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Espagne : Belgique France

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Academic year: 2021

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Texte intégral

(1)

Sociologie politique

comparée de l’ouverture du MARIAGE CIVIL

AUX COUPLES DE MÊME SEXE enBelgique, enFrance

et enEspagne :

des spécifi cités nationales

aux convergences transnationales

Université libre de Bruxelles

Faculté des Sciences sociales, politiques et économiques Département de Science politique

Année académique 2008-2009

Dissertation présentée en vue d’obtenir le titre de Docteur en science politique

par David PATERNOTTE

sous la direction de la Professeure Bérengère MARQUES-PEREIRA

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Sociologie politique

comparée de l’ouverture du MARIAGE CIVIL

AUX COUPLES DE MÊME SEXE enBelgique, enFrance

et enEspagne :

des spécifi cités nationales

aux convergences transnationales

Université libre de Bruxelles

Faculté des Sciences sociales, politiques et économiques Département de Science politique

Année académique 2008-2009

Dissertation présentée en vue d’obtenir le titre de Docteur en science politique

par David PATERNOTTE

sous la direction de la Professeure Bérengère MARQUES-PEREIRA

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13. Réduction de la journée de travail afin de pouvoir dédier le temps libre à sa propre formation culturelle et humaine et permettre une vie sexuelle

satisfaisante »

«Plataforma del F.A.G.C. », in Front d’Alliberament Gai de Catalunya, Manifest, [Barcelone]: Front d’Alliberament Gai de Catalunya, 1977, p. 40.

« »

(4)

Remerciements

On dit souvent qu’écrire une thèse est un exercice solitaire. Il serait pourtant faux de croire qu’il est possible de mener un tel exercice à son terme sans de nombreux réseaux de soutien, d’amitié, d’échange et de complicité, un ensemble de personnes qu’il est important de remercier.

Cette dissertation doit avant tout beaucoup à ma directrice, Bérengère Marques-Pereira qui, dès mon mémoire de fin de licence, m’a fait confiance et m’a poussé à aller le plus loin possible, soutenant mes démar- ches chaque fois que c’était possible et m’ouvrant les portes de ses réseaux. Au fil des années, nous avons construit une relation de complicité tant intellectuelle que personnelle au cours de laquelle sa générosité n’a jamais fait défaut, y compris quand elle traversait des moments difficiles. Marc, son époux, doit également être remercié pour sa présence discrète mais affectueuse et ses nombreuses prouesses gastronomiques.

Je tiens aussi à remercier les membres de mon jury. Jane Jenson a été une « marraine » extraordinaire Outre-Atlantique, m’accueillant au sein de la Chaire de recherche du Canada en citoyenneté et gouvernance au cours de l’année académique 2006 – 2007 et m’invitant à participer à différents projets dans lesquels elle était impliquée. Ses remarques, parfois rudes mais toujours pertinentes, ainsi que la confrontation à une tradition de recherche distincte, ont profondément influencé mon travail. Son soutien a été constant, malgré un agenda chargé et le nombre important d’étudiants dont elle suit le cheminement.

Présente dès mon jury de mémoire, Nathalie Zaccaï-Reyners a accompagné mes travaux depuis plusieurs années. Présidente de mon comité d’accompagnement, elle m’a offert de nombreuses possibilités de dialogue et une capacité d’écoute exceptionnelle. Je la remercie donc, outre sa rigueur et son exigence in- tellectuelles, pour ses qualités humaines.

Éric Remacle a été le premier professeur de l’ULB avec lequel j’ai eu un contact dépassant l’anonymat des grands auditoires, à la fois en séminaire d’histoire politique contemporaine et au cours des activités conjointes du Pôle Bernheim et du Cercle Oxfam. Alors que ma thèse est a priori éloignée de ses objets de recherche, il n’a cessé d’être attentif et sincèrement curieux à l’égard de mon travail, convaincu que de tels sujets méritent une place en science politique. Ses encouragements, nombreux au cours des derniers mois, ont été bienvenus.

Andrea Rea est le dernier à être entré dans l’aventure. Voisin du 14ème étage du bâtiment S, il n’a ja- mais tari de bons mots. Sa jovialité et sa bonne humeur ont souvent détendu l’atmosphère.

remerciements

(5)

Ensuite, sans toutes les personnes qui ont accepté de me rencontrer, de me revoir, d’ouvrir les portes de leur mémoire et celles de leurs archives, cette dissertation n’aurait pas pu exister. Même si je ne partage pas toujours leurs positions, j’éprouve du respect et de l’admiration pour leur investissement dans des causes que ces acteurs croyaient justes. Je remercie tout particulièrement Yves Aerts, Gilles Bon-Maury, Paul Borghs, Daniel Borrillo, Jean-Paul Bouchoms, Emmanuelle Cosse, Chille Deman, Sabrina Garnier, Françoise Gaspard, Zoé Genot, Luc Legrand, Nicolas Marandon, Yann Pedler, Paloma Saavedra et Kees Waaldijk. J’éprouve également une grande reconnaissance à l’égard de Jesús Generelo, Michel Pasteel et Jordi Petit.

Mes collègues, à Bruxelles et ailleurs, ont constitué des appuis précieux. Ils ont accompagné ces années en les rendant plus agréables et ont enrichi ma réflexion. Je remercie avant tout mes collègues de l’ancien Centre de sociologie politique : Sophie Stoffel, qui s’est occupée de moi comme une grande soeur, Claudie Baudino, Florence Delmotte, Agnès Hubert, Muriel Dekeyser, Claude Léonis et Marie-Aimée Urbain, ainsi que tous les « habitants » du 14ème étage, tout particulièrement mes amies Séverine Janssen, Muriel Sacco et Laurie Hanquinet. Mon travail doit également beaucoup aux activités de l’Atelier Genre(s) et Sexualité(s) de l’Institut de Sociologie et aux discussions avec mes « camarades organisateurs » : David Berliner, Annalisa Casini, Cathy Herbrand et, depuis peu, Marta Roca i Escoda. J’ai énormément appris au cours de ces échanges intellectuels et à travers ces relations d’estime et d’amitié. Je suis encore plus reconnaissant à Cathy Herbrand, qui est venue me happer alors que je n’étais pas encore en thèse suite à la proximité de nos sujets de recherche et avec laquelle j’ai beaucoup travaillé. Ses remarques ont toujours été utiles et cette dissertation n’aurait pas été la même sans nos interminables discussions. Je remercie aussi les orateurs qui sont intervenus dans les séances de l’Atelier, spécialement Henry Abelove, Judith Butler, Éric Fassin, Joseph Lévy, Marie-Blanche Tahon, Nicolas Thirion et Jeffrey Weeks. Un grand merci, enfin, à celles et ceux qui ont soutenu cette initia- tive : les Directrices successives de l’Institut de Sociologie, Firouzeh Nahavandi et Nathalie Zaccaï-Reyners, ainsi que les Doyens André Farber et Pascal Delwit.

