales à tous les partis à l’aide d’une loi a atteint l’arène parlementaire. À nouveau, les femmes du CVP ont précédé leurs collègues. En 1980, la sénatrice Paula D’Hondt a introduit la première proposition de loi en ce sens, stipulant que les listes pour les élections locales ne pouvaient comprendre plus de 75 % de candidats d’un même sexe. Ce texte a été soutenu par tous les élus du CVP et du PSC, le SP, les libéraux et les régionalistes flamands, mais le Conseil d’État l’a rejeté pour violation des principes constitutionnels d’égalité et de non-discrimination. Des collaborations entre femmes de différents partis ont aussi été initiées. En 1988, les présidentes des organisations de femmes politiques ont proclamé la Charte des femmes en politique à l’invitation de Miet Smet, devenue secrétaire d’État à l’émancipation sociale. Ce document exigeait une représentation égale des femmes et des hommes sur les listes électorales, y compris dans les positions de tête. En 1991, la députée CVP Trees Merckx a déposé une proposition de loi introduisant un quota de 20 % pour toutes les élections sauf les communales et les européennes, imposant l’attribution d’au moins une place éligible au sexe le moins représenté.

Au lendemain des élections de 1991, la volonté d’avancer dans ce dossier est devenue plus claire, cette mesure participant des efforts de dynamisation de la démocratie après la première percée électorale du Vlaams Blok (70). À partir de ce moment, c’est le gouvernement qui a impulsé les réformes et le travail de Louis Tobback, Ministre de l’Intérieur, et de Miet Smet, Ministre de l’Emploi et du Travail, a conduit au projet de loi Smet - Tobback. Ce texte prévoyait un maximum de deux tiers de candidats du même sexe, tant pour la liste elle-même que pour les positions éligibles, et les sanctions envisagées impliquaient la perte d’une partie de la dotation publique et de certains avantages financiers. Le Conseil d’État, sans rejeter le texte, a trouvé ces sanctions disproportionnées, ce qui a entraîné la mise sur pied d’un groupe de travail composé des présidents de parti de la majorité. Celui-ci, suite notamment aux réticences du PS, a sérieusement réduit la portée du texte, qui est devenu une mesure temporaire uniquement applicable pour les élections locales et provinciales. La place des candidates n’était plus prise en compte et une seule sanction, l’obligation de présenter des listes incomplètes, était prévue. Le Conseil des ministres a accepté la nouvelle formulation et cette loi a été votée par le Parlement en mai 1994, la Belgique devenant le premier pays européen à se doter d’une telle législation.

L’émergence de la revendication paritaire à partir de 1994(71)

La revendication de la démocratie paritaire, impliquant un quota d’au moins 40 %, a pris plus d’ampleur une fois la loi de quotas votée. Entre 1994 et 2001, des élues de différents partis politiques, dont Sabine de Béthune (CVP), Michèle Bribosia-Picard (PSC), Magdeleine Willame-Boonen (PSC), Bea Cantillon (CVP), Anne-Marie Lizin (PS), Francy van der Wildt (SP), Vera Dua (Agalev), Erika Thijs (CVP) et Andrée

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(72) Pour un aperçu général, voir Jane Jenson et Celia Valiente, « El movimiento a favor de la democracia paritaria en Francia y España », op. cit. ; Celia Valiente, « The women’s movement, gender equality agencies and central-state debates on political representation in Spain », in Joni Lovenduski (dir.), op. cit. p. 174 – 194 et Monica Threlfall, « Towards parity representation in party politics », in Monica Threlfall, Christine Cousins et Celia Valiente, Gendering Spanish Democracy,

Londres, New York : Routledge, 2005, p. 125 – 162. (73) Le terme « parité » est moins fréquent dans ce pays.

Delcourt-Pêtre (PSC) ont déposé et redéposé des propositions de loi améliorant la loi de 1994. De plus, la sénatrice PSC Andrée Delcourt-Prêtre a été la première à utiliser le terme « parité » en 1998. Les mouvements de femmes se sont également mobilisés de manière plus importante durant cette période, notamment sous l’influence de l’exemple français.