Je suis aussi reconnaissant à mes trois anciens collègues du Projet Normes, Genre, Sexualités, qui m’ont épaulé dans mes recherches . Dans des styles très différents, Christelle Taraud et Catherine Deschamps ont prêté une oreille attentive à mes interrogations. Laurent Gaissad a toujours été disponible pour discuter quand j’en avais besoin. Si le hasard des carrières respectives nous a désormais séparés, il ne fait aucun doute que nous continuerons à nous voir et à collaborer.

Je remercie encore, à l’ULB, les Professeurs Pierre Desmarez, Jean-Michel De Waele, Claude Javeau, Pierre Petit, Margarita Sanchez-Mazas et Mario Telò, ainsi que Monique Borrenbergs, Bruno Benvindo, Fabrizio Cantelli, Sinziana Carstocea, Régis Dandoy, Catherine Jacques, Sophie Heine, Sylvie Mantrant et Valérie Peclow, le secrétariat des doctorants en SOCO (Anne Van Houtvin, Pascale Meekers et Régis Maloteau) et celui de l’Institut de Sociologie (Cathy Van Cleve et Benoît Verfaillie). L’ensemble du personnel du FNRS, qui constitue le meilleur des « patrons » dont on puisse rêver, doit aussi être remercié. En Belgique, outre les

remerciements

(6)

collègues déjà cités, je remercie Étienne Arcq, Alexis Dewaele, Bart Eeckhout, Bart Hellinck, Petra Meier, Joz Motmans et Alison Woodward.

À l’étranger, j’exprime ma gratitude aux collègues de la Chaire de recherche du Canada en citoyenneté et gouvernance et de l’Université de Montréal, qui m’ont généreusement et chaleureusement accueilli au cours de mes séjours au Québec au cours de l’année 2006 – 2007. Je suis particulièrement reconnaissant à Élise Auvachez, Pascale Dufour, Aude-Claire Fourot, Thomas Gulian, Grant Holly et Audrey L’Espérance. Je remercie aussi Manon Tremblay et Leslie Seidle, dont la compagnie en fin de rédaction de thèse à Bruxelles m’a apporté l’humour et la légèreté dont j’avais besoin. En Espagne, le professeur Oscar Guasch a constitué un hôte de choix à l’Université de Barcelone. Je le remercie aussi pour nos repas réguliers, où j’ai apprécié son humour parfois acerbe et sa distance critique à l’égard du monde et du militantisme homosexuels contem- porains. Je tiens aussi à remercier, à Madrid, Kerman Calvo, Raquel Platero, Celia Valiente, Fernando Villaamil, et, avec beaucoup d’affection, José Ignacio Pichardo Galán, qui est aujourd’hui un ami avant d’être un collè- gue. Je remercie en France Éléonore Lépinard, Régis Revenin, Laure Bereni, Sébastien Chauvin, Étienne Ollion, Louis-Georges Tin et, surtout, mon compère et ami Bruno Perreau. Gert Hekma et Mathias Duyves, de l’Universiteit van Amsterdam, doivent aussi être remerciés pour leur générosité, leur présence et leur amitié, tout comme Kathya Araujo, Matteo Bonini Baraldi, Matteo Gianni, Kelly Kollman, Frédéric Jörgens, Lorena Parini, Michael D. Sibalis et Judit Takacs.

Mes amis, auxquels je devrais ajouter plusieurs des collègues déjà cités, ont été délaissés au cours des derniers mois. Je loue par conséquent tant leur patience que leur présence Il s’agit, en Belgique, d’Anne-Marie, Arnaud, Cédric, Céline, Chloé, Denis, Dianne, Évelyne, François, Glenn, Philippe, Sergi, Thierry, Tom, Chloé & Jules (qui ont même pensé à m’apporter des chocolats une semaine avant la remise de ma thèse) et David, qui a relu attentivement la toute première version de cette dissertation. À Barcelone, Dani, Javier, Jordi & Jordi, Lorena, Montse, Sergi, Xavi. À Madrid, Aitor, Belén, Esme, Jesús, Pedro et Santiago, qui m’a ouvert très grandes les portes de sa maison et a égayé mes séjours de recherche dans la capitale espagnole. À Paris, Camilla, David, Guillaume, Jean, José, Mikaël et Yeliz m’ont tous accueilli à un moment ou un autre.

À Montréal, Marc-Antoine a été un hôte extrêmement généreux. À Varsovie, Magda et Sébastien ont eu la patience d’attendre ma visite.

Ma famille, enfin, a une nouvelle fois donné raison aux théoriciennes féministes. Elle a en effet constitué une unité de soutien primordiale et je lui dois par conséquent énormément.

Depuis le temps où j’étudiais mes examens sur la table de leur salle à manger, mes grands–parents maternels, Marraine et Bon Papa, ont tout fait pour que leur petit-fils puisse étudier le plus longtemps possible.

Au cours de longues promenades dans le Bruxelles de son enfance, de nombreuses visites d’expositions et les collections de timbres, mon grand-père m’a de plus transmis le goût de la découverte et le plaisir d’apprendre.

Anne-Marie, ancienne compagne de mon père, a accompagné une grande partie de mon parcours.

Seule universitaire de la famille, elle m’a donné les tout premiers conseils sur l’ULB.

Marc, mon père, a relu avec attention cette dissertation. Il a été particulièrement attentif et disponible au cours des derniers mois. Je remercie aussi Chantal pour sa patience et sa compréhension.

remerciements

(7)

Xavier, mon beau-père a été le premier à imaginer que j’écrirais un jour une thèse, bien avant que cette idée ne me traverse l’esprit. J’ai une dette incalculable envers lui, pour toutes les heures passées à imaginer et concrétiser la mise en page de cette dissertation.

Josiane, ma mère, protège jalousement « sa chouchou » depuis qu’il est tout petit. Elle lui a plus ré- cemment fait découvrir la politique au quotidien, pas celle de mes livres d’étudiants, mais celle qui se livre dans les comités de quartiers, au centre culturel et dans les services sociaux qu’elle dirige. Je lui dois énormément.

Ernest, mon filleul, Julien, mon frère, et Pauline, ma sœur, ont tous les trois accepté avec beaucoup de patience mes absences et mes indisponibilités. Je les en remercie infiniment.

Alex, enfin, mon « pré » et mon « quasi » mari, a accompagné ce travail depuis les limbes de sa genèse, la plupart du temps avec patience. Il a aussi contribué de manière décisive à sa réalisation. Il m’a surtout appris qu’au fond, une thèse, ce n’est pas si important.

remerciements

(8)

table des matières

table des matières

INTRODUCTION . . . 1

1. L’étude de convergences revendicatives . . . 4

2. Une comparaison internationale et transnationale . . . 5

3. Une « microsociologie » politique . . . 7

4. Sources et méthodes. . . 8

4.1. Analyse documentaire . . . 8

4.2. Entretiens . . . 10

4.3. Fréquentation, observation et participation. . . 12

5. Engagement et rapport à l’objet. . . 13

6. Une approche constructiviste de l’accès à la citoyenneté . . . 16

CHAPITRE 1 | LE DISCOURS EN FAVEUR DE L’OUVERTURE DU MARIAGE CIVIL AUX COUPLES DE MÊME SEXE. . . 25

1. Défendre l’ouverture du mariage aux couples de même sexe : un discours transnational . . . 25

1.1. Droit au mariage, égalité et non-discrimination. . . 26

Ouverture du mariage et théorie juridique de l’égalité. . . 26

Des situations présentées comme essentiellement comparables . . . 27

Universalité des droits et lutte contre l’homophobie. . . 28

La liberté de choix comme expression concrète de l’égalité . . . 28

1.2. Une redéfinition du mariage. . . 29

Dissociation entre mariage et procréation. . . 30

Les nouveaux atours du mariage civil. . . 31

1.3. Promotion de l’individu. . . 32

1.4. Rapports Droit/société . . . 33

2. Spécificités nationales . . . 34

2.1. Belgique. . . 34

2.1.1. Les démocrates-chrétiens flamands. . . 34

2.1.2. Une défense « ultralibérale » du droit au mariage. . . 36

2.2. Espagne. . . 37

2.2.1. Une définition plus large de la famille . . . 38

2.2.2. La mémoire de la dictature. . . 38

2.2.3. L’omniprésence de l’Europe . . . 40

2.3. France. . . 41

2.3.1. La filiation, un débat incontournable . . . 41

2.3.2. La république et le danger communautariste . . . 43

CHAPITRE 2 | TROIS HISTOIRES NATIONALES. . . 44

1. Belgique . . . 44

1.1. Préhistoire de la revendication du mariage . . . 45

1.2. Émergence d’une revendication. . . 47

(9)

table des matières

1.2.1. Tels Quels et le début des revendications sur le couple . . . 47

De timides ouvertures sur la question du mariage. . . 49

1.2.2. La FWH, lentement vers la demande d’ouverture du mariage . . . 50

1.2.3. Pendant ce temps au Parlement. . . 52

1.3. Le mariage comme priorité . . . 54

1.3.1. Comment le mariage devint une revendication . . . 54

Une revendication flamande. . . 54

Du côté des associations francophones. . . 56

1.3.2. Une nouvelle logique politique. . . 57

1.4. La question du mariage entre au gouvernement . . . 59

2. Espagne . . . 63

2.1. Années 1980 : premières revendications sur le couple et préhistoire de l’idée d’ouvrir le mariage . . . 63

2.2. Les années 1990 : des lois d’union de fait à la demande d’ouverture du mariage. . . 66

2.2.1. Les années González (1990 – 1996). . . 66

2.2.2. Le premier mandat de José María Aznar (1996 – 2000) . . . 68

2.2.3. Et le mariage ? . . . 70

Le mariage comme étalon juridique. . . 71

Le mariage comme ressource symbolique . . . 71

Le mariage comme argument de négociation. . . 72

Le mariage comme revendication à part entière . . . 72

2.3. Les années 2000 : le mariage devient la priorité . . . 74

2.3.1. Dans les associations . . . 74

2.3.2. Au niveau politique. . . 77

2.4. La question du mariage au gouvernement. . . 78

3. France . . . 80

3.1. Préhistoire de la revendication du mariage . . . 80

3.2. L’apparition d’une revendication. . . 82

3.2.1. Un statut pour le couple. . . 82

3.2.2. Aides ou l’apparition de l’idée d’ouvrir le mariage . . . 85

La formalisation de la revendication du mariage. . . 86

3.3. L’impact des débats sur le pacs : le mariage devient une revendication. . . 88

3.3.1. Du CUC au PACS . . . 88

3.3.2. Influence des débats relatifs au pacs sur la revendication du mariage . . . 91

3.3.3. L’entrée d’Act Up – Paris . . . 95

3.4. 2004 : le retour de la question du mariage . . . 98

4. Comparaison . . . 102

4.1. Au-delà des spécificités nationales, des caractéristiques communes. . . 102

4.2. Réseaux d’acteurs, rapports interpersonnels et histoire d’une revendication : la thèse du triangle de velours . . . 104

4.2.1. Réseaux de politique publique et triangle de velours. . . 104

4.2.2. Le triangle de velours en action . . . 107

4.2.2.1. Belgique . . . 108

Un réseau autour de la FWH . . . 108

(10)

table des matières

Un réseau socialiste plus diffus. . . 109

4.2.2.2. Espagne. . . 110

4.2.2.3. France. . . 111

Bègles 2004 . . . 1 1 2 Un triangle de velours socialiste . . . 113

4.2.3. Triangles de velours et réseaux sociaux . . . 113

4.3. L’impact des structures d’opportunités politiques . . . 115

4.3.1. Changements des alignements politiques . . . 116

4.3.2. Alliances. . . 117

4.4. Dynamiques discursives : cadres et univers du discours politique . . . 119

4.4.1. Cadrage ou univers du discours politique ? . . . 119

4.4.2. Filiation et ordre symbolique . . . 122

4.4.3. Le mariage, entre communautarisme et républicanisme . . . 123

4.4.4. L’omniprésence d’une conception perméable de la famille en Espagne . . . 125

CHAPITRE 3 | POLITIQUE INTERNATIONALE DE L’IDÉE D’OUVRIR LE MARIAGE CIVIL AUX COUPLES DE MÊME SEXE. . . 127

PREMIÈRE PARTIE | Exploration de l’influence des dynamiques inter et transnationales sur la politique domestique. . . 127