En mai 2000, le gouvernement arc-en-ciel a approuvé le dépôt de deux avant-projets de loi assurant l’égal accès à la représentation des hommes et des femmes. La parité sur les listes était obligatoire au niveau de la composition de celles-ci et les deux sexes devaient être représentés parmi les trois premiers candidats. En juin 2000, ce gouvernement a en outre déposé au Sénat une « proposition de révision du titre II de la Constitution visant l’insertion d’un article 19 bis nouveau garantissant le droit des femmes et des hommes à l’égalité et la présence d’au moins un membre de chaque sexe au sein des différents gouvernements, collèges des bourgmestre et échevins ». Cette révision a été votée par la Chambre des Représentants en janvier 2002, modifiant l’article 10 de la Constitution, lui ajoutant un article 11 bis. La loi du 18 juillet 2002 assurant une présence égale des hommes et des femmes a enfin instauré un système de tirette selon lequel hommes et femmes doivent alterner sur les listes électorales.

2.1.2. espagne(72)

En Espagne, la question de l’amélioration de la représentation politique des femmes a fait partie des revendications féministes depuis le début de la transition démocratique et a été principalement portée par le secteur institutionnel du mouvement, composé de femmes pratiquant la double militance ou proches des partis politiques, particulièrement du PSOE. Il n’a pas été question de démocratie paritaire (73) avant 1992 et cette revendication n’a pas été rencontrée au niveau de l’État avant 2006. Comme en Belgique, ce dossier a d’abord été traité au sein des partis politiques, avant d’émerger sur la scène parlementaire. Il n’a de plus jamais constitué la principale priorité du mouvement féministe. Parmi les nombreuses actrices engagées dans ce dossier, deux ont été particulièrement importantes pour l’émergence de cette revendication : Carlota Bustelo del Real, une des fondatrices du Frente de Liberación de la Mujer et créatrice du féminisme d’État espagnol, et Cristina Alberdi, avocate féministe réputée devenue ministre des Affaires sociales en 1993.

Les débats sur les quotas, surtout au sein du PSOE

Dès 1977, quelques féministes ont publié un manifeste pour soutenir les vingt-cinq femmes élues lors des premières élections démocratiques, pour dénoncer ce nombre restreint et pour demander aux trois députées connues pour leur trajectoire féministe (Carlota Bustelo del Real, Asunción Cruánez, María Dolors Calvet) de contribuer au changement de cette situation. Deux ans plus tard, Carlota Bustelo écrivit, annonçant la rhétorique paritaire, que « l’on ne peut inventer en 1979 une nouvelle alternative [politique] sans prendre

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(74) Carlota Bustelo, « La alternativa feminista », in Club « Siglo XXI », Perspectivas de una España Democrática y

Constitucionalizada III : Ciclo de conferencias pronunciadas en el club « siglo XXI » durante el curso 1978 – 1979, Madrid : Unión Editorial, 1979, p. 213.

(75) Au cours de la Seconde République (1931 – 1939), le droit de vote, le divorce, la capacité civile et le droit à l’avortement ont été accordé une première fois aux Espagnoles. Concha Fagoaga et Paloma Saavedra, Clara Campamor : La sufragista española, Madrid : Instituto de la Mujer, 2007.

(76) Le PCE a fait de même en 1977, lorsqu’il a été légalisé.

(77) Monica Threlfall, « The Women’s Movement in Spain », New Left Review, n° 151, 1985, p. 44 – 74.

(78) Rosa María Capel Martínez, Socialismo e igualdad de género: Un camino común : 30° Aniversario de la Secretaría

de Igualdad, Madrid : Editorial Pablo Iglesias, 2007. Entretien avec Carmen Martínez-Ten, entretien téléphonique (Madrid, Barcelone), 5 mars 2008 ; Dolors Renau, Barcelone, 25 février 2008.

(79) Carlota Bustelo, « El miedo de algunos hombres », El País, 2 février 1988.