1. Questions LGBT et dynamiques transnationales en science politique . . . 127

1.1. Une question récente et peu présente . . . 127

1.2. Des travaux souvent ancrés dans un cadre stato-national. . . 129

1.3. Comparaisons internationales, politique internationale et dynamiques transnationales . . . 132

2. La revendication de la démocratie paritaire : un autre exemple d’interaction entre des dynamiques domestiques, inter et transnationales. . . 136

2.1. La parité, une question domestique . . . 137

2.1.1. Belgique. . . 138

Une mobilisation partisane en faveur des quotas . . . 138

L’émergence de la revendication paritaire à partir de 1994. . . 139

2.1.2. Espagne. . . 140

Les débats sur les quotas, surtout au sein du PSOE . . . 140

Des quotas à la démocratie paritaire. . . 141

2.1.3. France. . . 144

Premiers débats . . . 144

Le mouvement pour la parité. . . 145

2.2. Dynamiques inter et transnationales de la parité. . . 147

2.2.1. L’influence des institutions internationales. . . 147

L’Organisation des Nations Unies. . . 148

Le Conseil de l’Europe . . . 149

L’Union européenne. . . 150

2.2.2. ONG internationales. . . 153

2.2.3. Réseaux d’actrices : triangle de velours et communauté épistémique . . . 155

Le réseau européen d’expertes « Femmes dans la prise de décision » : une communauté épistémique ?. . . 156

(11)

DEUXIÈME PARTIE | Dynamiques inter et transnationales de la revendication

d’ouverture du mariage aux couples de même sexe . . . 158

1. Cinq mécanismes de convergence potentiels . . . 158

2. Discussion empirique. . . 165

2.1. Le poids de contraintes communes . . . 165

2.2. Droits LGBT et européanisation . . . 167

2.2.1. L’Europe et les droits LGBT. . . 168

2.2.2. Un cas d’européanisation ?. . . 171

2.3. Diffusion et transfert. . . 172

2.3.1. Diffusion par « reciprocation » . . . 173

2.3.2. Diffusion par adaptation . . . 174

2.3.3. Diffusion politique . . . 175

2.4. Réseautage . . . 176

2.4.1. Triangle de velours transnational ou réseau transnational de revendication ? . . . 176

2.4.2. ILGA et ILGA-Europe : ong internationales et communautés transnationales d’activistes. . . 177

2.4.3. Une communauté épistémique de juristes. . . 180

Constitution et composition de cette communauté épistémique. . . 180

Influence de cette communauté épistémique de juristes. . . 183

2.4.4. Rainbow Rose, un réseau LGBT parmi les socialistes européens . . . 186

2.5. L’influence des normes internationales. . . 187

L’émergence d’une nouvelle norme internationale ? . . . 188

CHAPITRE 4 | MARIAGE, CITOYENNETÉ ET HOMOSEXUALITÉ : ENTRE RUPTURES, PARADOXES ET ÉTONNEMENTS . . . 192

1. La revendication d’ouverture du mariage : une rupture historique . . . 193

1.1. Une transformation du contenu et du vocabulaire des revendications gayes et lesbiennes. . . 193

1.1.1. Le mariage, un instrument d’oppression. . . 193

1.1.2. Discours militants . . . 195

1.2. Quelques pistes d’explication . . . 199

1.2.1. L’impact du sida. . . 199

Le sida, facteur déclencheur des revendications. . . 200

Un effet méconnu des trithérapies ?. . . 202

1.2.2. La « juridification » du militantisme gay et lesbien . . . 204

L’entrée progressive du Droit dans le monde de l’activisme LGBT . . . 204

Quels coûts ? . . . 207

1.2.3. Un changement de génération au sein des militant-e-s gays et lesbiennes. . . 209

1.2.4. L’impact des transformations du mariage, du couple, de la famille . . . 210

Une désinstitutionnalisation du mariage . . . 211

Une diversification des formes de vie en couple . . . 2 1 2 Une pluralisation des configurations familiales . . . 213

1.2.5. Transformation de la notion d’égalité et impact du néolibéralisme sur les mouvements sociaux. . . 214

table des matières

(12)

2. Une rupture théorique. . . 216

2.1. Citoyenneté et (homo)sexualité : un mariage a priori surprenant . . . 217

2.2. La citoyenneté sexuelle : un oxymore ? . . . 219

2.2.1. Un mouvement de publicisation et de politisation des questions intimes et sexuelles . . . 220

2.2.2. Le contenu de la citoyenneté sexuelle. . . 222

3. La resignification, une nouvelle forme d’accès à la citoyenneté ? . . . 223

3.1. L’ouverture du mariage, une revendication transformatrice ? . . . 223

3.2. Les limites des modèles d’accès à la citoyenneté . . . 227

3.2.1. Une revendication qui échappe à l’opposition entre universalisme et particularisme. . . 227

3.2.2. Les limites des approches pluralistes et multiculturalistes . . . 228

3.3. L’inclusion par la resignification, un nouvel modèle d’accès à la citoyenneté ?. . . 230

3.3.1. Théorie du pouvoir et resignification . . . 230

3.3.2. Application à la revendication d’ouverture du mariage. . . 232

3.3.3. Un modèle qui ne se limite pas à l’ouverture du mariage . . . 233

3.3.4. Limites et interrogations . . . 234

CONCLUSION . . . 237

Du Droit et des droits . . . 240

Des visages contemporains de l’homosexualité ou les métamorphoses de la sexualité. . . 244

BIBLIOGRAPHIE. . . 249

ANNEXE 1 | LISTE DES ABRÉVIATIONS UTILISÉES . . . 292

ANNEXE 2 | LISTE DES ENTRETIENS. . . 296

ANNEXE 3 | ÉLÉMENTS BIOGRAPHIQUES AU SUJET DES PRINCIPAUX ACTEURS. . . 302

table des matières

(13)

introduction |

« Il faut se décider à renoncer aux rêves de réconciliation entre les détenteurs officiels de la révolution et l’expression du désir. Il est impossible d’obtenir du désir qu’il s’intègre dans le cadre d’une révolution déjà lourde du passé historique du « mouvement ouvrier ». Aussi faut-il faire découler l’exigence révolutionnaire du mouvement même du désir ; ce n’est pas seulement d’un nouveau modèle révolutionnaire dont il est besoin, mais d’une remise en question des contenus attachés traditionnellement au terme

de révolution, en particulier l’idée de prise de pouvoir ».

Guy Hocquenghem, Le désir homosexuel,

Paris : Fayard, 2000 (première édition : Paris : Editions universitaires, 1972), p. 157

« Nous affirmons aujourd’hui que la fin de la discrimination légale envers les gays et les lesbiennes suppose le couronnement d’une longue lutte. Il en est ainsi, notre jeune démocratie a été l’espace où a pu naître un mouvement revendicatif qui était indispensable ; un mouvement qui a progressivement grandi jusqu’à devenir imparable ; un mouvement qui a mûri avec la société ; cette société qui a démontré, par l’appui majoritaire à notre demande, sa conviction que les droits humains, les droits constitutionnels, les droits civils appartiennent à tous en tant qu’égaux.

Le gouvernement a agi en conséquence : en cherchant le bonheur du peuple ».

Pedro Zerolo, « Matrimonio y dignidad », in Juan A. Herrero Brasas (éd.), Ética y activismo. Primera plana. La construcción de una cultura queer en España, Madrid/Barcelone : Egales, 2007, p. 48 (1).

Ces deux citations, caractéristiques d’un discours, témoignent de deux époques différentes. Elles reposent sur des conceptions distinctes de l’activisme gay et lesbien et posent la question des transformations du mouvement homosexuel entre 1972 et 2007. Dans une critique des groupements d’extrême-gauche, le jeune Guy Hocquenghem, figure de proue du Front homosexuel d’action révolutionnaire (FHAR), souligne la nature politique et transgressive du désir homosexuel. Il appelle à une révolution qui soit également sexuelle et revendique la subversion des fondements de la société. Trente-cinq ans plus tard, Pedro Zerolo, un des héros de la lutte pour l’ouverture du mariage civil en Espagne, ne parle plus que de droits. Il souhaite promouvoir l’accès des homosexuel-le-s aux institutions et aux droits existants et se montre élogieux à l’égard du gouver- nement. Sa démarche est résolument inclusive.

introduction |

(1) Toutes les citations en d’autres langues que le français ont été traduites. Ce choix résulte de la diversité linguistique des documents utilisés, qui, laissée telle quelle, aurait rapidement conduit à l’illisibilité de cette dissertation.

(14)

Loin de renvoyer à des différences nationales quant aux priorités du mouvement LGBT (2), ces deux citations évoquent plutôt quelques-unes des métamorphoses du militantisme homosexuel au cours des der- nières décennies. Comme le soulève élégamment Pedro Zerolo, le mouvement a mûri. Toutefois, plutôt que de privilégier une approche qui postule la continuité et l’évolution presque naturelle du mouvement homo- sexuel vers des revendications plus réfléchies, on peut souligner l’importance de cette mutation et tenter d’interroger les ruptures et les paradoxes qui en découlent. En me concentrant sur la revendication d’ouverture du mariage (3), je mets ainsi le doigt sur un des symboles phares de cette transformation. En effet, alors qu’il y a trente ou quarante ans, cette demande aurait fait figure de blasphème, elle a pris de l’ampleur au cours des années 1980 et constitue aujourd’hui une des priorités de nombreuses associations LGBT.

En insistant sur les paradoxes et les ruptures, je refuse une lecture téléologique du « mariage gay » selon laquelle l’émergence, voire la satisfaction, de cette revendication était, ou serait, à la fois prévisible et inéluc- table (4) De même, je ne pense pas que l’ouverture du mariage aux couples de même sexe (avec ou sans adoption) constitue le couronnement nécessaire d’un processus de reconnaissance juridique de l’homosexualité entamé avec la dépénalisation de celle-ci (5) ou qu’il s’agisse toujours et partout de l’étape ultime du processus de reconnaissance légale des unions de même sexe (6). Les associations homosexuelles auraient pu ne pas demander la reconnaissance de leurs couples, ces revendications auraient pu recevoir un autre contenu et l’histoire aurait tout simplement pu prendre une autre tournure. Comme Michel Foucault l’a joliment rappelé dans L’ordre du discours, « il faut accepter d’introduire l’aléa comme catégorie dans la production des événements » (7). En outre, les acteurs politiques et sociaux disposent d’une certaine autonomie qui empêche de prévoir entiè- rement leur action. Enfin, traquer les transformations, les paradoxes et les ruptures offre des perspectives de recherche plus prometteuses, précisément parce que cela aide à rendre compte des détours et des hasards de l’histoire. Cette position rappelle ainsi le projet entrepris par la sociologie historique du politique depuis quelques décennies. Outre son insistance sur la nécessité d’une double inscription d’un objet d’étude dans son passé et des phénomènes politiques dans leur contexte social, cette approche refuse en effet « de penser le développement du temps de l’histoire politique de façon linéaire et développementaliste ». Selon Yves

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(2) Abréviation de Lesbien(ne), Gay, Bi et Trans. Il s’agit de l’acronyme généralement utilisé pour qualifier le mouvement homosexuel et, de manière chaque fois plus importante, bisexuel et trans (transgenre et transsexuel). Toutefois, même si j’utilise abondamment ce sigle au cours des pages suivantes dans la mesure où il s’agit de la manière dont se définissent les acteurs, je traite surtout des gays et des lesbiennes dans cette thèse de doctorat. En ce qui concerne la question juridique du mariage, les bisexuel-le-s relèvent des catégories soit homosexuelle soit hétérosexuelle. Il existe par ailleurs des effets de l’ouverture du mariage civil aux couples de même sexe sur les droits des transsexuels, qui seront évoqués ultérieurement.