(80) Celia Valiente, El feminismo de Estado en España. El Instituto de la Mujer (1983- 2003), Valence : Institut Universitari d’Estudis de la Dona (Universitat de València), 2006, p. 85 – 105 (chapitre 5).

(81) Sur l’histoire de ce groupe, Cristina Alberdi, El poder es cosa de hombres : Memorias políticas, op. cit., p. 80 – 90.

en compte ce groupe social formé par plus de la moitié de la population – que nous sommes, nous les femmes – pour des raisons de justice et de démocratie » (74). Cette question ne constituait cependant pas l’objectif principal du mouvement féministe, qui estimait plus urgent de démanteler l’appareil répressif hérité du fran-quisme et se concentrait plutôt sur les droits civils des femmes (divorce, dépénalisation de la commercialisation et de la publicité des moyens contraceptifs, le droit à l’avortement, etc.) et sur leur indépendance économi-que (75). Pour cette raison, la question de l’effectivité des droits politiques des femmes s’est déplacée à l’intérieur des partis politiques de gauche, le PSOE et le PCE/IU.

En 1976, Carlota Bustelo a fondé un groupe féminin au sein du PSOE, Mujer y Socialismo (76). En 1984, ce groupe s’est converti en un secrétariat exécutif de la Commission exécutive fédérale du PSOE, intégré au secrétariat de participation citoyenne (77), et a été élevé au rang de secrétariat propre avec la création de la

Secretaría de Área de Participación de la Mujer en 1990. Deux femmes se sont mobilisées en son sein pour exiger des quotas sexués dans l’organisation du parti, Matilde Fernández, qui a en outre été ministre des Affaires sociales entre 1988 et 1993, et Dolors Renau, qui est devenue la présidente de l’Internationale Socialiste des Femmes (78). Ces efforts ont permis l’adoption par le PSOE d’un quota féminin de 25 % pour les mandats internes et les listes électorales en 1988 (79). Au sein d’Izquierda Unida, un parti créé sur les cendres du PCE, le principe des quotas (et de la parité) a par ailleurs été inscrit dans les statuts dès sa fondation en 1986. Il concernait tant les mandats internes que les listes électorales. En 1989, ce quota est passé à 30 % et, en 1990, à 35 %. Carlota Bustelo a également fondé l’Instituto de la Mujer en 1983, une agence d’État destinée à favoriser l’égalité des hommes et des femmes en Espagne. Cette agence d’égalité, qui a posé les bases du fémi-nisme d’État en Espagne, a constitué une alliée des revendications en faveur d’une meilleure représentation des femmes politiques au cours des périodes durant lesquelles le PSOE était au pouvoir. Cela a été particulièrement le cas entre 1993 et 1996 (80).

Des quotas à la démocratie paritaire

En décembre 1991, un groupe informel baptisé Tertulia de la Residencia de Estudiantes a vu le jour au cours d’un repas entre amies à Madrid (81). Il est rapidement devenu une des chevilles ouvrières de la revendication paritaire, tant vis-à-vis de l’ensemble de la société espagnole qu’au sein du PSOE, dans lequel

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(82) Sont entrées plus tard Marina Subirats et Purificación Gutiérrez.

(83) Le groupe initial comprend aussi Pilar Escario, Paulina Beato, Mercedes Rico Carabias, Inés Alberdi, Elisa Veiga, Elisa Arnedo, Ana Maria Ruiz-Tagle, Carmen Martínez-Ten, Duca Aranguren, Imelda Navajo, Lucía Ruano, Nicole Muchnik, Rosa Maria Mateo, Françoise Sabah, Margarita Saenz Diez, Rosa Escapa, Gladis Mendoza, Azucena Criado. Au fil des années, d’autres femmes comme Micaella Navarro l’ont rejoint. Il fonctionne aujourd’hui, avec une autre composition. Entre 1993 et 1996, ce groupe, moins actif suite à la participation de plusieurs de ses membres au

gouvernement, s’est doublé d’un groupe de femmes occupant de hautes charges, réunissant notamment les ministres Cristina Alberdi, Carmen Alborch et Angeles Amador, toutes les secrétaires d’État (dont Cristina Narbona, Ana-María Ruiz-Tagle et María-Teresa Fernández de la Vega) et des conseillères autonomiques (dont Amelia Valcárcel). Cristina Alberdi, op. cit., p. 88. (84) [Milagros Candela (éd.)], Tertulia feminista Residencia de Estudiantes 1991-1994, Madrid, 1994, p. 3.

(85) Cristina Alberdi, « Mujer, participación y democracia », Claves de razón práctica, n° 34, 1993, p. 44 – 48; Id., « Bases para la participación de las mujeres en la toma de decisiones políticas », in Edurne Uriarte et Arantxa Elizondo (coord.),

Mujeres en política : Análisis y práctica, Barcelone : Ariel, 1997, p. 273 – 283 et Id., « Estratégias para conseguir la igualdad », in Edurne Uriarte et Arantxa Elizondo (coord.), op. cit., p. 303 – 311.

(86) Ce groupe a aussi développé un travail plus juridique d’élaboration de contre-arguments aux objections de certains juristes. (87) Cristina Alberdi, El poder es cosa de hombres…, op. cit., p. 85 – 88.

(88) Monica Threlfall, « Explaining Gender Parity Representation in Spain : The Internal Dynamics of Parties », West European Politics, vol. 30 ; n° 5 , 2007, p. 1069.

il fonctionnait de manière parallèle à Mujer y Socialismo tout en maintenant des liens étroits avec ce dernier (notamment via Dolors Renau puis Micaella Navarro). Ce groupe était également proche de l’Instituto de la Mujer, dont il rassemblait plusieurs (anciennes) directrices (notamment Carlota Bustelo et Carmen Martínez-Ten) (82). Il se composait de femmes membres ou proches du PSOE disposant d’un certain pouvoir d’influence et/ou promises à un brillant avenir, parmi lesquelles on peut relever, outre des membres historiques du mou-vement féministe (Carlota Bustelo, Ana María Ruiz Tagle ou Paloma Saavedra), de futures ministres (Cristina Alberdi, María Teresa Fernández de la Vega, Elena Salgado), une future présidente de l’Internationale socialiste des Femmes (Dolors Renau) et les épouses de Joaquin Almunia (Milagros Candela) et Javier Solana (Concha Jiménez) (83).

Ce groupe se définissait comme « un groupe de réflexion et comme un groupe de pression pour étudier et débattre des questions relatives à la situation sociale des femmes en Espagne, élaborer des documents théoriques sur ce sujet et tenter d’influencer les questions de politique générale qui affectent de manière directe aux femmes » (84). Dans ce cadre, il a inscrit la question des femmes en politique à l’agenda de ses premières réunions et a approfondi l’idée de démocratie paritaire à partir de février 1993, l’insérant notamment dans un projet plus vaste appelé « nouveau contrat social » (85). Il a ainsi contribué à la diffusion de l’idée de démo-cratie paritaire en Espagne et l’a fait connaître à travers l’organisation d’activités sur ce thème, la participation à de nombreuses conférences et des interventions dans la presse. Il a également tenté de convaincre les politi-ciens de son bien-fondé (86). Cristina Alberdi, Paulina Beato, Carlota Bustelo et Carmen Martínez-Ten ont ainsi rencontré Felipe Gonzalez en 1993 pour lui présenter la notion de la démocratie paritaire, le projet de nouveau contrat social et la nécessité de prendre en compte le vote des femmes pour gagner les élections de 1993 (87). L’action de ce groupe révèle donc, comme l’a écrit Monica Threlfall, l’importance « d’aller au-delà des analyses structurelles et même au-delà des analyses institutionnelles conventionnelles pour examiner la capacité d’action féministe, particulièrement le rôle des féministes de parti travaillant au sein des partis, ainsi que pour analyser les dynamiques internes aux partis » (88).

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