(3) Sauf mention contraire, le terme « mariage » désignera le mariage civil dans les pages à venir.

(4) Ce regard découle souvent de l’étude de grands processus de transformation des sociétés (sécularisation, individualisation, transformation des rapports de sexe, etc.), qui amène souvent à conclure, au moins implicitement, à l’inévitabilité de la reconnaissance légale des unions de même sexe, voire de l’ouverture du mariage. Par exemple : David John Frank et Elizabeth H. McEneaney, « The Individualization of Society and the Liberalization of State Policies on Same-sex Sexual Relations, 1984 – 1995 », Social Forces, vol. 77, n° 3, 1999, p. 911 – 943.

(5) Daniel Borrillo (dir.), Homosexualités et droit : De la tolérance sociale à la reconnaissance juridique, Paris : Presses universitaires de France, 1998.

(6) Kees Waaldijk, « Civil Developments : Patterns of Reform in the Legal Position of Same-Sex Partners in Europe », Canadian Journal of Family Law, vol. 17, n° 1, 2000, p. 62 – 88.

(7) Michel Foucault, L’ordre du discours, Paris : Gallimard, 1971, p. 61.

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Déloye, la sociologie historique du politique souhaite « rester attentive aux incertitudes de l’histoire, aux phases de « dévolution », aux moments de conflit et de désordre. Et, ce faisant, elle doit laisser à l’action individuelle ou collective la possibilité de faire l’histoire dont trop d’auteurs ont tendance aujourd’hui à proclamer la fin.

Elle doit aussi apprendre à ne pas rendre compte des processus et des mécanismes qu’elle analyse uniquement à partir de leurs seuls résultats » (8).

Ces changements récents au sein de l’agenda LGBT, la recherche d’une institutionnalisation du couple et l’émergence de la question du droit au mariage, posent donc question. Comment des exigences dédaignées quelques décennies auparavant sont-elles soudainement devenues des revendications prioritaires ? Qu’impli- quent-elles exactement en termes de contenu, d’acteurs et de stratégies ? Ces quelques interrogations structurent mon propos. Toutefois, c’est la question de savoir pourquoi la demande d’accès au droit au mariage a été pri- vilégié en Belgique, en France et en Espagne – les États au coeur de cette étude – qui sera centrale. En effet, si les revendications relatives au statut légal des couples se sont progressivement répandues sur les cinq conti- nents, le droit au mariage n’a pas été demandé partout, ni au même moment. Dans certains États, telle la Grande-Bretagne, la revendication maritale a été relativement faible et n’a pas mobilisé la majorité des asso- ciations LGBT (9). Dans d’autres pays comme le Danemark ou la Suède, le choix de demander le mariage est récent et l’élaboration d’un partenariat lui a longtemps été préférée, imprimant une autre cadence dans l’agenda militant (10). Par conséquent, tant la Belgique que la France et l’Espagne font figure de cas particuliers.

Si, à l’instar des Pays-Bas, des États-Unis ou du Canada (11), la question du droit au mariage y a été posée très tôt, ces trois pays se distinguent de ceux-ci par une chronologie propre et un discours aux accents singuliers.

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(8) Yves Déloye, Sociologie historique du politique, Paris : La Découverte, 2007 (troisième édition [édition originale : 1997]), p. 100.

(9) Sur les développements récents sur le couple en Grande-Bretagne, Jeffrey Weeks, « Le partenariat civil, un compromis très british », in Virginie Descoutures, Marie Digoix, Éric Fassin et Wilfried Rault (dir.), Mariages et homosexualités dans le monde:

L’arrangement des normes familiales, Paris : La Découverte, 2008, p. 45 - 61.

(10) Sur le Danemark, Birgitte Søland, « A Queer Nation ? The Passage of the Gay and Lesbian Partnership Legislation in Denmark, 1989 », Social Politics, vol. 5, n° 1, 1998, p. 48 – 69 . Sur la Norvège, Ruth Halvorsen et Annick Prieur, « Le droit à l’indifférence : le mariage homosexuel », Actes de la recherche en sciences sociales, n° 113, 1996, p. 6 – 15. Sur la Suède : Hans Ytterberg, « From Society’ Point of View, Cohabitation Between Two Persons of the Same Sex is a Perfectly Acceptable Form of Family Life » : A Swedish Story of Love and Legislation », in Robert Wintemute et Mads Andenaes (éds), Legal Recognition of Same-Sex Partnership : A Study of National, European and International Law, Oxford : Hart Publishing, 2001, p. 427 – 436. Sur l’ensemble des pays scandinaves : Marie Digoix, « Le concept nordique d’égalité entre différenciation et

universalisme », in Virginie Descoutures et al., op. cit., p. 18 -33 et Jens Rydström, « Legalizing Love in a Cold Climate : The History, Consequences and Recent Developments of Registered Partnership in Scandinavia », Sexualities, vol. 11, n° 1 – 2, 2008, p. 193 – 226.

(11) Sur les Pays-Bas, Hans van Velde, Nederland kent geen homohuwelijk: Een tweetalig boekje over de openstelling van het burgelijk huwelijk in Nederland, [Best: Gay Krant], 2002. Pour une histoire juridique, Kees Waaldijk, « Partnerschapsregistratie en huwelijk : toenemende rechtsgelijkheid voor geslachtsgelijke partners en hun kinderen », in H. Lenters et al., De familie geregeld ? (preadvies Koninklijke Notariële Beroepsorganisatie), Lelystad: Vermande 2000, p. 121-183 et Id., « Small Change:

How the Road to Same-Sex Marriage Got Paved in the Netherlands », in Robert Wintemute et Mads Andenæs (éds), op. cit., p. 437 - 464. Sur le Canada, Sylvain Laroque, Mariage gai: Les coulisses d’une révolution sociale, Montréal : Flammarion Québec, 2005 ; Miriam Smith, « Framing Same-Sex Marriage in Canada and the United States : Goodridge, Halpern and the National Boundaries of Political Discourse », Social and Legal Studies, vol. 16, n°1, 2007, p. 5 – 26 et Id., « The Politics of Same-Sex Marriage in Canada and the United States », PS: Political Science and Politics, vol. 38, n° 2, p. 225 - 228. Audrey L’Espérance, « La mobilisation judiciaire des groupes autour des lois relatives à la reconnaissance des unions homosexuelles : les cours et la prise de décision au Canada et aux États-Unis », in Actes du IIème congrès des associations francophones de science politique, Québec : Université Laval, 25 et 26 mai 2007. Sur les États-Unis, George Chauncey, Why Marriage ? The History Shaping Today’s Debate over Gay Equality, New York : Basic Books, 2004 et Éric Fassin, « Homosexualité et mariage aux États-Unis », Actes de la recherche en sciences sociales, vol. 125, n° 1, 1998, p. 63 – 73.

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Pour cette raison, la question qui guide ma réflexion sera la suivante : pourquoi, dans des pays a priori si différents, les associations gayes et lesbiennes ont abouti aux mêmes revendications et pourquoi l’adoption de ces dernières a suivi un rythme relativement similaire ?

1. l’étude de convergences revendicatives

La question au départ de cette thèse conduit à s’interroger sur les convergences entre la Belgique, la France et l’Espagne au niveau des politiques LGBT. Comme l’a écrit Colin J. Bennett dans un article fon- dateur, la notion de convergence désigne « un processus de « devenir » plutôt qu’une condition d’ « être » plus semblables : « Converger signifie se déplacer de différentes positions vers un point commun » (12). Selon Chris- toph Knill, elle décrit « n’importe quel accroissement des similarités entre une ou plusieurs caractéristiques d’une politique donnée (…) à travers un ensemble donné de juridictions (institutions supranationales, États, régions, autorités locales) au cours d’une période de temps déterminée. La convergence de politique publique décrit donc le résultat final d’un processus de changement de politique publique au cours du temps vers un point commun » (13). La prise en compte de l’évolution historique des objets d’analyse est par conséquent fondamentale et le parcours de la revendication d’ouverture du mariage est pour cette raison examinée depuis ses origines, à la fin des années 1980. Cette étude est complétée par des renvois historiques à des périodes plus anciennes, destinés à mieux comprendre l’histoire du militantisme LGBT et de l’homosexualité.

Dans la littérature, ce concept a été principalement utilisé pour étudier les politiques publiques et a souvent servi, à l’heure de l’Europe et de la mondialisation, à explorer la similitude croissante des politiques adoptées et/ou de leurs résultats dans différents pays. Or, je pose la question des convergences à un autre niveau, ce qui crée une différence essentielle. Je m’interroge avant tout sur l’élaboration des revendications par les mouvements sociaux, ce qui situe ma réflexion en amont de la confection des politiques publiques.

Dans la mesure où la question des convergences a été rarement posée dans cette littérature (où elle a surtout été examinée comme une conséquence potentielle des processus de diffusion (14)), ce changement de regard m’oblige à adopter une approche hybride. Pour cette raison, j’ai construit une grille d’analyse qui emprunte aussi des éléments à l’analyse des politiques publiques et aux relations internationales. En outre, la nouveauté de mon sujet en science politique, qui se traduit par un nombre particulièrement restreint de travaux, m’a conduit à franchir les frontières de ma discipline, surtout en direction de l’histoire et de la sociologie.

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(12) Colin J. Bennett, « What Is Policy Convergence and What Causes it ? », British Journal of Political Science, vol. 21, n° 2, 1991, p. 6.

(13) Christoph Knill, « Introduction : Cross-national policy convergence : concepts, approaches and explanatory factors », Journal of European Public Policy, vol. 12, n° 5, 2005, p. 768.

(14) Voir chapitre 3.

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2. une comparaison internationale et transnationale

L’étude des convergences implique une approche de politique comparée. Elle suppose en effet d’étudier l’évolution d’un objet donné dans trois pays distincts, ici l’émergence et la consolidation de la revendication d’ouverture du mariage. Comme je l’ai indiqué précédemment, il s’agit plus précisément de comprendre comment, dans trois pays a priori très différents, le mouvement LGBT a évolué au cours du temps vers des exigences très similaires. Certes, la Belgique, la France et l’Espagne partagent toutes les trois des racines catholiques et un Code civil inspiré du Code Napoléon. Cependant, ces pays se distinguent par exemple par la structuration du système et du jeu politiques, les rapports entre État et mouvements sociaux ou l’histoire de l’homosexualité, trois éléments cruciaux pour l’objet étudié. On se trouve donc face à des pays contrastés. Pour cette raison, il paraît logique d’emprunter la méthode proposée par Mattei Doggan et Dominique Pelassy dans la mesure où celle-ci repose sur la confrontation de cas choisis pour leur différence (15).

Ce travail s’inspire toutefois davantage de la méthode du most different systems design (MDSD) (16), avant tout parce que ce dispositif de recherche est plus élaboré et qu’il précise la relation posée entre ce qui est étudié et ce qui sert à l’expliquer. Cette méthode compare en effet des systèmes extrêmement différents, sauf au niveau des variables dépendantes et indépendantes. C’est leur répétition dans les différents cas qui permet de postuler une relation entre elles. Cette méthode implique donc, selon les termes de Giovanni Sartori, d’étudier « des systèmes qui sont aussi différents que possible, mais qui ne diffèrent pas en ce qui concerne le phénomène étudié » (17). Cette méthode, parfois assimilée à la méthode des concordances de John Stuart Mill (18), a été conceptualisée en 1970 par Adam Prezworski et Henry Teune (19). Elle a notamment été utilisée par Theda Skocpol dans States and Social Revolutions pour comparer la Chine, la France et la Russie, même si la chercheure américaine ne l’a pas fait en ces termes (20). Elle appréhende en effet ces trois États comme des États extrêmement différents dans lesquels une révolution aux caractéristiques relativement simi- laires a eu lieu et dont les périodes d’Ancien Régime présentaient également de nombreux points communs.

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(15) Même s’il faut indiquer plusieurs différences par rapport à cette approche, notamment en ce qui concerne l’exemplarité et le caractère prototypique des cas choisis et l’objectif d’identifier sur cette base les spécificités de certaines aires géographiques.

Mattei Doggan et Dominique Pelassy, Sociologie politique comparative, Paris : Economica, 1982, p. 146 – 153. Voir aussi Mamoudou Gazibo et Jane Jenson, La politique comparée : Fondements, enjeux et approches théoriques, Montréal : Presses de l’Université de Montréal, 2004, p. 62.

(16) Timothy C. Lim, Doing Comparative Politics : An Introduction to Approaches and Issues, Boulder : Lynne Riener, 2005, p. 41 – 44 ;Todd Landman, Issues and Methods in Comparative Politics : An Introduction, Londres – New York : Routledge, 2000, p. 27 – 32 ; Jonathan Hopkin, « Comparative Methods », in David Marsh et Gerry Stoker (éds),

Theory and Methods in Political Science, Basingstoke : Palgrave, 2002, p. 254 – 255.

(17) Giovanni Sartori, « Comparing and Miscomparing », Journal of Theoretical Politics, vol. 3, n° 3, 1991, p. 250

(18) Daniel-Louis Seiler, La méthode comparative en science politique, Paris : Armand Colin, 2004, p. 115 – 117.

(19) Adam Przeworski et Henry Teune, The Logic of Social Inquiry, Malabar : Krieger, 1982 (édition originale : 1970), p. 34 – 39.

(20) Theda Skocpol se réfère en effet à John Stuart Mill, mais de nombreux praticiens de la MDSD considèrent son travail comme une de ses sources d’inspiration. Par ailleurs, cette chercheure combine cette méthode avec celle de la différence également proposée par Mill (ou la méthode MSSD) quand elle confronte ces trois pays aux cas de l’Angleterre, de la Prusse et du Japon. Theda Skocpol, États et revolutions sociales: La Révolution en France, en Russie et en Chine, Paris: Fayard, 1985.

Voir aussi Theda Skocpol et Margaret Somers, « The uses of comparative history in macrosocial inquiry »,

in Theda Skocpol, Social Revolutions in The Modern World, Cambridge : Cambridge University Press, 1994, p. 80 – 81.

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Ma démarche ne s’arrête cependant pas aux frontières des États étudiés et dépasse, à l’inverse de la plupart des comparaisons internationales, la confrontation des cas belge, français et espagnol. Comme l’indique le titre de ma thèse, elle tente d’intégrer le caractère transnational de ces enjeux et étudie l’influence des contacts et des échanges entre acteurs de ces trois pays sur l’élaboration de la revendication du droit au mariage dans chaque contexte national. Selon Patrick Hassenteufel (21), la « comparaison transnationale » enrichit ainsi la comparaison internationale, notamment en y intégrant les apports de la littérature relative aux convergences et aux transferts de politique publique. Elle bouscule cependant les modes d’analyse tradi- tionnels en politique comparée, tant ceux-ci ont historiquement été organisés à partir et autour de l’État-nation (22). Cette démarche s’inspire aussi de la manière dont le transnational est appréhendé dans les travaux se revendiquant de l’« histoire croisée » (23). Proposée par Michaël Werner et Bénédicte Zimmerman, cette approche historique examine « des objets d’étude variés, dont l’enchaînement ou la nature mêmes sont envisagés sous l’angle du croisement » (24). Reposant sur les notions d’intersection et d’entrecroisement, elle tente de dépasser le caractère figé des comparaisons et des études de transferts en histoire en prônant la mise

« en rapport, souvent à l’échelle nationale, de formations sociales, culturelles et politiques dont on suppose qu’elles entretiennent des relations » (25). Par conséquent, son « point de départ est double : d’une part, le refus de considérer les entités comparées comme étant closes sur elles-mêmes ; d’autre part, la prise en compte du caractère dynamique et actif du croisement. De ce fait, l’histoire croisée ne s’intéresse pas seulement au croi- sement en tant que tel (c’est-à-dire les façons dont il opère), mais aussi à ses effets sur les différentes entités entrecroisées » (26). Dans ce cadre, les défenseurs de ce courant estiment que « le transnational ne peut pas simplement être considéré comme un niveau supplémentaire qui viendrait s’ajouter au local, régional ou national, selon une logique de changement de focale. Il est, au contraire, appréhendé en tant que niveau qui se constitue en interaction avec les précédents et qui génère des logiques, avec des effets en retour sur les autres logiques de structuration de l’espace. Loin d’être limité à une réduction macroscopique, l’étude du niveau transnational révèle un réseau d’interrelations dynamiques dont les composantes sont en partie définies à travers les liens qu’ils maintiennent entre eux et les articulations qui structurent leurs positions» (27).

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(21) Patrick Hassenteufel, « De la comparaison internationale à la comparaison transnationale. Les déplacements de la construction d’objets comparatifs en matière de politiques publiques », Revue française de science politique, vol. 55, n° 1, 2005, p. 113 – 133.

(22) Olivier Giraud, « Le comparatisme contemporain en science politique : entrée en dialogue des écoles et renouvellement des questions », in Michel Lallement et Jan Spurk (dir.), Stratégies de la comparaison internationale, Paris : CNRS Éditions, 2003, p. 105.

(23) Pour des exemples, Julie Carlier, « Réseaux transnationaux et la construction d’une identité collective : transferts oubliés, connexions et conflits dans le cas de la Belgique (vers 1890 – 1918) », in Bérengère Marques-Pereira, Petra Meier et David Paternotte (dir.), Genre et politique transnationale : entre mouvements sociaux et politiques publiques (à soumettre pour publication), Louvain-la-Neuve : Academia Bruylant, 2009 ; Sebastian Conrad, « La constitution de l’histoire japonaise.

Histoire comparée, transferts, interactions transnationales », in Michaël Werner et Bénédicte Zimmerman (dir.), De la comparaison à l’histoire croisée, Paris : Le Seuil, 2004, p. 53- 72.

(24) Michaël Werner et Bénédicte Zimmerman, « Introduction », in Michaël Werner et Bénédicte Zimmerman (dir.), op. cit., p. 7.

(25) Michaël Werner et Bénédicte Zimmerman, « Penser l’histoire croisée : entre empirie et réflexivité », in Michaël Werner et Bénédicte Zimmerman (dir.), op. cit., p. 16. Cet article a été préalablement publié dans Annales. Histoire, sciences sociales (vol. 58, n° 1, 2003). Voir aussi Id., « Beyond Comparison : Histoire croisée and the challenge of reflexivity », History and Theory, vol. 45, n° 1, 2006, p. 30 – 51.

(26) Patrick Hassenteufel, op. cit., p. 123

(27) Michaël Werner et Bénédicte Zimmerman, « Penser l’histoire croisée… », op. cit., p. 28.

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